La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Nous allons examiner l’article 41 relatif à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne.
Dans la discussion, la parole est à M. Marc Massion, rapporteur spécial.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rapporte devant vous la contribution française au budget de l’Union européenne dans le projet de loi de finances pour 2014. Cette contribution prend la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État. L’article 41 du projet de loi de finances pour 2014 évalue ce prélèvement, qui est voté chaque année, à 20, 14 milliards d’euros, soit une augmentation notable par rapport au prélèvement voté pour 2013 : la contribution française augmente en effet de 540 millions d’euros, c'est-à-dire de 2, 7 %, et cette augmentation fait suite à une progression de 720 millions d’euros respectivement en 2012 et en 2013.
Je commencerai cette présentation en évoquant le cadre financier pluriannuel, le CFP, 2014-2020, également appelé « perspectives financières », qui a finalement été adopté par le Parlement européen le 19 novembre dernier, à une nette majorité : 537 voix pour et 126 voix contre. Le CFP 2014-2020 est largement issu d’un accord du Conseil européen des 7 et 8 février 2013, accord qui a été obtenu au terme de longues négociations, qui se sont déroulées en 2012 et en 2013. Il fixe le nouveau CFP, en euros constants, à 960 milliards d’euros en crédits d’engagement et à 908, 4 milliards d’euros en crédits de paiement. En euros courants, le CFP prévoit 1 082, 55 milliards d’euros en crédits d’engagement et 1 023, 95 milliards d’euros en crédits de paiement. L’écart atteint donc 58, 6 milliards d’euros.
Je relève que cet écart de près de 60 milliards d’euros contribuera à aggraver l’état déjà préoccupant du stock de restes à liquider, ou RAL. Ces derniers correspondent aux engagements de l’Union européenne non encore couverts par des paiements. Ce stock de RAL devrait s’élever à 225 milliards d’euros à la fin de l’année 2013, et il est probable qu’il continuera à augmenter à partir de l’année prochaine sans qu’aucune mesure soit prise pour contrer cette évolution dangereuse. Monsieur le ministre, je me permets de vous demander quelles propositions la France entend formuler en la matière. Il s’agit en effet de l’une de nos préoccupations constantes, à Jean Arthuis et à moi-même.
La structure du nouveau CFP s’inscrit dans une certaine continuité avec le CFP 2007-2013. Seules trois rubriques connaissent des variations importantes : la rubrique 1a, « Compétitivité pour la croissance et l’emploi », qui croît de 58 % ; la rubrique 3, « Sécurité et citoyenneté », en augmentation de 45 % ; la rubrique 5, « Administration », qui croît de 25 %.
Les négociations entre le Conseil et le Parlement européen n’ont pas tant porté sur les montants globaux des rubriques ou la structure des dépenses, qui a peu évolué pendant les négociations, que sur l’établissement d’une flexibilité en crédits d’engagement et en crédits de paiement entre les années et les rubriques. De nouveaux instruments de flexibilité ont ainsi été introduits : la marge globale pour les paiements, la marge globale en faveur de la croissance et de l’emploi, la flexibilité pour faire face au chômage des jeunes et renforcer la recherche, et, enfin, la marge pour imprévus.
Je me félicite tout particulièrement que le CFP 2014-2020 ait prévu la création du Fonds européen d’aide aux plus démunis, le FEAD, qui est appelé à succéder au Programme européen d’aide alimentaire aux plus démunis, le PEAD. Ce fonds fera désormais partie de la sphère de la politique de cohésion – rubrique 1b –, alors que le financement du PEAD relevait jusqu’ici de la politique agricole commune, la PAC.
La dotation du PEAD s’élevait à 500 millions d’euros par an depuis 2009, mais, dans le CFP 2014-2020, les crédits consacrés au FEAD seront portés à un niveau maximal de 557 millions d’euros par an : 2, 8 milliards d’euros y sont en effet dédiés sur sept ans. Les États membres auront la possibilité de compléter cette allocation à hauteur de 1, 1 milliard d’euros. Pour mémoire, en 2013, quatre associations organisent la distribution des produits financés par le PEAD en France : la Fédération française des banques alimentaires, les Restos du cœur, le Secours populaire français et la Croix-Rouge française.
J’en arrive maintenant à la négociation budgétaire communautaire pour l’année 2014, qui a abouti avec le vote du Parlement européen en séance plénière, le 19 novembre dernier. Comme à l’accoutumée, mes chers collègues, l’avant-projet de budget a été présenté par la Commission européenne au printemps. Cette dernière a proposé une baisse de 6 %, c'est-à-dire de 142 milliards d’euros, des crédits d’engagement par rapport à 2013. Les hausses ne concernent que la rubrique 1a, « Compétitivité pour la croissance et l’emploi », dont les crédits augmentent de 3, 3 %. Les réductions visent surtout la rubrique 1b, consacrée à la politique de cohésion, dont les crédits diminuent de 13, 5 %, et les rubriques 3 et 4, dont les crédits diminuent respectivement de 9, 4 % et 12, 5 %. Les crédits de paiement affichent quant à eux une hausse de 2, 1 %, pour atteindre 136 milliards d’euros.
Le projet de budget adopté par le Conseil en septembre 2013 se veut plus rigoureux. Cette pratique est habituelle, mais elle prend pour la troisième année consécutive un sens encore plus significatif, dans le contexte des efforts exigés en matière d’assainissement des finances publiques nationales et de stratégie de retour à l’équilibre budgétaire. Des coupes ont ainsi été réalisées en crédits d’engagement, à hauteur de 310 millions d’euros, et surtout en crédits de paiement, à hauteur de 1, 06 milliard d’euros. Ces coupes ont principalement pour origine la préoccupation d’une discipline budgétaire renforcée, qui a été exprimée par de nombreux États membres.
Enfin, je souligne que le Parlement européen a voté en séance plénière, le 23 octobre 2013, un budget très proche des propositions initiales de la Commission. Il prévoit ainsi, pour 2014, une baisse de 5, 5 % des crédits d’engagement et une hausse de 2, 2 % des crédits de paiement.
J’indique également que les négociations entre les deux branches de l’autorité budgétaire dans le cadre de la phase de conciliation prévue par le traité de Lisbonne ont abouti le 11 novembre 2013, et que le Parlement européen a voté en séance plénière, le 19 novembre dernier, le compromis issu du comité de conciliation. Le texte final est proche des propositions initiales de la Commission européenne en matière de crédits d’engagement, avec 142 milliards d’euros, mais il est un peu plus restrictif en matière de crédits de paiement : avec 135 milliards d’euros, il rejoint la position du Conseil.
J’en viens à quelques remarques sur l’évolution de notre solde net. La France devrait demeurer en 2014 le deuxième contributeur au budget communautaire, derrière l’Allemagne et devant l’Italie, le Royaume-Uni et l’Espagne. La contribution française représentera 16, 7 % du total des ressources de l’Union européenne ; cette part semble enfin se stabiliser. Cependant, la France n’est plus que le troisième pays bénéficiaire, derrière l’Espagne et la Pologne : elle reçoit un peu plus de 11 % des dépenses de l’Union européenne. Et notre situation, qui se dégrade année après année, est très fragile, puisqu’elle ne résulte que du poids de la PAC, qui représente 75 % des crédits européens dépensés en France.
Si l’on rapporte notre contribution aux dépenses, l’évolution de la situation semble alarmante. Mes chers collègues, notre solde net ne cesse de se dégrader : l’écart entre les sommes versées et les sommes reçues a été multiplié – j’y insiste – par dix-huit en douze ans. Notre solde net dépasse la barre des 7 milliards d’euros par an depuis 2011, ce qui doit nous conduire à nous interroger. Je n’ignore pas les limites inhérentes à la notion de solde net, qui ne retrace qu’imparfaitement les gains économiques, et en aucune façon les gains politiques, que les États membres retirent de leur adhésion à l’Union européenne, mais la situation est tout de même préoccupante ; cela mérite d’être souligné.
Mes chers collègues, en conclusion, et sous réserve de ces différentes observations, je vous recommande, au nom de la commission des finances, d’adopter sans modification l’article 41 du projet de loi de finances pour 2014. Une défaillance serait un manquement à la parole de la France. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je remercie Marc Massion de son intervention, mais je n’en tirerai pas la même conclusion que lui. Je veux tenter de vous en donner les raisons.
Je commencerai par une remarque sur la programmation 2014-2020. Je déplore que la structure du budget communautaire n’ait pas été remise en question à cette occasion : nous avons choisi de reconduire la PAC et les fonds structurels, ainsi que les rabais et les corrections, chaque État membre ayant évidemment défendu ses positions en fonction de ses intérêts bien compris. Au moment où la dépense publique doit plus que jamais répondre à une exigence d’efficacité, une telle inertie est une folie. Mes chers collègues, le budget européen est devenu une cagnotte, mais distribuer de l’argent ne suffit pas à faire une politique !
De même, on a choisi de conserver le système actuel des ressources propres, système complexe, opaque et injuste, avec le rabais britannique, les rabais sur ce rabais, les corrections sur la ressource propre TVA et, enfin, les chèques forfaitaires annuels. Ce système anti-communautaire, qui perpétue des logiques strictement nationales au détriment de toute intégration politique, est même renforcé : le Danemark bénéficiera d’un nouveau rabais sur sa contribution RNB ; les rabais forfaitaires sur la contribution RNB accordés à la Suède et aux Pays-Bas sont augmentés ; l’Autriche a obtenu un nouveau rabais forfaitaire pour sa ressource TVA ; enfin, le « chèque déguisé » en faveur des Pays-Bas, qui concerne essentiellement les droits de douane, est maintenu, même s’il est réduit. Aux Pays-Bas, les frais de perception sur les ressources propres de l’Union européenne que sont les droits de douane s’élevaient à 25 %, alors que les frais réels sont de l’ordre de 2 % du produit fiscal ; il s’agissait donc d’un cadeau au profit de nos amis néerlandais. Ces frais de perception élevés vont certes diminuer, mais ils passeront seulement de 25 % à 20 %.
Au fond, derrière les procédures et l’affichage convenu, le budget communautaire reste un système généralisé de Give my money back !, illustration de la force des égoïsmes nationaux, comme si l’Union européenne était l’addition d’égoïsmes nationaux.
Enfin, le cadre financier pluriannuel 2014-2020 a prévu un écart de 58, 6 milliards d’euros entre les crédits d’engagement et les crédits de paiement. Comme cela a été relevé, cet écart va aggraver le stock inquiétant de « restes à liquider », qui fragilise le budget communautaire. Je souhaite tirer la sonnette d’alarme, monsieur le ministre : à la fin de cette année, le stock de RAL atteindra environ 225 milliards d’euros, et il va continuer à augmenter.
