Intervention de Geneviève Fioraso

Réunion du 3 décembre 2013 à 21h30
Débat sur la sécurité sociale des étudiants

Geneviève Fioraso, ministre :

Nous souhaitons également encourager le pilotage des actions de santé par les établissements d’enseignement supérieur, même si, je le rappelle, l’autonomie ne favorisera pas des traitements différenciés selon les lieux. En effet, nous voulons intégrer dans les contrats de sites entre le ministère et les pôles universitaires les plans santé opérés dans ces sites. Ces dispositions seront précisées dans un plan national pour la santé des étudiants que je présenterai au printemps.

Je veux remercier les sénateurs qui ont participé au débat sur la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche et dont les contributions relatives à la santé, de niveau législatif ou non, éclairent utilement les politiques en cours d’engagement. Ainsi que l’a fait remarquer Catherine Procaccia, certains de leurs amendements ont été intégrés au texte qui a été adopté.

Je remercie Françoise Cartron d’avoir salué le projet i.Share suivi par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, l’INSERM, c'est-à-dire l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, et l’université de Bordeaux, un projet de cohorte important, avec un financement de 9 millions d’euros au titre du programme des investissements d’avenir, et qui nous permettra d’améliorer la prévention.

D’ailleurs, la prévention n’est pas l’apanage des seuls médecins. Elle fait partie – je réponds là à une remarque de M. René-Paul Savary – des nouveaux métiers de santé sur lesquels nous menons actuellement une réflexion.

J’en viens maintenant au régime étudiant de sécurité sociale. Nous en sommes tous d’accord, les étudiants ont droit à une assurance maladie efficace. Toutefois, de nombreux problèmes, connus de tous, se posent : ils sont hétérogènes, comme l’a démontré le débat. Rétablir la clarté est donc la première des exigences.

La priorité est de rendre efficace le service apporté aux étudiants. C’est cet objectif simple que s’est assigné le Gouvernement. Cette attitude pragmatique est le fondement de notre action.

Je dirai un mot sur la situation des étudiants face aux problèmes de santé. Vous avez tous évoqué l’inégalité d’accès aux soins selon les origines sociale et territoriale des étudiants. Cette situation est réelle : les chiffres le montrent, même s’il faut les manipuler avec vigilance ; ils diffèrent en effet selon les sources, et je vous laisse deviner, mesdames, messieurs les sénateurs, lesquels, de ceux des mutuelles ou de l’Observatoire national de la vie étudiante, sont les plus inquiétants.

En moyenne, de 10 % à 20 % des étudiants – la disparité des chiffres explique cette fourchette – ne bénéficieraient pas d’une complémentaire santé. La proportion est de 40 % pour les étudiants dont les parents ont un revenu mensuel inférieur à 1 500 euros, contre 28 % – c’est encore trop ! – pour les autres.

Comme vous l’avez également souligné, les étudiants étrangers rencontrent, de leur côté, davantage de difficultés que les autres, sans compter les tracasseries administratives auxquelles ils doivent faire face. La liste des papiers qu’ils doivent fournir est totalement décourageante pour un adulte ; imaginez alors pour un jeune ! Ces étudiants sont donc confrontés à des obstacles importants pour ce qui concerne tant l’adhésion à une mutuelle que le remboursement des soins.

Face à cet état de fait, la situation des mutuelles, est, comme vous l’avez tous relevé, complexe – c’est un euphémisme.

Concrètement, ainsi que cela a été longuement rappelé au cours du débat, LMDE, La Mutuelle des étudiants, s’est trouvée, voilà quelques mois, confrontée à une situation très difficile : elle n’a plus été capable de traiter les courriers reçus dans des délais acceptables et les étudiants affiliés ne pouvaient plus joindre par téléphone le correspondant de leur mutuelle.

La Mutuelle générale de l’éducation nationale, la MGEN, s’est engagée à approfondir son partenariat avec La Mutuelle des étudiants. Un protocole a été signé. Les premières mesures d’urgence ont permis de sortir de cette situation de blocage, qui a mis les étudiants dans l’embarras.

Ainsi, le stock de courriers non traités a été fortement réduit et le service aux étudiants s’est globalement amélioré. La Direction générale pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle, qui est l’une des deux grandes directions du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, m’a signalé une nette décrue du nombre de courriers de réclamation qui lui parvenaient régulièrement.

