La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Le Sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique se tiendra la semaine prochaine. Je salue l’initiative du Président de la République d’organiser dans ce cadre un segment consacré à l’éléphant §et à la biodiversité africaine, le braconnage et le trafic d’ivoire ayant des liens clairement identifiés avec les enjeux de paix et de sécurité dans la région.
Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement et Interpol, la criminalité contre la faune représente de 15 milliards à 20 milliards de dollars chaque année, ce qui en fait le quatrième plus important trafic illégal, derrière ceux de la drogue, des êtres humains et des armes.
Ce type de trafic existe évidemment aussi en Europe et en France. Selon le rapport de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, l’OCLAESP, en 2012, 1 084 infractions pour des atteintes aux espèces protégées ont été constatées, soit une augmentation de près de 50 % par rapport à 2011.
Au vu de la gravité et de l’urgence de la situation, la France se donne-t-elle les moyens d’agir ?
Le Sénat a adopté au mois de mai dernier, sur mon initiative, lors de la discussion de la loi du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable, un amendement visant à faire reconnaître les infractions commises en bande organisée, au sens de l’article 132-71 du code pénal, pour permettre l’alignement de la qualification du trafic d’espèces protégées sur celle des trafics d’armes et de drogue.
Nous avons donc ouvert une voie vers un durcissement de notre action répressive contre les trafiquants. Mais les avancées doivent être confirmées, et nous observons aujourd’hui quatre difficultés majeures.
La première concerne la cohérence du dispositif législatif. La nouvelle qualification ne permet pas, par exemple, l’accès aux techniques spéciales d’enquête applicables à la lutte contre d’autres types de criminalité organisée.
La deuxième difficulté est relative aux moyens. L’OCLAESP s’est vu affecter quinze nouveaux agents, mais, compte tenu de la diversité des champs couverts par cet office, parmi lesquels les déchets, l’environnement et même le dopage, le nombre de fonctionnaires se consacrant à la défense de la biodiversité reste très faible.
La troisième difficulté a trait à la coordination des différents services – du ministère de l’intérieur, du ministère de l’écologie, des douanes –, sachant que l’on peut s’interroger sur les moyens de contrôle dont disposent les administrations décentralisées, dans un contexte global de fragilisation des moyens de la police environnementale en France que nous déplorons fortement.
Enfin, la coordination avec Interpol est un aspect important. Basé à Lyon, cet organisme se mobilise aujourd’hui sur ces enjeux.
Monsieur le ministre, devant une telle situation, quels moyens vous donnez-vous pour faire respecter la loi, en vous appuyant sur la qualification de trafic d’espèces protégées en bande organisée ? §
Lutter contre les trafics que vous avez évoqués, c’est d’abord lutter contre les réseaux. C’est cette réalité que le nouvel article L. 415-6 du code de l’environnement, adopté sur votre initiative, nous permet de combattre.
Il est primordial de pouvoir réprimer de manière très dissuasive le trafic des espèces protégées, notamment lorsqu’il est commis en bande organisée. La sanction pénale peut désormais atteindre sept ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende et s’accompagner de la saisie des avoirs criminels. Mais il est exact que des marges de progrès existent encore, en particulier s’agissant des moyens d’enquête. Le Gouvernement en est pleinement conscient.
Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière, qui est en cours d’examen, prévoit des techniques spéciales d’enquête au profit des douaniers, des policiers et des gendarmes, afin de lutter aussi contre les trafics d’espèces menacées. Désormais, les forces de l’ordre et la douane pourront utiliser les mêmes méthodes de surveillance, d’infiltration, de sonorisation et de captation des données informatiques que pour lutter contre la délinquance et la criminalité organisées.
Je ne doute pas que vous-même et votre groupe soutiendrez le recours à ce type de techniques, utiles pour lutter contre la délinquance et respectueuses des libertés fondamentales.
Les enquêteurs de l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique du ministère de l’intérieur et les douaniers disposeront donc d’un arsenal juridique performant pour lutter contre la délinquance que l’on peut qualifier d’« environnementale ». Cela est d’autant plus important que l’OCLAESP bénéficie du soutien d’un réseau de 350 enquêteurs spécialisés de la gendarmerie, répartis sur l’ensemble du territoire métropolitain et ultramarin. Ils entretiennent des contacts riches et fréquents avec l’ensemble des administrations centrales et déconcentrées compétentes sur ces sujets. Nous avons d’ailleurs fait le choix de renforcer cet organisme en créant quinze postes supplémentaires.
Vous l’avez rappelé, ces trafics sont essentiellement transnationaux. Le travail de l’OCLAESP s’appuie donc sur le réseau diplomatique de nos quatre-vingts attachés de sécurité intérieure, et les liens noués avec Interpol sont importants.
Enfin, vous l’avez indiqué, une table ronde sur la lutte contre le braconnage d’éléphants et autres espèces protégées et contre le trafic d’ivoire se tiendra en marge du Sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique, le 5 décembre prochain.
Comme vous le voyez, nous avons conscience du problème, et nous voulons avancer. §
Sur l’initiative de Jean-Marc Ayrault, des consultations viennent de débuter en vue d’une réforme de la fiscalité qui, aux premières nouvelles, concernera seulement les salariés, et non le capital. En d’autres termes, la question de la fiscalité appliquée aux entreprises et celle de la taxation des revenus financiers seraient éludées. Pourtant, il s’agit là d’un enjeu majeur pour notre pays et pour l’emploi.