Je rejoins mon collègue Marc Massion dans son interrogation : monsieur le ministre, quelle stratégie la France compte-t-elle défendre auprès de nos partenaires européens pour résoudre ce problème grave ?
J’en arrive maintenant à quelques remarques sur le montant du prélèvement qui est l’objet de notre débat d’aujourd’hui, ainsi que sur l’évolution de son exécution.
Le projet de loi de finances pour 2014 évalue le prélèvement sur recettes au profit du budget de l’Union européenne à 20, 14 milliards d’euros, soit une hausse de 2, 7 % en un an. Je souligne qu’en vingt ans ce montant a été multiplié par cinq.
Cependant, nous savons d’expérience que, au terme de l’exécution 2014, des ouvertures nouvelles de crédits de paiement seront intervenues et que, entre le montant du prélèvement affiché dans le projet de loi de finances et ce qu’il sera finalement, il y aura forcément des écarts.
En 2013, la sous-estimation du prélèvement a ainsi été élevée, puisqu’il s’agit d’un écart d’environ 1, 8 milliard d’euros en exécution, portant notre contribution pour 2013 à plus de 22, 2 milliards d’euros !
Le phénomène des « restes à liquider », dont je viens de parler, explique l’essentiel de ces écarts récents en exécution et laisse planer l’aléa de budgets rectificatifs d’envergure à partir de l’année prochaine.
Vous l’aurez compris, je vous ai rappelé ces données sur les exécutions constatées pour vous dire que l’estimation du prélèvement soumise au vote du Parlement doit être plus précise et plus fiable, monsieur le ministre.
Notre contribution effective excédant régulièrement le montant inscrit en loi de finances initiale, je souhaite donc vous interroger sur l’incidence à venir des « restes à liquider » sur notre contribution nationale non seulement en 2014, mais aussi plus généralement pour les années futures.
Avant de conclure, j’ajouterai quelques mots sur l’avenir de la zone euro qui a fait l’objet d’un rapport que j’ai remis le 6 mars 2012 à François Fillon, alors Premier ministre. Son titre, Avenir de l’euro : l’intégration politique ou le chaos, exprime l’alternative qui demeure.
J’avais à cette occasion formulé quelques propositions, notamment le projet de nomination d’un ministre de l’économie et des finances appuyé sur une véritable direction générale du Trésor européenne, ainsi que la mise en place d’une capacité renforcée de coordination budgétaire de la zone euro. Or j’observe que des avancées en ce sens sont perceptibles, avec par exemple une meilleure harmonisation budgétaire, la mise en place de l’union bancaire, même si beaucoup reste à faire, et, enfin, la montée en puissance d’Eurostat et du Mécanisme européen de stabilité. Ces deux organismes font en effet figure d’embryons de ce que l’on pourrait appeler une direction générale de la comptabilité publique et d’une direction du Trésor de l’Europe.
S’agissant tout d’abord d’Eurostat, je relève que ce service a fortement fait évoluer son rôle à l’occasion de la crise des dettes souveraines. Il propose désormais à la Commission européenne de dresser des amendes en cas de manipulation des statistiques nationales. D’une administration de statisticiens, Eurostat cesse de se consacrer exclusivement à la macroéconomie pour faire sa juste place à la comptabilité publique. Je crois pouvoir affirmer que cet organisme s’érige progressivement en direction générale de la comptabilité publique européenne.
Cette révolution du rôle et de la place d’Eurostat aurait dû être conduite plus tôt, soit dès 1999 pour la création de l’euro, soit après la première crise grecque de 2005, mais l’Allemagne n’a pas voulu réformer les règles d’Eurostat. Elle a eu tort ! Jusqu’au déclenchement de la crise des dettes souveraines, en 2009, les comptes publics étaient réputés souverainement sincères. Il n’était donc pas question d’aller observer ce qui se passait effectivement et de détecter les turpitudes qui pouvaient avoir cours ici ou là. La suite est connue…
Je suis convaincu que cette future direction générale de la comptabilité publique de l’Eurozone, voire de l’Union européenne, qui se dessine du côté d’Eurostat, sera un jalon majeur pour le progrès du gouvernement économique, financier et budgétaire de la zone euro.
J’en viens au Mécanisme européen de stabilité, le MES, et au Fonds européen de stabilité financière, le FESF, dans lesquels je vois les prémices d’une direction générale du Trésor de la zone euro et peut-être bien de l’Union budgétaire européenne.
En effet, lors de mon déplacement à Luxembourg en compagnie de Marc Massion, j’ai été frappé par le fait que ces institutions dirigées par Klaus Regling veillent à se coordonner avec les directions du Trésor des États de l’Eurogroupe. Ainsi, ses émissions de titres font l’objet d’une organisation et d’un calendrier préparé en amont avec l’ensemble des États concernés. Voilà un autre exemple concret de gouvernance européenne des finances publiques, véritable préfiguration – c’est du moins ce que je veux y voir – de l’union budgétaire !
Derrière les 188 milliards d’euros de prêts du FESF et les 700 milliards d’euros de capital du MES, dont 80 milliards sont effectivement appelés et 620 milliards correspondent au capital appelable, se dessine, mes chers collègues, une véritable capacité budgétaire de la zone euro.
La mutualisation des dettes souveraines, si elle advient, passera par le MES, bien que la perspective des eurobonds soit à ce stade plutôt lointaine. Pour le moment, nous devons progresser sur le chantier de l’union bancaire, qui constitue un progrès prometteur.
Le MES devrait en outre rapidement avoir le droit de recapitaliser directement les banques, ce qui le conduira à participer aux conseils d’administration des structures concernées et à y exercer son droit de vote.
Pour conclure mon intervention, je voudrais plaider en faveur d’une plus grande reconnaissance du rôle des parlements nationaux. Dans le système communautaire actuel, les parlementaires nationaux se limitent à autoriser un prélèvement sur les recettes de l’État. Nous ne débattons pas du niveau de ce prélèvement ni de l’usage qui en sera fait au travers des dépenses de l’Union européenne. Une telle situation n’est pas satisfaisante.
Nous devons, mes chers collègues, prendre toute notre place dans la coordination des finances publiques des États membres. À cet égard, j’attends de la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l’Union européenne, qui s’est réunie pour la première fois les 16 et 17 octobre 2013, qu’elle se dote d’un programme de travail ambitieux.
Dans le même ordre d’idée, je propose que nous soyons appelés à voter en loi de finances initiale non seulement notre contribution au budget communautaire, mais aussi la totalité de nos engagements à l’égard de la zone euro, comme notre contribution au MES, directement par apports en capital ou par engagements hors bilan. Les montants en cause s’élèvent respectivement à 16, 3 milliards et à 126, 4 milliards d’euros pour la France. Au total, cela représente 142, 7 milliards d’ici à 2016, soit 20 % de l’ensemble des contributions.
Aussi, mes chers collègues, pour l’heure, je vous recommande de vous abstenir sur l’article 41 du projet de loi de finances pour 2014, de manière à traduire le haut niveau d’exigences que nous formulons à l’égard de l’Union européenne. En tout état de cause, vous l’avez bien compris, notre vote, quel qu’il soit, n’est que symbolique, puisque la contribution de la France résulte des traités et non pas de notre vote.
C’est parce que je crois en l’Europe que je critique son fonctionnement actuel. L’Europe ne peut plus demeurer le miroir de nos turpitudes nationales ; elle a impérativement besoin d’un pilotage politique en phase avec les enjeux de la mondialisation.
Nos souverainetés nationales en matière budgétaire sont devenues illusoires, et ce n’est qu’en partageant ces prérogatives au plan européen que nous retrouverons collectivement notre souveraineté. Alors, assumons ce partage de souveraineté et tirons-en les conséquences pour doter l’Union européenne d’une véritable gouvernance politique. §
La parole est à Mme la vice-présidente de la commission des affaires européennes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le président de la commission des affaires européennes, M. Simon Sutour, m’a confié le soin de m’exprimer au nom de la commission dans ce débat consacré à la contribution que la France prélève sur ses recettes pour participer au budget de l’Union européenne. J’en suis très honorée, d’autant qu’il s’agit d’une première : je tiens donc d’abord à me réjouir que la commission des affaires européennes de notre assemblée ait aujourd’hui voix au chapitre tant ce débat est riche d’enjeux importants non seulement pour notre pays, mais aussi pour l’Europe.
Tout récemment, le Parlement européen et le Conseil ont fini par s’entendre sur le budget 2014 de l’Union européenne : les crédits de paiement seront donc de 135, 5 milliards d’euros et les crédits d’engagement de 142, 6 milliards d’euros l’an prochain, ce qui correspond quasiment à la proposition de la Commission européenne. Parallèlement, et heureusement, un accord final sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020 a aussi pu être dégagé. Nous pouvons en effet nous en réjouir, car, au-delà des inévitables déceptions, le cadre financier pluriannuel participera à la réorientation de l’Europe, à laquelle s’est attelé le Président de la République dès son élection. Il garantit en effet plus de financements pour les politiques en faveur de la croissance et de la protection des plus fragiles : ainsi, la politique de la recherche, grâce au programme Horizon 2020, la politique de la mobilité, qui dépassera le seul champ de l’éducation grâce au nouveau programme Erasmus +, le Fonds social européen, soit autant de programmes déterminants pour l’emploi, se verront consacrer davantage de fonds. De plus, la lutte contre le chômage des jeunes bénéficiera pour la première fois d’une ligne budgétaire identifiée.
Je tiens sur ce point à souligner la mobilisation de la France, laquelle vient d’accueillir un sommet européen pour l’emploi des jeunes. Rappelons que 6 milliards d’euros ont été dégagés, lesquels s’ajoutent aux 3 milliards d’euros provenant du Fonds social européen ainsi qu’aux interventions de la Banque européenne d’investissement.
L’objectif est de mettre en place la « garantie pour la jeunesse », qui offrira à chaque jeune Européen, au bout de quatre mois de chômage, une solution : emploi, formation ou accompagnement. Les chefs de gouvernement européens, les institutions européennes et les partenaires sociaux se sont réunis à Paris, voilà deux semaines, pour faire en sorte que ces financements décidés à l’échelon européen bénéficient au plus vite à l’emploi des jeunes. Il a ainsi été décidé, au cours de ce sommet, que, dès le 1er janvier, les financements pourront être mis à disposition des pays qui auront adressé à la Commission européenne leur programme pour la mise en place de la « garantie pour la jeunesse ». Les fonds européens vont ainsi soutenir les services publics pour l’emploi, dont les antennes locales forment un réseau puissant pour l’orientation, la formation professionnelle et l’insertion des jeunes.
Nous pouvons aussi nous féliciter que le programme européen d’aide aux plus démunis, qui a bien failli être supprimé, soit finalement sauvé : l’aide est reconduite avec un budget de 3, 5 milliards d’euros pour les sept prochaines, années, c’est-à-dire un montant identique à celui qui était alloué pour la période 2007-2013. Il s’agit d’un motif de satisfaction, car la mobilisation de notre pays y est pour beaucoup.
