Intervention de Laurence Rossignol

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 3 décembre 2013 : 1ère réunion
Sécurisation de la vie des entreprises — Examen du rapport pour avis

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol, rapporteure pour avis :

Le projet que nous examinons s'inscrit dans le cadre du choc de simplification annoncé par le président de la République le 28 mars. Une concertation, qui a duré plusieurs mois, a abouti à l'adoption d'un programme triennal de simplification de la vie des entreprises par le comité interministériel de modernisation de l'action publique le 17 juillet Ce texte allège les charges administratives pesant sur les entreprises, afin de renforcer leur compétitivité.

Le Gouvernement a choisi de recourir aux ordonnances de l'article 38 de la Constitution, en engageant la procédure accélérée, pour remplir l'objectif du texte, qui est de simplifier notre droit, sans pour autant sacrifier les exigences environnementales.

Au-delà de la méthode, peu critiquable en l'espèce, l'enjeu réside dans l'amélioration du suivi de l'habilitation par le Parlement : le Gouvernement s'est d'ores et déjà engagé à transmettre à notre commission les projets d'ordonnance relatifs aux articles 13 et 14 d'ici la fin de la semaine. Nous pourrons donc nous prononcer en séance publique en toute connaissance de cause.

Notre commission a reçu une délégation au fond de la commission des lois pour l'examen des articles 8 et 16.

L'article 8 autorise le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance plusieurs mesures relatives au Grand Paris. Dans son discours du 6 mars dernier, le Premier ministre a annoncé un élargissement du schéma d'origine et une contribution exceptionnelle de la Société du Grand Paris (SGP) au plan de modernisation du réseau existant, soit 2 milliards d'euros d'ici 2017. Aujourd'hui, la loi ne permet pas un tel financement, car la SGP est seulement responsable du réseau de transport public du Grand Paris stricto sensu. Il convient d'autoriser explicitement un tel financement.

Le Premier ministre a aussi confirmé la réalisation du Grand Paris Express à l'horizon de 2030, avec une architecture et un calendrier redéfinis, où la SGP récupère la maîtrise d'ouvrage aujourd'hui confiée au syndicat des transports d'Ile-de-France (Stif) sur certains tronçons.

Enfin, parce qu'il pourra s'avérer nécessaire de réviser la loi relative au Grand Paris pour ajuster le projet à la réalité des coûts, il convient, conformément à un avis du Conseil d'État consulté en ce début d'année, d'établir une procédure claire de révision du schéma, en garantissant la concertation avec les élus et la consultation du public.

Je suis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

L'article 16 reporte du 1er janvier 2012 au 1er janvier 2015 l'obligation de mettre en place une signalétique commune, le fameux logo « Triman », sur les produits recyclables soumis à un dispositif de tri. Cette obligation avait été votée sous la majorité précédente dans le cadre de la loi Grenelle 2. En harmonisant les marquages de recyclage des produits mis sur le marché et en renseignant mieux les consommateurs, cette disposition contribuera à simplifier le tri des produits recyclables. Les quantités de produits recyclés seront accrues, pour un plus grand bénéfice environnemental, et les refus de tri seront réduits, pour un plus grand bénéfice économique des collectivités. La mesure sera accompagnée d'une campagne de communication nationale, menée par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

En pratique, une telle signalétique existe déjà, ce qui montre que les metteurs sur le marché ne la considèrent pas comme un surcoût, mais comme un bénéfice en termes d'image et de ventes.

Le projet de décret d'application de cet article est en voie de finalisation. Il prévoit des dérogations lorsque des critères réglementaires, techniques ou économiques entraveraient la possibilité d'une signalétique commune, ou des souplesses pour les produits conditionnés dans de multiples emballages. Les stocks de produits non conformes mis sur le marché avant le 1er janvier 2015 pourront être écoulés tels quels. Le coût du dispositif ne sera donc pas disproportionné pour les industriels.

Je vous propose d'adopter cet article sans modification et j'émettrai un avis défavorable aux amendements visant à sa suppression ou prévoyant d'importantes dérogations.

Nous nous sommes également saisis pour avis des articles 9, 13 et 14.

L'article 9 assouplit les obligations des mutuelles et des établissements de crédit en matière de reporting social et environnemental. Depuis la loi de 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, les sociétés cotées doivent inclure, dans leur rapport annuel, des informations sur la manière dont elles prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leur activité.

En 2010, la loi Grenelle 2 a étendu cette obligation aux sociétés non cotées, aux coopératives, aux sociétés d'assurance et aux mutuelles, au-delà de certains seuils, fixés par voie réglementaire, pour les exercices ouverts à compter du 31 décembre 2013 : 100 millions d'euros pour le total du bilan, 100 millions d'euros pour le montant net du chiffre d'affaires et 500 pour le nombre moyen de salariés permanents.

