La commission examine le rapport pour avis sur la proposition de loi n° 818 (2012-213) visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage.
Nous examinons le rapport pour avis sur la proposition de loi n° 818 (2012-2013), présentée par M. Pierre Hérisson et plusieurs de ses collègues, visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 5 juillet 2000 dite « Besson », relative à l'accueil et l'habitat des gens du voyage. La commission des lois, saisie au fond, se réunit en même temps que nous : les amendements que nous adopterions aujourd'hui, pourraient en conséquence devoir s'adapter au texte issu des travaux de nos collègues des lois.
Notre commission ne s'étant saisie de ce texte que la semaine dernière, j'ai dû travailler dans un délai très court ; déposée le 26 juillet dernier, cette proposition de loi sera discutée en séance publique le jeudi 12 décembre prochain.
Pourquoi nous en sommes-nous saisis ?
D'abord, parce qu'elle modifie la « loi Besson » du 5 juillet 2000, dont notre commission s'était déjà saisie pour avis - avec Pierre Hérisson comme rapporteur pour avis.
Ensuite, les questions d'accueil et d'habitat des gens du voyage sont étroitement liées à la compétence de notre commission en matière de logement et d'urbanisme. Lors de la discussion du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, dont notre collègue Claude Bérit-Débat était rapporteur, nous avions examiné des amendements visant à ce qu'un emplacement d'aire destinée à l'accueil des gens du voyage soit pris en compte au titre de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU).
La France est l'un des rares pays à disposer d'une législation spécifique consacrée à l'accueil des gens du voyage. La « loi Besson » du 5 juillet 2000 est une loi d'équilibre, comme le soulignait alors le rapporteur du Sénat sur ce texte, notre ancien collègue Jean-Paul Delevoye. Ce texte vise à « favoriser l'aménagement, sur quelques années, d'un nombre d'aires suffisant pour faire face aux besoins (...) [à prévoir] plusieurs dispositions destinées à soutenir financièrement les communes dans la réalisation et la gestion des aires d'accueil [et à] renforcer (...) les moyens juridiques permettant de lutter contre les occupations illicites ».
Son article 1er dispose que chaque département doit adopter un schéma départemental identifiant les secteurs géographiques et les communes d'implantation des aires permanentes d'accueil. Les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement au schéma. Ce dernier détermine également les emplacements destinés aux rassemblements traditionnels ou occasionnels.
L'article 2 a fixé un délai de deux ans suivant la publication du schéma pour que les communes participent à la mise en oeuvre de ce schéma. La loi de 2000 a été modifiée à deux reprises pour accorder des délais supplémentaires aux communes ayant manifesté la volonté de se conformer à leurs obligations légales.
L'article 3 permet à l'État de se substituer à une commune défaillante.
En contrepartie de ces obligations nouvelles, la loi a créé des outils juridiques permettant de mettre fin, dans les communes remplissant leurs obligations légales, aux occupations illicites et sauvages. Ces outils ont été renforcés par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, qui a substitué à une procédure civile d'expulsion une procédure d'évacuation forcée relevant de la police administrative.
L'article 9 de la loi de 2000 prévoit aujourd'hui que, dans les communes respectant leurs obligations en matière d'aires :
- le maire peut interdire par arrêté le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d'accueil aménagées ;
- en cas de stationnement illicite, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain occupé, peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. La mise en demeure ne peut cependant intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques ;
- la mise en demeure est assortie d'un délai d'exécution qui ne peut être inférieur à 24 heures. Au terme de ce délai ou au terme des recours, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles ;
- en cas de recours contre la mise en demeure, l'exécution de la décision du préfet est suspendue. Le juge statue alors dans un délai de soixante-douze heures.
La proposition de loi de notre collègue Pierre Hérisson, vise principalement à renforcer ces sanctions en cas d'occupation illicite.
Son article 1er double les sanctions pénales en cas d'installation illicite en réunion sur un terrain appartenant à autrui en vue d'y établir une habitation : elles sont ainsi portées à douze mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende.
L'article 2 supprime la condition fixée par la loi pour la mise en demeure du préfet, à savoir le fait que le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.
L'article 3 prévoit que le délai d'exécution de la mise en demeure est fixé à 24 heures maximum et non pas à 24 heures minimum : cette inversion est très conséquente.