Enfin, nous devons souligner que l’esprit de solidarité progresse aussi dans les deux grandes politiques européennes : la politique agricole commune et la politique de cohésion territoriale.
D’une part, la nouvelle PAC sera plus verte, plus équitable et plus adaptée aux spécificités agricoles des territoires. Là encore, l’implication du Président de la République a été décisive : le bénéfice que la France retire de la PAC est quasiment stabilisé, alors même que son budget global est en recul sensible.
D’autre part, la politique régionale gagne aussi en équité : comme le Sénat l’avait d’emblée soutenu, la nouvelle politique de cohésion bénéficiera à une nouvelle catégorie de régions, à savoir les régions en transition, qui sont assez pauvres pour avoir besoin d’aide, mais trop riches pour être éligibles dans le cadre actuel. C’est une bonne nouvelle pour la dizaine de régions françaises concernées qui sont particulièrement vulnérables en ces temps de crise.
Malgré ces progrès, force est de reconnaître que les ambitions que nous pouvons avoir pour l’Europe restent contraintes. L’examen de ce projet de loi de finances en est la preuve : la contradiction persiste entre nos ambitions européennes et le financement majoritaire de l’Union par les contributions budgétaires des États membres. Tant que notre vision de l’Europe restera tributaire des budgets nationaux, rien de grand ne pourra se faire. Tout en approuvant, bien sûr, le prélèvement prévu sur notre budget au profit de l’Union européenne, la commission des affaires européennes plaide donc pour la mise en place de véritables ressources propres pour financer l’Union. Le Parlement européen ayant obtenu la création d’un groupe de travail, nous attendons qu’il en sorte le plus rapidement possible des propositions concrètes. §
Mes chers collègues, M. le ministre ayant des contraintes d’horaires, je vous invite à respecter les temps de parole de sorte qu’il puisse répondre à tous les orateurs.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean Bizet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en introduction à mon propos, je dirai simplement que ce débat consacré à la contribution de la France au budget européen m’apparaît comme un moment essentiel de notre discussion budgétaire. Il est nécessaire qu’une fois par an nous nous interrogions ensemble, en notre âme et conscience, sur l’effort qu’en tant que nation nous voulons bien consentir pour la construction européenne entendue au sens large de l’expression. L’Europe des bonnes intentions ne saurait suffire, et notre engagement européen doit aussi s’illustrer par les moyens dont nous le dotons.
Ce débat se teinte naturellement des couleurs de la crise économique financière et budgétaire que nous traversons, et la raison, la prudence – certains diront « la rigueur », et je les renvoie à la situation en Espagne, au Portugal ou en Italie – l’ont emporté : le budget de l’Europe ne croîtra pas plus que les budgets nationaux.
Cependant, nous devons nous réjouir que le cadre financier pluriannuel 2014-2020 même contraint – ou peut-être parce qu’il a été contraint – cerne mieux les priorités essentielles qui découlent de la crise elle-même : les politiques en faveur de la croissance, de l’emploi des jeunes et de l’éducation s’y trouvent renforcées.
Songeons, par exemple, que le programme Erasmus +, qui regroupe tous les programmes de mobilité, se voit attribuer des fonds en progression de 70 % par rapport au précédent cadre pluriannuel. Dans ces conditions, il nous est plus facile d’apporter la contribution de la France à ce budget, qui a pour lui d’avoir fait les bons choix.
La France mettra donc à disposition du budget européen en 2014, ressources propres traditionnelles comprises et nettes des frais de perception, plus de 22 milliards d’euros, soit 16, 4 % du total du budget européen et 7, 8 % des recettes fiscales nettes françaises. Hors ressources propres versées directement à l’Union européenne, le prélèvement s’élève à un peu plus de 20 milliards d’euros. La France n’a donc pas à rougir de son effort européen, loin de là, d’autant que, en tendance, la contribution française est en progression.
En outre, comme vous le savez, la France est un contributeur net important : le deuxième pays contributeur net, après l’Allemagne ; parallèlement, elle est le troisième pays bénéficiaire, essentiellement grâce à l’importance des dépenses de la politique agricole commune : elle perçoit ainsi 17 % de l’ensemble de la PAC.
Bien sûr, le raisonnement sur le solde net de chaque pays a ses limites. Cependant, aussi longtemps que le budget européen sera financé principalement par un prélèvement sur les budgets nationaux, ce raisonnement l’emportera au détriment de l’esprit européen. Et compte tenu de la situation budgétaire dans laquelle se trouvent de nombreux pays membres, dont la France, il y a une contradiction inévitable entre le développement des politiques de l’Union et le respect des règles européennes concernant le déficit et la dette.
C’est pourquoi la grande faiblesse du nouveau cadre financier de l’Union européenne est l’absence de remise à plat des ressources du budget européen.
Et vous ne serez pas étonnés, mes chers collègues, si, à l’occasion du vote de la participation française au budget européen, je pose à nouveau la question des corrections dont bénéficient certains pays, en particulier celle qui est liée au « rabais britannique ». Notre collègue Jean Arthuis s’est clairement exprimé sur le sujet. Il est entré dans les détails, ce que je ne ferai pas. Le mécanisme est complexe, et il nuit à la clarté budgétaire et au principe de transparence.
Le rabais britannique s’explique par d’indéniables raisons historiques : en 1974, le Royaume-Uni souffrait à la fois d’une situation économique difficile et d’un déséquilibre entre ce qu’elle apportait à l’Union et ce qu’elle en recevait. Depuis, les temps ont changé et le moment est maintenant venu de tendre vers un mécanisme plus respectueux du principe de la solidarité budgétaire européenne. Aujourd’hui, le rabais britannique apparaît comme une survivance injustifiable. Nous l’avons dit et dénoncé à plusieurs reprises, tant ici qu’en commission des affaires européennes.
Si je souligne ce point, c’est parce que la France participe au rabais britannique pour une somme annuelle variant de 1, 25 à 1, 5 milliard d’euros.
D’une manière générale, la France assume une part prépondérante dans le financement de l’ensemble des mécanismes de correction. Là encore, compte tenu du temps qui m’est imparti, je n’entrerai pas dans les détails.
En dépit de ces imperfections des mécanismes budgétaires européens, la France doit continuer à montrer que, pour sa part, elle participe pleinement à la solidarité budgétaire européenne.
Comptables, si j’ose m’exprimer ainsi, des traités internationaux, nous savons très bien l’exercice auquel nous sommes conviés. Néanmoins, en mon nom personnel, et en celui de mon groupe, je m’abstiendrai sur cet article 41.
Je tiens à dire que les contraintes budgétaires dont nous faisons la dure expérience devraient se retrouver dans le budget de fonctionnement des institutions européennes. Or, sur ce point, les efforts des institutions européennes ne sont pas suffisants.
Je m’inquiète également des dépenses entraînées par le développement du service européen de l’action extérieure, dont les résultats restent modestes à un prix qui, lui, ne l’est pas. Je préférerais que l’effort porte plutôt sur la préparation d’une défense commune.
Enfin, je répète qu’un budget par temps de crise se juge moins sur sa taille que sur la légitimité des priorités qu’il a su dégager.
Cela dit, mes chers collègues, en payant notre quote-part, nous ne faisons que remplir nos obligations, et cela ne devrait pas suffire à nous donner bonne conscience. Pour être parfaitement européens, il nous faudrait aussi, au-delà de la solidarité européenne, qui passe par le budget, garder à l’esprit que la construction européenne ne se réduit pas à un budget européen solidaire : c’est aussi et surtout une coordination efficace des politiques dans le respect des disciplines communes.
Je terminerai donc mon propos en émettant le souhait que la France affiche sa volonté européenne par une mise en œuvre effective des engagements pris avec ses partenaires en matière de discipline budgétaire et de coordination des politiques économiques.
Je l’ai dit à plusieurs reprises et je vous le dis à nouveau, monsieur le ministre, comme je l’avais indiqué à votre prédécesseur : en la matière, il y a deux discours, l’un à Paris, l’autre à Bruxelles. Je sais que vous m’entendez avec quelques difficultés…
Je vous écoute avec plaisir !
… mais je suis obligé de le rappeler.
Cela supposerait à la fois des réformes structurelles et une meilleure maîtrise de nos dépenses publiques. Là encore, j’oserai dire qu’il nous faudrait un autre type de budget.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’ensemble de mes collègues du groupe UMP, je m’abstiendrai sur ce budget. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, nous examinons aujourd’hui l’article 41 consacré à la participation de la France au budget de l’Union européenne.
Je centrerai mon intervention sur les conditions dans lesquelles a été adopté le cadre financier pluriannuel le 19 novembre dernier. En effet, pour la première fois de son histoire, le budget européen est en diminution.
Pour la période 2014-2020, il sera réduit de 10 % par rapport à 2007-2013, malgré de nouvelles compétences et l’adhésion de la Croatie à l’Union européenne. C’est donc un budget d’austérité qui porte atteinte aux missions de solidarité entre les États, entre les peuples.
Ce budget qui, dans son ensemble, avait été refusé en mars dernier par le Parlement européen est, cette fois, passé en force.
Afin de s’assurer de son adoption, le président du Parlement européen a fait procéder à un vote groupé de tous les chapitres budgétaires sans tenir compte du travail des commissions ni des priorités sociales. Cette procédure de vote bloqué a empêché de voter sur les points clés en interdisant toute possibilité d’amendements ! Comme l’a déclaré Gabi Zimmer, présidente du groupe GUE/NGL, « c’est tout simplement antidémocratique ». À l’approche des élections européennes de mai 2014, permettez-moi de trouver que cette façon de procéder envoie un très mauvais signe aux citoyens européens. Comment s’étonner alors de la crise de confiance envers les institutions européennes ?
Au sein du cadre financier pluriannuel 2014-2020, le soutien à l’agriculture et la politique de cohésion en faveur des régions les plus défavorisées restent les plus gros postes, concentrant plus des deux tiers du budget. Ils sont toutefois en recul au profit du soutien à l’innovation, à la recherche et aux infrastructures routières.
En revanche, le budget alloué à la solidarité paie directement les conséquences de la politique d’austérité. Alors même que plus de 120 millions de personnes, soit 23 % de la population, sont menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale dans l’Union européenne et que le chômage explose, particulièrement celui des jeunes, l’Union européenne réduit ses programmes de solidarité.
Si l’aide aux plus démunis, extrêmement importante pour les associations de solidarité, est certes maintenue – il aurait cependant fallu l’augmenter… –, le Fonds d’ajustement à la mondialisation, qui pourrait bénéficier à de nombreux travailleurs malheureusement licenciés en France, par exemple, est drastiquement réduit. Même le Fonds de solidarité qui vient en aide aux États victimes de catastrophes naturelles suit la même logique !
