En touchant principalement les tribunaux d’instance, la réforme de la carte judiciaire a porté sur les juridictions les plus proches des gens. Cette réforme, exemple parmi d’autres de la destruction méthodique du service public de la justice, menée dans la précipitation, sans concertation réelle avec les organisations syndicales, a visé un objectif exclusivement comptable qu’elle n’a même pas atteint, du fait de son coût.
Aujourd’hui, une autre réforme est pressentie. En tout cas, elle semble nécessaire, mes chers collègues.
Il y a un an, notre commission des lois présentait au Sénat, lors d’un débat en séance publique, les conclusions du rapport de Nicole Borvo Cohen-Seat et d’Yves Détraigne sur la réforme de la carte judiciaire dans lesquelles plusieurs pistes étaient envisagées. Récemment, notre collègue Yves Détraigne a poursuivi ses travaux avec Virginie Klès.
Après s’être accordés sur l’intérêt d’une simplification de l’organisation de la justice de première instance, nos collègues ont approfondi l’une des pistes qui était déjà évoquée dans le premier rapport : le tribunal de première instance aurait vocation à réunir en une même juridiction toutes celles – ou pratiquement toutes au terme des dernières réflexions – que nous connaissons actuellement en première instance. Nous savons que vous menez des réflexions à ce sujet dans le cadre de la concertation, madame la garde des sceaux, et que des conclusions seront rendues prochainement. Quelle que soit la piste proposée, pouvez-vous nous assurer que le réseau juridictionnel n’en pâtira pas et que la présence d’un tribunal sur chaque territoire au plus près de nos concitoyennes et de nos concitoyens sera privilégiée ? Par exemple, si la piste du tribunal de première instance était retenue, il ne faudrait pas que cela conduise à la suppression de nouvelles implantations judiciaires.
Il est également nécessaire de préserver la spécialisation des magistrats. Comme le souligne le rapport Klès-Détraigne, « les magistrats spécialisés tiennent à leur spécialisation et peuvent craindre que le tribunal de première instance, entendu comme un outil de mutualisation des effectifs de magistrats et de greffiers, ne tende à diluer cette spécialisation ». Au nom d’une préoccupation d’ordre pratique concernant l’accès du citoyen à la justice, il ne serait effectivement pas pertinent de revenir sur la tradition française de certains tribunaux de première instance, tels les conseils de prud’hommes, les tribunaux pour enfants ou les juridictions sociales.