Bénéficiant déjà de 120 milliards d’euros par an de niches fiscales et d’exonérations de cotisations sociales, dont l’effet sur l’emploi est des plus limités, certaines entreprises, notamment les plus grandes, les plus connues ou les plus luxueuses, sont devenues expertes en matière d’optimisation fiscale. D’autres, ainsi que certains grands patrons, vont jusqu’à franchir le Rubicon et organisent une véritable évasion fiscale en se soustrayant illégalement à l’impôt, pour accroître leur fortune personnelle ou celle de leurs actionnaires.
Ces pratiques antisociales et antirépublicaines sont lourdes de conséquences pour nos concitoyens. Elles privent l’État et la sécurité sociale de recettes pourtant très nécessaires. Pour vous donner un seul chiffre, le montant de la fraude fiscale et sociale s’élève à 180 milliards d’euros, dont au moins 50 milliards d’euros au seul titre de la TVA. Ce sont autant de recettes qui pourraient soutenir l’emploi ; au lieu de cela, on assiste à des licenciements boursiers ou à des fermetures de sites, dans l’industrie comme dans le commerce.
J’en donnerai deux exemples scandaleux, qui ont des répercussions dans mon département : Unilever a fermé quatre sites et supprimé 1 700 emplois en France depuis la création de l’USCC en Suisse ; Gary Klesch a coulé Kem One, anciennement Arkema – 1 300 emplois sont concernés –, en neuf mois, pour renflouer ses comptes à Jersey.
Monsieur le ministre, alors que les fermetures de sites et les plans de licenciements se multiplient et que vous expliquez aux salariés qu’ils doivent faire des efforts, qu’entendez-vous faire réellement, concrètement et en urgence pour mettre fin aux fléaux que constituent la fraude et l’évasion fiscales des plus riches et de certaines entreprises ? Pouvez-vous enfin porter à la connaissance de nos concitoyens la liste des évadés fiscaux ? §
Madame la sénatrice, dans un État de droit, il n’est pas possible de communiquer la liste des évadés fiscaux.
Le secret fiscal ne permet pas de diffuser de telles informations. En revanche, les rapporteurs généraux et les rapporteurs spéciaux des assemblées peuvent avoir accès à la totalité des éléments dont nous disposons en la matière.
Le secret fiscal n’est pas un outil de dissimulation : c’est l’assurance que, dans le cadre d’une procédure contradictoire, chacun pourra faire valoir ses droits.
Vous insistez sur la nécessité de lutter avec force contre la fraude fiscale. Le Gouvernement a repris, dans les dispositions qu’il fait adopter depuis de nombreux mois, une grande partie des propositions formulées par un sénateur de votre groupe, M. Éric Bocquet.
Ce sont ainsi près de soixante mesures de lutte contre la fraude fiscale des entreprises et l’optimisation fiscale qui ont été arrêtées par le Gouvernement depuis dix-huit mois. Elles visent en particulier à éviter la déduction des intérêts en France et le transfert des bénéfices à l’étranger ou à rendre obligatoire la transmission de la comptabilité analytique. Je citerai également l’inversion de la charge de la preuve en cas de transfert de bénéfices, le dispositif législatif présenté par Christiane Taubira et moi-même tendant à durcir considérablement les sanctions pénales à l’encontre des entreprises qui fraudent. Pour 2014, nous attendons 2 milliards d’euros de recettes au titre de la lutte contre la fraude fiscale. Ce serait un montant très important au regard des chiffres constatés les années précédentes.
D’ailleurs, la circulaire prise au moins de juin a conduit plus de 6 000 contribuables français à déposer des dossiers auprès de l’administration fiscale en vue de régulariser leur situation. C’est davantage qu’au cours des trois dernières années réunies, ce qui donne à penser que nous pourrions dépasser notre objectif de recettes au titre de la lutte contre la fraude fiscale.
Nous sommes déterminés à lutter contre les fraudeurs et à compléter notre arsenal législatif et juridique en la matière. Jamais un gouvernement n’a lutté aussi résolument contre la fraude fiscale ! §
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Hier, la cour d’appel de Paris a confirmé la légalité du licenciement d’une salariée de la crèche associative Baby-Loup, au motif que celle-ci refusait d’ôter son voile islamique sur son lieu de travail, en dépit du règlement intérieur de la crèche et des avertissements de sa direction. L’affaire paraît simple. Pourtant, elle ne l’est pas, à cause de l’imbroglio judiciaire.
Elle a débuté dès 2008 et a donné lieu à plusieurs renversements de jurisprudence. Hier encore, l’avocat de la plaignante a annoncé son intention de poursuivre le parcours judiciaire, y compris devant les juridictions européennes. Ce marathon judiciaire est absurde. Si la réponse juridique est si complexe, c’est parce que la loi n’est pas claire. Et si la loi n’est pas claire, il incombe au législateur de la préciser, dans le respect du principe de laïcité.
Pour des femmes et des hommes attachés à la République et à ses valeurs d’émancipation, comme le sont les radicaux et comme doivent l’être tous les vrais républicains, défendre la laïcité est un devoir ; plus encore, c’est un honneur ! Ne laissons pas des imposteurs s’en emparer et la détourner pour s’attaquer aux fondements de la République.
Avec mes collègues du RDSE, et sur l’initiative de Françoise Laborde, nous avons déposé une proposition de loi, qui a été adoptée en 2012 par le Sénat, avec le soutien notamment du groupe socialiste. Ce texte institue le cadre nécessaire à l’obligation de neutralité religieuse dans les crèches. Comment contester que le principe de laïcité y a, comme dans toutes les écoles et dans toutes les entreprises publiques, toute sa place ?