Concernant la politique agricole commune, les choix faits par la Commission ne me semblent pas répondre aux enjeux de l’agriculture de demain. La voie de la libéralisation et de la déréglementation est bien loin de ce que devrait être le premier objectif d’une politique agricole, à savoir assurer de façon durable, dans tous les pays, la sécurité alimentaire et la souveraineté. Cette PAC, bien que verdie, ne rompt pas avec le précédent modèle. Elle est bien en deçà des attentes des agriculteurs et des défis auxquels ils sont, et seront, confrontés.
J’ai le sentiment, tout comme certains médias, que les députés européens ont adopté ce budget de guerre lasse, totalement résignés, sans être convaincus du bien-fondé de ce dernier. Alors même que pour la première fois depuis le traité de Lisbonne, les parlementaires avaient, en théorie, autant de pouvoirs que les gouvernements sur le sujet, la majorité a capitulé ! La réalité est rude et le bras de fer engagé depuis février a eu raison d’elle !
Ce cadre financier pluriannuel ne répond pas à la crise. Il a été imposé par les États membres, et le Parlement n’a eu d’autres choix que de l’adopter.
Aujourd’hui, chacun essaie de sauver les apparences. D’un côté, les dirigeants de l’Union européenne se félicitent d’avoir freiné les dépenses – l’Union européenne ne peut pas demander sans cesse aux États de baisser leurs dépenses publiques sans s’y employer elle-même ! –, de l’autre côté, le Parlement s’accroche à deux principes : d’une part, la plus grande flexibilité obtenue dans l’attribution des fonds européens ; d’autre part, la révision de ce cadre budgétaire en 2016, année au cours de laquelle des changements pourront être présentés en tenant compte de la situation économique.
Deux années de pourparlers pour, au final, ne proposer que des coupes claires dans des budgets qui sont aujourd’hui indispensables à la relance économique et sociale de l’Europe : voilà qui me paraît bien dommageable pour la construction d’une Europe forte et solidaire !
En effet, si l’Europe veut réellement sortir de la crise, elle ne peut se contenter d’un budget a minima. Elle doit être ambitieuse pour son avenir et se donner les moyens d’agir. Elle doit accorder la priorité au développement social, à la solidarité, avoir une véritable politique de développement industriel, de recherche et d’innovation. Telles sont les bases d’une croissance durable !
Au Parlement européen, le groupe de la gauche unie européenne a formulé plusieurs propositions qui vont dans ce sens. Il a demandé un plan européen de relance ciblé pour les cinq prochaines années, en particulier au profit des pays en récession économique afin de lutter contre la stagnation économique et la hausse du chômage.
Il a également demandé que 1 % du produit intérieur brut de l’Union européenne soit utilisé chaque année pour l’investissement dans le développement durable environnemental et social, et ce afin de promouvoir l’égalité des sexes, le plein emploi, la protection sociale et l’amélioration de la cohésion sociale et territoriale.
Il est également indispensable que le Conseil européen redonne aux États la capacité d’agir. Les restrictions budgétaires grandissantes, sans marge de manœuvre, ne sont pas la solution.
Ainsi, des économistes de la Commission européenne constatent eux-mêmes que l’austérité ne fonctionne pas. Au contraire, selon les travaux de Jan in’t Veld, pour ne citer que lui, l’austérité budgétaire aurait fait perdre à la France, en cumulé entre 2011 et 2013, 4, 8 % de croissance, soit une moyenne de 1, 6 % par an. Pis encore, la France aurait aujourd’hui un taux de chômage inférieur de près de trois points – il se situerait à 7, 8 % – si Paris avait ajusté sa dépense publique uniquement en fonction de l’évolution potentielle de la croissance, quitte à creuser les déficits.
Vous comprendrez que le groupe des élus communistes républicains et citoyens ne peut cautionner cette approche budgétaire basée sur toujours plus d’austérité. C’est pourquoi nous voterons contre l’article 41 consacré à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne, même si ce vote n’est que symbolique.
L’Europe mérite beaucoup mieux, l’Europe a besoin de croissance et de solidarité, et non de toujours plus d’austérité ! §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances pour 2014 évalue le prélèvement sur recettes au profit du budget de l’Union européenne à 20, 14 milliards d’euros. Une telle contribution peut paraître élevée à nos concitoyens à un moment où on leur impose une politique d’austérité et où ils ont bien du mal à reconnaître l’Europe qu’ils veulent et qu’ils aiment.
Pendant longtemps, les Français ont adhéré à l’idée communautaire, bercés par un récit mettant en avant la réconciliation et la paix. Si l’idée était juste, ce récit a cependant vécu.
Force est d’admettre que l’Europe a échoué à convaincre nos compatriotes : aujourd’hui, la plupart d’entre eux dénoncent une Europe tatillonne, inefficace et insuffisamment protectrice. Certains y voient même une entreprise lointaine et menaçante, qui broie les nations dans une structure sans âme. Cette crise de confiance semble s’installer durablement, et la méfiance grandit à l’égard des dirigeants européens.
L’Union européenne apparaît aussi comme étant prisonnière des enjeux nationaux, ou plutôt, disons-le, des égoïsmes nationaux.
Alors que le budget européen devrait être un instrument de solidarité au service de la croissance et de l’emploi, comme on a pu le dire précédemment, c’est autour de positions nationales crispées sur la question du juste retour – le différentiel entre ce que l’on reçoit et ce que l’on donne – que le cadre financier pluriannuel 2014-2020 a été élaboré. Dans ces conditions, rien d’étonnant à ce que l’Europe soit aujourd’hui perçue comme un simple cadre de redressement budgétaire.
Quoi qu’on en dise, ce cadre financier 2014-2020, adopté par le Parlement européen le 19 novembre, marque une baisse par rapport au précédent. Peut-être était-il le moins mauvais possible pour la France, avec notamment la préservation du budget agricole, mais je ne suis pas sûr qu’il soit le meilleur possible pour l’Europe.
Nous regrettons aussi que l’adoption de ce nouveau cadre financier pluriannuel n’ait pas été l’occasion d’une refonte profonde du budget communautaire. Le système actuel de ressources conduit chacun à faire le calcul coûts-bénéfices de sa participation. « Juste retour », « contributeur net », « rabais », voilà ce que nous entendons. Ces concurrences entre États sont détestables et nous affaiblissent.
Il faut donner à l’Union européenne une autonomie financière avec une ressource claire, stable, pour avancer sur un véritable projet au service des citoyens et des populations européens. L’accord politique du 27 juin 2013 sur le cadre financier pluriannuel prévoyait la création d’un groupe de travail sur la réforme des ressources propres. Où en est cette instance ? Quel est le calendrier prévu ? Personne ne le sait.
Les membres du RDSE ont, pour la plupart, toujours été favorables à un impôt européen.
Même si cela ne vous agrée pas, monsieur le président de la commission, vous ne pouvez nier que, depuis que la République existe, l’impôt représente l’une des formes les plus sûres de la justice et de l’instauration de l’égalité entre les citoyens !
Dans le contexte actuel, il n’est évidemment pas envisageable de demander un effort supplémentaire aux citoyens européens ; il faut donc trouver d’autres financements.
La taxe sur les transactions financières peut constituer une réponse. Et qu’en est-il des project bonds ? Personne ne le sait.
Parler du budget européen, c’est aussi, et même avant tout, dirai-je, parler de ce que nous voulons faire avec nos partenaires.
L’Europe a su réagir à sa façon face à la crise financière et économique, certes parfois dans l’improvisation et de manière imparfaite, mais en évitant malgré tout la faillite de son système bancaire. Après le temps de l’urgence est venu le temps de la reconstruction. De grandes avancées ont été obtenues dans la « gouvernance économique » que nous appelions de nos vœux depuis si longtemps.
Aujourd’hui, il faut aller plus loin. Sur l’initiative du Président de la République, François Hollande, la croissance et l’emploi ont été remis au cœur de la stratégie européenne, ce qui est un marqueur non négligeable : 142 milliards d’euros y seront consacrés pendant la période du cadre financier pluriannuel. C’est vraiment la première priorité. Qu’il s’agisse de la recherche, de l’innovation, de l’énergie, des transports, du numérique, il y a là un potentiel d’emplois, la base d’une capacité industrielle. Il faut une véritable stratégie européenne dans ces domaines. Sur ce point, nous notons avec satisfaction les intentions affichées par le dernier Conseil sur le numérique et l’innovation.
Le dossier de la politique agricole commune nous donne actuellement un autre motif de satisfaction. Nous souhaitons que soit confirmée la redistribution des aides en faveur de l’élevage annoncée par le Président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’agriculture.
La deuxième priorité, également soulignée par l’orateur précédent, est pour nous la mise en place des marqueurs d’une Europe plus solidaire qu’elle ne l’a été jusqu’à présent. Sous l’impulsion de notre pays, l’aide alimentaire aux plus démunis a été rétablie et, autre effort significatif, un fonds pour l’emploi des jeunes doté de plus de 6 milliards d’euros a été créé.
Nous sommes partagés entre, d’une part, ce que nous voudrions pour l’Europe et, d’autre part, les actions nouvelles, propres à nous donner de l’espoir, entreprises sur l’initiative de MM. François Hollande et Jean-Marc Ayrault.
Nous souhaitons une Europe qui soit aimée de nos concitoyens, plus efficace en termes d’emploi et de croissance, plus solidaire, mieux comprise et plus proche de la population.
Nous ne voudrions pas que, dans notre pays, lequel est avec l’Allemagne l’un des fondateurs de l’Europe, les électeurs des partis républicains, de gauche comme de droite, restent chez eux lors des prochaines élections européennes, au lieu de se rendre aux urnes.
Nous pensons, monsieur le ministre, qu’il est urgent d’agir, avec force et précision, pour faire en sorte que l’Europe se rapproche des citoyens et réponde à leurs attentes. Je sais que vous travaillez en ce sens, avec le Président de la République et le Premier ministre. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques jours, le Premier ministre a annoncé sa volonté de lancer une vaste réforme fiscale. On ignore encore quelle sera, au final, l’ampleur de cette réforme, mais on connaît tout de même plusieurs des objectifs affichés, notamment la recherche d’une plus grande justice fiscale et une plus grande lisibilité de l’impôt.
Cette lisibilité, aussi indispensable que l’impôt lui-même, est une garantie de l’efficacité et de l’équité de ce dernier. C’est aussi le moyen pour le citoyen d’accepter et d’assumer cette charge commune, et de la reconnaître pour ce qu’elle est, à savoir le fameux « prix à payer pour la civilisation ».
Or, nous nous accorderons tous, quelle que soit notre conviction profonde quant au projet européen, sur le fait que cette illisibilité s’avère être aussi épaisse, et même plus encore, au niveau européen qu’au niveau national.