L'article 4 fixe à six heures le délai maximal d'exécution de la mise en demeure dans le cas où les occupants ont déjà occupé illicitement un autre terrain sur la même commune ou sur toute commune du même département - ce qui s'apparente à une récidive.
L'article 5 réduit de 72 à 48 heures le délai dans lequel statue le tribunal saisi par les occupants illicites d'un recours contre la mise en demeure du préfet.
Tout en mesurant la réalité et l'importance du problème que cette proposition de loi entend résoudre, je suis très sceptique sur ce texte : ses dispositions, d'abord, me paraissent poser de sérieuses difficultés constitutionnelles ; ensuite, je crois que nous devons réfléchir aux moyens de faire respecter par les communes leurs obligations en matière d'aires d'accueil, en restant fidèle à l'équilibre trouvé par la loi de 2000, et que, plus généralement, nous avons besoin d'un grand texte relatif à l'accueil et au statut des gens du voyage, qui redéfinisse en particulier le statut juridique de ces derniers - je m'étonne que notre collègue Pierre Hérisson, qui avait déposé en juillet 2012 une proposition de loi relative au statut juridique des gens du voyage et à la sauvegarde de leur mode de vie, nous présente cette proposition de loi très incomplète et déséquilibrée.
Que mon propos soit bien compris : je mesure très bien la réalité des difficultés rencontrées par certains élus locaux, les médias les ont largement relayées l'été passé et je suis passé par cette épreuve en tant que maire.
Certains élus locaux, dont la commune respecte ses obligations légales, se trouvent démunis face à l'arrivée inopinée de plusieurs dizaines de caravanes et à l'occupation illicite de terrains publics comme privés.
Je suis en conséquence tout à fait favorable à ce que, comme l'écrivait déjà Jean-Paul Delevoye dans son rapport sur la « loi Besson », « les efforts importants demandés aux communes [aient] pour contreparties (...) une répression effective du stationnement illicite ».
Autrement dit, il convient d'être très ferme face aux occupations illicites.
Pour autant, plusieurs rapports importants ont été publiés sur l'application de la loi de 2000 : un rapport d'octobre 2010 du Conseil général de l'Environnement et du Développement durable ; un rapport de mars 2011 d'une mission d'information de l'Assemblée nationale, dont le rapporteur était le député Didier Quentin ; un rapport de juillet 2011 de notre collègue Pierre Hérisson, intitulé « Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun » ; enfin, un rapport d'octobre 2012 de la Cour des comptes sur l'accueil et l'accompagnement des gens du voyage.
Or, aucun de ces rapports n'a proposé de modifier les sanctions contre le stationnement illégal dans les communes respectant leurs obligations. Notre collègue Pierre Hérisson n'a formulé, dans son rapport de juillet 2011, aucune proposition en la matière.
Pourquoi ne pas avoir fait de propositions sur ce sujet ? La raison me semble en être, comme l'écrit notre collègue député Didier Quentin dans son rapport de mars 2011, que « le législateur est probablement allé en 2007 aussi loin qu'il était possible d'aller ».
Dans une décision du 9 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a en effet jugé que « compte tenu de l'ensemble des conditions et des garanties qu'il a fixées et eu égard à l'objectif qu'il s'est assigné, le législateur a adopté des mesures assurant une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre la nécessité de sauvegarder l'ordre public et les autres droits et libertés ».
C'est ce qui a fait dire à nos collègues députés que « la constitutionnalité de la procédure repose en partie sur les conditions et garanties qui ont été fixées, qu'il serait donc constitutionnellement périlleux d'assouplir ».
Dans ces conditions, les dispositions prévues par les articles 2, 3 et 4 de la proposition de loi de notre collègue Hérisson me paraissent poser de vraies difficultés constitutionnelles - je vous proposerai en conséquence des amendements de suppression.
Au-delà de cette question constitutionnelle, ce texte me paraît déséquilibré en se focalisant uniquement sur la répression, alors que l'accueil des gens du voyage implique un grand nombre de problématiques, comme l'ont relevé les rapports que je viens d'évoquer.
Premier sujet qui n'est pas évoqué par la proposition de loi : le statut juridique des gens du voyage, qui relève encore de la loi du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe.
Une partie de cette loi, notamment les dispositions discriminatoires portant sur l'exercice du droit de vote, a été déclarée contraire à la Constitution par une décision en date du 5 octobre 2012. Demeurent en vigueur les dispositions relatives au livret spécial de circulation ou au rattachement à une commune.