Monsieur le ministre, il est temps d’agir ! Il faut une loi qui tranche très clairement cette question. Ne laissons plus aux seuls juges le soin d’apporter des réponses variables et circonstancielles. Il faut sortir de ce qui ressemble à une stratégie d’attente et de fuite ! Il ne faut plus sous-estimer les mécanismes de remise en cause de la laïcité dans certains territoires de notre République. Le courage et l’esprit de responsabilité nous commandent d’agir.
Ma question est simple : le Gouvernement va-t-il accepter de confier au Parlement la charge de protéger la laïcité et d’apporter une solution législative à une question qui ne doit plus se poser, ni à Chanteloup-les-Vignes ni ailleurs ? Pourquoi ne pas permettre à notre proposition de loi, déjà adoptée par le Sénat, d’être examinée au plus vite par les députés ? À moins que vous ne préfériez, monsieur le ministre, présenter un projet de loi ? En tout état de cause, il faut élaborer sans tarder une loi de la République sur ce sujet : c’est la seule réponse qui vaille !
Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées de l’UMP.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.
La cour d’appel de Paris, dans son arrêt d’hier, a en effet considéré que le licenciement de la salariée de la crèche Baby-Loup était régulier, celle-ci n’ayant pas respecté l’obligation de neutralité imposée par le règlement intérieur de l’entreprise, règlement que la cour d’appel a jugé suffisamment précis et dont les restrictions lui sont apparues justifiées par la nature de la tâche confiée et proportionnées au but recherché, sans porter atteinte à la liberté religieuse et sans être discriminatoires.
La cour d’appel de renvoi a donc pris une décision différente de celle qui avait été rendue par la Cour de cassation le 19 mars 2013. Vous comprendrez qu’il n’appartient pas, à ce stade, au Gouvernement de commenter une décision de justice, d’autant qu’un nouveau pourvoi en cassation est possible et pourrait aboutir à un arrêt d’assemblée plénière.
Cette difficulté d’interprétation du droit est l’un des éléments qui avaient justifié, pour le Gouvernement, la saisine dès le mois d’avril dernier de l’Observatoire de la laïcité par le Président de la République. Au terme d’une réflexion approfondie et après avoir mené une concertation élargie, l’Observatoire de la laïcité a remis un avis très étayé, qui conclut à ce que le droit actuel permet de répondre aux interrogations posées par les acteurs de la petite enfance, qu’ils relèvent du domaine public ou du secteur privé. Selon cet avis, une nouvelle loi n’est pas nécessaire.
Il revient maintenant naturellement au Gouvernement d’arrêter sa position. Conformément à sa volonté initiale et conforté par cet avis, le Gouvernement va poursuivre sa réflexion dans un esprit d’apaisement, de responsabilité, avec le souci constant du respect des valeurs de la République.
Il nous revient de retrouver les chemins du rassemblement des énergies et de l’apaisement des tensions. Le Premier ministre indiquera, le moment venu, les initiatives que le Gouvernement entend prendre pour encadrer le fait religieux dans les structures qui assurent une mission d’accueil des enfants. §
Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget.
Hier, le Sénat a rejeté le projet de budget. Ce matin, il a confirmé son rejet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Selon nous, il y a trop d’impôts, trop de taxes, pas assez de baisse de la dépense publique. §
Entre le « ras-le-bol » fiscal relevé par M. Moscovici et la pause fiscale souhaitée par le Président de la République, vous avez fait trop d’annonces, de promesses, alors que les Français, à la lecture de leur avis d’imposition, ne voient ni pause fiscale ni réduction de l’impôt. Quant à l’engagement du Premier ministre d’engager une réforme fiscale, c’est évidemment un leurre.
En réalité, sans baisse massive des dépenses publiques, il ne peut pas y avoir de diminution de l’impôt. On peut ainsi, durant tout le quinquennat, promettre beaucoup et ne pas tenir grand-chose…
Choc du verbe et promesses prévalent également en matière de chômage. Voilà quelques mois, le Président de la République annonçait l’inversion de la courbe du chômage, mais on continue de détruire des emplois, notamment industriels, de manière massive, les plans sociaux se multiplient, les délocalisations se poursuivent, …
Le Président de la République, ce matin, ne semblait plus tout à fait d’accord avec lui-même, c’est le moins que l’on puisse dire ! Il a affirmé qu’il y aurait une inversion de la courbe du chômage « un jour », le problème étant de savoir quel jour…
Sourires sur les travées de l'UMP.
En réalité, c’est toujours pareil : le choc du verbe d’un côté, la réalité concrète, immédiate, de l’autre.
Monsieur le ministre, manifestement, la boîte à outils a disparu ou elle a été enterrée dans le jardin ; manifestement, il n’y a plus de solution miracle ; manifestement, la situation de la France continue d’être pire que celle de ses voisins. Eux se redressent. Nous, nous sommes en berne, pour l’investissement, pour l’emploi, pour la fiscalité !
Je n’aurai pas la cruauté, monsieur le ministre, de demander, comme certains députés socialistes l’ont fait hier encore, quand nous allons changer de gouvernement. §
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le sénateur Karoutchi, je vous remercie de vos propos tout en nuances
Souriressur les travées du groupe socialiste.
Vous évoquez trois sujets : la fiscalité, la dépense et l’emploi.
En ce qui concerne la dépense, vous considérez qu’elle est insuffisamment maîtrisée aujourd'hui.
Je vous rappellerai quelques chiffres, car eux seuls sont à même de nous mettre d’accord.
Sous le gouvernement auquel vous avez participé, …
En pourcentage, elle s’est accrue, entre 2002 et 2012, de plus de 2 % par an en moyenne.
