Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens avant tout à remercier le groupe UMP, qui a suscité l’inscription de ce débat à l’ordre du jour de notre assemblée. Cette initiative nous donne l’occasion de poursuivre le travail effectué par nos collègues Catherine Procaccia et Ronan Kerdraon, près d’un an après la publication de leur rapport. Sous leur autorité, le groupe de travail sur la sécurité sociale et la santé des étudiants a organisé dix-sept auditions et quatre déplacements, qui ont permis de définir plusieurs pistes de réflexion intéressantes, parfois divergentes dans leurs conclusions.
À la suite de revendications de l’UNEF en faveur d’une plus grande autonomie et d’une reconnaissance du statut d’étudiant, la loi du 23 septembre 1948 a étendu aux étudiants le régime applicable aux salariés et en a prévu le service par une mutuelle. Il s’agissait à l’époque d’offrir à ces jeunes une protection sociale spécifique.
L’idée était généreuse. Pourtant, force est de constater que, plus d’un demi-siècle plus tard, le régime délégué de sécurité sociale étudiante est devenu inefficace et coûteux, comme l’ont montré les deux orateurs précédents. Cela nous impose de nous pencher très sérieusement sur le sujet.
Dès septembre 2012, l’UFC-Que Choisir – dont les affirmations sont parfois contestables par ailleurs – avait dressé un bilan accablant : les étudiants, dans leurs relations avec les mutuelles, sont confrontés à un incroyable parcours du combattant. Il leur est ainsi souvent difficile, voire impossible, de joindre un correspondant, les files d’attente devant les guichets sont interminables, les courriers de réclamation en attente de traitement s’accumulent et les remboursements des prestations prennent de plus en plus de retard. Plus grave encore, comme cela a été dit, un tiers des nouveaux inscrits attendent plus de trois mois leur carte Vitale, délai pendant lequel les étudiants ne bénéficient pas du tiers payant. Or nous savons bien que, chaque année, ils sont un peu plus nombreux à renoncer à des soins médicaux, faute d’argent. Cette situation n’est pas acceptable !
Ces dysfonctionnements sont aggravés par une concurrence entre la mutuelle nationale et les mutuelles régionales et une confusion volontaire, comme l’a souligné Catherine Procaccia, entre sécurité sociale et complémentaire santé. À chaque rentrée, les mutuelles se livrent une véritable bataille pour attirer un maximum d’étudiants auxquels elles espèrent surtout vendre une complémentaire santé, souvent 20 % à 30 % plus chère qu’une complémentaire classique. Les nouveaux inscrits ignorent d’ailleurs, pour la plupart, que les mutuelles étudiantes cumulent une délégation de service public et une activité d’assureur, et 37 % d’entre eux ne savent pas que les complémentaires santé sont facultatives.
Nous devons également nous référer à ce qu’écrit la Cour des comptes, qui s’est, elle aussi, saisie de ce dossier, comme on l’a déjà évoqué. Au-delà de l’insuffisance de la qualité de service et de la complexité de la gouvernance, elle pointe du doigt le surcoût faramineux du régime étudiant. Les mutuelles auraient ainsi dépensé, en 2011, 93 millions d’euros en frais de gestion pour remplir leur mission de sécurité sociale, ce qui représente près de 13 % du montant des prestations versées. Alors que l’ensemble des gestionnaires du régime général réduisent leurs frais de gestion, les remises de gestion versées par l’assurance maladie aux mutuelles étudiantes ont progressé de 8, 1 % entre 2006 et 2011. La CNAMTS leur a ainsi versé, en 2011 et 2012, 54, 77 euros par étudiant alors que les mutuelles de fonctionnaires n’ont perçu qu’une dotation équivalente à 44, 29 euros par affilié. L’enjeu financier est considérable !
Ces dysfonctionnements appellent nécessairement des réponses concrètes immédiates, comme l’indiquent les deux auteurs du rapport sénatorial. Nous sommes tous d’accord sur ce point : le statu quo n’est plus envisageable. La question qui se pose désormais est donc simple : quel avenir envisageons-nous pour la sécurité sociale étudiante ? À l’évidence, ce mode de gestion, défavorable aux étudiants et coûteux pour la collectivité, doit être reconsidéré. Faut-il conserver le régime délégué et le confier à une seule structure ? Personnellement, je ne suis pas favorable à cette solution.
La Cour des comptes préconise la reprise de la gestion de la population étudiante par les caisses d’assurance maladie. Cette solution aurait le mérite d’améliorer la qualité de service et permettrait une économie qui a été évaluée à 70 millions d’euros.
Madame la ministre, les travaux menés par Catherine Procaccia et Ronan Kerdraon ont démontré l’impérieuse nécessité de réformer le régime de sécurité sociale étudiante. La Cour des comptes a fait des recommandations. Quelles suites comptez-vous leur donner ? Parce que ce système est complexe, instable et peu compréhensible, parce qu’il remet en cause l’accès aux soins des étudiants, j’espère que vous donnerez l’élan nécessaire à l’amélioration de la situation.