Intervention de Pierre Hérisson

Commission des affaires économiques — Réunion du 4 décembre 2013 : 1ère réunion
Accueil et habitat des gens du voyage — Examen du rapport pour avis

Photo de Pierre HérissonPierre Hérisson, auteur de la proposition de loi :

Je crois effectivement avoir quelques notions sur le sujet, depuis la quinzaine d'années au moins que je m'en occupe - et je suis en lien constant, comme président de la Commission nationale consultative des gens du voyage (CNCGV) depuis 2005, aussi bien avec le ministre de l'Intérieur, qu'avec sa collègue du logement, qu'avec notre collègue député Dominique Raimbourg, dont la proposition de loi reprend celle que j'ai faite en juillet 2012, tout comme j'entretiens des liens avec les représentants des gens du voyage, que j'ai encore vus lors de la journée nationale qu'ils viennent de tenir à Chambéry.

Or, si le dispositif de la « loi Besson » date de 2000, la situation a grandement changé depuis et un tournant décisif a eu lieu l'été dernier : des maires ont été exaspérés, désespérés par leur impuissance - et ma principale motivation, avec cette proposition de loi, c'est de leur redonner espoir ! Vous avez raison de rappeler que la question des gens du voyage comporte bien des aspects, en particulier la semi-sédentarisation et l'accès au logement, mais ce dont nous parlons avec ce texte, c'est de tout autre chose : ce texte est d'urgence, pour aider les maires face aux débordements auxquels donnent lieu ce qu'on appelle « le grand passage », c'est-à-dire les grandes manifestations ponctuelles de plusieurs centaines, voire milliers de caravanes.

Les grands rassemblements des gens du voyage, par exemple celui de Saintes-Maries-de-la-mer, sont très bien gérés par le service public : la « loi Besson » en a confié l'encadrement à l'Etat, les services sont mobilisés, en coopération avec les collectivités locales, chacun assume ses responsabilités et l'ensemble fonctionne bien, pour des événements qui regroupent jusqu'à 30 000 caravanes sur quelques jours.

Le problème n'est donc pas là, mais dans les dérives auxquelles donne lieu le « grand passage », dont le régime est fixé par une circulaire ministérielle qui change souvent. Le problème, ce sont des groupes qui, se réclamant abusivement du « grand passage », occupent illégalement des terrains communaux en y saccageant tout : ils arrivent à deux cents caravanes, sans prévenir - ou à la dernière minute -, occupent sans aucune autorisation un terrain, souvent le stade municipal, ils y font leur raout en ayant pris pour seule précaution d'exiger de la commune un accès libre à l'eau, puis ils repartent après quelques jours, en laissant le terrain abimé et les installations sanitaires généralement dévastées ! Et ces dérives se concentrent dans une dizaine de départements, dont les trois champions sont le Var, l'Hérault et la Haute-Savoie : c'est là que la situation est devenue intenable l'été dernier, là que les maires ont le sentiment d'être abandonnés, et c'est pour éteindre cet incendie - particulièrement dangereux à l'approche d'échéances électorales - que j'ai rédigé cette proposition de loi d'urgence ! Il y a eu l'an passé 128 grands passages, mais ceux dont nous parlons ici, ce sont les irréguliers, en particulier ceux qui sont liés au pastoralisme religieux : quelque 140 000 gens du voyage seraient affiliés aux évangélistes, c'est considérable.

Pour le reste, vous rappelez avec raison que le nombre d'aires d'accueil aménagées est insuffisant, qu'il n'y a que 24 000 places au lieu des 40 000 prévues, mais sans dire cependant que c'est l'arrêt du subventionnement par l'Etat à 70%, qui a mis un sérieux coup de frein aux aménagements...

J'insiste pour bien faire comprendre le sens de ma proposition de loi : il s'agit d'envoyer un signal aux maires, de dire « stop » à notre système actuel qui ne fonctionne plus face à ces dérives ; je ne me fais guère d'illusion sur le fait que le renforcement des sanctions règle le problème, mais je crois important, à la veille d'échéances électorales où ces questions pourront être décisive à l'échelle locale, d'envoyer ce signal aux maires ; des préfets ont fait preuve de leur sens républicain des responsabilités, en refusant le concours de la force publique aux communes qui ne respectent pas leurs obligations d'aménagement d'aires d'accueil, mais cette façon de faire n'est pas une solution ; grâce à cette proposition de loi, nous dirons aux maires que nous les entendons et que le droit va changer - d'abord ici, puis avec la loi annoncée pour l'an prochain - et qu'en tout état de cause, la question mérite un débat avec le ministre de l'Intérieur, en séance publique !

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