Le projet de budget que vous avez rejeté hier prévoit une diminution de 1, 5 milliard d’euros des dépenses de l’État, dans le cadre d’un effort d’économie de 15 milliards d’euros.
M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce n’est pas assez, dites-vous, monsieur Karoutchi ? Voilà qui est intéressant à entendre : 15 milliards d’euros en un an, ce n’est pas assez, mais lorsque le gouvernement que vous souteniez proposait 10 milliards d’euros d’économies en trois ans, c’était beaucoup !
Applaudissements
En ce qui concerne les impôts, monsieur Karoutchi, ils ont augmenté de 20 milliards en 2011, de 20 milliards en 2012, …
Quand le gouvernement auquel vous apparteniez a augmenté les impôts, il a pris un certain nombre de mesures, telles que la désindexation du barème de l’impôt sur le revenu ou la suppression de la demi-part des veuves, qui ont considérablement accru les inégalités.
Pour notre part, nous réindexons le barème de l’impôt sur le revenu, nous augmentons le revenu fiscal de référence, nous mettons en place une décote et nous créons les conditions d’une augmentation de la pression fiscale de 1 milliard d’euros si l’on neutralise l’effet de la lutte contre la fraude fiscale, soit vingt fois moins que le dernier budget préparé par Mme Pécresse ! §Voilà la réalité !
En ce qui concerne l’emploi, durant le précédent quinquennat, 750 000 emplois industriels ont été détruits.
(M. Roger Karoutchi s’exclame.) et que nous faisons de la lutte contre le chômage, pour l’emploi, la croissance et le redressement de notre appareil productif la priorité du quinquennat !
Applaudissements
Je vous confirme que l’objectif d’inverser la courbe du chômage à la fin de l’année est bien maintenu §sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Ma question s'adresse à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice. Elle concerne la prescription des violences sexuelles, agressions et viols.
Le 25 novembre dernier, au cours de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, le Gouvernement a lancé une campagne pour permettre la libération de la parole des victimes. En revanche, il n’y a aucune avancée pour une autre forme de violence à la fois différente et proche, la violence sexuelle.
Celle-ci, en effet, s’exerce le plus souvent sur des enfants, filles ou garçons, majoritairement dans le cadre familial ou proche, à une période de la vie où la victime est dans l’incapacité presque totale de la dénoncer. Une femme sur quatre, un homme sur six sont victimes de violences sexuelles au cours de leur vie. Cela concerne des milliers d’enfants chaque jour.
Les victimes enfouissent ce souvenir, qui ressort quelquefois de longues années plus tard sous forme de maladies auto-immunes ou de troubles psychologiques très violents. La présidente de l’association Stop aux violences sexuelles, le docteur Violaine Guérin, nous dit que la violence sexuelle réalise le meurtre de l’âme et affecte négativement la vie des êtres humains qui en sont victimes. C’est un véritable crime contre l’humain et l’humanité.
Certaines victimes vont présenter une amnésie traumatique. C’est le cas, par exemple, de Cécile, une femme de 41 ans, violée à l’âge de 5 ans par son cousin. Malgré l’expiration d’un délai légal de prescription, cette victime a tenu à porter plainte. Devant la Cour de cassation, le 6 novembre dernier, son avocat a souligné la différence de traitement entre les victimes de violences sexuelles et les victimes d’abus de biens sociaux, ces dernières bénéficiant d’une prescription courant à partir du moment où les faits sont révélés. Notre législation considère donc que ce meurtre psychologique est moins important que les abus qui portent sur les biens matériels.
Quand allez-vous nous soumettre, madame la ministre, un projet de loi pour que la prescription des violences sexuelles soit traitée a minima comme celle des abus de biens sociaux ? Pourquoi ne pas envisager une imprescriptibilité ? Compte tenu du fait qu’une agression sexuelle ou un viol causent des dégâts psychologiques identiques, peut-on espérer qu’ils ne constituent plus qu’un seul crime, celui de violences sexuelles ? §
Madame la sénatrice, vous évoquez un sujet profondément douloureux. Je connais votre implication et celle de nombre de vos collègues dans ce dossier, ainsi que la constance de votre engagement.
Nous devons trouver une solution satisfaisante et durable. La campagne de sensibilisation que le Gouvernement a engagée et les dispositions pratiques que nous avons prises pour faciliter le dépôt des plaintes concernent aussi ces victimes. Il est important que nous créions les conditions pour que la victime parle le plus tôt possible.
Vous évoquez le rapprochement du régime de prescription de celui d’un délit financier, l’abus de biens sociaux. Celui-ci, par nature, repose sur la dissimulation : il est donc logique que le délai de prescription coure à compter de la révélation du délit.
En ce qui concerne les agressions sexuelles, qui relèvent des délits, le délai de prescription est effectivement de trois ans à compter de la date où les faits ont été commis. En ce qui concerne les mineurs, le délai de prescription est de dix ans, et de vingt ans pour les faits plus graves, notamment les viols. Il court à compter du jour où la victime atteint l’âge de la majorité.
Vous proposez d’instaurer une imprescriptibilité. Les faits sont incontestablement graves. Cependant, ils ne peuvent être comparés ni à un génocide ni à un crime contre l’humanité, si dramatiques que soient les traumatismes et les violences subis par les victimes. Nous ne pouvons pas non plus confondre le régime des mineurs et celui des majeurs, les mineurs n’étant pas en état de porter plainte au moment où sont commises ces agressions.
Enfin, vous proposez d’instituer un crime unique. Cela irait à l’encontre du principe de proportionnalité qui sous-tend notre droit.