Le premier principe d’une bonne gouvernance, c’est précisément la lisibilité et l’acceptation des compétences qui échoient à chacun.
L’Union européenne est malheureusement aujourd’hui un organe politique sans gouvernement véritable, une organisation dénuée de gouvernance. Les circonstances de l’adoption du cadre financier pluriannuel par le Parlement européen en sont l’illustration la plus récente.
En effet, que s’est-il passé la semaine dernière dans l’hémicycle de Strasbourg ? Nous avons assisté à une succession de prises de parole par nos collègues eurodéputés, de gauche comme de droite, pour condamner un budget que le Parlement tout entier a trouvé mauvais, et parfois même abominable. Un budget abominable que le Parlement, presque tout entier, a toutefois voté…
Pourquoi cette situation ? Parce que l’échelon national est toujours le seul à détenir les clefs de ce Parlement censé être transnational. Et parce qu’il est aussi toujours le seul à détenir les cordons de la bourse, en dépit du traité de Lisbonne et de la prétendue souveraineté budgétaire des députés européens. Car ce budget repose encore, pour une très grande part, sur des contributions nationales, comme celle que nous examinons aujourd’hui.
Le Parlement européen devrait être en mesure de codécider, avec les États membres, de l’agencement du budget européen. Il en est pourtant incapable ! L’une des raisons en est que, pour siéger en son sein, il faut être en accord avec les principaux partis du pays dont on est soi-même issu, des partis dont la vision européenne n’est pas toujours la qualité première.
Les gouvernements devraient s’entendre sur une définition positive commune de ce budget, mais ils en sont tout autant incapables. Alors, ils fabriquent ensemble une machine sans véritable cohérence, sans véritable ambition non plus, qui vient ajouter aux politiques de rigueur de chaque capitale une politique de rigueur à l’échelle communautaire, et ce au moment même où une étude interne de la Commission européenne reconnaît l’échec de cette orientation politique !
L’Europe est accusée de ne pas fonctionner, alors que ce sont les États qui la composent qui fonctionnent mal ou qui refusent de lui donner les moyens d’agir correctement !
C’est la troisième année que j’interviens au nom du groupe écologiste dans le débat sur l’évaluation du prélèvement opéré au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne. §Comme d’habitude, je vous rassure, les écologistes voteront l’article consacré au prélèvement sur recettes permettant d’abonder le budget de l’Union.
Nouveaux sourires sur les mêmes travées.
Mais, comme d’habitude aussi, nous le ferons avec un immense regret, celui de voir que, année après année, les mesures nécessaires pour poursuivre efficacement le projet européen se voient repoussées à plus tard.
Les eurobonds ? L’Allemagne n’en veut toujours pas.
Les ressources propres ? Personne ne pousse vraiment dans ce sens, sous prétexte qu’il y aurait d’autres urgences à régler.
La taxe sur les transactions financières ? Elle est en cours d’élaboration, mais c’est quand même une course de lenteur.
Si nous voulons une Europe qui fonctionne bien, débarrassons-la de ces scories qui sont réelles, faisons de nouveau de la Commission européenne le moteur qu’elle est censée être, traitons les élections européennes à la hauteur de ce qu’elles sont : les seules élections au monde à se jouer des frontières. Bref, comportons-nous enfin en Européens !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires européennes du Sénat, présidée par notre excellent collègue Simon Sutour, est reconnue, tant à Bruxelles que par nos partenaires, pour la qualité de son travail. Plus que jamais, je crois que le Gouvernement aurait intérêt à s’appuyer davantage sur son action, laquelle gagnerait, dans le même temps, à se diversifier.
En Allemagne, le gouvernement se réfère beaucoup, en matière européenne, aux Länder et au pouvoir législatif.Ce dernier et les régions participent intensément à chaque étape de la décision communautaire, y compris très en amont, lors des consultations publiques, lors de la rédaction des livres verts et des livres blancs.
La puissance que l’on prête à l’Allemagne vient également du fait que ce pays considère l’ensemble des acteurs qui le font vivre comme une force à part entière, qu’il mobilise jusqu’au niveau européen.
Ne croyez-vous pas, monsieur le ministre, que nous devrions nous inspirer de cet exemple ? Ne pensez-vous pas que nous aurions là de précieux alliés en vue de définir une position de la France en Europe qui soit toujours plus claire, plus ambitieuse et plus efficace ?
Si nous voulons que cette contribution financière ait un sens, nous devons aussi rendre notre contribution politique plus forte, plus vivante et plus lisible.
En conclusion, je formulerai une proposition, bien plus modeste que celle d’Alain Bertrand.
J’indiquais au début de mon intervention que la lisibilité de l’impôt était la condition essentielle d’une citoyenneté assumée.
En France, chaque foyer fiscal sait précisément et distinctement ce qu’il paie comme impôt aux niveaux national et local. Or tel n’est pas le cas pour sa part de contribution au budget de l’Union européenne. Il serait donc bon d’informer chaque citoyen et chaque foyer fiscal de sa contribution personnelle à l’Europe, laquelle, si l’on prend en compte son montant net, est somme toute peu élevée : moins de 200 euros en moyenne par foyer fiscal et un peu plus de 350 euros par foyer fiscal imposé.
L’établissement d’un lien entre citoyenneté nationale et citoyenneté européenne, laquelle est encore trop abstraite, passe notamment par cette lisibilité. Cette dernière ferait taire certains discours un peu délirants, et de plus en plus en vogue, qui se développent dans le débat hexagonal. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la solidarité européenne est une exigence absolue. La ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire constitue un acte politique majeur assurant aux membres de la zone euro une irrévocable solidarité financière.
Cette solidarité est assortie de l’exigence de convergence budgétaire et fiscale et d’une trajectoire nationale des finances publiques tendant à l’équilibre, que contrôlera désormais la Commission européenne.
Ces nouvelles règles de gouvernance s’appliquent au cadre pluriannuel 2014-2020. Celui-ci a pour objectif de mobiliser les dépenses au service de la croissance, de l’emploi et de la compétitivité, ce qui traduit un objectif dynamique nouveau. L’Union européenne a l’ambition de faire de son budget le catalyseur de l’emploi et de la croissance dans toute l’Europe. La France y contribue à hauteur de 20, 14 milliards d'euros cette année, ce qui représente 17, 8 % du total du budget de l’Union européenne.
Ce projet de loi de finances pour 2014 a été soumis au contrôle de la Commission européenne, qui l’a validé tout en l’assortissant d’une multitude de réserves. Elle aurait pu souligner plus fortement l’absence de marge de manœuvre et le poids d’une fiscalité à la limite du soutenable et stigmatiser le fait que seule la France ait osé augmenter, en dépit du bon sens, l’impôt sur les sociétés au taux prohibitif de 38 %, au lieu de l’aligner sur la moyenne européenne.
Monsieur le ministre, qu’est devenue la convergence à laquelle vous avez souscrit ?
M. Aymeri de Montesquiou. Lorsqu’un texte qui ne propose que des hausses d’impôts et de très faibles baisses des dépenses est gratifié de la mention « passable » par la Commission européenne, c’est la version politique de « petits arrangements entre amis ».
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Vous l’avez dit, monsieur le ministre, « nous devons sortir d’un débat désincarné pour donner du sens à ce que nous faisons ensemble grâce au budget européen ».
Nous sommes à un moment décisif pour définir l’avenir de l’Union européenne. Il est temps d’assumer le choix du fédéralisme.
L’Europe ne sera solidaire que si elle est politique ; elle ne sera prospère que si elle est démocratique. Des budgets nationaux adoptés conformément aux souhaits de pouvoirs élus et légitimes, traduisant, même avec réticence, un consentement à l’impôt, ne peuvent être mis en cause que par une autorité politique supérieure.
Or cette autorité et cette légitimité n’existent pas à l’heure actuelle. Un État souverain ne peut accepter de voir son budget invalidé par un organe administratif. Les membres du groupe UDI-UC, Européens convaincus, souhaitent l’élection de la Commission européenne directement par le Parlement européen, afin de conférer à celle-ci la légitimité et l’autorité qui lui font totalement défaut aujourd’hui, en attendant une plus grande intégration politique.
La crise des dettes souveraines a mis en lumière les faiblesses de notre système. Il est temps de mettre en place une gouvernance financière et budgétaire de la zone euro transparente et démocratique – je le souligne à nouveau –, ainsi que des mécanismes de contrôle et de prévention. L’union bancaire est une première étape ; un ministre de l’économie et des finances devrait désormais incarner la politique économique de l’Union européenne.
Le système actuel des ressources propres est « complexe, opaque et injuste », selon nos rapporteurs spéciaux. Comme eux, je déplore ce système contraire à l’esprit communautaire, qui perpétue des logiques nationales au détriment de toute harmonisation et de toute intégration politique. Nous devons ainsi supprimer les rabais, issus de tractations d’une autre époque. L’occasion de la mise à plat du système des recettes et de la structure des dépenses n’a pas été saisie.
Monsieur le ministre, rappelez-vous la mise en garde originelle d’Alcide de Gasperi, qui pourtant était claire : « Chacun de nous sent que [cette] occasion qui passe ne reviendra plus. Il faut la saisir et l’insérer dans la logique de l’histoire. » Monsieur le ministre, quelle position serez-vous en mesure de faire valoir sur la future décision communautaire en matière de ressources propres ? Je rappelle que celle-ci, hélas ! doit être adoptée à l’unanimité.
Quel est l’avenir des ressources propres issues d’une taxe sur les transactions financières, d’une nouvelle ressource TVA, d’une taxe énergétique ou d’une taxe sur les transports aériens ?
Où en est la réflexion sur les instruments financiers innovants, les project bonds ? Les conditionnez-vous, comme le rapporteur spécial Jean Arthuis, à l’institution d’une véritable gouvernance de la zone euro ?
Quelle est votre position sur la création d’un impôt européen sur les sociétés et sur son préalable, l’harmonisation nécessaire des législations fiscales ?
Je suis convaincu qu’un impôt européen, acquitté directement par les citoyens, ...
Un impôt de plus à la charge des mêmes ! Peut-être sera-t-il progressif, d'ailleurs.
Attendez la suite, monsieur le président de la commission !
Un impôt européen, disais-je, se substituant au prélèvement actuel sur le budget national, serait intelligible et donc mieux perçu.
Il devrait traduire les priorités budgétaires de l’Europe et apparaître comme étant au service de ses citoyens.
Ce sentiment de citoyenneté européenne en serait renforcé. Aujourd’hui, l’Union européenne tient davantage du « machin » que raillait le général de Gaulle que des projets visionnaires de Robert Schumann.
