Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 4 décembre 2013 à 18h00
Débat sur les perspectives d'évolution de l'aviation civile à l'horizon 2040 : préserver l'avance de la france et de l'europe

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat sur les conclusions et les préconisations du rapport rédigé par Roland Courteau au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques nous permet d’aborder la question de l’aviation civile et des conditions à réunir pour préserver l’avance de la France et de l’Europe en la matière.

Il s’agit en effet d’un secteur d’activité essentiel. L’aviation civile est une industrie majeure, avec 33 000 emplois directs et même un million d’emplois si l’on compte l’ensemble des emplois induits. Elle représente 75 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 18 milliards d’euros d’exportations. Outre son poids économique, ce secteur est l’un des leviers majeurs de la transition écologique, dans la mesure où le nombre de passagers passera de 2, 7 milliards à 5, 4 milliards d’ici à 2040.

Il est donc important que les pouvoirs publics s’intéressent de près aux conditions de développement du secteur, et nous remercions Roland Courteau de la qualité de son travail et de son rapport, particulièrement complet et exhaustif. Des préconisations sont formulées dans six domaines. Je reprendrai ces préconisations en les commentant, et je conclurai sur le point qui me semble essentiel, car il est peut-être insuffisamment traité par le rapport.

La première préconisation est le soutien à la recherche. Nous partageons cette préoccupation. Dans tous les secteurs, la recherche est la clé de l’innovation et donc de la performance. Malheureusement – le rapport le souligne –, nous assistons depuis quelques années à un affaissement des soutiens nationaux à la recherche, dans le secteur de l’aviation civile comme dans tous les autres secteurs. La dotation à l’institut de recherche aéronautique français est ainsi passée de 140 millions d’euros à 60 millions d’euros, et la feuille de route du CORAC n’est que très partiellement financée.

Il s’agit là, selon nous, de l’un des effets négatifs, voire contre-productifs, des politiques d’austérité menées tant au niveau national qu’au niveau européen ces dernières années. Nous considérons, à l’inverse, que c’est bien le financement de la recherche qui créera les conditions de la relance de notre industrie. En investissant moins, non seulement les pouvoirs publics ne permettent pas la sortie de crise, mais au contraire ils confortent la crise, ce qui doit nous amener à nous interroger.

La deuxième préconisation appelle à anticiper le développement du marché des drones. Nous prenons acte de cette réalité qui tend aujourd’hui à s’imposer, mais je dois dire que nous ne sommes pas fascinés par l’essor de ce type d’appareils qui posent des questions en matière de respect des libertés individuelles et collectives, car ils renforcent les possibilités de surveillance. L’usage des drones doit donc être particulièrement encadré pour éviter toute dérive.

La troisième préconisation porte sur la nécessité de soutenir les progrès de la filière du biokérosène à l’échelon européen. Pour notre part, nous sommes assez dubitatifs sur ces biocarburants. En effet, ceux-ci ont tendance à être présentés comme la panacée pour la transition énergétique, alors même que leur développement, nous le savons, entrave l’utilisation des terres agricoles en pervertissant leur fonction vivrière, qui est leur destination première. Nous souhaitons donc le développement de ces biocarburants, ainsi que la poursuite des recherches, à l’unique condition qu’ils n’entrent pas en concurrence avec la vocation nourricière de l’agriculture.

Sur cette question comme sur d’autres, un effort accru de recherche doit donc être poursuivi au niveau tant national qu’européen. À cet égard, nous estimons qu’il conviendrait d’y faire participer les grands groupes pétroliers qui, aujourd’hui, profitent d’une rentabilité accrue des énergies fossiles du fait de leur extinction prochaine. En effet, le rapport indique que le retour sur investissement, de l’ordre de dix ans, est aujourd’hui trop long pour permettre que les financements soient assurés. Nous considérons que cette participation à l’investissement pour la recherche autour de nouvelles énergies propres et renouvelables doit non pas dépendre du libre arbitre des acteurs du secteur, mais bien être une obligation.

En quatrième préconisation, vous proposez de renforcer l’établissement de normes convergentes pour les deux systèmes de navigation aérienne : SESAR dans l’Union européenne et NextGen aux États-Unis. Il s’agit, pour ce qui concerne l’Europe, du volet technologique du ciel unique européen lancé sur l’initiative de la Commission européenne, finalisé en 2004 et révisé en 2009.

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