Intervention de Francis Delattre

Réunion du 27 novembre 2013 à 14h30
Loi de finances pour 2014 — État a

Photo de Francis DelattreFrancis Delattre :

Le présent article va forcément mettre en cause un certain nombre d’amendements qui ont contribué à atténuer l’équilibre du projet de loi de finances à hauteur de 11 milliards d'euros. Il me semble important de rappeler la portée de ces amendements. Certains pensent qu’il n’était pas raisonnable de les déposer, d’autres que cela ne servait à rien, mais je voudrais démontrer qu’il s’agissait d’un exercice utile.

Nous avons rétabli la défiscalisation des heures supplémentaires, y compris pour les salariés des PME, qui avaient jusqu’alors été écartés, alors même qu’ils étaient mentionnés dans les engagements du Président de la République. Cela coûte environ 4, 5 milliards d'euros. Parmi nous, il y avait ceux qui défendaient le pouvoir d'achat et ceux qui défendaient la compétitivité des entreprises – en gros, ceux qui croyaient au ciel et ceux qui n’y croyaient pas. Cependant, sur cet article, nous avions tous le même Graal : nous voulions tous améliorer la condition sociale de 10 millions de nos concitoyens.

Nous avons rétabli le quotient familial dans ses dimensions de l’année dernière. Cela coûte 800 millions d'euros. Nous avons également écarté d’autres mesures relatives aux familles. Au total, on atteint environ 1 milliard d'euros. Nous considérons que la démographie est un atout pour notre pays. Nous croyons davantage en une société jeune, dynamique, qu’en une société vieillissante, repliée sur elle-même. Nous pensons aussi que notre système de retraites par répartition a besoin d’un renouvellement des générations. Attaquer le quotient familial, c’est en réalité attaquer l’ensemble des familles ; la seule différence est que certaines ont seulement plus de charges que les autres.

Nous avons écarté la fiscalisation de l’avantage lié à la possession d’une complémentaire santé lequel concerne 17 millions de Français. Il s’agissait, il faut bien le dire, d’un tour de passe-passe de l’ingénierie financière, qui envahit peu à peu nos discussions. Était-ce utile de faire contribuer nos concitoyens visés sur ce mince avantage ? Il est vrai que cette mesure coûte 1, 2 milliard d'euros, mais on ne peut pas considérer qu’une fiscalité qui touche 17 millions de salariés est une fiscalité pour les riches. La disposition concerne tout simplement nos concitoyens qui travaillent.

M. le ministre délégué chargé du budget nous a indiqué que les charges des entreprises allaient baisser d’environ 10 milliards d'euros l’année prochaine. Pour que cet engagement soit tenu, nous avons écarté la surfiscalisation de l’impôt sur les sociétés des entreprises qui réalisent plus de 2 500 millions d'euros de chiffre d'affaires. Cela coûte 2, 5 milliards d'euros. Je rappelle que, si le projet du Gouvernement est adopté, le taux de l’impôt sur les sociétés pourra atteindre 38 % en France, contre 15 % en Allemagne et 24 % au Royaume-Uni. Le rapport Gallois souligne que ce sont les PME-PMI disposant déjà d’une certaine consistance qui ont les moyens d’entreprendre la conquête de marchés internationaux. Si vous voulez renforcer la compétitivité de ces entreprises, il ne faut évidemment pas les surtaxer à hauteur de 2, 5 milliards d'euros.

Nous avons écarté une autre innovation financière funeste, qui remonte à 2013 et devait être accentuée en 2014 : la non-déductibilité fiscale des intérêts des prêts contractés par les entreprises pour financer leurs investissements. Cela coûte 3 milliards d'euros. Dans un pays où 80 % des investissements des entreprises sont financés par les banques, la mesure proposée ne conduirait qu’à augmenter le taux des prêts dont les entreprises ont besoin. Tout le monde déplore que nos entreprises soient confrontées à un véritable problème d’investissement, notamment à cause de la faiblesse de leurs fonds propres. Il faudrait donc les aider au lieu de les surtaxer ; cela serait plus utile pour notre économie.

Nous atteignons ainsi les 11 milliards d'euros que j’ai évoqués au début de mon intervention. Chacun peut juger de la pertinence de nos amendements. Plusieurs d’entre eux ont été soutenus par certains groupes de la majorité ; nous les en remercions.

D’aucuns ont fait le procès de nos propres propositions. Si nous faisions seulement le contraire de ce que vous nous avez proposé, cela serait déjà pas mal, cela serait un commencement de programme. Cela ne suffirait pas, certes, mais cela serait le début d’un chemin.

J’en viens aux collectivités territoriales. En deux ans, 4, 5 milliards d'euros seront prélevés. Des économies de 1, 5 milliard d'euros seront réalisées. Monsieur le ministre, selon votre magnifique document sur la croissance et l’emploi, hors charge de la dette et pensions, le budget de l’État s’élèvera à 294, 5 milliards d'euros en 2014, contre 295, 2 milliards d'euros en 2013. Autrement dit, il diminuera de 700 millions d'euros. Or la dotation aux collectivités territoriales baissera quant à elle de 1 milliard d'euros exactement. C’est donc sur le dos des collectivités territoriales que vous réalisez votre mince économie sur la croissance des dépenses du pays.

Nos amendements ont le mérite d’éclairer crûment vos vrais choix économiques et fiscaux. Vous jouez à une sorte de bonneteau fiscal avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, mais, en réalité, votre projet de budget prévoit 10 milliards d'euros de charges supplémentaires pour les entreprises et presque autant pour les salariés. Vous privilégiez toujours la consommation au détriment de la production et, par conséquent, de l’emploi.

Le problème de ce budget est qu’il manque d’incitations et de courage politique.

Avec des dépenses publiques équivalant à 57, 1 % du PIB, ce qui classe la France tout en haut des pays de la zone euro, vous asphyxiez les forces productives. Au regard de la situation de l’Allemagne, dont ces mêmes dépenses sont passées, en dix ans, de 48, 5 % à 44, 7 % du PIB, un vrai schisme est en train de se préparer !

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