Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 28 novembre 2013 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2014 — Question préalable

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec l’ensemble des membres du groupe communiste, républicain et citoyen, nous avons pris une décision importante. Nous l’avons prise à contrecœur, mais il s’agit pour nous de témoigner de la gravité de la situation.

Pour la première fois depuis l’élection de François Hollande à la présidence de la République, nous sommes en effet contraints de soutenir une motion tendant à opposer la question préalable sur un texte aussi important qu’un projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous y sommes contraints tant par le contenu du texte que par le contexte.

Comment ne pas nous souvenir qu’en première lecture, après trois jours de débats, le Gouvernement a, par votre voix, madame la ministre, fait le choix de recourir à deux procédures lourdes de conséquences : le vote bloqué et une demande de seconde délibération générale, réécrivant l’ensemble du projet de loi, pour en revenir au texte que vous aviez imaginé ?

Cette décision, mes chers collègues, n’est pas anodine, ni pour notre assemblée ni pour la démocratie.

Madame la ministre, c’est un très mauvais signal que vous avez envoyé – en tordant, en quelque sorte, le cadre constitutionnel – afin que votre gouvernement ne soit pas confronté à la même situation qu’avec les retraites, quand le groupe socialiste a été contraint de voter contre un projet de loi qui, même réécrit, apparaissait comme vôtre.

Certes, la seconde délibération est prévue par l’article 43, alinéa 4, de notre règlement. Il n’en demeure pas moins que son utilisation, aussi large, pour récrire l’ensemble d’un projet de loi, est choquante. Elle est même violente : en la couplant au vote bloqué, vous niez tout à fait le travail et la réalité du Sénat.

Pour justifier le recours à ces deux procédés, vous avez affirmé, madame la ministre, qu’en agissant de la sorte, vous vouliez éviter – ce sont vos propres termes – « un vote qui ne traduisait pas la réalité de cet hémicycle ».

Mais de quelle réalité s’agit-il, si ce n’est que, au Sénat, vous ne disposez pas d’une majorité pour faire aboutir des projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale qui s’inscrivent – et nous le déplorons – dans la continuité de l'action du gouvernement précédent ?

La « réalité de cet hémicycle », c’est celle-là !

Ce que vous avez voulu, en fait, c’est permettre au groupe socialiste de voter pour le projet de loi, quitte à méconnaître au passage le travail de la Haute Assemblée et à supprimer les amendements adoptés sur l’initiative de notre rapporteur général – nous ne les avons pas nécessairement soutenus, mais leur adoption témoignait d’une certaine forme d’accord et de consensus au Sénat.

Cette réalité-là, vous avez également fait le choix de l’ignorer, au point que notre rapporteur général, je le constate, n’a déposé aucun amendement à l’occasion de cette nouvelle lecture. N’est-ce pas indirectement un constat d’échec, les travaux du Sénat n’étant pas reconnus dans les faits ?

Face à cette façon de mener le débat parlementaire, mon inquiétude est grande. En réalité, le Sénat n’est pris en considération que lorsqu’il apporte un soutien indéfectible à la politique du Gouvernement. Ce n’est vraiment pas notre conception de la politique !

Madame la ministre, si je voulais être provocatrice, je dirais que ce processus s’apparente à un vote de confiance, ne laissant pas d’autres choix aux parlementaires que d’être derrière vous, ou contre vous. Et si je dis « parlementaires » et non « sénateurs », c’est à dessein, puisque vous avez eu recours au même procédé à l’occasion de l’examen par les députés du projet de loi portant réforme des retraites – à ceci près qu’à l’Assemblée nationale vous avez, à vous seuls, la majorité absolue. C’est donc contre votre propre camp que vous l’avez utilisé… Et pour cause ! Une partie des députés socialistes sont hostiles à l’article 4 de la loi sur les retraites, qui prévoit le gel des pensions des retraités pendant six mois. Il aura fallu, pour les convaincre de voter le texte final, que vous vous engagiez, au cours de la nouvelle lecture du PLFSS, à revaloriser au 1er avril et au 1er octobre les retraites les plus basses.

Cette annonce nous conduit d’ailleurs à vous interroger sur la manière dont vous entendez financer cette mesure nouvelle. Bien qu’elle soit intervenue durant la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, elle n’a fait l’objet d’aucun amendement tendant à rectifier les dépenses. Pourtant, cette revalorisation devrait entraîner une moindre réduction des dépenses. Nous ne sommes pas opposés à cette mesure, mais le principe de sincérité budgétaire nous conduit à vous demander comment vous allez équilibrer les comptes.

Tout cela m’amène, après être intervenue sur la forme, à considérer le fond, les deux étant étroitement liés, puisque ce sont bien vos options politiques qui vous privent de majorité et vous conduisent à recourir à de tels procédés.

Dans le même temps que vous annonciez la revalorisation des pensions pour les bénéficiaires de l’ASPA, l’allocation de solidarité aux personnes âgées, vous décidiez aussi un « coup de pouce » de 50 euros destiné à permettre aux retraités de souscrire une assurance complémentaire.

Disons-le clairement, dans le contexte actuel, cette mesure est positive, tant le nombre de retraités non couverts par un contrat d'assurance santé complémentaire est important. Les plus modestes renoncent à ces contrats, qu’ils jugent trop onéreux ou que, tout simplement, ils ne peuvent plus financer.

Or l’augmentation de cette l’aide pour l’acquisition d’une assurance complémentaire santé, dite ACS, est financée par le fonds CMU-C, qui n’est lui-même abondé que par les organismes mutualistes ; c’est-à-dire que l’État ne le finance plus. Au final, les seuls à contribuer sont les mutualistes, donc, les salariés !

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