Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi avant toute chose de remercier et de féliciter très sincèrement Catherine Procaccia et Ronan Kerdraon, pour la qualité de leur rapport sur la sécurité sociale des étudiants, qui constitue la base de notre débat d’aujourd’hui.
Je ne reviendrai ni sur le mode de gestion spécifique des mutuelles étudiantes, au périmètre complexe et à la gouvernance insatisfaisante, ni sur la qualité de service globalement insuffisante, notamment en ce qui concerne les relations avec les assurés ou le remboursement des prestations ; ces difficultés ont été abordées par nos deux collègues et, bien entendu, je soutiens pleinement leurs propositions. Je centrerai principalement mon propos sur les coûts de gestion, comme l’ont fait Catherine Procaccia et Gilbert Barbier.
Après l’enquête de l’UFC-Que Choisir, publiée en 2012, qui avait suscité de nombreuses réactions de la part des mutuelles étudiantes dans nos territoires, et le rapport d’information de nos collègues, c’est la Cour des comptes qui, dans le rapport qu’elle a présenté en septembre dernier, a critiqué le système de sécurité sociale étudiante, qui est confronté à de profondes difficultés. Selon la Cour des comptes, les remises de gestion versées par la CNAMTS aux mutuelles étudiantes ont augmenté de plus de 8, 1 % de 2006 à 2011. De même, après prise en compte de l’évolution des effectifs, les frais de gestion unitaires des mutuelles étudiantes ont progressé entre 2005 et 2011 de 7, 2 %, alors que ceux de l’ensemble des caisses primaires ont augmenté de 5 %. En outre, les mutuelles étudiantes paraissent significativement moins productives que les caisses primaires en ce qui concerne les remboursements par assuré.
Si la plupart des mutuelles étudiantes ont, à l’image du réseau de l’assurance maladie, amélioré leur productivité entre 2007 et 2011 à la faveur de la dématérialisation croissante des feuilles de soins et par réduction de leurs effectifs, ce n’est cependant pas un cas général, comme le montrent les difficultés qu’a connues Vittavi dans un passé très récent. Quant à La Mutuelle des étudiants, elle connaît pour sa part un déséquilibre chronique.
Comme cela a été souligné, les mutuelles étudiantes ont dépensé 93 millions d’euros, en 2011, en frais de gestion pour remplir leur mission de sécurité sociale. Ce chiffre représente près de 14 % du montant des prestations versées, soit trois fois plus que l’assurance maladie. Ce mode de gestion déléguée doit donc, selon nous, être reconsidéré. Nos deux collègues auteurs du rapport ont présenté trois scénarios.
Le premier consisterait à conserver l’architecture actuelle d’un régime délégué à plusieurs structures. Un meilleur partage des tâches de gestion entre les mutuelles étudiantes et l’assurance maladie permettrait d’assurer la pérennité du système. Ainsi, les mutuelles pourraient garder leurs liens avec les étudiants en traitant l’accueil physique, les courriers et les réclamations. L’assurance maladie aurait la capacité de liquider les prestations, assurer les contrôles et la gestion des fraudes. Ce scénario demeure, à mes yeux, trop complexe.
Le deuxième scénario, qui consisterait à confier le régime délégué à une seule structure, fait débat dans notre assemblée. Nos deux collègues rapporteurs ont en effet une vision différente. Certes, la concurrence entre LMDE et les mutuelles régionales occasionne des frais commerciaux et de marketing. Le scénario ici proposé permettrait d’éviter cette concurrence, réduisant ainsi sans doute les coûts de fonctionnement. Cependant, selon moi, une fusion serait forcément mal perçue, car les mutuelles auraient le sentiment d’être mises sous la tutelle d’une autre mutuelle. Ce système me paraît injuste et, par conséquent, il n’a pas ma faveur.
Le dernier scénario consisterait à conserver l’affiliation de l’étudiant au régime dont il relève au moment de son inscription dans l’enseignement supérieur. Cette solution, que l’on pourrait qualifier de radicale, ferait disparaître la particularité d’un régime étudiant mais permettrait de réduire les coûts par la simplification des procédures.
Ce scénario a d’ailleurs été recommandé par la Cour des comptes : celle-ci a précisé que la reprise de la gestion de la population étudiante par les caisses d’assurance maladie entraînerait une économie de près de 70 millions d’euros.
À défaut, le scénario « mi-chèvre mi-chou », comme l’a dit Mme Procaccia, pourrait offrir une solution transitoire : il s’agirait de laisser aux étudiants le choix entre l’affiliation à la sécurité sociale étudiante et le maintien de leur rattachement au régime de leurs ascendants. Toutefois, chacun le sait, les régimes transitoires s’éternisent parfois…
J’ajoute que cette simplification résultant de la suppression de régimes spécifiques pourrait être étudiée pour des régimes autres que le régime étudiant, mais ce n’est pas l’objet du débat de ce soir.
Compte tenu des difficultés économiques que connaît notre pays, il me paraît nécessaire de reconsidérer la gestion déléguée de la sécurité sociale étudiante, devenue inefficace et coûteuse. Prenons en compte les différentes pistes proposées, car il y a des économies à réaliser.
Comme nombre de nos collègues, j’espère donc que cet excellent rapport ne restera pas lettre morte, madame la ministre. Des associations réclament déjà la mise en place d’une commission d’enquête sur le fonctionnement des mutuelles étudiantes. Sans en arriver là, le Gouvernement devrait, à mon sens, apporter rapidement des solutions concrètes au problème soulevé par nos collègues dans leur rapport.