L’élan de la jeunesse que nous avons connu s’émousse devant les difficultés budgétaires de programmes comme Erasmus, devant la crise économique qui se prolonge par une crise politique et sociale. Cette jeunesse panique devant un chômage qui la touche à plus de 25 %. Certains ne croient plus ni en leur avenir ni en celui de l’Union européenne.
Les jeunes générations perçoivent avant tout les désagréments et les contraintes de l’Europe, tenue pour responsable de tous nos maux ; elles ont oublié ce formidable projet sous les poussières de l’Histoire. En cette année du centenaire de la Première Guerre mondiale, ayons à l’esprit cette abominable guerre civile européenne, qui a décimé toute une génération et a été la source de la quasi-totalité des nombreuses catastrophes qui ont suivi.
Cette Europe de paix ne doit pas être un sujet abstrait pour les plus jeunes. Il faut qu’ils aient conscience qu’elle est un modèle d’équilibre social pour de nombreux pays. Nous devons tout faire pour que cette Europe qu’on aime, cette Europe des droits et libertés pour laquelle se sont battus tous ces Européens de l’Est, pour qui elle était demeurée longtemps un mirage et qui est devenue enfin une réalité, ne signifie pas crise économique, perte de compétitivité, endettement, défiance et découragement. Pour cela, il faut des mesures fortes et intelligibles.
Cette Europe belle et généreuse doit renouer avec l’esprit et le souffle des pères fondateurs. Il vous appartient, monsieur le ministre, de redonner à nos concitoyens foi en l’Europe.
Les Européens convaincus du groupe UDI-UC souhaitent une Europe fédérale, avec une fiscalité harmonisée, un impôt européen direct et un respect scrupuleux du principe de subsidiarité qui entretienne ce sentiment de liberté par des décisions prises au plus près des citoyens.
Cette existence politique affirmée, l’Union européenne aura la force et la légitimité pour prendre toute la place qui lui revient sur la scène internationale. Nous attendons donc de cette politique européenne, monsieur le ministre, réalisme, courage et enthousiasme.
M. Aymeri de Montesquiou. C’est à ces conditions que nous ferons de l’Europe un continent de prospérité et de progrès qui pèsera sur l’avenir du monde.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP. – M. André Gattolin applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui l’article 41 du projet de loi de finances pour 2014, qui fixe la contribution financière de la France au budget de l’Union européenne.
Le montant de cette contribution sur les recettes de l’État est évalué à 20, 144 milliards d'euros, soit un point de PIB national, ce qui n’est pas peu dans le contexte que nous connaissons.
Bien qu’elle soit un peu en baisse par rapport à l’exercice de l’année 2013, la participation française a été multipliée par cinq en l’espace de vingt ans, soit une augmentation de 2, 5 % par an. La France continue de se situer à la deuxième place des États contributeurs au budget européen, juste après l’Allemagne. Notre pays occupe donc une place déterminante à tous les égards au sein de l’Union européenne.
Dans le même temps, en particulier au cours de la dernière décennie, la situation de nos finances publiques n’a cessé de se dégrader. Dans ce contexte difficile, qui impose au gouvernement actuel l’urgence d’assainir nos comptes publics, nos collègues Marc Massion et Jean Arthuis ont raison de préconiser dans leur rapport « une plus grande rigueur dans l’évolution des dépenses administratives » de l’Union européenne. C’est en effet le moins que l’on puisse attendre, alors que les efforts soutenus de recherche d’économies se font partout ailleurs, en particulier dans notre pays.
Nous regrettons, avec les rapporteurs spéciaux, le rôle réduit dévolu aux parlements nationaux, qui doivent se contenter de prendre acte de la contribution financière à l’Union européenne. En la matière, la création récente de la Conférence interparlementaire sur la gouvernance économique et financière de l’Union européenne est une avancée que nous saluons.
Avec eux encore, nous désapprouvons la pratique, anachronique désormais, des rabais consentis à plusieurs États. Ce qui aurait pu se concevoir de façon ponctuelle s’oppose dans la durée à l’idée même d’union et de solidarité entre les États.
Ces réserves émises, je souhaite exprimer ici notre satisfaction de voir traduites certaines de nos préoccupations nationales dans le budget de l’Union européenne, voté à une large majorité la semaine dernière.
En effet, le plan pluriannuel 2014-2020 continue de consacrer des secteurs clefs qui ont besoin d’être soutenus, à savoir l’agriculture ainsi que la politique de cohésion en faveur des régions les plus défavorisées. Ces deux domaines continuent à former les plus gros postes du budget européen et représentent quasiment les deux tiers de son montant total.
L’Union européenne participe particulièrement dans ces domaines au soutien de notre économie, avec, en 2014, une contribution de 9, 1 milliards d'euros au titre de la politique agricole commune.
À cet égard, nous saluons le résultat obtenu par la France dans la renégociation de la PAC. Avec une diminution limitée à 2 %, la part destinée à l’agriculture française est globalement maintenue. Le couplage des aides en faveur des productions animales à hauteur de 13 % et des aides en faveur des productions végétales à hauteur de 2 % doit être considéré comme un succès de la négociation française.
La création d’une « garantie jeunesse », abondée dès la première année de 6 milliards d’euros, comme l’a annoncé le rapporteur socialiste Ivailo Kalfin, constitue un autre motif de satisfaction.
La position de la France, qui a été en pointe pour la création de ce dispositif, est conforme à l’attention particulière et aux engagements pris en faveur des jeunes dès la campagne présidentielle de François Hollande.
Il est un sujet sur lequel je souhaite revenir, parce qu’il a été au cœur des débats suscités par les difficultés économiques des industries agroalimentaires ces semaines dernières, notamment en Bretagne. Il faut entendre le sentiment éprouvé par nos concitoyens que le dumping social contribue à fausser les relations économiques entre les pays de l’Union européenne.
La situation créée par l’emploi des travailleurs détachés doit être examinée sous deux aspects.
D’une part, il est de moins en moins compris que la venue de ces travailleurs puisse aboutir à mettre en difficulté certains secteurs de l’économie. Je pense en particulier à l’artisanat et aux PME du bâtiment, directement menacés au cœur même de nos territoires.
D’autre part, se pose pour la même raison la question de la compétitivité des industries agroalimentaires. Ces dernières se trouvent concurrencées par le différentiel de salaire lié à l’emploi des travailleurs détachés aux conditions de leur pays d’origine dans certains pays de l’Union européenne.
Nous savons que le président du Parlement européen, Martin Schulz, le ministre français du travail, Michel Sapin, et vous-même, monsieur le ministre, êtes tout à fait en accord et personnellement engagés pour la résolution de ce problème. Espérons des avancées au plus vite, car le doute s’est emparé de nombreux esprits et ce n’est pas bon pour l’idéal européen, l’avenir de l’Europe, la citoyenneté européenne.
En conclusion, les orientations du budget européen nous conviennent globalement. Même si elles tiennent compte des besoins spécifiques de l’Europe comme entité, ce qui est normal, elles sont aussi en phase avec nos préoccupations nationales en matière d’économies. C’est pourquoi les parlementaires socialistes approuvent le montant de la contribution financière à l’Union européenne qui nous est soumis au titre de l’article 41 du projet de loi de finances pour 2014.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais dire quelques mots au sujet de ce prélèvement européen, non pour allonger nos débats, mais pour susciter la réflexion.
Après tout, il ne s’agit que de 20 milliards d’euros, me direz-vous…
Sourires.
C’est l’une des masses les plus importantes de notre budget et, comme les années précédentes, ce prélèvement est présenté dans des conditions qui ne favorisent pas un vrai débat parlementaire. Entouré de beaucoup d’incertitudes, il est destiné à financer une institution qui s’est invitée à différents stades de notre discussion budgétaire depuis vendredi, et dont la Commission considère notamment que monter un cheval dans un centre équestre ne constitue pas une activité sportive…
Exclamations sur les travées de l'UMP.
C’est sans doute un élément anecdotique, mais, lorsque nous en avons débattu, plusieurs d’entre nous ont mis en avant les répercussions très importantes que de telles attitudes pouvaient avoir sur l’opinion publique. De fait, les réactions de nos concitoyens à l’égard des institutions européennes ne pourront pas ne pas tenir compte de telles incongruités.
J’en viens au cœur de mon propos. Il est souvent de bon ton, dans les milieux informés, de mettre en avant le caractère limité du budget européen lorsqu’on le compare à la totalité des masses budgétaires des différents États de l’Union. Pour ma part – nos rapporteurs spéciaux ont également apporté des éléments tangibles en ce sens –, j’estime qu’il s’agit d’une redoutable machine à créer de la dépense publique supplémentaire.
Je m’appuie à cet égard sur la question récurrente des « restes à liquider », que l’on n’arrive pas à contenir. Quand nous interrogeons la Commission ou le Gouvernement sur ce point, nous n’obtenons généralement que des réponses globales et convenues.
Que signifie, mes chers collègues, ce stock de plus de 200 milliards d’euros d’engagements non encore couverts par des crédits de paiement ? Nous avons connu la même situation à l’échelle du budget national, et nous avons pu constater qu’elle se traduisait, d’un côté, par des diminutions de crédits d’engagement, c’est-à-dire des promesses non tenues, de l’autre, par des augmentations de crédits de paiement, c’est-à-dire de la dépense supplémentaire.
Ce stock de plus de 200 milliards d’euros signifie donc que, sans se soucier de la soutenabilité budgétaire de ses actions, l’Union européenne prend des engagements juridiques de dépenser en sachant parfaitement que, les mécanismes étant ce qu’ils sont, les États membres devront un jour passer à la caisse.
Cette façon de faire peut résulter d’un parti pris idéologique : les institutions européennes souhaitent que l’Europe dépense plus pour créer dans les États membres une dépendance accrue aux crédits européens. Nous avons pu le constater dans tous les États bénéficiaires des politiques de cohésion.
Il suffisait d’être présent à Bruxelles en début d’année, à la réunion des vingt-sept délégués des parlements nationaux – n’est-ce pas, cher Jean Arthuis ? – pour constater que chacun demandait plus d’argent pour sa partie, son sujet, son territoire. On se serait cru dans un conseil général ou une assemblée syndicale transposée à l’échelle de l’Union. En matière de programmation pluriannuelle des finances publiques européennes, les États n’en avaient jamais assez, à commencer par ceux qui bénéficient le plus des transferts financiers européens !
Cette politique est selon moi dangereuse pour l’Europe : d’une part, on ne peut se satisfaire d’une fuite en avant dans la dépense publique ; d’autre part, on s’expose forcément à des réactions d’incompréhension lorsqu’on s’interroge sur le rôle qu’ont pu jouer les crédits structurels dans les difficultés financières de certains États comme la Grèce. Comme le rappelait Jean Arthuis, nous avons volontairement fait preuve d’un aveuglement total à l’égard de ces pays qui dépensaient copieusement, année après année, des crédits que la France finançait à hauteur de 16 % ou de 18 %.