La loi de 1969 a été dénoncée tant par la Haute autorité de lutte contre les discriminations (HALDE) que par la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH). Je vous proposerai donc d'abroger cette loi - Pierre Hérisson le proposait également, dans sa proposition de loi de juillet 2012 sur le statut juridique des gens du voyage.
Deuxième sujet qui n'est pas évoqué par la proposition de loi : les communes défaillantes.
Trop peu d'aires d'accueil ont été construites : fin 2010, la moitié seulement des aires prévues par les schémas départementaux étaient aménagées, comme l'a souligné le rapport de la Cour des comptes. Quant au pouvoir de substitution confié au préfet par la « loi Besson », il n'a jamais été mis en oeuvre.
Nous devons donc réfléchir, avec les associations d'élus locaux, aux moyens de renforcer l'effectivité de la « loi Besson », par exemple en améliorant le pouvoir de substitution du préfet aux maires défaillants, ou en créant des pénalités financières contre les communes qui ne respectent pas leurs obligations. A l'instar de l'article 55 de la « loi SRU » on pourrait ainsi instituer un prélèvement sur les ressources des communes défaillantes ou permettre au préfet de conclure des conventions avec des organismes pour construire les aires nécessaires. L'éventuel constat de carence devrait prévoir, comme pour la construction de logements sociaux, la prise en compte des spécificités locales, telles que la disponibilité foncière ou les difficultés naturelles.
Troisième sujet non traité par cette proposition de loi : les évolutions constatées depuis la « loi Besson », qu'il conviendrait de prendre en compte - je pense en particulier aux aires de grand passage et à l'accès au logement des gens du voyage qui se sédentarisent.
Toutes les études témoignent d'un phénomène de sédentarisation partielle ou totale des gens du voyage. Or, faute de terrains adaptés, la sédentarisation se fait trop souvent sur les aires permanentes d'accueil : les aires d'accueil sont aujourd'hui majoritairement utilisées par des familles semi-sédentarisées - ces aires ne sont pas adaptées à cet accueil et la présence permanente empêche la rotation.
Il nous faut donc trouver comment faire prendre en compte, par les schémas départementaux, les besoins en matière de terrains familiaux ou d'habitat adapté. De même, il faudrait que les schémas départementaux soient davantage coordonnés avec les plans départementaux d'accès au logement des personnes défavorisées (PDALPD), ces derniers devant, en principe, identifier les besoins des gens du voyage en matière d'habitat adapté et définir des objectifs de réalisation quantifiés et territorialisés.
Voilà donc les raisons de mon scepticisme sur ce texte, même si je mesure la réalité des problèmes que Pierre Hérisson veut résoudre. La commission des lois se réunit en ce moment même, nous verrons quel sera le texte issu de ses travaux ; pour l'heure, je vous proposerai quatre amendements, l'un pour abroger la loi de 1969 et les trois autres pour supprimer trois articles qui me semblent poser un problème de constitutionnalité.
Notre collègue député Dominique Raimbourg s'apprête à déposer une proposition de loi qui embrasse l'ensemble du champ de l'accueil des gens du voyage, c'est-à-dire les questions du statut juridique, de l'effectivité de la « loi Besson », des moyens légaux permettant de mettre fin aux occupations illicites... Ce texte devrait permettre une discussion sereine et sans exclusive et il conviendra, Monsieur le Président, que notre commission se saisisse de ce texte, qui pourrait venir en discussion en 2014.
Comme le proposait Pierre Hérisson dans son rapport de juillet 2011, je pense donc qu'il est temps de « restructurer le droit applicable aux gens du voyage autour d'une loi unique par une mise à jour de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ».
Je crois effectivement avoir quelques notions sur le sujet, depuis la quinzaine d'années au moins que je m'en occupe - et je suis en lien constant, comme président de la Commission nationale consultative des gens du voyage (CNCGV) depuis 2005, aussi bien avec le ministre de l'Intérieur, qu'avec sa collègue du logement, qu'avec notre collègue député Dominique Raimbourg, dont la proposition de loi reprend celle que j'ai faite en juillet 2012, tout comme j'entretiens des liens avec les représentants des gens du voyage, que j'ai encore vus lors de la journée nationale qu'ils viennent de tenir à Chambéry.