Néanmoins, je suis d’accord avec vous sur le fait que le régime des prescriptions est complexe, quelque peu touffu, et qu’il peut parfois donner l’apparence de comporter des contradictions. C’est pourquoi le Gouvernement a déjà commencé à travailler sur la modification des règles de prescription. J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer ce sujet ici même, à propos de trois textes différents. Nous avançons, et je peux vous assurer que nous attachons une attention particulière aux agressions sexuelles, à ces actes absolument intolérables commis contre des enfants, filles ou garçons, contre des femmes. Nous devons aussi faire reculer l’acceptabilité sociale de ces crimes. §
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
Madame la ministre, le Congrès des maires vient de s’achever. Il a permis de mesurer à quel point les maires sont légitimement préoccupés par le transfert des communes aux intercommunalités de la compétence en matière d’urbanisme. Le Premier ministre lui-même mesure toute l’importance de cette question. Il a rappelé aux maires son attachement à la solution de compromis élaborée par le Sénat lors de l’examen en première lecture du projet de loi ALUR pour l’accès au logement et un urbanisme rénové.
L’obligation d’élaborer un plan local d’urbanisme à l’échelon intercommunal était perçue par les élus, notamment ceux des petites communes, comme une forme de dépossession d’une de leurs compétences régaliennes. Conscient de cette situation, le Sénat a pleinement exercé son rôle de représentant des collectivités locales en redonnant le pouvoir de décision aux maires. Il a ainsi adopté à une large majorité une position de compromis visant à permettre à un quart des communes membres d’un établissement public de coopération intercommunale, représentant au moins 10 % de la population, de s’opposer au transfert de cette compétence à l’échelon intercommunal.
Cette solution est à l’évidence équilibrée. J’irai même plus loin, en disant que ce compromis est finalement une avancée par rapport à l’état du droit existant, comme l’a souligné l’Association des maires ruraux de France. En effet, n’oublions pas que la loi Grenelle adoptée sous la précédente majorité avait autorisé le transfert de la compétence « urbanisme » à l’EPCI par un vote à la majorité qualifiée des communes membres de ce dernier.
La solution d’équilibre adoptée par le Sénat revient sur cette logique, puisqu’elle introduit une minorité de blocage au profit des plus petites communes. Madame la ministre, convaincue vous-même du bien-fondé de ce compromis, vous l’avez soutenu et vous vous êtes engagée en séance publique à ne pas y revenir en deuxième lecture.
Je vous en remercie infiniment.
Les maires attendent des garanties sur ce sujet extrêmement important pour eux. Un compromis existe aujourd’hui : pouvez-vous nous assurer qu’il sera préservé ? §
La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
Monsieur le sénateur, vous avez rappelé l’un des éléments importants du volet urbanisme du projet de loi ALUR : l’instauration de plans locaux d’urbanisme intercommunaux, les PLUI, qui était envisagée de longue date. C’est un sujet important. Il s’agit de permettre aux élus d’exercer pleinement une compétence que beaucoup d’entre eux n’assurent pas aujourd'hui, puisque près de 40 % des communes relèvent du règlement national d’urbanisme. Le Gouvernement souhaite apporter un appui, y compris financier, aux intercommunalités qui décideront de se doter d’un PLUI.
Monsieur le sénateur, je tiens à saluer le rôle important que vous avez joué en tant que rapporteur du projet de loi. Le sujet a suscité chez les maires des inquiétudes qui, si elles m’ont parfois paru un peu excessives, n’en étaient pas moins parfaitement légitimes. Le Sénat a adopté le dispositif que vous avez rappelé : le PLUI sera la règle, mais les élus ne souhaitant pas, pour des raisons qui leur appartiennent, le transfert à l’échelon intercommunal de la compétence en matière d’urbanisme pourront s’y opposer.
Cela n’enlève rien à la nécessité du travail intercommunal sur ce sujet, dans le respect des élus locaux et de chaque commune dont témoignent tous les PLUI déjà élaborés. Nous avons intégré des dispositions garantissant qu’aucun maire, aucune commune ne pourra être contraint par l’élaboration d’un tel document.
Des engagements ont été pris à l’égard du Sénat. Le Gouvernement a soutenu l’amendement adopté sur votre initiative par la commission des affaires économiques afin de rassurer les maires qui craignent de se voir imposer un document par l’intercommunalité. J’insiste sur la volonté extrêmement constructive qui sous-tend l’instauration du PLUI. Comme je m’y suis déjà engagée à plusieurs reprises devant vous, je défendrai votre solution devant l’Assemblée nationale. J’espère que cette position, qui est partagée par le Premier ministre, sera maintenue. §
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.
Monsieur le ministre, l’édition d’hier du Monde soulignait l’étonnante unité transpartisane contre la mise en application de la loi relative à l’élection des conseillers départementaux, notamment contre l’institution du curieux tandem paritaire, ce nouvel élu à deux têtes sur un même territoire, mais surtout contre le redécoupage cantonal. En effet, force est de constater qu’un bon tiers des découpages proposés par les préfets recueillent des avis défavorables des assemblées départementales, même lorsqu’elles sont dominées par votre majorité. La Nièvre ne fait pas exception, non plus que mon département, l’Aisne, que je prendrai ici pour exemple.
Dans l’Aisne, seuls les parlementaires ont été informés par le préfet des grands principes de l’élaboration de la carte, le président du conseil général bénéficiant, semble-t-il, d’une écoute différenciée… Le projet de découpage n’a été communiqué à l’ensemble des élus qu’une petite semaine avant l’assemblée plénière. Il laisse pantois tous les maires.