Or la loi de régulation bancaire d'octobre 2010 a supprimé, par erreur, le renvoi à ces seuils, de sorte que les mutuelles et les établissements de crédits sont désormais soumis à des obligations plus strictes que les sociétés non cotées.

L'article 9 rétablit le cadre initial. Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption de cet article.

Les articles 13 et 14 autorisent le Gouvernement à mettre en place, à titre expérimental, dans certaines régions, des procédures simplifiées innovantes. Il s'agit de faciliter la réalisation de projets d'activité économique, sans diminuer les exigences de protection de l'environnement. À terme, l'objectif est de définir un permis environnemental unique, articulant autorisations environnementales et autorisations d'urbanisme, afin de simplifier la procédure pour les porteurs de projets.

L'article 13 prévoit la délivrance d'un certificat de projet, lorsque les autorisations administratives nécessaires sont régies par les dispositions du code de l'environnement, du code forestier ou du code de l'urbanisme. Ce document devrait comporter un engagement de l'État sur la liste de ces autorisations, ainsi qu'une mention de l'obligation ou non de réaliser une étude d'impact et, le cas échéant, le degré de précision de cette étude. Le certificat pourrait valoir engagement de l'administration sur le délai d'instruction des autorisations sollicitées.

Dans au moins une des régions retenues pour l'expérimentation, le certificat de projet vaudra certificat d'urbanisme. Il pourra comporter une garantie du maintien en vigueur des dispositions législatives et réglementaires relatives aux autorisations sollicitées, pendant une durée déterminée. Ainsi, les entreprises concernées bénéficieront d'une forme de cristallisation de la réglementation. Plusieurs régions sont pressenties pour la conduite de cette expérimentation, dont l'Aquitaine, la Franche-Comté et Champagne-Ardenne.

La rédaction actuelle de l'article ne mentionne pas les conditions dans lesquelles des recours pourront être déposés à l'encontre de ces certificats de projet. J'ai saisi le Gouvernement de cette difficulté : il ne faudrait pas créer, sous couvert de simplification, un nouveau type de décision entrainant la multiplication des contentieux. Le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens devant la commission des lois, afin de renvoyer à l'ordonnance prévue la détermination des conditions et effets des recours.

Le Gouvernement envisage d'expérimenter un système de rescrit procédural permettant l'amélioration du cadrage préalable de l'examen des projets et la désignation d'un interlocuteur unique. Sur le modèle du rescrit fiscal, tout porteur de projet pourra demander à l'administration, en amont, de lui indiquer l'ensemble des procédures et enquêtes auxquelles il est soumis. Cela donnera de la sécurité juridique aux entreprises.

C'est pourquoi je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption de l'article 13.

L'article 14 prévoit une expérimentation similaire pour les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), soumises à autorisation.

Aujourd'hui, les porteurs d'un projet relatif à une ICPE doivent déposer jusqu'à cinq demandes d'autorisation ou de dérogation différentes, instruites par des services de l'État différents, aboutissant régulièrement à des décisions divergentes. L'article 14 prévoit d'expérimenter, pour les installations de production d'énergie renouvelable en particulier, une procédure unique intégrant toutes les autorisations requises.

Plusieurs régions sont pressenties pour la conduite de cette expérimentation : la Basse-Normandie, Champagne-Ardenne, le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie. Ces régions représentent environ un quart des projets éoliens nationaux.

Je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption de cet article.

Beaucoup reste encore à faire pour moderniser le droit de l'environnement. La feuille de route issue des états généraux comportait trois parties : mieux choisir et élaborer les règles du droit de l'environnement, accélérer et faciliter la réalisation des projets respectueux de l'environnement, mieux réparer et sanctionner les atteintes à l'environnement.

Le deuxième volet est largement mis en oeuvre par les articles 13 et 14. Pour le premier, une réflexion sur les règles du droit communautaire reste à prévoir, afin d'identifier les textes européens nécessitant une simplification. À l'échelle nationale, il faudrait procéder à une évaluation du droit existant et de son impact. Quant au troisième volet, un groupe de travail proposera un meilleur équilibre entre accès au juge et sécurité juridique des procédures. Des groupes de travail devraient également se mettre en place, au sein du conseil national de la transition énergétique, sur la structuration du droit de l'environnement, la modernisation des enquêtes publiques, la protection de la biodiversité. Bref, le chantier n'est pas clos et notre commission ne manquera pas de l'accompagner.

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