Intervention de Frédéric Cuvillier

Réunion du 4 décembre 2013 à 18h00
Débat sur les perspectives d'évolution de l'aviation civile à l'horizon 2040 : préserver l'avance de la france et de l'europe

Frédéric Cuvillier, ministre délégué :

D’ailleurs, je vous rassure sur ce point, mais vous le savez, cela ne pourrait se faire que par un vote du Parlement. Donc, tant que vous n’avez pas été saisis – et vous ne le serez pas par le Gouvernement –, la question ne se pose pas.

Une autre question a trait à l’adaptation progressive des capacités aéroportuaires aux besoins de transport aérien. Nous avons parlé de complémentarité entre les différents modes de transport. Nous avons évoqué, j’y reviendrai dans quelques instants, l’optimisation nécessaire de l’organisation de l’espace aérien, notamment des voies aériennes. C’est pourquoi il importe de soutenir, au niveau européen, les programmes d’innovation relatifs aux espaces aériens. Mais il est des moments où les choix politiques s’imposent à nous.

J’ai bien entendu l’appel de Mme Corinne Bouchoux, qui est revenu sur un sujet d’actualité. Il est effectivement compliqué de vouloir protéger l’environnement – protection sonore, non-survol de zones – et de refuser la création d’aéroports.

Vous connaissez ma position sur ce point. La croissance du trafic aéroportuaire dans toute cette région de l’Ouest, une croissance à plus de deux chiffres, est la plus importante de France. Il est absolument nécessaire d’envisager un équipement aéroportuaire qui protège l’environnement – les populations y ont droit –, mais qui puisse aussi absorber à long terme le trafic sur cette partie du territoire. Là où il est possible d’optimiser les plates-formes existantes, nous devons le faire. L’exemple de Toulouse en est une parfaite illustration.

Nous devons le faire aussi en étant attentifs à la qualité de l’environnement des populations. Je reçois, pour ma part, des délégations d’élus, des associations de riverains et je sais que la perspective d’éventuels travaux ou extensions – je pense à Orly – peut susciter beaucoup d’anxiété.

L’optimisation de l’existant est la piste prioritaire, mais le redéploiement des capacités aéroportuaires ne doit pas être écarté lorsqu’il devient une nécessité absolue.

S’agissant des infrastructures indispensables à l’augmentation des capacités pour les aéroports parisiens de Roissy et d’Orly, c’est-à-dire les aérogares, les aires de stationnement et les accès terrestres, vous avez raison de souligner combien les programmes d’investissements d’Aéroports de Paris doivent être étroitement encadrés par les contrats de régulation économique signés tous les cinq ans avec l’État. Ces contrats ont permis, depuis 2005, la mise en œuvre d’investissements structurants sur une base de programmation pluriannuelle.

Par ailleurs, ces aéroports, sources de richesse économique et d’emplois pour les communes voisines, doivent pouvoir se développer dans le respect des riverains avec un plafonnement de leurs émissions sonores. J’attire l’attention sur l’importance des emplois fournis par les plates-formes aéroportuaires à des populations qui en ont aujourd’hui besoin. Il est nécessaire de veiller à l’équilibre social que permettent ces métiers.

Bref, il y a là des enjeux qui concernent la chaîne de décision, les relations économiques entre les entreprises et leurs sous-traitants, le respect des populations et le rapport social. Il faut bien évidemment, aussi, respecter les riverains, ce qui passe par l’amélioration des performances acoustiques des aéronefs, mais aussi par la mise en place de nouvelles solutions de navigation aérienne.

Puisque je viens d’évoquer les nouvelles solutions de navigation aérienne qui permettront de réduire les nuisances autour des aéroports, je souhaite confirmer la nécessité, largement soulignée dans le rapport, de moderniser les systèmes de navigation aérienne. Cet enjeu majeur très complexe doit être traité au niveau européen. Je me félicite qu’un ambitieux programme européen dit « Ciel unique » ait été lancé dès 2004 et que la France y joue un rôle tout à fait important.

Notre pays est en particulier engagé, avec cinq autres États – l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg et la Suisse –, dans la mise en place du FABEC, le bloc d’espace aérien fonctionnel « Europe Centrale ». L’objectif est de gérer l’espace aérien et le trafic aérien dans cette zone indépendamment des frontières nationales, pour rendre plus fluide la circulation aérienne, grâce à une organisation groupée, et augmenter la performance. J’y ai fait référence précédemment.

