Intervention de Marc Massion

Réunion du 27 novembre 2013 à 9h30
Loi de finances pour 2014 — Article 41 et participation de la france au budget de l'union européenne

Photo de Marc MassionMarc Massion :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rapporte devant vous la contribution française au budget de l’Union européenne dans le projet de loi de finances pour 2014. Cette contribution prend la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État. L’article 41 du projet de loi de finances pour 2014 évalue ce prélèvement, qui est voté chaque année, à 20, 14 milliards d’euros, soit une augmentation notable par rapport au prélèvement voté pour 2013 : la contribution française augmente en effet de 540 millions d’euros, c'est-à-dire de 2, 7 %, et cette augmentation fait suite à une progression de 720 millions d’euros respectivement en 2012 et en 2013.

Je commencerai cette présentation en évoquant le cadre financier pluriannuel, le CFP, 2014-2020, également appelé « perspectives financières », qui a finalement été adopté par le Parlement européen le 19 novembre dernier, à une nette majorité : 537 voix pour et 126 voix contre. Le CFP 2014-2020 est largement issu d’un accord du Conseil européen des 7 et 8 février 2013, accord qui a été obtenu au terme de longues négociations, qui se sont déroulées en 2012 et en 2013. Il fixe le nouveau CFP, en euros constants, à 960 milliards d’euros en crédits d’engagement et à 908, 4 milliards d’euros en crédits de paiement. En euros courants, le CFP prévoit 1 082, 55 milliards d’euros en crédits d’engagement et 1 023, 95 milliards d’euros en crédits de paiement. L’écart atteint donc 58, 6 milliards d’euros.

Je relève que cet écart de près de 60 milliards d’euros contribuera à aggraver l’état déjà préoccupant du stock de restes à liquider, ou RAL. Ces derniers correspondent aux engagements de l’Union européenne non encore couverts par des paiements. Ce stock de RAL devrait s’élever à 225 milliards d’euros à la fin de l’année 2013, et il est probable qu’il continuera à augmenter à partir de l’année prochaine sans qu’aucune mesure soit prise pour contrer cette évolution dangereuse. Monsieur le ministre, je me permets de vous demander quelles propositions la France entend formuler en la matière. Il s’agit en effet de l’une de nos préoccupations constantes, à Jean Arthuis et à moi-même.

La structure du nouveau CFP s’inscrit dans une certaine continuité avec le CFP 2007-2013. Seules trois rubriques connaissent des variations importantes : la rubrique 1a, « Compétitivité pour la croissance et l’emploi », qui croît de 58 % ; la rubrique 3, « Sécurité et citoyenneté », en augmentation de 45 % ; la rubrique 5, « Administration », qui croît de 25 %.

Les négociations entre le Conseil et le Parlement européen n’ont pas tant porté sur les montants globaux des rubriques ou la structure des dépenses, qui a peu évolué pendant les négociations, que sur l’établissement d’une flexibilité en crédits d’engagement et en crédits de paiement entre les années et les rubriques. De nouveaux instruments de flexibilité ont ainsi été introduits : la marge globale pour les paiements, la marge globale en faveur de la croissance et de l’emploi, la flexibilité pour faire face au chômage des jeunes et renforcer la recherche, et, enfin, la marge pour imprévus.

Je me félicite tout particulièrement que le CFP 2014-2020 ait prévu la création du Fonds européen d’aide aux plus démunis, le FEAD, qui est appelé à succéder au Programme européen d’aide alimentaire aux plus démunis, le PEAD. Ce fonds fera désormais partie de la sphère de la politique de cohésion – rubrique 1b –, alors que le financement du PEAD relevait jusqu’ici de la politique agricole commune, la PAC.

La dotation du PEAD s’élevait à 500 millions d’euros par an depuis 2009, mais, dans le CFP 2014-2020, les crédits consacrés au FEAD seront portés à un niveau maximal de 557 millions d’euros par an : 2, 8 milliards d’euros y sont en effet dédiés sur sept ans. Les États membres auront la possibilité de compléter cette allocation à hauteur de 1, 1 milliard d’euros. Pour mémoire, en 2013, quatre associations organisent la distribution des produits financés par le PEAD en France : la Fédération française des banques alimentaires, les Restos du cœur, le Secours populaire français et la Croix-Rouge française.