Cette méthode ne peut qu’éveiller la méfiance des élus minoritaires. J’ai réalisé une projection à partir des résultats du dernier scrutin présidentiel dans ce département tenu par votre majorité, qui détient deux tiers des sièges au conseil général : vingt-huit sur quarante-deux. Que voit-on ? Avec le découpage actuel, votre majorité remporterait vingt-trois sièges, contre dix-neuf à l’opposition ; nous ferions donc presque jeu égal. Avec le découpage que vous proposez, il n’y aurait plus que vingt et un cantons, et votre majorité remporterait les trois quarts des sièges : quinze, contre six à l’opposition. §
Voilà un résultat bien troublant… Vous ne pouvez cacher les conséquences politiques de ce redécoupage, qui vise sans nul doute à vous assurer une majorité de sièges au conseil général et un contrôle sans partage du département.
Par ailleurs, la division par deux du nombre de cantons – leur superficie sera parfois multipliée par quatre – va de facto raréfier l’offre de services publics, en particulier dans les milieux ruraux. Vous annonciez la désertification certaine de nos territoires lorsque l’ancienne majorité proposait la création du conseiller territorial, mais, en divisant par deux le nombre de cantons, vous leur portez le coup de grâce ! Quelle jolie pirouette, monsieur le ministre !
Les territoires ruraux seront non seulement sous-représentés, mais aussi sous-dotés.
L’ultime conséquence de votre redécoupage sera la disparition de nombreux chefs-lieux. Or le titre de bourg-centre rendait les communes concernées éligibles à la dotation de solidarité rurale, ce qui leur permettait d’assumer une partie des charges de centralité et d’aménagement du territoire, liées au maintien d’une agence postale, d’une perception, d’une caserne de sapeurs-pompiers, de collèges et d’autres équipements jouant un rôle économique et de service aux populations essentiel en zone rurale.
Même si vous avez récemment annoncé le maintien de l’éligibilité à la dotation de solidarité rurale de ces communes jusqu’en 2017, qu’en sera-t-il après cette date ? Monsieur le ministre, ma question est simple : si nous avons bien compris que vous aviez pleine conscience des avantages électoraux que devrait vous apporter le redécoupage cantonal, avez-vous aussi conscience de tous les effets négatifs qu’il aura sur la vie des territoires ? Si oui, quel cynisme ! Nous ne pouvons le croire… §
M. Manuel Valls, ministre. Est-ce acceptable ? Non. Demain, avec le scrutin binominal, elles seront vingt et une.
Applaudissements
La loi du 17 mai 2013 apporte des réponses que je crois concrètes. Elle instaure la parité dans les élections départementales. Elle vise également à faire en sorte que la voix de chacun de nos concitoyens ait la même valeur. Quel que soit le type de découpage, ces principes constitutionnels doivent s’appliquer.
Un travail est réalisé dans chaque département à partir de critères connus : ceux que le Conseil constitutionnel a définis dans sa jurisprudence et qu’il a rappelés après avoir été saisi par vos soins. Le premier principe, c’est la prise en compte de la démographie, pour garantir l’égalité du suffrage. Le remodelage s’appuie sur la carte des EPCI lorsque la configuration le permet. C’est nettement le cas dans le département de l’Aisne.
Les principes sont transparents. Ils sont connus de tous. Nous consultons effectivement les présidents de conseil général. Nous recevons également les parlementaires qui le demandent. À ce jour, cinquante-cinq projets de découpage ont été transmis aux conseils généraux, et trente-six votes sont déjà intervenus.
Le Conseil d'État examine ensuite chacune des propositions faites, au regard des principes inscrits dans la loi et dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Sur les trente-deux projets transmis au Conseil d'État, vingt-quatre ont déjà été approuvés à ce jour. Je peux ainsi vous indiquer que le Conseil d'État a validé le projet de décret relatif à la nouvelle carte cantonale de l’Aisne, se bornant à y apporter une modification marginale portant sur une seule commune, au titre du respect du critère démographique.
Vous le voyez, le remodelage de la carte cantonale se fait dans le strict respect de la loi et des principes fixés par le Conseil constitutionnel : la loi, rien que la loi ! §
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation.
Il y a bien longtemps que les élus locaux, et singulièrement les maires, se plaignent de l’inflation des normes et réglementations qui entravent trop souvent leur action. Il en résulte une perte d’efficacité qui pénalise nos territoires.
Cette préoccupation a été largement évoquée au cours des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat en 2012. Les conclusions adoptées alors ont fait émerger une logique globale dont la mise en œuvre vient de monter en puissance avec l’annonce par le Premier ministre, lors de son intervention devant le Congrès des maires, de la nomination d’un médiateur des normes, qui du reste fait suite à la création du Conseil national d’évaluation des normes par la loi du 17 octobre 2013.
La mise en place de ce dispositif est, à l’évidence, la manière la plus efficace de répondre à une demande ancienne des élus locaux, en réalisant le choc de simplification promis par François Hollande.
Le médiateur des normes aura pour responsabilité de dénouer les situations bloquées entre collectivités territoriales et administrations centrales. Dans un contexte où de telles situations tendent à se multiplier, il est important de définir le plus rapidement possible le dispositif.
Ma question sera simple, madame la ministre : dans quels délais et avec quels moyens le médiateur des normes pourra-t-il accomplir sa mission ? §
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.
Monsieur le sénateur, vous avez rappelé le poids des normes dans notre pays et souligné le problème que représente leur inflation. Je ne citerai que deux chiffres : on dénombre 400 000 normes, qui induisent une charge financière de près de 1, 2 milliard d'euros pour les collectivités territoriales au titre de la seule année 2012.
