Intervention de Philippe Marini

Réunion du 27 novembre 2013 à 9h30
Loi de finances pour 2014 — Article 41 et participation de la france au budget de l'union européenne

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, président de la commission des finances :

C’est sans doute un élément anecdotique, mais, lorsque nous en avons débattu, plusieurs d’entre nous ont mis en avant les répercussions très importantes que de telles attitudes pouvaient avoir sur l’opinion publique. De fait, les réactions de nos concitoyens à l’égard des institutions européennes ne pourront pas ne pas tenir compte de telles incongruités.

J’en viens au cœur de mon propos. Il est souvent de bon ton, dans les milieux informés, de mettre en avant le caractère limité du budget européen lorsqu’on le compare à la totalité des masses budgétaires des différents États de l’Union. Pour ma part – nos rapporteurs spéciaux ont également apporté des éléments tangibles en ce sens –, j’estime qu’il s’agit d’une redoutable machine à créer de la dépense publique supplémentaire.

Je m’appuie à cet égard sur la question récurrente des « restes à liquider », que l’on n’arrive pas à contenir. Quand nous interrogeons la Commission ou le Gouvernement sur ce point, nous n’obtenons généralement que des réponses globales et convenues.

Que signifie, mes chers collègues, ce stock de plus de 200 milliards d’euros d’engagements non encore couverts par des crédits de paiement ? Nous avons connu la même situation à l’échelle du budget national, et nous avons pu constater qu’elle se traduisait, d’un côté, par des diminutions de crédits d’engagement, c’est-à-dire des promesses non tenues, de l’autre, par des augmentations de crédits de paiement, c’est-à-dire de la dépense supplémentaire.

Ce stock de plus de 200 milliards d’euros signifie donc que, sans se soucier de la soutenabilité budgétaire de ses actions, l’Union européenne prend des engagements juridiques de dépenser en sachant parfaitement que, les mécanismes étant ce qu’ils sont, les États membres devront un jour passer à la caisse.

Cette façon de faire peut résulter d’un parti pris idéologique : les institutions européennes souhaitent que l’Europe dépense plus pour créer dans les États membres une dépendance accrue aux crédits européens. Nous avons pu le constater dans tous les États bénéficiaires des politiques de cohésion.

Il suffisait d’être présent à Bruxelles en début d’année, à la réunion des vingt-sept délégués des parlements nationaux – n’est-ce pas, cher Jean Arthuis ? – pour constater que chacun demandait plus d’argent pour sa partie, son sujet, son territoire. On se serait cru dans un conseil général ou une assemblée syndicale transposée à l’échelle de l’Union. En matière de programmation pluriannuelle des finances publiques européennes, les États n’en avaient jamais assez, à commencer par ceux qui bénéficient le plus des transferts financiers européens !

Cette politique est selon moi dangereuse pour l’Europe : d’une part, on ne peut se satisfaire d’une fuite en avant dans la dépense publique ; d’autre part, on s’expose forcément à des réactions d’incompréhension lorsqu’on s’interroge sur le rôle qu’ont pu jouer les crédits structurels dans les difficultés financières de certains États comme la Grèce. Comme le rappelait Jean Arthuis, nous avons volontairement fait preuve d’un aveuglement total à l’égard de ces pays qui dépensaient copieusement, année après année, des crédits que la France finançait à hauteur de 16 % ou de 18 %.

Cette politique est également dangereuse pour la France : en 2013, les dépenses publiques ont dérapé sérieusement par rapport à la trajectoire prévue, notamment en raison d’un prélèvement européen majoré de 1, 8 milliard d’euros. Or nous savons tous que le respect de notre trajectoire de finances publiques est la condition de la préservation de notre crédibilité.

Cette majoration du prélèvement européen de 1, 8 milliard d’euros pourrait être comparée à l’abattement de 1, 5 milliard d’euros sur les dotations de l’État aux collectivités territoriales.

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