Sans revenir sur le débat, tronqué, que nous avons eu au Sénat en première lecture, mais qui est allé à son terme à l’Assemblée nationale, je ne peux pas vous laisser dire, madame Cohen, que je n’ai pas répondu à vos interrogations ou à vos interpellations.
Le débat a eu lieu. La vérité, c’est que nous n’avons pas la même manière d’aborder les politiques sociales et l’avenir de notre protection sociale. La vérité, c’est que le Gouvernement se refuse à appliquer une politique qui se contente de nouveaux prélèvements – quand ils étaient nécessaires, ils ont bien été décidés -, sans engager des réformes de fond. Retraite, politique familiale, assurance maladie, c’est à ces transformations de fond que le Gouvernement s’est attelé.
J’admets que nous ayons un débat sur le fond. Ce débat, je l’ai mené au Sénat et à l’Assemblée nationale, mais aussi en dehors des hémicycles du Parlement, et nous l’avons dans le pays. Je ne puis donc pas vous laisser me reprocher, sur la forme, un quelconque refus du débat.
En revanche, j’assume, oui, la volonté du Gouvernement de proposer une politique visant à répondre de façon responsable aux exigences financières, mais dans un cadre de solidarité et de justice. C’est que nous ne pouvons soutenir des objectifs en matière sociale que si nous faisons en sorte, dans le même temps, de rétablir l’équilibre de nos comptes sociaux.
La question n’est pas de savoir si nous devons ou non rétablir l’équilibre des comptes sociaux, dans un contexte qui rend ce rétablissement difficile, étant entendu qu’il est plus simple d’affecter aux politiques sociales des ressources lorsque celles-ci augmentent, en période de croissance. La question est bien plutôt de savoir si pouvons-nous accepter que les générations futures non seulement paient, mais assument, elles, la nécessité de répondre de manière plus appropriée aux besoins sociaux qui s’expriment dans le pays.
Aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes certes confrontés à une exigence financière, mais également à la nécessité d’adapter nos politiques sociales. Nous ne saurions faire comme si la seule stratégie devait être l’immobilisme et le déversement de ressources toujours plus importantes pour répondre à des besoins qui évoluent.
En matière de retraite, nous savons que les carrières professionnelles se diversifient et qu’il faut en tenir compte.
En matière d’assurance maladie, nous savons que le grand défi est celui de la proximité dans les parcours de soins et d’une hospitalisation maîtrisée.
En matière de politique familiale, nous savons que nous devons répondre aux besoins de conciliation entre vie professionnelle et vie familiale.
Un pacte social fort, pour être accepté, pour être vivant, pour être durable, doit s’atteler aux défis d’aujourd’hui et ne pas simplement reproduire les réponses apportées aux défis d’hier. À défaut, nous ne parviendrions pas à convaincre les Français que nous sommes en phase avec leurs préoccupations.
Je le dis clairement, je ne suis pas en accord avec votre démarche. Le débat de nouvelle lecture ne peut donc pas se poursuivre dans cet hémicycle, il n’est d’ailleurs pas allé très loin en première lecture, même si nous y avons passé plusieurs jours, le rejet de la partie concernant les recettes nous ayant privés de l’examen des politiques que nous portons, qu’il s’agisse de l’assurance vieillesse – même si nous en avons débattu dans le cadre du texte sur les retraites –, de la politique familiale ou de l’assurance maladie.
J’émets donc un avis défavorable sur la motion que vous présentez, mais il s’agit d’un avis de principe, le débat portant au fond sur la nature des politiques sociales et sur la conception de la protection sociale que nous voulons mettre en œuvre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement revendique la protection sociale, mais une protection sociale modernisée !