Le Président de la République a pris l’engagement que vous avez rappelé. Je voudrais saluer le travail accompli par la Haute Assemblée, qui a notamment adopté à l’unanimité, le 7 octobre dernier, la proposition de loi de Mme Gourault et de M. Sueur.
Le Conseil national d’évaluation des normes sera installé dans les meilleurs délais, dès que le décret d’application aura été publié.
Cela étant, deux mesures nouvelles ont été prises sans attendre.
D'une part, depuis le 2 avril 2013, sur décision du Premier ministre, toute création d’une norme doit s’accompagner de la suppression d’une autre. Cela fait partie des mesures de simplification annoncées par le Premier ministre, qui sont d’ores et déjà, je puis vous l’assurer, mises en œuvre.
D'autre part, le Premier ministre a annoncé le 19 novembre dernier, devant le Congrès des maires, sa décision de demander à votre ancien collègue Alain Lambert d’accepter la fonction de médiateur des normes. Il assurera une mission de médiation entre les collectivités locales et l’administration, pour faciliter le dialogue sur les décisions difficiles qui risqueraient d’imposer des contraintes techniques et financières aux collectivités.
Sachez que le décret de nomination d’Alain Lambert sera pris dans les semaines qui viennent. Il pourra s’appuyer, comme le Conseil national d’évaluation des normes, sur l’ensemble du dispositif de l’État pour accomplir sa mission. §
Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement.
Après six mois d’attente, le rapport de l’Inspection générale des finances, l’IGF, sur la mise en place de la garantie universelle des loyers a enfin été dévoilé.
Malheureusement, ce document de travail, indispensable à un examen approfondi du projet de loi ALUR pour l’accès au logement et l’urbanisme rénové, a été rendu public non par le Gouvernement, mais par la presse.
Cependant, nous comprenons, à la lecture de ce rapport, pourquoi le Gouvernement n’a pas fait œuvre de transparence. En effet, il étrille la mesure phare du projet de loi. L’Inspection générale des finances, comme le Conseil d’analyse économique avant elle, émet les mêmes critiques à l’encontre de la garantie universelle des loyers que celles qui ont été formulées par notre groupe lors de l’examen du projet de loi.
De fait, pour financer votre dispositif, vous présentez deux solutions, mais aucune n’est la bonne.
La première solution est de mettre en place une taxe affectée, mais, comme le souligne l’IGF, elle présente un véritable risque d’inconstitutionnalité au regard du principe d’égalité devant l’impôt. La création de cette taxe affectée viendrait de surcroît s’ajouter à la trop longue liste des hausses d’impôts, dont le Gouvernement s’est fait une spécialité, comme l’a rappelé tout à l’heure notre collègue Roger Karoutchi.
La seconde solution est de financer cette garantie universelle des loyers par des fonds publics.
À cet égard, il convient de regarder la vérité en face.
D’abord, l’assiette des loyers à garantir représente 50 milliards d’euros. L’IGF a été claire : si le Gouvernement ne revoit pas sa copie, le taux d’impayés atteindra 4 %, et le coût du dispositif 1, 5 milliard d’euros.
Ensuite, dernière preuve que le principe même de la garantie universelle des loyers n’est pas réaliste, l’IGF propose noir sur blanc, dans son rapport, d’exclure du champ de la garantie les locataires dont le taux d’effort est supérieur à 40 %.
Madame la ministre, si d’aventure vous vous risquiez à persévérer dans votre erreur, vous n’auriez que deux solutions : augmenter les impôts…
La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.
Le groupe de travail parlementaire sur la garantie universelle des loyers associe l’ensemble des familles politiques. Le dispositif repose sur un principe très simple, celui de la solidarité et de la mise en œuvre de nos valeurs républicaines, et vise trois objectifs.
Le premier objectif est la sécurisation des propriétaires, afin de lever un des freins à la mise en location d’une partie du parc privé.
Le deuxième objectif est l’accès au logement. Aujourd’hui, nous le savons, les jeunes, notamment, mais aussi toutes les personnes en situation de précarité, rencontrent d’extrêmes difficultés pour accéder au logement, en raison des garanties supplémentaires demandées par les propriétaires.
Enfin, le troisième objectif, à mon sens décisif, est la prévention des expulsions.
La garantie universelle des loyers est le résultat d’années de réflexion et de travaux préalables, menés par les différentes majorités. Elle fait suite au Loca-pass, au pass GRL et à la GRL, la garantie des risques locatifs, mise en place par mon prédécesseur Benoist Apparu, qui avait d’ailleurs lui-même reconnu que si ce dispositif, qui s’adressait plus particulièrement aux salariés précaires, était insuffisant, il faudrait l’élargir et l’universaliser, pour permettre de sécuriser le parcours résidentiel. C’est ce chantier que nous avons ouvert.
Monsieur le sénateur, vous avez fait une lecture partielle du rapport de l’IGF, dont le travail est intéressant, parce qu’il nous permet justement d’identifier un certain nombre de risques. Par ailleurs, son analyse objective montre que le procès en sorcellerie qui a été intenté à ce dispositif est infondé, l’envolée des prix annoncée par les uns et les autres ne correspondant à aucune réalité.
C’est bien sur un dispositif socle, robuste, qui concernera l’ensemble des locataires du parc privé, mais aussi l’ensemble des propriétaires, que nous travaillons.