Or, si le dispositif de la « loi Besson » date de 2000, la situation a grandement changé depuis et un tournant décisif a eu lieu l'été dernier : des maires ont été exaspérés, désespérés par leur impuissance - et ma principale motivation, avec cette proposition de loi, c'est de leur redonner espoir ! Vous avez raison de rappeler que la question des gens du voyage comporte bien des aspects, en particulier la semi-sédentarisation et l'accès au logement, mais ce dont nous parlons avec ce texte, c'est de tout autre chose : ce texte est d'urgence, pour aider les maires face aux débordements auxquels donnent lieu ce qu'on appelle « le grand passage », c'est-à-dire les grandes manifestations ponctuelles de plusieurs centaines, voire milliers de caravanes.
Les grands rassemblements des gens du voyage, par exemple celui de Saintes-Maries-de-la-mer, sont très bien gérés par le service public : la « loi Besson » en a confié l'encadrement à l'Etat, les services sont mobilisés, en coopération avec les collectivités locales, chacun assume ses responsabilités et l'ensemble fonctionne bien, pour des événements qui regroupent jusqu'à 30 000 caravanes sur quelques jours.
Le problème n'est donc pas là, mais dans les dérives auxquelles donne lieu le « grand passage », dont le régime est fixé par une circulaire ministérielle qui change souvent. Le problème, ce sont des groupes qui, se réclamant abusivement du « grand passage », occupent illégalement des terrains communaux en y saccageant tout : ils arrivent à deux cents caravanes, sans prévenir - ou à la dernière minute -, occupent sans aucune autorisation un terrain, souvent le stade municipal, ils y font leur raout en ayant pris pour seule précaution d'exiger de la commune un accès libre à l'eau, puis ils repartent après quelques jours, en laissant le terrain abimé et les installations sanitaires généralement dévastées ! Et ces dérives se concentrent dans une dizaine de départements, dont les trois champions sont le Var, l'Hérault et la Haute-Savoie : c'est là que la situation est devenue intenable l'été dernier, là que les maires ont le sentiment d'être abandonnés, et c'est pour éteindre cet incendie - particulièrement dangereux à l'approche d'échéances électorales - que j'ai rédigé cette proposition de loi d'urgence ! Il y a eu l'an passé 128 grands passages, mais ceux dont nous parlons ici, ce sont les irréguliers, en particulier ceux qui sont liés au pastoralisme religieux : quelque 140 000 gens du voyage seraient affiliés aux évangélistes, c'est considérable.
Pour le reste, vous rappelez avec raison que le nombre d'aires d'accueil aménagées est insuffisant, qu'il n'y a que 24 000 places au lieu des 40 000 prévues, mais sans dire cependant que c'est l'arrêt du subventionnement par l'Etat à 70%, qui a mis un sérieux coup de frein aux aménagements...
J'insiste pour bien faire comprendre le sens de ma proposition de loi : il s'agit d'envoyer un signal aux maires, de dire « stop » à notre système actuel qui ne fonctionne plus face à ces dérives ; je ne me fais guère d'illusion sur le fait que le renforcement des sanctions règle le problème, mais je crois important, à la veille d'échéances électorales où ces questions pourront être décisive à l'échelle locale, d'envoyer ce signal aux maires ; des préfets ont fait preuve de leur sens républicain des responsabilités, en refusant le concours de la force publique aux communes qui ne respectent pas leurs obligations d'aménagement d'aires d'accueil, mais cette façon de faire n'est pas une solution ; grâce à cette proposition de loi, nous dirons aux maires que nous les entendons et que le droit va changer - d'abord ici, puis avec la loi annoncée pour l'an prochain - et qu'en tout état de cause, la question mérite un débat avec le ministre de l'Intérieur, en séance publique !
Les dérives dont vous parlez existent effectivement, j'ai eu à en connaître sur ma commune, où 200 caravanes avaient débarqué sans prévenir ; cependant, attention aux amalgames ! La Seine-Saint-Denis est très impliquée dans l'accueil des gens du voyage...
Le problème n'est pas celui des gens du voyage, mais des dérives à l'occasion du « grand passage » !
Ce n'est pas ce que les gens du voyage ont vu dans votre texte. N'oublions pas que ceux qui étaient le plus opposés aux implantations de Roms, c'étaient les gens du voyage...
Vous avez entendu comme moi leur slogan : « Gens du voyage, Français d'abord ! »...
Je crois que nous devons faire très attention à l'amalgame. Les gens du voyage sont présents depuis très longtemps, ils comptent beaucoup dans la vie de bien des territoires - je le sais professionnellement, car ils ont constitué le principal de ma patientèle de pédiatre... La reconnaissance de ce fait ne va pas de soi, depuis fort longtemps aussi : en Seine-et-Marne pendant la guerre, les nazis ont massacré tous les membres d'un camp de gens du voyage, un massacre digne de celui d'Oradour-sur-Glane, avec un seul survivant - mais ce massacre n'a pas même donné lieu à une plaque commémorative...
Je maintiens donc que votre proposition de loi est déséquilibrée : il faut certainement de la fermeté, appliquer les sanctions, mais pas faire un amalgame - les médias s'en chargent bien assez !
Ensuite, attention au risque d'inconstitutionnalité : car si, à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité, les sanctions étaient annulées, le message que vous voulez faire passer serait inversé, il n'y aurait plus de sanctions du tout !
Je crois donc que nous devrons revoir la « loi Besson », la situation a effectivement changé depuis son adoption ; mais il faut aborder l'ensemble des problèmes, et d'abord mieux accompagner la sédentarisation : il faut plus de terrains familiaux, pour que les gens du voyage qui se sédentarisent, puissent sortir des aires d'accueil aménagées pour des séjours de plus courte durée ; à cette aune, l'aggravation des sanctions n'est pas une priorité - et elle lance un message négatif, voire dangereux, en plus des risques d'inconstitutionnalité que j'ai évoqués. Nous pourrons débattre très largement avec la proposition de loi de Dominique Raimbourg, c'est de loin préférable que de se contenter d'aggraver les sanctions.
Je tiens à saluer le courage et la constance de Pierre Hérisson dans le combat qu'il mène depuis des années sur ce dossier difficile des gens du voyage. Sa proposition de loi est bienvenue, parce qu'au-delà des défauts de nos règles actuelles - dans mon département, c'est tout le schéma départemental qu'il faut revoir... -, le « grand passage » donne lieu à des dérives insupportables, faces auxquelles nous ne pouvons rester sans rien faire : effectivement, quand des groupes arrivent sans prévenir sur un stade municipal, sans respecter aucune règle, et qu'ils y détruisent littéralement les installations, il y a urgence ! Cette proposition de loi apporte un signal, nous la voterons.
Je rejoins entièrement notre rapporteur lorsqu'il nous appelle au consensus : sur ce type de question, nous n'arriverons à rien si nous nous opposons entre la droite et la gauche, des solutions existent, elles ne sont pas partisanes - car le principe d'humanité est parfaitement compatible avec celui de fermeté, voyez le discours du ministre de l'Intérieur.
Je suis d'accord, également, pour repousser tout amalgame : la question des Roms n'est pas celle des gens du voyage, le grand passage et le « petit » passage posent eux aussi des problèmes bien différents.
Le problème est ici d'une autre nature. L'été dernier, la situation a changé. Des maires qui respectent toutes leurs obligations, qui sont depuis longtemps très impliqués dans l'accueil des gens du voyage - c'est arrivé par exemple aux Sables d'Olonne -, se sont trouvés tout à coup isolés face à des rassemblements illégaux : que vaut la décision d'un juge, lorsqu'il renvoie le référé à deux semaines ? Les maires - et nos concitoyens - en ont ressenti que la justice était à deux vitesses et ce texte a le mérite de tirer la sonnette d'alarme.
Je crois que les problèmes de l'été dernier s'expliquent pour partie par un défaut de coordination nationale : les rassemblements sont prévisibles, annoncés sur les sites des organisateurs, par exemple ceux de la mission évangélique « Vie et Lumière » qui a fait tant parler d'elle ; il devrait y avoir un médiateur, qui entre en contact avec les organisateurs, pour préparer leur venue dans les meilleures conditions possibles : il faut y travailler, car c'est le plus en amont possible qu'on peut espérer régler les problèmes.
Je confirme : c'est la mauvaise coordination qui explique les débordements de l'été dernier.
Elle a existé et nous avons constaté l'an passé qu'elle avait disparu...
Notre rapporteur a trouvé les mots justes pour parler de ce sujet difficile, son propos est équilibré. Des maires ont été confrontés à de graves difficultés, mais comment ne pas faire le lien avec le fait qu'en dix ans, la moitié seulement des aires d'accueil programmées ont été effectivement aménagées ? Je ne suis pas une spécialiste du « grand passage », mais je sais que, s'agissant des gens du voyage, nous avons besoin de tact et de compréhension ; je félicite le rapporteur d'en faire parfaitement preuve et, comme lui, je suis impatiente de débattre d'un texte d'ensemble, avec la proposition de loi de Dominique Raimbourg.
