En tout état de cause, il appartiendra aux parlementaires que nous sommes – et ce sera le cas de la commission des lois pour ce qui la concerne – d’être vigilants lorsque nous serons invités à ratifier ces ordonnances et, si nous le jugeons nécessaire, de les modifier. À ce titre, madame la ministre, j’ai bien entendu l’engagement que vous venez de prendre d’associer les parlementaires à l’élaboration de ces ordonnances. Nous devrons examiner les projets de loi de ratification, en particulier celui qui concernera le droit des entreprises en difficulté. Cette ratification devra faire l’objet d’un réel débat parlementaire.
Dans un souci de rapidité et d’efficacité et dans le respect de la logique d’ensemble de ce texte d’habilitation, la commission n’a pas souhaité y adjoindre des dispositions additionnelles ou des modifications du droit en vigueur, même si les suggestions de simplification formulées par les entreprises sont toujours nombreuses. Nous pourrons toujours y revenir, mais certaines dispositions de ce projet de loi sont attendues et doivent s’appliquer dès le début de l’année 2014, et c’est pourquoi nous n’avons pas voulu alourdir le texte.
Je tenais à apporter ces précisions car nous aurons à examiner tout à l’heure quelques amendements visant à introduire des dispositions additionnelles. Je me suis moi-même astreint à ne pas en proposer à la commission et je vous invite, par cohérence, à nous en tenir à cette ligne de conduite.
Comme je l’ai indiqué au début de mon intervention, les représentants des entreprises ainsi que des professionnels qui les accompagnent approuvent sans guère de réserves les finalités envisagées pour les ordonnances – je mets bien sûr de côté l’article 16 sur la signalétique du tri. Les nombreuses auditions que j’ai menées me l’ont confirmé.
Avant d’en venir à une présentation rapide du contenu du projet de loi et de ses habilitations les plus importantes, je vous rappelle que la commission a décidé de déléguer l’examen au fond des articles 8 et 16 à la commission du développement durable et des articles 11, 12, 15 et 21 à la commission des finances. Pour ces articles ainsi que pour les amendements qui s’y rapportent, nous nous en sommes donc remis, par principe, à la position adoptée par la commission délégataire. Je ne les évoquerai donc pas dans mon intervention.
Pour achever de convaincre nos collègues, s’ils en doutaient encore, de l’utilité d’adopter ce projet attendu par les entreprises françaises, je souhaite présenter quelques-unes de ses dispositions les plus significatives.
Comme je l’indiquais en introduction, le projet de loi propose, en conformité avec une nouvelle directive comptable de 2013, d’alléger les obligations comptables des petites entreprises, sans supprimer l’obligation de dépôt des comptes au registre du commerce et des sociétés, et d’ouvrir un droit d’option pour la publication des comptes des très petites entreprises, de dix salariés au plus. Néanmoins, ce droit d’option ne serait pas ouvert aux petites entreprises de cinquante salariés au plus, au nom de la transparence vis-à-vis des tiers.
Le projet de loi prévoit également de rendre obligatoire la facturation électronique dématérialisée entre les personnes publiques et leurs fournisseurs. La commission a prévu que cette obligation serait étalée dans le temps, pour tenir compte des capacités des petites entreprises.
L’habilitation relative à la réforme du droit des entreprises en difficulté vise à renforcer le volet fondamental de la prévention, qui permet d’anticiper les difficultés, notamment en rendant les mesures et procédures de prévention plus attractives et moins coûteuses pour les entreprises, et en incitant davantage les créanciers à s’investir dans une solution de continuité de l’activité de l’entreprise.
Le texte propose aussi de réformer différents aspects des procédures collectives. Il s’agit en particulier de s’inspirer de la procédure de sauvegarde financière accélérée, créée sur l’initiative de Jean-Jacques Hyest en 2010, qui n’a été utilisée que quatre fois mais qui suscite beaucoup d’intérêt dans son principe, pour mettre en place une nouvelle procédure de sauvegarde, également ouverte aux créanciers non financiers, en cas d’échec d’une procédure de conciliation. Ce dispositif doit aussi rendre la conciliation plus attractive.
Le texte prévoit en outre de revoir l’équilibre entre les différents acteurs des procédures collectives, notamment en adaptant les droits des actionnaires, pour favoriser l’émergence d’une solution de continuation de l’activité, le cas échéant à l’aide des créanciers qui pourraient présenter un plan alternatif.
Le texte propose aussi de simplifier les procédures liquidatives. Sont ainsi envisagées une procédure de liquidation « ultra-simplifiée » en trois mois, une procédure spécifique de liquidation pour les débiteurs sans actif net, de facilitation de la clôture pour insuffisance d’actif, et de levée du dessaisissement du débiteur personne physique avant la clôture de la liquidation pour lui permettre de recréer une activité.