Quant à son financement, j’ai déjà indiqué que, notamment pour les raisons que vous pointez, mais aussi pour d’autres, nous avions abandonné l’idée de la création d’une taxe, même partagée entre les propriétaires et les locataires. Nous travaillons à l’heure actuelle sur d’autres pistes de financement. À cet égard, il faut savoir que l’ensemble des aides publiques au logement représentent quelque 40 milliards d’euros. Il me semble que nous pourrions utilement travailler sur une réaffectation pertinente d’une partie de ces sommes.
Monsieur le sénateur, n’ayez donc aucune inquiétude sur la mise en œuvre de la garantie universelle des loyers.
Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation.
Le Congrès des maires de France vient de se terminer. Faisant écho aux préoccupations du Gouvernement, il avait pour thème : protéger, rassembler, construire ; construire, ou plutôt reconstruire, vu l’état du pays lorsque nous sommes arrivés aux affaires.
Contrairement à ce que nous promettaient les médias, l’accueil réservé au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui fut maire durant trente-cinq ans, n’a rien eu à voir avec l’agitation ayant prévalu lorsque François Fillon s’était adressé aux maires en 2011.
C’est que nous sommes des gens corrects, ce qui n’est pas le cas de tout le monde !
Le Premier ministre, à cette occasion, a annoncé de nombreuses mesures confortant la place et le rôle éminents de la commune dans le redressement de notre pays et le maintien du lien social entre nos concitoyens en cette période de crise.
Vous-même, madame la ministre, avez dialogué, dans un climat attentif et respectueux, avec les maires, qui sont conscients des exigences du nécessaire redressement du pays et convaincus que la page de la stigmatisation des élus est à présent tournée.
Néanmoins, la reconfiguration des périmètres des cantons, inchangés depuis plus d’un siècle, a engendré un certain nombre de craintes, habilement orchestrées.
Aussi souhaiterais-je vous poser deux questions.
La première porte sur la dotation de solidarité rurale « bourg-centre ». Dans la mesure où, en milieu rural, les nouveaux cantons résulteront de la fusion de plusieurs anciens cantons, qu’adviendra-t-il de cette dotation dont bénéficiaient les chefs-lieux de canton actuels ?
La seconde question concerne les services publics. Je sais que vous partagez l’idée que les services publics de l’État sont l’un des principaux leviers permettant d’assurer l’égalité et la solidarité des territoires. La révision générale des politiques publiques a durement affecté les territoires, en réduisant ou en supprimant les services publics. Le maillage de ceux-ci sur la base des chefs-lieux de canton en a également pâti. Dans mon département, l’Aveyron, qui est aussi le vôtre, madame la ministre, les écoles rurales ont perdu plus de 120 postes d’enseignant, quatorze postes de gendarme ont été supprimés en dix ans au sein de la compagnie de gendarmerie de Saint-Affrique et les antennes locales de France 3 ont été regroupées, au détriment de leur mission de proximité.
Pouvez-vous, madame la ministre, nous confirmer que la reconfiguration des périmètres des cantons ne sera pas l’occasion d’une remise en cause de la présence des services publics dans nos territoires ruraux, comme ce fut le cas sous le précédent gouvernement ? §
La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la décentralisation.
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur et cher ami
Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.
Si le Congrès des maires s’est déroulé dans un climat harmonieux, c’est probablement parce que le Premier ministre a tenu à apporter un certain nombre d’assurances et du réconfort à des élus dont certains s’étaient sentis peut-être mal aimés et délaissés.
En ce qui concerne le devenir de la dotation de solidarité rurale pour les bourgs-centres à la suite du redécoupage cantonal, la date qui sera prise en compte pour l’attribution de cette dotation est le 1er janvier 2016, pour effet en 2017. Par ailleurs, le Premier ministre s’est engagé à ce que les conditions d’attribution de la dotation de solidarité rurale ne soient pas modifiées, même après 2017.
En ce qui concerne les services publics – tous les services publics, et pas seulement ceux de l’État –, Mme Lebranchu, Mme Duflot et moi-même travaillons, dans le cadre de l’élaboration du projet de loi relatif à l’égalité des territoires et du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, à une meilleure répartition des services publics sur l’ensemble du territoire. D’ores et déjà, l’engagement a été pris de mettre en place 1 000 maisons de services publics dans les années qui viennent – aujourd’hui, il s’en crée à peu près 320 par an –, grâce à l’allocation d’un budget de 35 millions d’euros.
Par ailleurs, M. le ministre de l’intérieur a déjà annoncé la création de 500 emplois dans les services de police et de gendarmerie l’année prochaine.
Ce sont là, me semble-t-il, autant d’éléments de nature à vous rassurer…
Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. … sur la volonté du Gouvernement de servir l’équilibre du territoire.
Applaudissements
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.
J’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte commun sur le projet de loi de finances pour 2014.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 27 novembre prennent effet.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 3 décembre 2013 :
À quatorze heures trente :
1. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification du traité entre la République française et la Fédération de Russie relatif à la coopération dans le domaine de l’adoption (n° 114, 2013-2014) ;
Rapport de Mme Joëlle Garriaud-Maylam, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 176, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 177, 2013-2014).
2. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, transposant la directive 2013/1/UE du Conseil du 20 décembre 2012 modifiant la directive 93/109/CE en ce qui concerne certaines modalités de l’exercice du droit d’éligibilité aux élections au Parlement européen pour les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils ne sont pas ressortissants (n° 118, 2013-2014) ;
Rapport de M. Jean Yves Leconte, fait au nom de la commission des lois (n° 137, 2013-2014) ;
Texte de la commission (n° 138, 2013-2014).
À vingt et une heures trente :
3. Débat sur la sécurité sociale des étudiants.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à seize heures.