Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en introduction à mon propos, je dirai simplement que ce débat consacré à la contribution de la France au budget européen m’apparaît comme un moment essentiel de notre discussion budgétaire. Il est nécessaire qu’une fois par an nous nous interrogions ensemble, en notre âme et conscience, sur l’effort qu’en tant que nation nous voulons bien consentir pour la construction européenne entendue au sens large de l’expression. L’Europe des bonnes intentions ne saurait suffire, et notre engagement européen doit aussi s’illustrer par les moyens dont nous le dotons.
Ce débat se teinte naturellement des couleurs de la crise économique financière et budgétaire que nous traversons, et la raison, la prudence – certains diront « la rigueur », et je les renvoie à la situation en Espagne, au Portugal ou en Italie – l’ont emporté : le budget de l’Europe ne croîtra pas plus que les budgets nationaux.
Cependant, nous devons nous réjouir que le cadre financier pluriannuel 2014-2020 même contraint – ou peut-être parce qu’il a été contraint – cerne mieux les priorités essentielles qui découlent de la crise elle-même : les politiques en faveur de la croissance, de l’emploi des jeunes et de l’éducation s’y trouvent renforcées.
Songeons, par exemple, que le programme Erasmus +, qui regroupe tous les programmes de mobilité, se voit attribuer des fonds en progression de 70 % par rapport au précédent cadre pluriannuel. Dans ces conditions, il nous est plus facile d’apporter la contribution de la France à ce budget, qui a pour lui d’avoir fait les bons choix.
La France mettra donc à disposition du budget européen en 2014, ressources propres traditionnelles comprises et nettes des frais de perception, plus de 22 milliards d’euros, soit 16, 4 % du total du budget européen et 7, 8 % des recettes fiscales nettes françaises. Hors ressources propres versées directement à l’Union européenne, le prélèvement s’élève à un peu plus de 20 milliards d’euros. La France n’a donc pas à rougir de son effort européen, loin de là, d’autant que, en tendance, la contribution française est en progression.
En outre, comme vous le savez, la France est un contributeur net important : le deuxième pays contributeur net, après l’Allemagne ; parallèlement, elle est le troisième pays bénéficiaire, essentiellement grâce à l’importance des dépenses de la politique agricole commune : elle perçoit ainsi 17 % de l’ensemble de la PAC.
Bien sûr, le raisonnement sur le solde net de chaque pays a ses limites. Cependant, aussi longtemps que le budget européen sera financé principalement par un prélèvement sur les budgets nationaux, ce raisonnement l’emportera au détriment de l’esprit européen. Et compte tenu de la situation budgétaire dans laquelle se trouvent de nombreux pays membres, dont la France, il y a une contradiction inévitable entre le développement des politiques de l’Union et le respect des règles européennes concernant le déficit et la dette.
C’est pourquoi la grande faiblesse du nouveau cadre financier de l’Union européenne est l’absence de remise à plat des ressources du budget européen.
Et vous ne serez pas étonnés, mes chers collègues, si, à l’occasion du vote de la participation française au budget européen, je pose à nouveau la question des corrections dont bénéficient certains pays, en particulier celle qui est liée au « rabais britannique ». Notre collègue Jean Arthuis s’est clairement exprimé sur le sujet. Il est entré dans les détails, ce que je ne ferai pas. Le mécanisme est complexe, et il nuit à la clarté budgétaire et au principe de transparence.
Le rabais britannique s’explique par d’indéniables raisons historiques : en 1974, le Royaume-Uni souffrait à la fois d’une situation économique difficile et d’un déséquilibre entre ce qu’elle apportait à l’Union et ce qu’elle en recevait. Depuis, les temps ont changé et le moment est maintenant venu de tendre vers un mécanisme plus respectueux du principe de la solidarité budgétaire européenne. Aujourd’hui, le rabais britannique apparaît comme une survivance injustifiable. Nous l’avons dit et dénoncé à plusieurs reprises, tant ici qu’en commission des affaires européennes.
Si je souligne ce point, c’est parce que la France participe au rabais britannique pour une somme annuelle variant de 1, 25 à 1, 5 milliard d’euros.
D’une manière générale, la France assume une part prépondérante dans le financement de l’ensemble des mécanismes de correction. Là encore, compte tenu du temps qui m’est imparti, je n’entrerai pas dans les détails.
En dépit de ces imperfections des mécanismes budgétaires européens, la France doit continuer à montrer que, pour sa part, elle participe pleinement à la solidarité budgétaire européenne.
Comptables, si j’ose m’exprimer ainsi, des traités internationaux, nous savons très bien l’exercice auquel nous sommes conviés. Néanmoins, en mon nom personnel, et en celui de mon groupe, je m’abstiendrai sur cet article 41.
Je tiens à dire que les contraintes budgétaires dont nous faisons la dure expérience devraient se retrouver dans le budget de fonctionnement des institutions européennes. Or, sur ce point, les efforts des institutions européennes ne sont pas suffisants.
Je m’inquiète également des dépenses entraînées par le développement du service européen de l’action extérieure, dont les résultats restent modestes à un prix qui, lui, ne l’est pas. Je préférerais que l’effort porte plutôt sur la préparation d’une défense commune.
Enfin, je répète qu’un budget par temps de crise se juge moins sur sa taille que sur la légitimité des priorités qu’il a su dégager.
Cela dit, mes chers collègues, en payant notre quote-part, nous ne faisons que remplir nos obligations, et cela ne devrait pas suffire à nous donner bonne conscience. Pour être parfaitement européens, il nous faudrait aussi, au-delà de la solidarité européenne, qui passe par le budget, garder à l’esprit que la construction européenne ne se réduit pas à un budget européen solidaire : c’est aussi et surtout une coordination efficace des politiques dans le respect des disciplines communes.
Je terminerai donc mon propos en émettant le souhait que la France affiche sa volonté européenne par une mise en œuvre effective des engagements pris avec ses partenaires en matière de discipline budgétaire et de coordination des politiques économiques.
Je l’ai dit à plusieurs reprises et je vous le dis à nouveau, monsieur le ministre, comme je l’avais indiqué à votre prédécesseur : en la matière, il y a deux discours, l’un à Paris, l’autre à Bruxelles. Je sais que vous m’entendez avec quelques difficultés…