Le projet de loi vise de plus à améliorer les procédures juridictionnelles devant le tribunal de commerce, notamment en précisant les critères de renvoi devant une autre juridiction – ce qui est une question récurrente –, en renforçant encore la présence du ministère public, garant de l’ordre public économique et seul magistrat professionnel présent, et en clarifiant le rôle et le statut du juge-commissaire, conformément à l’exigence d’impartialité.
Sur le droit des entreprises en difficulté, la commission a adopté une série de modifications pour préciser le champ des habilitations.
Le projet de loi comporte également un volet sur le droit des sociétés, reprenant notamment des recommandations de l’Autorité des marchés financiers, l’AMF, pour simplifier le régime des conventions réglementées passées entre une société et ses dirigeants, tout en conservant une exigence de transparence.
Le texte vise, de surcroît, à clarifier le régime de rachat des actions de préférence et à faire évoluer la législation relative aux valeurs mobilières, en particulier pour les titres financiers complexes. La commission a précisé cette habilitation.
Il comporte aussi d’autres simplifications ponctuelles en matière de droit des sociétés, par exemple la possibilité de prolonger le délai de convocation de l’assemblée des associés dans une société à responsabilité limitée, une SARL, ou la possibilité pour une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, une EURL, d’être l’associé unique d’une autre entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée.
En outre, des dispositions du texte concernent certaines professions réglementées. Le texte prévoit ainsi d’augmenter le nombre de notaires salariés par office notarial, d’ouvrir l’exercice salarié pour la profession d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, et de modifier certaines conditions d’exercice de la profession d’expert-comptable. Ces habilitations concernent bien la vie des entreprises, car non seulement ces trois professions réglementées sont des entreprises, mais elles sont aussi impliquées dans la vie des entreprises ; là encore, les auditions que j’ai menées me l’ont montré.
Le texte clarifie également les obligations des mutuelles et des établissements de crédit en matière de publication d’informations sociales et environnementales, pour les aligner sur les obligations générales des sociétés anonymes, avec les mêmes critères : il s’agit de l’application de seuils et de modalités particulières consolidées au sein des groupes.
Il vise aussi à moderniser les règles d’organisation et de fonctionnement des entreprises dans lesquelles l’État détient une participation, dans le prolongement des réflexions en cours sur le rôle de l’État actionnaire. L’objectif consiste en particulier à simplifier ces règles, souvent rigides et obsolètes, pour les rapprocher du droit commun des sociétés, et à faire évoluer les règles de composition des conseils d’administration et de désignation des représentants de l’État et des dirigeants. La commission a clarifié cette habilitation.
Toutefois, compte tenu des inquiétudes qui s’expriment, je vous proposerai un amendement afin de préciser que cette évolution ne doit pas remettre en cause la représentation des salariés au sein des conseils d’administration.
Par ailleurs, dans le prolongement des travaux sur la modernisation du droit de l’environnement, auxquels participe activement notre collègue Alain Richard, le projet de loi propose d’expérimenter un mécanisme de « certificat de projet » garantissant la stabilité des normes applicables et simplifiant le traitement administratif de certains projets, ainsi qu’un système de « décision unique » du préfet pour les installations classées pour la protection de l’environnement. Ces habilitations ont été précisées en commission, notamment s’agissant de la question des voies de recours, et ont été complétées par deux expérimentations complémentaires.
En outre, sur proposition du Gouvernement, le texte comporte une habilitation en vue de mettre en place un nouveau produit d’assurance vie davantage orienté vers le financement de l’économie ; on ne peut qu’y souscrire ! Je sais d’ailleurs gré au Gouvernement de ne pas avoir mêlé à cette habilitation la question du droit de renonciation en assurance vie, sujet bien distinct qui ne relève pas de la simplification.
Comme je l’ai déjà dit, la commission a été attentive à la précision et à la clarté des habilitations. Le Conseil constitutionnel nous y a régulièrement invités. C’est une garantie de transparence et de loyauté lorsque nous acceptons d’autoriser le Gouvernement à intervenir – pour une durée limitée et pour un objet précis – dans le domaine de la loi qui est le nôtre.
Avant de conclure, je tiens à remercier sincèrement les trois rapporteurs pour avis, Yannick Vaugrenard, au nom de la commission des affaires économiques, Laurence Rossignol, au nom de la commission du développement durable, et François Patriat, au nom de la commission des finances, pour leur contribution à l’examen de ce texte.
Mes chers collègues, je vous propose donc d’adopter ce projet de loi. §