Elle est chargée d’exécuter, par contrat, une opération unique. Certaines des propositions de la commission des lois visent d’ailleurs à confirmer cet objectif, qui est aussi une limitation.
Il est ainsi organisé une seule procédure de mise en concurrence, non pas au moment de l’attribution du contrat à ladite entité, mais lors du choix de la personne privée qui participera à la future entité.
Dans ce cadre, la personne privée doit faire la preuve non seulement de sa capacité à apporter un capital suffisant au sein de l’entité mixte, mais également de son expertise technique et opérationnelle, ainsi que de sa capacité financière, permettant de répondre aux attentes et aux besoins de la collectivité publique pour la réalisation de l’opération.
Cette innovation juridique, qui concerne le moment de la mise en concurrence, doit toutefois respecter les exigences communautaires – ce point a suscité bien des débats et bien des incertitudes –, en matière d’égalité de traitement, de transparence et de publicité des procédures, comme l’ont rappelé la Commission européenne et la Cour de justice de l’Union européenne, la CJUE, qui ont confirmé de manière très claire la validité de ce dispositif, tout en l’assortissant de certains garde-fous.
Pour délimiter le cadre juridique, je rappellerai succinctement les conclusions des différentes instances européennes.
Dans une communication interprétative du 5 février 2008, la Commission européenne a estimé que la mise en œuvre d’une double procédure de mise en concurrence apparaissait difficilement compatible avec l’économie procédurale sur laquelle reposent ces nouvelles entités. Celles-ci ont en effet vocation à être mises en concurrence une seule fois, soit au moment du choix de l’entreprise privée, au sein de l’entité mixte dont elle sera à la fois l’opérateur actif et l’actionnaire significatif, soit au moment de l’attribution du contrat à cette entité, ce qui correspond aux sociétés d’économie mixte locales traditionnelles.
Quel que soit le moment retenu, le choix du partenaire privé doit respecter les principes de transparence, de concurrence et de non-discrimination, tandis que le contrat à l’origine de l’entité peut être attribué à la nouvelle entité sans que soit organisée une nouvelle mise en concurrence.
Les conclusions de la Commission européenne ont été confirmées par la Cour de justice de l’Union européenne, dans sa décision Acoset du 15 octobre 2009. La Cour a jugé que la sélection du concessionnaire résulte indirectement de celle de l’associé qui a eu lieu au terme d’une procédure respectant les principes du droit communautaire, de telle sorte – c’est un élément essentiel – qu’une seconde procédure de mise en concurrence en vue de la sélection du concessionnaire ne se justifierait pas.
La seule limite posée à cette souplesse par la Cour est la suivante : la société à capital mixte doit avoir pour seul objet, pendant toute la durée du contrat, la réalisation de l’opération qu’elle s’est vue attribuer. Toute modification substantielle du contrat entraînerait une obligation de mise en concurrence. Cette solution parfaitement logique et légitime est tout à fait conforme aux principes généraux du droit communautaire.
Ainsi, la Commission européenne et la CJUE ont démontré qu’une concurrence efficace et pragmatique et une étroite coopération organique entre une personne publique et le secteur privé n’étaient pas exclusives et s’adaptaient parfaitement aux principes du droit communautaire.
Sur cette question, l’avis du 1er décembre 2009 du Conseil d’État, dont nous connaissons la pertinence des analyses et le souci de précision, apparaît plus circonspect. Il estime en effet que la solution retenue par la Commission européenne, à savoir la simultanéité, n’apparaît pas possible. Il considère l’identité entre candidat et attributaire du contrat comme étant une condition indispensable de l’impartialité de la sélection.
