En effet, j’émettrai quelques remarques.
S’agissant d’abord du quantum du capital détenu par l’actionnaire public, la possibilité de créer une SEM à opération unique dont le capital est détenu majoritairement par l’actionnaire opérateur, personne privée, est certes la principale innovation de ce texte. Mais ne crée-t-on pas là une nouvelle exception au principe posé par l’article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales ? Cet article dispose en effet que les collectivités ou leurs groupements doivent détenir, séparément ou à plusieurs, plus de la moitié du capital de la société et des voix des organes délibérants.
Bien sûr, il existe déjà plusieurs exemples de SEM locales dérogeant à ce principe, dans lesquelles les collectivités ou leurs groupements n’en jouent pas moins un rôle déterminant. Citons les SEM relevant des décrets de la loi Poincaré de 1926, les SEM remontées mécaniques de 1983, la SEM relevant du droit spécifique d’Alsace-Moselle de 1895, les SEM sportives de 1984, les SEM immobilières d’outre-mer de 1946, la société du marché d’intérêt national de Rungis créée en 1984 par décret spécifique en Conseil d’État.
Néanmoins, contrairement à ces SEM locales, les SEM à opération unique auront un champ d’application très large compte tenu de leur objet, par exemple des opérations d’aménagement ou la gestion d’un service public.
Je veux bien admettre qu’il s’agit là d’une exception encadrée, d’une part, par la présidence de droit du représentant de la collectivité, d’autre part, par la minorité de blocage applicable au sein des sociétés anonymes : les décisions prises par les assemblées générales extraordinaires le sont à la majorité des deux tiers. Avec une part minimale fixée à 34 %, la personne publique conserverait cette possibilité de blocage au sein des organes de la SEM à opération unique.
Rien n’interdirait d’ailleurs d’imaginer une augmentation de la part minimale détenue par un actionnaire privé. Actuellement fixée à 15 %, elle pourrait également constituer un moyen d’efficace pour rééquilibrer les rapports entre actionnaires en procédant à un meilleur partage des risques, sans pour autant accroître le quantum minimal de détention publique.
Je retiendrai, en deuxième lieu, les contrats de sous-traitance dont l’encadrement a été opportunément affiné afin de nous tenir à l’écart de deux écueils, à savoir la conclusion de ce type de contrat sans que leur objet soit précisé, d’une part, ou sans faire une quelconque mention de la procédure de mise en concurrence, d’autre part.
Conscients des difficultés juridiques qu’un tel dispositif aurait pu engendrer, le rapporteur et la commission des lois ont proposé d’y remédier en limitant la conclusion de contrats de sous-traitance aux seuls contrats concourant à la réalisation de l’objet du contrat confié à la SEM à opération unique. Afin d’écarter toute ambiguïté, il est également proposé que la procédure d’appel public à manifestation d’intérêt tienne lieu de mise en concurrence pour les contrats de sous-traitance.
J’éprouve, en revanche, une légère inquiétude s’agissant de la notion d’opérateur économique, notion conforme au droit communautaire, contrairement à celle de personne privée.
La référence à une personne privée exclut une personne publique qui se présenterait comme opérateur économique au sens des directives communautaires. Cette exclusion est contraire aux principes constitutionnels de liberté d’accès à la commande publique et d’égalité de traitement des candidats.
Enfin, je ne veux pas gâter votre plaisir, à vous qui, en réécrivant complètement le dispositif de cette proposition de loi, avez très largement contribué à assurer la clarté et la lisibilité de ce texte, garantes de sécurité juridique lors de sa future application.
Néanmoins, concernant la procédure de mise en concurrence, quelques doutes peuvent encore subsister. Il aurait peut-être été envisageable de renvoyer aux règles de procédure applicables au contrat envisagé et de n’indiquer, dans l’article concerné, que les éléments spécifiques à la procédure de création de la SEM à opération unique et d’attribution du contrat à cette société.
Vous n’aurez pas manqué, mesdames, messieurs les sénateurs, de relever l’extrême prudence qui est la mienne, non pas pour avancer quelque critique, mais simplement quelques questionnements purement amicaux. Je sais trop votre souci de perfection qui a trouvé ici toute sa place, pour venir bousculer un texte dont le Gouvernement se satisfait.
Il s’en satisfait, fort de l’expérience réussie des sociétés publiques locales nées dans cet hémicycle, fort aussi de la conviction et de la détermination des auteurs de cette proposition de loi, fort enfin de sa propre conviction que les collectivités locales ont besoin plus que jamais qu’on leur fasse confiance et qu’on facilite et simplifie toutes nos procédures administratives.
C’est pourquoi, mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère pouvoir rester jusqu’à la fin des travaux sur ce texte, afin d’assister avec satisfaction au vote final qui ne manquera pas d’être émis dans les meilleures conditions possible. Cependant, d’ores et déjà, je vous prie de m’excuser si je devais vous abandonner pour participer aux débats à l’Assemblée nationale sur un texte dont j’ai dit que vous l’aviez examiné avec beaucoup de sagesse, le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.