Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 4 décembre 2013 : 1ère réunion
Sécurisation de la vie des entreprises — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi, rapporteur :

Nous voici à nouveau saisis d'un projet de loi d'habilitation. Il traduit les engagements du Gouvernement envers les entreprises en matière de « choc de simplification », pris en juillet lors du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique.

La simplification du droit des entreprises fait l'objet d'un relatif consensus et constitue une priorité partagée par le Parlement et par le Gouvernement. Elle est d'ailleurs devenue un processus permanent depuis une dizaine d'années. Cent fois sur le métier le législateur doit remettre son ouvrage...

Nous avons changé de méthode. Je ne rappellerai pas les réticences constantes de notre commission à examiner les propositions de loi de simplification de notre collègue député Jean-Luc Warsmann, de plus en plus volumineuses. Bernard Saugey, rapporteur de trois de ces textes, les avait décrites comme des « assemblages hétéroclites de cavaliers législatifs en déshérence ».

Dans son rapport sur la dernière proposition de loi de simplification, en décembre 2011, Jean-Pierre Michel avait critiqué la méthode consistant à élaborer avec le Gouvernement un texte embrassant les sujets les plus variés, qui dénature la délibération parlementaire, privée d'un réel débat éclairé. Il avait évoqué « l'épuisement du modèle des lois générales de simplification ». Nous appelions de nos voeux des lois de simplification brèves, sectorielles, ciblées sur des sujets circonscrits. De ce point de vue, nous connaissons aujourd'hui un certain progrès.

Ce projet, centré sur le droit des entreprises, est relativement cohérent. Le texte, qui comprenait dix-neuf articles au départ, n'en comporte que vingt et un à l'issue de son examen par l'Assemblée nationale - les deux articles additionnels émanant du Gouvernement. Saluons cet effort de modération !

Le Gouvernement demande à recevoir délégation pour simplifier le droit des entreprises par ordonnance. Il ne s'agit pas d'un blanc-seing : l'habilitation doit être suffisamment précise pour éclairer le législateur sur les mesures envisagées, comme l'a régulièrement exigé le Conseil constitutionnel. Tel est le sens des amendements que je vous proposerai. Ce faisant, nous revenons à la méthode de simplification par ordonnance antérieure à 2007.

Certes, le recours aux ordonnances n'est pas satisfaisant. Les véritables réformes méritent un projet de loi à part entière et un vrai examen parlementaire au fond. L'article 2, par exemple, modifie largement le droit des entreprises en difficulté : un projet de loi eût été opportun. S'il est vrai que la dernière grande réforme dans ce domaine avait été opérée par une ordonnance en décembre 2008, prise sur le fondement de la loi de modernisation de l'économie, à l'inverse, la réforme précédente fut l'oeuvre d'un projet de loi - devenu la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005, sur le rapport de Jean-Jacques Hyest.

Le Gouvernement invoque l'urgence de la situation économique pour justifier le recours aux ordonnances. Je souscris, à regret, à cet argument de réalisme et de rapidité, puisque les délais d'habilitation sont assez courts, entre quatre et huit mois.

Une habilitation ne peut pas résulter d'une initiative parlementaire, mais nous pouvons la préciser et l'aménager par amendements. C'est ce que j'ai cherché à faire, y compris lorsque le Gouvernement préférait un texte délibérément large et imprécis pour se donner plus de liberté.

Il nous appartiendra d'être vigilants au moment de la ratification des ordonnances. J'indiquerai au Gouvernement que la ratification des ordonnances portant sur le droit des entreprises en difficulté devra faire l'objet d'un réel débat parlementaire et que le projet de loi de ratification devra être examiné avec attention.

L'ensemble des professionnels que j'ai consultés ont approuvé les finalités des habilitations sans guère de réserve, à l'exception du fameux article 16 sur la signalétique du tri. Il n'y a donc pas lieu de retrancher du texte certaines habilitations.

On pourrait le compléter par des modifications directes du droit en vigueur, tant les suggestions de simplification sont nombreuses. Par exemple, en droit français, l'abstention dans une assemblée générale d'actionnaires est comptabilisée comme un vote négatif, en conformité, dit-on, avec une directive européenne. Or ce n'est pas le cas dans les législations des autres États membres et la Commission européenne n'y trouve rien à redire. Peut-être pourrais-je approfondir cette question dans une proposition de loi de simplification du droit des sociétés...