Cette politique est également dangereuse pour la France : en 2013, les dépenses publiques ont dérapé sérieusement par rapport à la trajectoire prévue, notamment en raison d’un prélèvement européen majoré de 1, 8 milliard d’euros. Or nous savons tous que le respect de notre trajectoire de finances publiques est la condition de la préservation de notre crédibilité.
Cette majoration du prélèvement européen de 1, 8 milliard d’euros pourrait être comparée à l’abattement de 1, 5 milliard d’euros sur les dotations de l’État aux collectivités territoriales.
M. le ministre délégué s’esclaffe.
Je me demande surtout dans quelle mesure la France sait vraiment défendre ses intérêts en Europe. Aujourd’hui, seuls deux contributeurs nets au budget européen ne bénéficient pas d’un rabais spécifique : l’Italie et la France.
Les Britanniques – merci, madame Thatcher ! – ont leur chèque. Toutefois, mes chers collègues, savez-vous que l’Autriche, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suède et, depuis cette année, le Danemark ont également le leur ? Jean Arthuis en a parlé. Savez-vous que sur les 20, 14 milliards d’euros à propos desquels nous allons voter tout à l’heure, 1, 4 milliard d’euros est destiné à financer le chèque britannique ?
D’un côté, 1, 4 milliard d’euros offerts aux Britanniques ; de l’autre, 1, 5 milliard d’euros retirés aux collectivités territoriales, alors qu’ils devraient accompagner les transferts de l’État… Nous sommes bien dans les mêmes ordres de grandeur !
Je rappelle enfin que la France perçoit, au titre des transferts européens, 202 euros par habitant, là où le Luxembourg reçoit 3 037 euros par habitant ! Il faut dire que ce dernier pays, grâce à son intelligence et à sa position relativement neutre parmi les grands acteurs européens, a toujours été au cœur du système de décision de l’Union européenne.
J’en viens pour finir à l’association des parlements nationaux, évoquée par Yannick Botrel et Marc Massion. Nous avons eu le plaisir d’aller ensemble à Vilnius
Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.
Ce parlement a pris au sérieux cet exercice de la conférence interparlementaire sur la gouvernance budgétaire de l’Union européenne. Il a consacré beaucoup de temps et d’énergie à mettre sur pied tout un dispositif préparatoire, avec un projet de règlement et une organisation permettant de faire de ces réunions un lieu où les parlementaires issus du suffrage pourraient s’exprimer de manière organisée, sujet par sujet, sur les politiques économiques.
On nous dit que ces politiques devraient être davantage intégrées, mais dans ce cas on ne peut pas traiter les parlements comme des théâtres d’ombres, des survivances de je ne sais quel passé, qui permettraient simplement à des électrices et des électeurs de s’exprimer de temps en temps sur des sujets extrêmement formels, alors que les vraies décisions seraient prises ailleurs, on ne sait trop entre qui, quand ou comment.
Si on le voulait, cette conférence interparlementaire pourrait ressembler à quelque chose. Elle entrerait certes inévitablement en compétition avec le Parlement européen. Comme chacun peut l’imaginer, ce dernier a fait tout ce qu’il a pu à Vilnius pour vider cette initiative de toute substance, en refusant le règlement intérieur et les conclusions de la réunion, en y substituant une contribution qui prévoyait comme seule initiative concrète la création d’un groupe de travail, dont on attend toujours la constitution et dont je devine qu’il a peu de chances de voir le jour avant la prochaine réunion de la même instance, dont le Parlement européen est d'ailleurs le co-organisateur, à la fin du mois de janvier prochain à Bruxelles.
Mes chers collègues, tout cela mérite bien une abstention.
Au terme de raisonnements différents, nous sommes plusieurs à pouvoir nous retrouver autour de cette position.
À la veille d’une année au cours de laquelle nos concitoyens entendront beaucoup parler de l’Europe, il me semble qu’une petite musique un peu moins consensuelle, un peu plus réaliste et un peu plus tournée vers les attentes de nos concitoyens ne serait peut-être pas de trop dans nos débats.
C’est en tout cas dans cet esprit que je me suis permis, monsieur le ministre, de vous infliger ces propos, en vous remerciant par avance des réponses que vous voudrez bien apporter aux différents orateurs.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat de ce matin sur le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne revêt une dimension particulière.
Je me contenterai d’évoquer le cadre financier pluriannuel et laisserai de côté un certain nombre de sujets qui ont été amenés dans ce débat d’une façon quelque peu cavalière.
Sourires.
Le cadre financier pluriannuel prévu pour la période 2014-2020, après avoir été discuté, négocié et largement amendé, a été approuvé par les députés européens le 19 novembre dernier, permettant ainsi au Conseil de l’adopter définitivement.
Si nous sommes effectivement européens et considérons que le Parlement européen doit être pleinement intégré au processus décisionnel, nous devons reconnaître que, dans leur champ de compétences, les parlementaires européens ont la même légitimité que les députés et les sénateurs.
Toujours est-il que ce cadre financier constitue un résultat très positif du point de vue français, à mettre à l’actif du Président de la République et du Premier ministre.
Un accord a également été trouvé entre le Conseil et le Parlement européen sur le budget pour 2014, qui s’établira donc à 142, 6 milliards d’euros en crédits d’engagement et 135, 5 milliards d’euros en crédits de paiement.
Le prélèvement sur recettes que nous vous proposons, à hauteur de 20, 1 milliards d’euros, est le résultat de ces négociations.
Avant tout, je souhaiterais répondre aux questionnements sur le reste à liquider, le RAL.
Les crédits de paiement du budget pour 2014 visent prioritairement à honorer des factures résultant de la période 2007-2013. Quelque 71 milliards d’euros y seront consacrés, soit 52 % des crédits de paiement, ce qui permettra de payer un tiers du reste à liquider à la fin de 2014.
Premièrement, ce reste à liquider provient pour les deux tiers des crédits de la politique de cohésion. Souhaitons-nous supprimer les fonds structurels ?
Deuxièmement, le reste à liquider est mécanique dans le budget européen. Il est la conséquence logique de la règle du « n+2 », fondatrice de la politique de cohésion et à laquelle nous sommes attachés. Elle correspond au décalage entre l’engagement d’une nouvelle opération et les paiements qui lui sont liés.
Troisièmement, pour la première fois les mécanismes de flexibilité permettent de garantir que les paiements inscrits dans le cadre financier seront consommés, contrairement à ce qui s’est passé pour la période 2007-2013, ce qui participera à la réduction du reste à liquider.
Quatrièmement, quelle est l’origine de la situation actuelle, que certains d’entre vous condamnent ?
M. Thierry Repentin, ministre délégué. Elle est le fruit de l’inconséquence de nos prédécesseurs.
Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.
Ce choix provenait également de motivations stratégiques, car les contributeurs nets entendaient diminuer la base de référence dans les négociations pour le budget 2014-2020.
Ainsi, en 2013, nous avons dû faire face à un report de charges, traduit dans les budgets rectificatifs de l’Union, de l’ordre de 11 milliards d’euros pour le budget de l’Union européenne, dont, pour la France, cette somme de 1, 8 milliard d’euros que vous avez citée, monsieur le président de la commission. Là encore, nous payons les factures du passé.
La France est un contributeur net important au budget de l’Union européenne, et elle continuera à l’être. Pour autant, nous ne pouvons pas nous contenter d’une lecture comptable consistant à analyser des flux entre le budget de l’Union européenne et le budget national.
Cette question des soldes nets est bien sûr importante, car nous devons faire preuve au niveau européen du même sérieux budgétaire que celui que nous mettons en œuvre au niveau national.
S’enliser dans le seul débat sur les soldes nets constituerait une erreur, car nous ne pouvons pas résumer les bénéfices de notre appartenance à l’Union européenne à un simple calcul mathématique ; ce serait nier les avantages que nous tirons de l’intégration européenne, du marché intérieur et de notre monnaie commune.
Parler du budget de l’Union européenne, c’est aussi parler de notre projet pour l’Europe, des politiques européennes qui irriguent les territoires et de la réorientation de ces dernières au service de la croissance.
Nous devons sortir d’un débat désincarné, M. de Montesquiou a raison de le souligner, pour donner du sens à ce que nous faisons, ensemble, grâce au budget européen. Celui-ci constitue ainsi un cadre financier pluriannuel au service de la croissance et de la solidarité.
Pour ce qui concerne la croissance, tout d'abord, contrairement à ce que certains ont essayé de faire croire à l’opinion publique ces dernières semaines, le prochain cadre financier pluriannuel ne marque pas un recul par rapport au précédent ; M. Botrel l’a souligné. Il s’établit, en euros courants – valeur que nous retenons, car elle correspond à la réalité de la mise en œuvre des politiques européennes – à 1 083 milliards d’euros en crédits d’engagement et 1 024 milliards d’euros en crédits de paiement.
Grâce aux mécanismes de flexibilité – M. Marc Massion y a fait référence – voulus par le Parlement européen, qui a joué un rôle important dans ce processus, avec le soutien de la France, ces crédits de paiement pourront effectivement être consommés. L’exécution 2014-2020 sera donc assurément supérieure de près de 40 milliards d’euros à l’exécution 2007-2013, qui ne s’est établie qu’à 881 milliards d’euros.
Nous préparons par conséquent la période à venir avec un budget à la fois réaliste et ambitieux, et qui nous permettra de répondre aux attentes de nos concitoyens. Comme nous l’avions demandé, ce budget est résolument tourné vers la croissance et la création d’activités.
Ce sont ainsi 142, 1 milliards d’euros qui seront consacrés à la croissance et à l’emploi pendant la prochaine période, soit une augmentation de près de 60 % par rapport à la période précédente ; Alain Bertrand y a fait référence. Cette enveloppe couvre en particulier le budget pour la recherche et l’innovation, qui passe de 55 à 79 milliards d’euros.
Cet investissement est déterminant pour créer les emplois et les activités de demain. Nous le savons tous ici, nos laboratoires recèlent de jeunes chercheurs talentueux ; à nous de leur donner les moyens, de les accompagner, pour qu’ils deviennent des champions européens et pour que leurs idées se transforment en emplois dans nos territoires.
Une enveloppe de 22 milliards d’euros sera consacrée aux infrastructures de transport, à l’énergie et aux télécommunications. L’Europe des grands travaux retrouve ainsi de la vigueur. Nous avons veillé à ce que le volet transport représente les deux tiers de l’enveloppe. En effet, celui-ci était prioritaire pour la France, car il doit nous permettre d’apporter un concours financier décisif à des projets comme le canal Seine-Nord ou la liaison ferroviaire Lyon-Turin, sur laquelle la Haute Assemblée s’est prononcée sans ambiguïté à la veille du sommet franco-italien de la semaine dernière.