L’accord entre LMDE et la MGEN n’est pas encore totalement finalisé. Je connais les points de tension qui existent entre les deux parties – je sais qu’elles accordent une vigilance toute particulière à certains sujets –, ainsi qu’avec l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et la direction de la sécurité sociale, qui dialoguent intensément en vue de trouver des solutions sûres, fiables et durables. J’encourage chaque acteur à faire preuve d’un esprit constructif, imaginatif et rigoureux, parce que nous ne pouvons pas décevoir les étudiants.

L’amélioration incontestable du service, même si une marge importante de progression demeure, ne clôt pas le débat. Des questions plus structurelles sont posées, que vous avez rappelées dans vos interventions et que je commenterai brièvement, après avoir salué très sincèrement, encore une fois, la qualité du rapport d’information réalisé par Catherine Procaccia et Ronan Kerdraon.

Je n’apporterai pas de réponses trop catégoriques aux questions posées, car le Gouvernement attend dans les toutes prochaines semaines, dans le cadre de la modernisation de l’action publique, deux rapports, réalisés par l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGF, l’Inspection générale des finances, et l’IGAENR, l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, qui viendront éclairer les évolutions possibles.

En effet, à ma demande, un rapport portera sur la gestion de l’assurance maladie des étudiants, tandis que l’autre concernera la santé de ceux-ci. Le Parlement a vocation à en avoir connaissance, comme tous les documents publiés dans ce cadre.

Permettez-moi d’en venir à quelques-unes des questions structurelles posées. Je souligne, tout comme vous, le choix original opéré, en 1948, par notre pays, en créant ce régime délégué, que l’on ne retrouve pas ailleurs en Europe et qui fait aussi partie, madame, monsieur le sénateur, de l’étude que vous avez réalisée.

On connaît les arguments – je le répète, ils ne sont pas partisans – qui ont motivé la création de ce régime, et qui ont tout leur mérite : encourager la responsabilité des étudiants, prévoir une gestion démocratique, avec des conseils d’administration de pairs désignés par la voie de l’élection, conforter, ce faisant, la capacité de prévention par les jeunes eux-mêmes sont des intentions absolument louables.

Je pense, par exemple, à la prévention de la transmission du virus HIV, avec l’initiative conjointe de Sidaction, du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, du ministère de l’éducation nationale et du ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative. Ces acteurs ont lancé auprès des lycéens et des étudiants, dans le cadre de la campagne de lutte contre le sida, un concours pour réaliser des vidéos avec des téléphones portables. Je crois à l’efficacité des campagnes de prévention réalisées par les jeunes eux-mêmes et pour les jeunes : grâce à un langage commun, l’approche est beaucoup plus prescriptive que les campagnes plus institutionnelles, même si, je rassure là les orateurs qui s’en sont inquiétés, nous devons tout de même en réaliser.

Dans le même temps, se posent, en termes d’organisation du système, des questions difficiles en ce qui concerne l’articulation entre le régime étudiant et le régime général.

Comment expliquer correctement cette organisation complexe aux jeunes ? À quel moment le faire ? Au lycée, à l’entrée de l’université ? Par quel canal le faire, par celui des mutuelles délégataires ou plutôt par une voie institutionnelle plus neutre et, dirai-je, plus dépassionnée ?

Compte tenu de la complexité de la question de l’assurance maladie et de l’existence de plusieurs régimes spéciaux – chacun avec des particularités –, comment éviter que les jeunes et les familles ne se perdent dans des propositions compliquées et obscures ? Par exemple, à quel âge et dans quelles conditions les étudiants concernés dépendront-ils de l’un ou de l’autre régime de sécurité sociale ?

Avant d’assister à ce débat, les membres de mon cabinet ministériel et moi-même nous sommes demandé à quel régime étaient affiliés nos enfants étudiants... Je dois dire que nous avons tous été bien en peine de répondre à cette question. Cela prouve que nous vivons nous aussi cette complexité.

En tout état de cause, comment faciliter des mutations inter-régimes trop lentes et parfois chaotiques, qui font courir des risques sérieux de rupture des droits des étudiants ? La moindre des ambitions serait de systématiser des mutations par voie électronique – cela a été dit et cela sera fait –, alors que, trop souvent, les démarches s’opèrent encore via des imprimés, qui tardent à circuler et parfois même s’égarent.

Un point particulièrement sensible concerne les étudiants salariés. Le défaut d’articulation entre les régimes étudiant et général conduit à deux risques jumeaux.

Certains étudiants sont couverts deux fois, en tant qu’étudiants et salariés, en réglant deux cotisations. Cela peut même se produire au sein de l’université, …

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion