Alors que le président de la République, M. François Hollande, vient d'effectuer un déplacement officiel en Israël et en Palestine, il convient de souligner la discrétion des positions prises lors de l'ouverture officielle de la 68ème Assemblée générale. Le président ne l'a citée que dans un court paragraphe rappelant la position de la France en faveur de la coexistence de deux Etats dans des frontières justes et reconnues. Dans ses conférences de presse le ministre des Affaires étrangères n'y fait pas allusion.
Est-ce à dire que nous sommes absents du processus ? Je le crois assez volontiers. Certes nous affirmons notre soutien par des mesures de financement de l'autorité palestinienne mais c'est en fait l'Europe qui participe, au nom des 27, au Quartet, et, bien évidemment, les Etats-Unis qui jouent un rôle majeur. L'objectif d'un accord final entre les deux parties étant un axe central du deuxième mandat du président Obama, le Secrétaire d'Etat John Kerry a mis tout son poids dans la relance des négociations à tel point que cet engagement entraine un fort refroidissement de la relation entre le gouvernement américain et Israël qui n'hésite pas à le contourner pour le contrer auprès du Congrès. Il est clair que la France n'est pas un acteur majeur de cette négociation même si elle l'approuve et la soutient. Même si son action bilatérale est importante c'est surtout au sein de l'Union européenne que transite son aide et son appui à des positions collectives.
L'Union européenne a fait valoir sa disponibilité à soutenir les négociations et, en cas de succès, leur mise en oeuvre. La publication, le 19 juillet dernier, de lignes directrices excluant à partir de 2014 les entités israéliennes et leurs activités dans les territoires occupés du bénéfice des programmes financés par l'Union, a provoqué une levée de boucliers de la part des autorités israéliennes. La Commission et le SEAE font toutefois preuve de fermeté sur ce dossier et nous ne pouvons que nous en féliciter. Les lignes directrices traduisent, en effet, une politique constante de l'UE à l'égard des colonies, réaffirmée notamment dans les conclusions du Conseil de mai et décembre 2012. Le Président Abbas a souligné le rôle des lignes directrices dans sa décision de rester à la table des négociations jusqu'au terme des 9 mois prévus.
Sur ce thème nous avons rencontré l'ambassadeur palestinien, M. Mansour et celui d'Israël, M. Ron Prosor.
M. Mansour nous a rappelé que l'enjeu du rehaussement du statut de l'Autorité palestinienne à l'ONU constitue une donnée-clé des négociations de paix. Après avoir acquis en 2011 le statut d'Etat membre de l'UNESCO, l'Autorité palestinienne a en effet enregistré un succès le 29 novembre 2012 en se voyant octroyer, par l'Assemblée générale, le statut d'Etat non membre observateur à l'ONU. Ce nouveau statut offre à la Palestine la possibilité d'adhérer aux organisations des Nations unies et notamment au Statut de Rome de la Cour pénale internationale, ce qui lui permettrait de saisir la Cour pour les violations du droit par Israël dans les territoires occupés. Une perspective redoutée par Israël, même si la Palestine affirme faire preuve de responsabilité et ne pas risquer l'application de la loi américaine qui interdit la participation financière des Etats-Unis aux organisations internationales qui octroieraient le statut d'Etat membre à la Palestine. Aussi les pourparlers de paix ont-ils été entamés sur la base de l'engagement des Palestiniens à s'abstenir de toute initiative dans les organisations internationales pendant les neuf mois prévus pour leur durée. Mais comme le rappelle M. Mansour, la menace d'une adhésion, notamment à la CPI, plane toujours.
Pour les Palestiniens, Israël occupe leur territoire, ne respecte pas les résolutions du Conseil de sécurité et bafoue constamment le droit international, notamment par sa politique de développement des colonies.
Selon M. Mansour, dans les négociations en cours, Israël ne veut parler que de sécurité et prétend contrôler les frontières, les accès aériens, les ressources, ce qui revient à la perpétuation de l'occupation. Il est évident que la Palestine ne peut accepter la présence de soldats israéliens sur son territoire. Il ne se passe donc rien. Aucun progrès n'est constaté.
M. Mansour a réitéré son souhait de voir l'Europe participer pleinement au processus de paix et de ne pas être uniquement une banque. Selon lui Israël joue l'échec des négociations en marginalisant l'Europe, le Conseil de sécurité et le Quartet dans son ensemble. Pour débloquer la situation il faut tirer les conséquences des violations du droit par Israël et lui opposer des sanctions. Un Etat mosaïque ne répond pas aux aspirations du peuple palestinien. Il faut exiger l'arrêt de la colonisation et ensuite négocier sur ce que M. Mansour qualifie « d'hydre » en appliquant un principe simple : ce qui est illégal doit être détruit. On rappellera qu'Israël a refusé toute référence aux frontières de 1967.
La position de l'ambassadeur israélien paraît diamétralement opposée à celle de l'observateur permanent palestinien. Il souligne d'abord l'absence d'un leader susceptible de prendre des décisions sur le terrain pour faire avancer la négociation. Selon l'ambassadeur Ron Prosor, plus on passe par l'ONU pour internationaliser le conflit, moins on est en mesure de faire des progrès. Le travail de concession est beaucoup plus difficile politiquement parlant et il revient aux leaders politiques de prendre des décisions courageuses même si c'est dangereux pour eux.
Les négociations directes, animées par Mme Litvi, en sont à leur septième mois sur les neufs prévus. La négociatrice serait plutôt optimiste bien que les négociations soient très difficiles. Le premier ministre israélien a pris, selon l'ambassadeur, un risque politique considérable. Il n'a en effet pas le soutien de son propre parti et certains de ses ministres à la Knesset font campagne contre la question de Jérusalem, les colonies etc.
Dans le discours du Premier ministre Nétanyahou à l'ONU, deux points peuvent être soulignés selon l'ambassadeur israélien :
- il est significatif qu'il ait très peu parlé des colonies et pas du tout de la question de Jérusalem dans son intervention ;
- en revanche, il a insisté sur la reconnaissance de la nature juive d'Israël comme le veut du reste la résolution 47 du Conseil de sécurité qui prévoyait la création d'un État juif et d'un État arabe. Derrière les termes « État juif » se profile la question de la fixation sans appel des frontières ainsi que le refus du retour des réfugiés ce qui signerait la fin d'Israël.
Le premier ministre israélien a également évoqué la question de la sécurité avec la présence de soldats israéliens à la frontière. Il s'agit, selon l'ambassadeur, d'un arrangement de sécurité que les Palestiniens dénoncent en disant qu'il y a continuation de l'occupation. C'est pourtant ce qui s'est passé en Allemagne ou en Corée du Sud avec une présence de troupes américaines.
Dans tous les autres domaines, il est possible de faire des progrès. La position officielle de l'État d'Israël prône deux Etats.
La situation parait donc durablement bloquée et l'équilibre de l'alliance politique des partis qui soutiennent le Likoud ne permet guère d'optimisme sur une solution convenable tant sur la question des colonies qu'à fortiori sur celle de Jérusalem comme capitale partagée ou, bien sûr, la question des réfugiés.
À Jérusalem comme à Ramallah, le président Hollande a rappelé, en termes diplomatiques, la position de la France qui est, rappelons-le, une position constante, depuis des dizaines années, comme celle de l'Europe. Le seul élément d'optimisme est cette célèbre phrase de Tomaso Guiseppe di Lampedusa dans « le Guépard » : Il faut que tout change pour que rien ne change.
Je repasse à présent le relai à André Vallini sur l'Iran.