Je vous propose de nous en tenir au périmètre du texte et à la logique des habilitations, sans ajouter de dispositions additionnelles, afin de permettre un examen rapide : certaines dispositions doivent pouvoir entrer en vigueur début 2014. La procédure accélérée a d'ailleurs été engagée.

Nous avons décidé, il y a quinze jours, de déléguer l'examen au fond des articles 8, 11, 12, 15, 16 et 31, selon le cas, à la commission du développement durable ou à la commission des finances. Je vous propose donc de nous en remettre, par principe, à la position qu'elles ont adoptée sur ces articles.

Le projet de loi allège les obligations comptables des petites entreprises, sans supprimer l'obligation de dépôt des comptes au registre du commerce et des sociétés. Il ouvre un droit d'option pour la publication des comptes des très petites entreprises de dix salariés au plus, mais pas aux petites entreprises de cinquante salariés au plus, au nom de la transparence vis-à-vis des tiers, conformément au modèle comptable français.

Le projet rend également obligatoire la facturation électronique dématérialisée entre les personnes publiques et leurs fournisseurs, ce qui peut être compliqué pour les petites entreprises.

L'habilitation relative à la réforme du droit des entreprises en difficulté propose de renforcer la prévention, en la rendant plus attractive et moins coûteuse pour les entreprises. Le privilège dit de new money pour l'apport financier d'investisseurs extérieurs serait rendu plus incitatif.

Le texte propose également de réformer différents aspects des procédures collectives. Il s'inspire de la procédure de sauvegarde financière accélérée, créée à l'initiative de Jean-Jacques Hyest en 2010 - utilisée quatre fois seulement, mais dont le principe suscite beaucoup d'intérêt - pour mettre en place une nouvelle procédure de sauvegarde, ouverte aux créanciers non financiers, en cas d'échec d'une procédure de conciliation.

Le texte propose de revoir l'équilibre entre les différents acteurs des procédures collectives : il adapte les droits des actionnaires pour favoriser l'émergence d'une solution de continuation de l'activité, le cas échéant à l'aide des créanciers qui présenteraient un plan alternatif.

Sont également proposées une liquidation « ultra-simplifiée » de trois mois, une liquidation spécifique pour les débiteurs sans actif net, une facilitation de la clôture pour insuffisance d'actif et une levée du dessaisissement du débiteur personne physique avant la clôture de la procédure, pour lui permettre de recréer une activité.

Le texte vise aussi à améliorer les procédures juridictionnelles devant le tribunal de commerce, en précisant les critères de renvoi devant une autre juridiction, en renforçant encore la présence du ministère public et en clarifiant le rôle et le statut du juge-commissaire, conformément à l'exigence d'impartialité.

Pour simplifier le droit des sociétés, le projet reprend les recommandations de l'Autorité des marchés financiers sur le régime des conventions réglementées passées entre une société et ses dirigeants. Jean-Jacques Hyest a supprimé la communication au conseil d'administration et aux commissaires aux comptes des conventions portant sur des opérations courantes, conclues à des conditions normales.

Le texte propose de clarifier le régime de rachat des actions de préférence et la législation relative aux valeurs mobilières, notamment pour les titres financiers complexes.

Il concerne aussi certaines professions réglementées. Il augmente le nombre de notaires salariés par office, ouvre l'exercice salarié de la profession d'avocat au conseil et modifie certaines conditions d'exercice de la profession d'expert-comptable.

Les obligations des mutuelles et des établissements de crédit en matière de publication d'informations sociales et environnementales sont alignées sur les obligations générales des sociétés anonymes, avec les mêmes critères.

Les règles d'organisation et de fonctionnement des entreprises dans lesquelles l'État détient une participation devraient être simplifiées et rapprochées du droit commun.

Dans le prolongement des travaux sur la modernisation du droit de l'environnement, auxquels participe activement Alain Richard, le projet de loi propose d'expérimenter un « certificat de projet » garantissant la stabilité des normes applicables et simplifiant le traitement administratif de certains projets, ainsi qu'une « décision unique » du préfet pour les installations classées pour la protection de l'environnement. Sur ces questions, le Gouvernement a déposé plusieurs amendements, pour clarifier les habilitations existantes et prévoir deux expérimentations complémentaires.

Sous réserve des amendements que je vous présente, je vous propose d'adopter ce projet de loi.

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