Pourtant, force est de constater que les arguments avancés par le Conseil d’État peuvent susciter des interrogations au regard du droit communautaire, notamment tel qu’il est interprété par la Cour de justice. En effet, les institutions communautaires sont avant tout soucieuses d’une mise en œuvre effective de la transparence de la sélection et de l’égalité d’accès à la commande publique. Ces objectifs peuvent incontestablement être atteints tant par une constitution concomitante de la sélection – c’est la position de la Commission européenne – que par la mise en concurrence de l’actionnaire, conformément à la position de la CJUE. Le choix du moment au cours duquel est organisée la mise en concurrence est neutre pour l’application effective des principes communautaires de respect de la concurrence.
Au vu de ces éléments, il apparaît clairement que cette proposition de loi est tout à fait en harmonie avec les dispositions du droit communautaire. L’avis éclairé du Conseil d’État n’empêchera nullement ce texte, cher Jean-Léonce Dupont, de prospérer.
Notre commission s’est donc unanimement félicitée du dépôt de ces trois propositions de loi, en ce qu’elles traduisent fidèlement la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et les conclusions de la Commission européenne.
Toutefois, ce nouvel outil peut soulever, chez de nombreux acteurs, des inquiétudes qui doivent légitiment être prises en compte. C’est pourquoi, sur mon initiative, la commission des lois, très favorable à la présente proposition de loi, a procédé à une réécriture du texte, dans un double souci de clarification rédactionnelle et de sécurité juridique. Je remercie M. Jean-Léonce Dupont d’avoir acquiescé à cette nouvelle rédaction.
Plus précisément, notre commission a d’abord changé la dénomination de cette nouvelle catégorie de SEM, désormais qualifiée de « SEM à opération unique », afin de mettre en exergue sa caractéristique fondamentale. En effet, l’appellation « SEM contrat » pouvait laisser planer un certain nombre de questions ou d’incertitudes. Désormais, il est affirmé de manière très précise, dans la dénomination même de ce nouvel outil, que celui-ci a pour objet de réaliser une opération unique.
Ensuite, la commission a clarifié les différentes étapes de la constitution de la SEM à opération unique et de la conclusion du contrat pour lequel elle a été créée.
La première étape consisterait en l’adoption d’une délibération de la personne publique – ce qui est logique puisque c’est elle qui veut lancer cette opération unique –, dans laquelle celle-ci déterminerait ses besoins et définirait les caractéristiques essentielles de la future société – part de capital minimale et maximale, règles de gouvernance de la société, principales caractéristiques des équipements et des constructions projetés et conditions de leur mise en œuvre par la future société, possibilité, pour la future SEM, de recourir à des contrats de sous-traitance pour la réalisation de l’opération.
Une mise en concurrence pour la sélection de l’actionnaire opérateur, reposant sur un appel public à manifestation d’intérêt, constituerait la deuxième étape du processus, dans le respect des principes de liberté d’accès, d’égalité de traitement et de transparence des procédures.
La personne publique sélectionnerait l’offre la plus avantageuse économiquement, après vérification des capacités techniques, opérationnelles et financières de chacun des candidats.
À la suite du choix de l’actionnaire opérateur serait créée la SEM à opération unique, qui conclurait avec la personne publique le contrat à l’origine de la démarche.
Ainsi, la nouvelle rédaction que nous vous proposons vise à mettre en exergue et à clarifier deux points majeurs : l’organisation d’une unique procédure de mise en concurrence pour le choix de l’actionnaire opérateur et la conclusion du contrat entre la SEM et la personne publique, d’une part, et la distinction entre la SEM et la personne privée actionnaire, d’autre part.
Les amendements que je présenterai dans quelques minutes vont dans le même sens.
Voilà les résultats du travail de la commission. Monsieur Dupont, nous avons essayé de traduire dans le rapport quels étaient vos objectifs, ainsi que ceux de nos collègues Daniel Raoul et Antoine Lefèvre. Je crois pouvoir dire que nous avons fait un travail constructif qui, je l’espère, connaîtra une issue identique à celui que nous avons produit sur les sociétés publiques locales. Notre objectif reste bien d’offrir à nos collectivités des instruments modernes et efficaces pour leur permettre d’assurer à nos concitoyens un service toujours meilleur.