Dans le même temps, nous avons consolidé les deux grandes politiques qui structurent le budget de l’Union européenne et participent, elles aussi, de la croissance.
Ainsi, la politique de cohésion a été totalement sauvegardée, alors que la précédente majorité l’avait réduite à une variable d’ajustement. Ce sont près de 16 milliards d’euros qui seront injectés dans l’économie de nos territoires de métropole et d’outre-mer.
Nous savons trop bien, ici au Sénat, à quel point cette politique est précieuse dans nos territoires, au regard du formidable effet de levier qu’elle représente pour la construction de nouvelles infrastructures, l’aménagement du territoire, la recherche et l’innovation, la formation professionnelle et le soutien aux entreprises. Grâce, entre autres, à la création des « régions en transition », nous pourrons bénéficier pour nos régions d’une enveloppe de 16 milliards d’euros sur la prochaine période. Les crédits seront gérés au plus près du terrain, car nous avons décidé d’en décentraliser la gestion aux conseils régionaux.
Toutefois, la politique de cohésion est également précieuse au regard de ce qu’elle peut apporter dans les autres États membres qui en ont besoin pour se développer. Ce sont autant de marchés potentiels à décrocher pour nos entreprises dans d’autres pays de l’Union européenne.
Plusieurs d’entre vous ont également insisté sur ce point, nous avons sauvé le fonds d’aide alimentaire aux plus démunis, initialement condamné à disparaître au 31 décembre 2013, à la suite d’une décision prise pendant la dernière législature. Nous n’avons pas voulu que ce fonds disparaisse, car cela aurait pu remettre en cause le travail des Restaurants du cœur, des Banques alimentaires, du Secours populaire ou de la Croix-Rouge.
Enfin, bien entendu, il est question de la PAC, au sujet de laquelle Jacques Delors disait que « le budget agricole et la politique agricole commune font partie du contrat de mariage des Européens ». Avec un budget de 64 milliards d’euros pour la France sur la période 2014-2020 et une augmentation de l’enveloppe du deuxième pilier en faveur du développement rural, le Gouvernement fait le choix de soutenir encore davantage la production animale, ainsi que l’élevage, monsieur Bertrand, notamment dans les zones difficiles.
Madame Bernadette Bourzai, Madame Michèle André, toutes les zones à handicap seront beaucoup plus aidées qu’elles ne l’étaient par le passé. La solidarité à l’égard de nos agriculteurs et du secteur de l’agroalimentaire est cruciale pour l’avenir d’une filière qui représente un potentiel important en matière de croissance et d’emploi.
Il y a aussi, dans ce budget, des dispositions visant à concrétiser une Europe plus solidaire. J’en veux pour preuve trois exemples majeurs.
Premièrement, une initiative sera mise en place dans les régions dont le taux de chômage des jeunes dépasse 25 % en 2012. Elle consiste à proposer à tout jeune de moins de 25 ans en dehors de toute insertion scolaire ou professionnelle, un stage, une formation et/ou un contrat de travail.
En France, dix régions pilotes ont été définies avant que ce dispositif ne soit élargi progressivement à l’ensemble du pays. En outre, il a été décidé, pour maximiser l’effet de ces crédits, d’en concentrer la consommation sur les années 2014 et 2015. Ce mécanisme viendra utilement compléter ce que nous faisons grâce au Fonds social européen. M. Michel Billout sera sans doute sensible à cette solidarité exercée en direction des jeunes qui se trouvent au chômage.
Deuxièmement, le Fonds européen d’aide aux plus démunis sera doté de 2, 8 milliards d’euros, auxquels s’ajoutera 1, 1 milliard d’euros supplémentaire, ce qui permettra de maintenir le niveau annuel de financement du programme. En France, 70 millions d’euros par an viendront en soutien de nos concitoyens les plus fragilisés.
Permettez-moi, à l’heure où les campagnes de distribution viennent de commencer, d’avoir une pensée aussi bien pour les bénéficiaires de ces aides que pour les bénévoles. Je veux leur dire que l’Europe restera à leurs côtés.
Par ailleurs, permettez-moi d’ajouter quelques mots sur le programme « Erasmus plus ». Nous sommes passés d’un budget de 8 milliards d’euros sur la période 2007-2013 à 16 milliards d’euros pour la période 2014-2020. Il s’agit d’une mesure pour accompagner la jeunesse de l’Union européenne, d’autant que nous allons ouvrir ces dispositions à des jeunes qui en étaient exclus : celles et ceux qui sont en formation par alternance dans les entreprises, mais également les apprentis.
Troisièmement, le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation sera également maintenu, pour faire face aux restructurations industrielles en accompagnant les salariés licenciés vers le retour à l’emploi.
Mesdames, messieurs les sénateurs, voilà ce que je souhaitais évoquer avec vous au sujet du prélèvement sur recettes à destination du budget européen que le Gouvernement vous propose de voter aujourd’hui, en attendant que, un jour, la zone euro soit effectivement dotée d’un budget spécifique.
Je me réjouis que certains d’entre vous aient appelé une telle initiative de leurs vœux. En effet, elle répond à une proposition écrite de François Hollande et Angela Merkel, adressée à tous les chefs d’États et de gouvernements le 30 mai dernier. Personne avant eux ne l’avait fait.
En outre, j’espère que vous serez toujours aussi enthousiastes lorsque la proposition d’une ressource propre demandée à nos concitoyens pour alimenter le budget de l’Union européenne sera avancée.
De même, puissiez-vous tous soutenir la mise en place de la taxe sur les transactions financières, aujourd’hui portée de façon volontariste par onze États. Il faudra que vous apportiez votre soutien au moment de ce débat, ici comme à l’Assemblée nationale.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de vos réflexions, notamment celles de M. Arthuis sur le gouvernement économique de la zone euro.
Dans la proposition du 30 mai dernier, la France demande la mise en place d’un gouvernement de la zone euro. Cela implique une présidence à temps plein, qui ne soit plus partagée avec la charge d’un ministère national des finances. Cela suppose également des réunions plus fréquentes de la zone euro. Cela signifie enfin, au sein du Parlement européen, une organisation spécifique, dédiée à la zone euro, afin de donner un pendant démocratique à ces discussions.
En attendant, d’ici à la fin de la législature, c’est-à-dire avant mai 2014, notre priorité est claire : c’est l’union bancaire.
Nous y travaillons. La finalisation de l’accord sur le mécanisme de résolution unique devrait avoir lieu d’ici à la fin de la législature.
Naturellement, je vous demande de bien vouloir voter cet article 41. Certains prônent l’abstention. Or le prélèvement sur recettes est tout simplement la traduction mécanique du budget européen. S’abstenir, ce serait en quelque sorte infliger un camouflet au Parlement européen, qui est légitime pour voter le budget. Ce serait aussi infliger un camouflet au président de la commission des budgets du Parlement européen, notre compatriote Alain Lamassoure, dont je me dois de prendre la défense.
M. Thierry Repentin, ministre délégué. En bonne intelligence avec les autorités françaises, il a permis des avancées, notamment quant au mécanisme de flexibilité qui permettra de consommer l’intégralité des crédits de paiement sur la période 2014-2020. Ces 20 milliards d’euros résultent d’une approche équilibrée, soucieuse de respecter nos engagements en matière de sérieux budgétaire, mais aussi, et surtout, contribuant à un budget européen résolument tourné vers la croissance, les investissements d’avenir et la solidarité.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. François Trucy applaudit également.
Le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne est évalué pour l’exercice 2014 à 20 144 073 000 €.
Je ne suis saisi d’aucun amendement.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 41.
L'article 41 est adopté.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux. Nous les reprendrons à onze heures vingt-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à onze heures quinze, est reprise à douze heures cinq.
La séance est reprise.
Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, je vais de nouveau suspendre la séance, cette fois jusqu’à quatorze heures trente.
Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, monsieur le ministre fantôme
Sourires.
Nous avons l’impression de vivre une grève de la RATP : nous sommes laissés en rade sur nos travées, sans information aucune ! Cette situation témoigne d’un manque de respect envers le Parlement.
Marques d’approbation sur diverses travées.
Mon intervention s’inscrit dans le droit fil de celle de ma collègue Nathalie Goulet.
Je suis très surpris : nous étions censés reprendre nos travaux à onze heures vingt-cinq pour examiner les amendements restant en discussion, un créneau horaire ayant été fixé pour le vote cet après-midi. Je suppose que nous ne respecterons pas non plus les horaires prévus cet après-midi.
À ma connaissance, la conférence des présidents a arrêté le calendrier budgétaire il y a un certain temps déjà. Le ministre chargé du budget doit savoir qu’il lui faut, en principe, lors de l’examen du projet de loi de finances, être présent au Parlement, plutôt que d’assister au conseil des ministres. C’est tout à fait possible : en témoigne la présence, ce matin, de M. Repentin.
Je regrette que le Sénat soit traité ainsi. On ne nous donne aucune information. Il faudrait au moins qu’il y ait une certaine transparence !
Quelle marque de dédain envers notre assemblée que de nous laisser attendre pendant trois quarts d’heure, sans nous donner la moindre information ! D’ailleurs, sommes-nous assurés de pouvoir poursuivre nos travaux cet après-midi, à quatorze heures trente ?
Qu’on nous le dise maintenant ! Nous ne savons jamais ce qui peut se passer… Dans le cas contraire, nous pourrions peut-être faire droit à la demande de certains de nos collègues d’assister à des réunions de commission.
Monsieur le président, si vous disposez d’informations, je vous remercie de bien vouloir nous en faire part.
… et d’accélérer, voire de simplifier, la discussion de certains amendements. Il en reste vingt-quatre à examiner. M. le rapporteur général et moi-même espérions pouvoir les traiter en cette fin de matinée, afin de consacrer l’après-midi aux explications de vote sur l’ensemble.
Ce schéma, qui n’avait pas été préparé de longue date, nous semblait tout à fait raisonnable et de nature à mettre en valeur nos travaux. Espérons qu’il ne sera pas, de ce fait, trop remis en cause et que les différents groupes auront le temps de s’exprimer sur l’article d’équilibre, qui constitue le nœud de cette discussion budgétaire.
Je regrette, moi aussi, que le Gouvernement ne respecte pas les traditions institutionnelles. Les membres du Gouvernement sont suffisamment nombreux.
Chaque membre du Gouvernement représente le Gouvernement dans son ensemble. Il eût donc été facile, si le Gouvernement avait eu un peu plus de considération pour le Sénat, …
… d’en dépêcher un pendant une heure dans notre hémicycle.
Qu’il me soit permis de regretter ce manque de la considération la plus élémentaire. §
Acte est donné de ces rappels au règlement.
Mes chers collègues, je n’ai pas d’autres informations à vous communiquer.
En l’absence d’un membre du Gouvernement, je ne puis que suspendre la séance. Nous reprendrons nos travaux à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.