Intervention de Michel Billout

Réunion du 27 novembre 2013 à 9h30
Loi de finances pour 2014 — Article 41 et participation de la france au budget de l'union européenne

Photo de Michel BilloutMichel Billout :

Ce budget qui, dans son ensemble, avait été refusé en mars dernier par le Parlement européen est, cette fois, passé en force.

Afin de s’assurer de son adoption, le président du Parlement européen a fait procéder à un vote groupé de tous les chapitres budgétaires sans tenir compte du travail des commissions ni des priorités sociales. Cette procédure de vote bloqué a empêché de voter sur les points clés en interdisant toute possibilité d’amendements ! Comme l’a déclaré Gabi Zimmer, présidente du groupe GUE/NGL, « c’est tout simplement antidémocratique ». À l’approche des élections européennes de mai 2014, permettez-moi de trouver que cette façon de procéder envoie un très mauvais signe aux citoyens européens. Comment s’étonner alors de la crise de confiance envers les institutions européennes ?

Au sein du cadre financier pluriannuel 2014-2020, le soutien à l’agriculture et la politique de cohésion en faveur des régions les plus défavorisées restent les plus gros postes, concentrant plus des deux tiers du budget. Ils sont toutefois en recul au profit du soutien à l’innovation, à la recherche et aux infrastructures routières.

En revanche, le budget alloué à la solidarité paie directement les conséquences de la politique d’austérité. Alors même que plus de 120 millions de personnes, soit 23 % de la population, sont menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale dans l’Union européenne et que le chômage explose, particulièrement celui des jeunes, l’Union européenne réduit ses programmes de solidarité.

Si l’aide aux plus démunis, extrêmement importante pour les associations de solidarité, est certes maintenue – il aurait cependant fallu l’augmenter… –, le Fonds d’ajustement à la mondialisation, qui pourrait bénéficier à de nombreux travailleurs malheureusement licenciés en France, par exemple, est drastiquement réduit. Même le Fonds de solidarité qui vient en aide aux États victimes de catastrophes naturelles suit la même logique !

Concernant la politique agricole commune, les choix faits par la Commission ne me semblent pas répondre aux enjeux de l’agriculture de demain. La voie de la libéralisation et de la déréglementation est bien loin de ce que devrait être le premier objectif d’une politique agricole, à savoir assurer de façon durable, dans tous les pays, la sécurité alimentaire et la souveraineté. Cette PAC, bien que verdie, ne rompt pas avec le précédent modèle. Elle est bien en deçà des attentes des agriculteurs et des défis auxquels ils sont, et seront, confrontés.

J’ai le sentiment, tout comme certains médias, que les députés européens ont adopté ce budget de guerre lasse, totalement résignés, sans être convaincus du bien-fondé de ce dernier. Alors même que pour la première fois depuis le traité de Lisbonne, les parlementaires avaient, en théorie, autant de pouvoirs que les gouvernements sur le sujet, la majorité a capitulé ! La réalité est rude et le bras de fer engagé depuis février a eu raison d’elle !

Ce cadre financier pluriannuel ne répond pas à la crise. Il a été imposé par les États membres, et le Parlement n’a eu d’autres choix que de l’adopter.

Aujourd’hui, chacun essaie de sauver les apparences. D’un côté, les dirigeants de l’Union européenne se félicitent d’avoir freiné les dépenses – l’Union européenne ne peut pas demander sans cesse aux États de baisser leurs dépenses publiques sans s’y employer elle-même ! –, de l’autre côté, le Parlement s’accroche à deux principes : d’une part, la plus grande flexibilité obtenue dans l’attribution des fonds européens ; d’autre part, la révision de ce cadre budgétaire en 2016, année au cours de laquelle des changements pourront être présentés en tenant compte de la situation économique.

Deux années de pourparlers pour, au final, ne proposer que des coupes claires dans des budgets qui sont aujourd’hui indispensables à la relance économique et sociale de l’Europe : voilà qui me paraît bien dommageable pour la construction d’une Europe forte et solidaire !

En effet, si l’Europe veut réellement sortir de la crise, elle ne peut se contenter d’un budget a minima. Elle doit être ambitieuse pour son avenir et se donner les moyens d’agir. Elle doit accorder la priorité au développement social, à la solidarité, avoir une véritable politique de développement industriel, de recherche et d’innovation. Telles sont les bases d’une croissance durable !

Au Parlement européen, le groupe de la gauche unie européenne a formulé plusieurs propositions qui vont dans ce sens. Il a demandé un plan européen de relance ciblé pour les cinq prochaines années, en particulier au profit des pays en récession économique afin de lutter contre la stagnation économique et la hausse du chômage.

Il a également demandé que 1 % du produit intérieur brut de l’Union européenne soit utilisé chaque année pour l’investissement dans le développement durable environnemental et social, et ce afin de promouvoir l’égalité des sexes, le plein emploi, la protection sociale et l’amélioration de la cohésion sociale et territoriale.

Il est également indispensable que le Conseil européen redonne aux États la capacité d’agir. Les restrictions budgétaires grandissantes, sans marge de manœuvre, ne sont pas la solution.

Ainsi, des économistes de la Commission européenne constatent eux-mêmes que l’austérité ne fonctionne pas. Au contraire, selon les travaux de Jan in’t Veld, pour ne citer que lui, l’austérité budgétaire aurait fait perdre à la France, en cumulé entre 2011 et 2013, 4, 8 % de croissance, soit une moyenne de 1, 6 % par an. Pis encore, la France aurait aujourd’hui un taux de chômage inférieur de près de trois points – il se situerait à 7, 8 % – si Paris avait ajusté sa dépense publique uniquement en fonction de l’évolution potentielle de la croissance, quitte à creuser les déficits.

Vous comprendrez que le groupe des élus communistes républicains et citoyens ne peut cautionner cette approche budgétaire basée sur toujours plus d’austérité. C’est pourquoi nous voterons contre l’article 41 consacré à l’évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne, même si ce vote n’est que symbolique.

L’Europe mérite beaucoup mieux, l’Europe a besoin de croissance et de solidarité, et non de toujours plus d’austérité ! §

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