Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un texte d’apparence technique qui nous réunit aujourd’hui. Le projet de loi qui vous est soumis vise, en effet, à transposer dans notre droit national la directive 2013/1/UE du Conseil du 20 décembre 2012. Cette directive modifie les conditions d’éligibilité des citoyens de l’Union européenne qui n’ont pas la nationalité française et qui souhaiteraient se présenter en France lors des prochaines élections européennes.
L’Assemblée nationale a adopté sans modification et à l’unanimité le projet du Gouvernement. Votre commission des lois a, elle aussi, adopté ce texte sans modification. La directive devant être transposée avant le 28 janvier 2014, le Gouvernement se réjouit du consensus dégagé sur ce texte.
Si ce projet de loi est d’apparence technique, il s’inscrit dans la volonté d’approfondir la citoyenneté européenne en simplifiant l’exercice du droit, pour tout citoyen de l’Union européenne, de se présenter dans un autre État membre que son État d’origine. Cette réforme vaut tant pour les Français qui souhaiteront se présenter à l’étranger que pour les ressortissants européens qui souhaiteront se présenter en France.
L’une des composantes de la citoyenneté européenne est, en effet, la possibilité offerte aux citoyens de l’Union d’être électeurs et éligibles dans l’ensemble des pays de l’Union européenne lors des élections municipales et communautaires, ainsi que lors des élections européennes.
Jusqu’à présent, les citoyens qui souhaitaient se présenter en France lors des élections européennes devaient fournir, outre l’ensemble des pièces demandées aux ressortissants français, une attestation de leur État membre d’origine certifiant leur éligibilité.
Avant de se présenter, le candidat devait donc joindre l’administration compétente de l’État membre dont il était ressortissant et se faire transmettre, en temps utile, cette attestation.
Lors des élections au Parlement européen de 2009, seulement 15 candidats ressortissants d’un État membre de l’Union européenne autre que la France se sont présentés sur les listes enregistrées en France.
À l’échelon de l’Union européenne, seuls 81 candidats se sont présentés dans un autre État membre que leur État d’origine.
En 2004, 8 candidats avaient pu bénéficier de ce droit en France et 57 dans l’ensemble de l’Union européenne.
Même si ces chiffres illustrent un progrès entre les deux scrutins, ils restent encore trop faibles et ont invité les institutions européennes à s’interroger.
Les exigences de la directive 93/109/CE transposées dans la loi du 7 juillet 1977 relative à l’élection des représentants au Parlement européen ont pu entraîner des difficultés pour les candidats. Je pense, notamment, à l’identification des autorités habilitées à délivrer les attestations dont j’ai parlé ou aux délais d’obtention de ces documents.
La Commission européenne a donc estimé que ces modalités constituaient un obstacle à l’exercice du droit d’éligibilité et qu’elles contribuaient à la faible participation des citoyens de l’Union européenne en tant que candidats aux élections au Parlement européen dans un État de résidence dont ils ne sont pas ressortissants.
Face à ce constat, le Conseil et le Parlement européen ont adopté, en 2012, la directive 2013/1/UE que nous transposons aujourd’hui.
Il s’agit donc d’inverser la logique qui a prévalu jusqu’à présent.
Désormais, tout candidat d’un autre État membre que la France sera présumé éligible. Sa candidature ne pourra donc plus être empêchée pour des raisons matérielles.
En revanche, pour préserver la sécurité juridique du scrutin, les autorités françaises vérifieront auprès de leurs homologues la véracité de la déclaration du candidat.
Fondée sur cette nouvelle logique, la directive du 20 décembre 2012 prévoit un mécanisme plus simple, que je vous propose de transposer en adoptant l’article 2 du projet de loi : l’obligation de présenter les attestations obtenues auprès de son État membre d’origine est supprimée ; elle est remplacée par une simple déclaration du candidat indiquant qu’il est éligible dans son État d’origine.
Les vérifications utiles devront donc être effectuées par l’État dans lequel la candidature a été déposée. L’État d’origine disposera alors de cinq jours pour répondre. Si aucune réponse n’est reçue dans ce délai, la candidature doit pouvoir être enregistrée. Tel est l’objet de l’article 4 du projet de loi.
L’Assemblée nationale a enrichi cet article, afin d’expliciter le délai alloué aux États pour échanger des informations.
L’article 6 modifie également le délai laissé au ministère de l’intérieur pour délivrer le récépissé définitif des déclarations de candidature. Ce délai sera désormais de six jours – au lieu de quatre jours actuellement –, de façon à laisser une marge de manœuvre suffisante dans la délivrance du récépissé d’enregistrement des candidatures.
Ce changement de logique permettra donc de lever les obstacles qui se présentaient aux candidats issus d’un État de l’Union européenne autre que la France. Toutefois, la sécurité juridique du scrutin reste pleinement garantie par la mise en place d’un dispositif assurant que seules des personnes effectivement éligibles exercent le mandat de député européen.
En premier lieu, le texte qui vous est soumis prévoit les conséquences juridiques de l’inéligibilité d’un candidat. Si cette inéligibilité est notifiée aux autorités françaises avant le scrutin, l’article 7 du projet de loi prévoit un retrait du candidat de la liste présentée aux électeurs.
Deux situations sont alors possibles : si ce retrait intervient pendant la période de dépôt de candidature, la liste peut être complétée. En revanche, si l’inéligibilité est découverte à l’issue de la période de candidature, la liste incomplète peut se présenter aux élections.
L’expérience a montré qu’un autre cas devait être envisagé : il est, en effet, possible que l’État d’origine ne réponde qu’après le scrutin. Dans ce cas, si l’inéligibilité est découverte après l’élection, l’article 1er du projet de loi prévoit qu’il pourra être mis fin au mandat du candidat indûment élu.
L’Assemblée nationale a, d’ailleurs, transposé cette disposition aux candidats de nationalité française et corrigé ainsi une lacune de la loi actuelle. En effet, aujourd’hui, si l’inéligibilité d’un élu de nationalité française n’était découverte qu’après le délai de recours contre son élection, son mandat ne pouvait plus être contesté et une personne inéligible pouvait ainsi continuer à siéger au Parlement européen.
Par ailleurs, pour adapter le calendrier électoral à ce nouveau dispositif, l’article 3 du projet de loi avance d’une semaine la période de dépôt des candidatures : elles seront désormais déposées au plus tard le quatrième vendredi précédant le scrutin, au lieu du troisième vendredi dans le système actuel.
Ces nouvelles modalités de dépôt de candidature ajoutent une étape au processus administratif actuel. Il était donc nécessaire de prévoir une semaine supplémentaire entre la fin de la période de candidature et le début de la campagne électorale. Il est en effet important de limiter au maximum le nombre des cas où la réponse des États membres parviendrait aux autorités françaises après le début de la campagne officielle. Le délai de dépôt des candidatures, de deux semaines, ne sera en revanche pas modifié.
Tous les États doivent transposer ce mécanisme dans leur ordre juridique interne avant le 28 janvier 2014.
Ce nouveau dispositif de contrôle des inéligibilités sera donc applicable dans chacun des États membres de l’Union dès les élections au Parlement européen de 2014 et facilitera donc les candidatures de ressortissants de l’Union en France, mais aussi, évidemment, de ressortissants français dans les autres États membres.
Cette réforme permettra l’émergence de candidats européens qui, par leur parcours, leur mobilité au sein des frontières européennes, leur résidence dans un pays étranger, incarnent l’Europe. Cette citoyenneté européenne, consacrée par l’article 88-3 de la Constitution, nous devons la faire vivre. Je crois que ce projet de loi y contribue.