Ce projet extrêmement important doit permettre d’absorber la croissance attendue du trafic, d’optimiser notre capacité d’y répondre avec des niveaux de sécurité et de ponctualité aussi élevés qu’aujourd’hui et de réduire, dans le même temps, l’impact environnemental des vols, grâce notamment à des trajectoires optimisées. Des travaux sont en cours, et la DGAC doit régulièrement adapter les logiciels et les schémas pour permettre des améliorations, notamment dans le domaine des trajectoires d’approche. Il est nécessaire d’optimiser les trajectoires pour générer des gains de consommation de carburant.

Le FABEC est le bloc d’espace aérien fonctionnel le plus important d’Europe, car il représente 55 % des vols en Europe. Sa réussite est primordiale. Lors du dernier conseil des ministres européens informel, j’ai demandé au commissaire Kallas une pause dans la réglementation aérienne - je pense notamment au « Ciel unique 2 + ».

En effet, il faut laisser le temps à la réglementation, qui date de 2009, de porter tous ses fruits avant de remettre celle-ci en cause. Nous avons en France une organisation administrative de grande qualité, qui est d’ailleurs, je le souligne, une référence européenne et mondiale. Je le répète, nous devons prendre le temps d’appliquer les réglementations existantes et éviter cette forme de harcèlement textuel !

Je me réjouis que l’Europe ait lancé à ce sujet un programme technologique de premier ordre, dénommé SESAR. Ce partenariat entre la Commission européenne, l’agence européenne Eurocontrol et les acteurs opérationnels et industriels est unique dans le secteur de la recherche et du développement en matière de gestion du trafic aérien. Le programme est d’une ampleur sans précédent : 2, 1 milliards d’euros sont investis dans la phase de développement, de 2008 à 2016, avec près de 3 000 personnes impliquées dans les différents secteurs aéronautiques. C’est dire combien la recherche-développement peut permettre de tracer de grandes perspectives pour l’organisation même des services aériens au niveau européen. L’enjeu est de mettre en service, d’ici à 2020-2025, le futur système européen de gestion du trafic aérien intégrant de nouveaux concepts opérationnels.

La phase de développement de SESAR comprend un programme de travail de 310 projets. La DGAC, en association avec l’École nationale de l’aviation civile, l’Office national d’études et de recherches aérospatiales, Météo France et ses partenaires associés, participe à 75 projets pour un montant de 69 millions d’euros.

Le Gouvernement mène donc une politique déterminée pour maintenir, dans la durée, le leadership de notre construction aéronautique et de nos aéroports. J’ai d’ailleurs reçu aujourd’hui l’un de mes homologues. Nous pouvons apporter notre savoir-faire et faire bénéficier de la pertinence de nos analyses et de nos solutions des pays qui connaissent des taux de croissance beaucoup plus forts que le nôtre, notamment dans le domaine aérien. Notre système de navigation aérienne doit pouvoir nous permettre de garder notre leadership dans la durée.

Monsieur le rapporteur, vos propositions seront une source d’inspiration pour l’impulsion que nous voulons donner au secteur de l’aviation civile, et je m’en réjouis. Beaucoup reste à faire. Il nous faut, et vous l’avez dit dans vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, porter une attention de tous les instants aux choix budgétaires de long terme que nous arrêterons. Ils doivent nous permettre de maintenir un haut niveau d’investissement et de recherche, et de faire en sorte que la route tracée par nos prédécesseurs puisse être suivie. Les perspectives sont encourageantes. Il nous appartient, en cette période où les finances publiques sont contraintes, de nous assurer que les investissements d’aujourd’hui deviennent les emplois de demain, et de respecter tant l’environnement que les populations concernées.

Je souhaite souligner l’une des priorités actuelles du Gouvernement, qui a d’ailleurs fait l’objet d’une communication de ma part en conseil des ministres en janvier dernier : il s’agit du rétablissement de la compétitivité de nos compagnies aériennes. Vous avez tous évoqué cette question, et particulièrement Charles Revet, Vincent Capo-Canellas et Françoise Laborde. Je voudrais vous apporter un certain nombre de précisions sur les charges que supportent nos compagnies, et particulièrement notre compagnie leader.

Le transport aérien connaît une croissance soutenue, mais qui reste cependant faible en France, en Europe et aux États-Unis. Les compagnies françaises sont dans une situation extrêmement difficile, car elles sont soumises à la concurrence des transporteurs à bas coûts sur les vols moyen-courriers et celle des compagnies du Golfe sur les vols long-courriers.

La survie des compagnies aériennes à l’horizon de 2040 se joue dès aujourd’hui, avec les choix stratégiques que nous ferons. C’est vrai pour notre compagnie nationale. Il suffit de regarder l’exemple des compagnies de nos voisins pour nous convaincre des difficultés qui nous attendent – je pense notamment au Royaume-Uni, à l’Allemagne et, plus récemment, à l’Italie – et mesurer combien les choix seront incontournables.

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