Dans certains départements, comme la Haute-Garonne, la métropole - Toulouse - s'est dispensée d'aménager des aires pour le « grand passage » ; résultat, les communes rurales, alentour, subissent des afflux qui dépassent largement leurs capacités d'investissement : ce serait un comble, de les pénaliser !
La vérité, c'est que l'ère Baudis - Moudenc a été un désert pour les aires d'accueil... (Sourires)
En Seine-et-Marne, qui représente la moitié du territoire francilien, nous avons calibré notre schéma départemental sur 1 200 caravanes par an, mais nous en accueillons aujourd'hui plus du double : c'est la conséquence de l'urbanisation et du manque de places en Ile-de-France. Je crois aussi que les problèmes ne doivent pas être confondus : nous avons des solutions pour les groupes qui se sédentarisent, même si la scolarisation, par exemple, reste difficile ; en revanche, face aux rassemblements illicites dont vous avez parlé, l'Etat doit jouer le jeu, ce qu'il ne fait pas assez : c'est la condition pour que le schéma départemental fonctionne ; s'ajoute à cela d'autres problèmes, comme celui des Roms. Nous accueillons des familles que la Ville de Paris « place » en hôtel de grande couronne...
Je suis parfaitement d'accord avec Bruno Retailleau : ce sujet exige du consensus, c'est du reste pourquoi j'ai cité principalement des rapports parlementaires issus des bancs de droite... Le diagnostic nous réunit, mais nous ne devons pas nous laisser emporter par l'émotion de l'été dernier...
L'émotion a été attisée par les médias, Pierre Hérisson en convient, c'est pour moi une raison supplémentaire pour ne pas se précipiter, en année électorale - d'autant que l'aggravation des sanctions ne changera pas la donne : le problème, ce n'est pas l'insuffisance des sanctions, c'est l'inadaptation de nos règles, issues de la « loi Besson » - Pierre Hérisson vient de nous le dire.
Je conviens également que le « grand passage » pose un problème spécifique - mais vous oubliez de dire que les engagements d'aires de grand passage sont respectés non pas pour moitié, mais pour 29 % seulement : ce défaut n'est pas étranger aux problèmes de l'été dernier. C'est ce qui me fait dire, également, que nous devons chercher des moyens pour que les communes tiennent mieux leurs engagements, y compris par des sanctions. Enfin, je crois que l'aggravation des sanctions comporte un risque de constitutionnalité, donc celui d'une inversion du message que vous voulez faire passer : pensez-y !
Je confirme, enfin, que la Seine-et-Marne est en tête de liste pour la réalisation de son schéma départemental - alors que tout en bas, on trouve les Alpes-Maritimes, qui plafonnent à 8 % de réalisation : à ce niveau, il devient très difficile de faire un rappel à la loi, car l'argument est tout à fait réversible...
En conséquence, nous devons prendre en compte les vrais besoins des gens du voyage, bien mieux que ne l'a fait la « loi Besson » ; mais la seule aggravation des sanctions ne serait certainement pas un bon message.
Ne pensez-vous pas qu'il faille, sans tarder, désigner un médiateur pour les rassemblements de l'été prochain ?
Oui, mais c'est réglementaire : nous le demanderons au ministre lors du débat en séance publique.
Article additionnel avant l'article 1er
Avec l'amendement n°1, je vous propose d'abroger la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe.
La commission adopte l'amendement n°1.
Article 2
Avec l'amendement n°2, je vous propose de supprimer l'article 2, pour le risque d'inconstitutionnalité dont j'ai parlé.
Ce risque existe effectivement, puisqu'à propos de la « loi Besson », le Conseil constitutionnel avait jugé que la sanction devait être proportionnelle au risque d'atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques...
La commission adopte l'amendement n°2.
Article 3
Avec l'amendement n°3, je vous propose de supprimer cet article, pour le risque d'inconstitutionnalité mais également parce que le préfet aurait les plus grandes peines à tenir ce délai de 24 heures en fin de semaine...
La commission adopte l'amendement n°3.
Article 4
La commission adopte l'amendement n°4 de suppression de l'article 4.