Intervention de Jean-Claude Requier

Réunion du 11 décembre 2013 à 14h30
Financement du service public de l'assainissement — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Jean-Claude RequierJean-Claude Requier :

Avec l’enlèvement des ordures ménagères ou la distribution de l’eau potable, les communes et leurs groupements ont pu prendre en charge, notamment dès la fin du XIXe siècle, certaines activités à vocation économique dans un but d’intérêt général, grâce aux entorses progressivement autorisées à la liberté du commerce et de l’industrie.

Il aura fallu environ un siècle pour doter notre pays de réseaux d’assainissement.

Aujourd'hui, face aux enjeux qualitatifs croissants de la ressource en eau, une mise aux normes s’impose pour parvenir au respect de la directive-cadre sur l’eau du 23 octobre 2000, qui prévoit que les États membres devront atteindre l’objectif d’un bon état général des deux tiers de leurs masses d’eau en 2015.

Pour atteindre cet objectif, des efforts dans l’amélioration de la qualité de l’eau à la source doivent être entrepris, car la mise aux normes des stations d’épuration, le renouvellement des réseaux d’assainissement et la mise en œuvre des réseaux séparatifs sont coûteux.

La France accuse un retard en la matière, alors que les dépenses liées à l’eau potable et à l’assainissement atteignaient 26 milliards d’euros en 2010, soit une augmentation de 25 % depuis 2000, d’après une étude du Centre d’analyse stratégique publiée en avril dernier.

Pour les communes rurales, cet effort sera d’autant plus insoutenable que l’habitat est dispersé et que 5 millions d’habitations disposent de systèmes d’assainissement non collectifs – les fosses septiques –, pour lesquels les contrôles ne sont pas toujours effectués et, surtout, dont la mise aux normes représente parfois pour les propriétaires des coûts insupportables – de l’ordre de 5 000 ou 6 000 euros jusqu’à, parfois, 10 000 euros !

Cette situation crée une rupture d’égalité des usagers devant le prix de l’eau, alors que le prix par mètre cube demeure plus élevé pour les communes rurales.

L’intercommunalité est une chance pour ces collectivités, car elle facilite la gestion des services, leur maîtrise technique et la réalisation d’économies d’échelle. Elle est le reflet d’une solidarité que les communes ont exprimée par le partage d’un certain nombre de compétences. Elle est avant tout bienvenue dans le domaine de l’eau, qui souffre d’une gouvernance excessivement complexe.

Cela étant, certaines communes, qui n’avaient pas pu investir suffisamment dans leur réseau d’assainissement avant le transfert de compétences à l’intercommunalité, peuvent se heurter au principe d’exclusivité, en vertu duquel elles ne peuvent plus intervenir dans les domaines transférés.

Afin de lever cet obstacle, nos collègues de l’UDI-UC souhaitent autoriser le versement de fonds de concours entre communes membres et EPCI pour financer les dépenses liées au service public de l’assainissement. Un amendement de précision de l’auteur de la proposition de loi – l’unique amendement déposé sur le texte – tend à limiter cette mesure aux seules dépenses d’investissement.

Pourtant, le code général des collectivités territoriales prévoit déjà que des fonds de concours peuvent être versés afin de financer la réalisation – et donc l’investissement – ou le fonctionnement d’un équipement, ce qui devrait réduire la nécessité de légiférer.

En vertu des dispositions du CGCT, le montant des fonds de concours pouvant être versés est plafonné à la moitié du financement requis. Ce garde-fou nous semble nécessaire pour préserver les principes mêmes de l’intercommunalité.

Un autre garde-fou, encadrant l’intervention économique des collectivités territoriales, réside dans le principe de l’autonomie financière des services publics industriels et commerciaux, ce qui suppose un financement au moyen de redevances payées par les usagers. Le service de l’assainissement relevant de la catégorie juridique des SPIC par détermination de la loi, son budget doit être équilibré en dépenses et en recettes ; les maires ici présents le savent bien.

Comme l’a souligné Jean-Claude Frécon, ce principe connaît des exceptions, qui suffisent pour tenir compte de la situation en zone rurale. En effet, il ne s’applique pas aux communes de moins de 3 000 habitants ou aux EPCI dont aucune commune membre ne compte plus de 3 000 habitants. Surtout, une dérogation est prévue pour toutes les communes et tous les EPCI lorsque le fonctionnement du service public exige la réalisation d’investissements qui auraient pour conséquence une augmentation excessive des tarifs, comme la réalisation d’une station d’épuration.

Dans ces conditions, je le répète, nous nous interrogeons sur la pertinence qu’il y a aujourd’hui à légiférer dans le sens proposé par les auteurs de la proposition de loi.

En dépit des aspirations légitimes exprimées par ces derniers, il convient, autant que possible, de préserver toute la portée du principe de bonne gestion que je viens d’évoquer, lequel constitue un gage de transparence.

Peut-être les dérogations prévues ne couvrent-elles pas toutes les situations possibles. Il aurait alors été certainement utile d’identifier le nombre de communes éventuellement concernées.

Au demeurant, nous considérons que les blocages trouvent leur source moins dans la situation décrite dans l’exposé des motifs de la proposition de loi que dans le manque de financements de la politique de l’eau pour des investissements lourds et de longue durée. Autrement dit, le blocage n’est pas tant juridique que financier : avec le recul des recettes, les redevances ne suffiront pas pour satisfaire aux objectifs de qualité de la ressource.

Convaincu qu’il est indispensable d’adopter une approche plus globale de la politique de l’eau et très réservé sur le bien-fondé du présent texte, notre groupe ne pourra, en l’état, lui apporter son soutien.

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