Intervention de Christiane Taubira

Réunion du 28 novembre 2013 à 15h00
Questions d'actualité au gouvernement — Délai de prescription en matière d'agressions sexuelles

Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice :

Madame la sénatrice, vous évoquez un sujet profondément douloureux. Je connais votre implication et celle de nombre de vos collègues dans ce dossier, ainsi que la constance de votre engagement.

Nous devons trouver une solution satisfaisante et durable. La campagne de sensibilisation que le Gouvernement a engagée et les dispositions pratiques que nous avons prises pour faciliter le dépôt des plaintes concernent aussi ces victimes. Il est important que nous créions les conditions pour que la victime parle le plus tôt possible.

Vous évoquez le rapprochement du régime de prescription de celui d’un délit financier, l’abus de biens sociaux. Celui-ci, par nature, repose sur la dissimulation : il est donc logique que le délai de prescription coure à compter de la révélation du délit.

En ce qui concerne les agressions sexuelles, qui relèvent des délits, le délai de prescription est effectivement de trois ans à compter de la date où les faits ont été commis. En ce qui concerne les mineurs, le délai de prescription est de dix ans, et de vingt ans pour les faits plus graves, notamment les viols. Il court à compter du jour où la victime atteint l’âge de la majorité.

Vous proposez d’instaurer une imprescriptibilité. Les faits sont incontestablement graves. Cependant, ils ne peuvent être comparés ni à un génocide ni à un crime contre l’humanité, si dramatiques que soient les traumatismes et les violences subis par les victimes. Nous ne pouvons pas non plus confondre le régime des mineurs et celui des majeurs, les mineurs n’étant pas en état de porter plainte au moment où sont commises ces agressions.

Enfin, vous proposez d’instituer un crime unique. Cela irait à l’encontre du principe de proportionnalité qui sous-tend notre droit.

Néanmoins, je suis d’accord avec vous sur le fait que le régime des prescriptions est complexe, quelque peu touffu, et qu’il peut parfois donner l’apparence de comporter des contradictions. C’est pourquoi le Gouvernement a déjà commencé à travailler sur la modification des règles de prescription. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ce sujet ici même, à propos de trois textes différents. Nous avançons, et je peux vous assurer que nous attachons une attention particulière aux agressions sexuelles, à ces actes absolument intolérables commis contre des enfants, filles ou garçons, contre des femmes. Nous devons aussi faire reculer l’acceptabilité sociale de ces crimes. §

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