J’en arrive maintenant à la négociation budgétaire communautaire pour l’année 2014, qui a abouti avec le vote du Parlement européen en séance plénière, le 19 novembre dernier. Comme à l’accoutumée, mes chers collègues, l’avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne au printemps. Cette dernière a proposé une baisse de 6 %, c'est-à-dire de 142 milliards d’euros, des crédits d’engagement par rapport à 2013. Les hausses ne concernent que la rubrique 1a, « Compétitivité pour la croissance et l’emploi », dont les crédits augmentent de 3, 3 %. Les réductions visent surtout la rubrique 1b, consacrée à la politique de cohésion, dont les crédits diminuent de 13, 5 %, et les rubriques 3 et 4, dont les crédits diminuent respectivement de 9, 4 % et 12, 5 %. Les crédits de paiement affichent quant à eux une hausse de 2, 1 %, pour atteindre 136 milliards d’euros.

Le projet de budget adopté par le Conseil en septembre 2013 se veut plus rigoureux. Cette pratique est habituelle, mais elle prend pour la troisième année consécutive un sens encore plus significatif, dans le contexte des efforts exigés en matière d’assainissement des finances publiques nationales et de stratégie de retour à l’équilibre budgétaire. Des coupes ont ainsi été réalisées en crédits d’engagement, à hauteur de 310 millions d’euros, et surtout en crédits de paiement, à hauteur de 1, 06 milliard d’euros. Ces coupes ont principalement pour origine la préoccupation d’une discipline budgétaire renforcée, qui a été exprimée par de nombreux États membres.

Enfin, je souligne que le Parlement européen a voté en séance plénière, le 23 octobre 2013, un budget très proche des propositions initiales de la Commission. Il prévoit ainsi, pour 2014, une baisse de 5, 5 % des crédits d’engagement et une hausse de 2, 2 % des crédits de paiement.

J’indique également que les négociations entre les deux branches de l’autorité budgétaire dans le cadre de la phase de conciliation prévue par le traité de Lisbonne ont abouti le 11 novembre 2013, et que le Parlement européen a voté en séance plénière, le 19 novembre dernier, le compromis issu du comité de conciliation. Le texte final est proche des propositions initiales de la Commission européenne en matière de crédits d’engagement, avec 142 milliards d’euros, mais il est un peu plus restrictif en matière de crédits de paiement : avec 135 milliards d’euros, il rejoint la position du Conseil.

J’en viens à quelques remarques sur l’évolution de notre solde net. La France devrait demeurer en 2014 le deuxième contributeur au budget communautaire, derrière l’Allemagne et devant l’Italie, le Royaume-Uni et l’Espagne. La contribution française représentera 16, 7 % du total des ressources de l’Union européenne ; cette part semble enfin se stabiliser. Cependant, la France n’est plus que le troisième pays bénéficiaire, derrière l’Espagne et la Pologne : elle reçoit un peu plus de 11 % des dépenses de l’Union européenne. Et notre situation, qui se dégrade année après année, est très fragile, puisqu’elle ne résulte que du poids de la PAC, qui représente 75 % des crédits européens dépensés en France.

Si l’on rapporte notre contribution aux dépenses, l’évolution de la situation semble alarmante. Mes chers collègues, notre solde net ne cesse de se dégrader : l’écart entre les sommes versées et les sommes reçues a été multiplié – j’y insiste – par dix-huit en douze ans. Notre solde net dépasse la barre des 7 milliards d’euros par an depuis 2011, ce qui doit nous conduire à nous interroger. Je n’ignore pas les limites inhérentes à la notion de solde net, qui ne retrace qu’imparfaitement les gains économiques, et en aucune façon les gains politiques, que les États membres retirent de leur adhésion à l’Union européenne, mais la situation est tout de même préoccupante ; cela mérite d’être souligné.

Mes chers collègues, en conclusion, et sous réserve de ces différentes observations, je vous recommande, au nom de la commission des finances, d’adopter sans modification l’article 41 du projet de loi de finances pour 2014. Une défaillance serait un manquement à la parole de la France. §

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion