Intervention de Jean-Vincent Placé

Réunion du 11 décembre 2013 à 14h30
Financement du service public de l'assainissement — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Jean-Vincent PlacéJean-Vincent Placé :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’assainissement représente un enjeu pour les collectivités territoriales comme pour l’environnement.

À cet égard, le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a affirmé sa volonté d’améliorer le service public de l’eau et de l’assainissement en France. Notre souci constant de la protection de l’environnement nous amène bien évidemment à nous associer à cette démarche.

L’assainissement répond à des problématiques écologiques de taille, telles que la dépollution des eaux usées, la protection des nappes phréatiques, particulièrement dans des régions très urbanisées, comme l’agglomération parisienne.

C’est également un enjeu de santé publique.

Par ailleurs, les agences de l’eau, trop souvent négligées, sont des acteurs clés du processus d’assainissement, qui soutiennent les communes par leurs subventions. Nous regrettons qu’elles n’aient souvent pas les moyens de leurs actions et que leurs subventions aux services publics d’assainissement soient en baisse. En effet, le service public d’assainissement et les services publics en général permettent de définir un avenir collectif, au cœur des collectivités locales, avec pour objectif la réduction de la fracture territoriale et sociale.

La proposition de loi qui est soumise à notre examen vise à autoriser certaines communes bénéficiaires de projets d’assainissement à cofinancer ces aménagements par voie de fonds de concours à destination de l’intercommunalité, y compris dans les cas où cette compétence a été transférée à l’EPCI. De fait, les écologistes considèrent qu’elle met à mal le principe de la solidarité entre les territoires, du moins en partie.

Cependant, ce texte soulève des problématiques intéressantes, qu’il convient de traiter, même si nous n’y apportons pas nécessairement les mêmes réponses que les auteurs de la proposition de loi.

Ainsi, les difficultés de certaines communes, notamment rurales, à financer les projets d’assainissement sont une réalité.

Toutefois, comme l’a rappelé notre excellent rapporteur, la loi permet déjà de répondre à ces problèmes. Il existe déjà quelques dérogations, autorisant, par exemple, les communes de moins de 3 000 habitants ou celles qui connaissent des hausses excessives des tarifs de redevance à cofinancer des projets d’assainissement par voie de fonds de concours, à destination des intercommunalités. Il ne nous semble pas justifié d’aller au-delà des exceptions existantes, qui sont pertinentes.

Par ailleurs, la conception écologiste de la décentralisation explique la réserve de mon groupe face à la proposition de loi de notre éminent collègue Daniel Dubois : nous sommes tout particulièrement attachés aux principes d’autonomie, de coopération et de solidarité entre les territoires. Comme vous le savez, nous défendons une République très décentralisée. Notre conception des institutions repose sur trois piliers : l’Union européenne, les régions et les intercommunalités, ces dernières ayant vocation à devenir des collectivités de plein exercice dont les représentants sont élus au suffrage universel direct.

Selon nous, l’objectif de cohérence territoriale ne peut être atteint sans solidarité entre les territoires. À cet égard, les EPCI ont un rôle clé à jouer : ils constituent l’échelon le plus pertinent pour conduire les politiques d’aménagement du territoire, car ils permettent de prendre en considération les spécificités socio-économiques, culturelles et écologiques des bassins de vie. En outre, ils reposent sur une concertation et sur une étroite collaboration entre les élus de l’intercommunalité, et la mise en œuvre de projets d’aménagement de qualité, répondant aux attentes des citoyens, est rendue possible par la mutualisation des compétences et des ressources à l’échelle des groupements de communes.

Autoriser certaines communes à financer leurs aménagements de leur côté reviendrait de facto à mettre à mal le fondement de la solidarité territoriale et l’existence même de l’intercommunalité.

Au reste, sans décision concertée associant toutes les communes à l’échelle de l’intercommunalité, je crains que des projets « hors norme » ne voient le jour plus facilement, menant, par exemple, à l’étalement urbain. §Il est aussi parfois plus pertinent de favoriser le contrôle de l’assainissement non collectif existant que de construire de nouvelles stations d’épuration ou d’étendre le réseau de canalisations.

Je le répète, bien que cette proposition de loi puisse avoir des objectifs particulièrement louables, nous considérons qu’elle affaiblirait le principe de solidarité entre les communes membres d’un EPCI. En outre, c’est parce que les services publics servent l’intérêt général que leur financement est réparti entre tous les usagers, notamment par le biais de la redevance « assainissement ».

Les écologistes ne sont donc pas favorables au principe d’« intercommunalités à la carte ». Au contraire, il me semble qu’au sein d’une intercommunalité les communes peuvent faire ensemble ce qu’elles ne pourraient faire seules. La mutualisation des compétences et des ressources entre les communes riches et les communes pauvres tire tout le monde vers le haut. Nous ne pouvons pas envisager l’intercommunalité comme un ensemble de « perdants » ou de « gagnants ».

L’exemple d’EPCI des Côtes-d’Armor dans lesquels les communes rurales côtoient les communes littorales nous montre bien comment la mutualisation des ressources permet de répondre aux besoins très différents de ces communes, dans l’intérêt de tous.

Les gagnants de la solidarité territoriale sont donc les communes elles-mêmes et, ipso facto, les citoyens.

C’est parce que nous souhaitons plutôt poursuivre dans cette voie de l’intercommunalité que nous nous opposerons à cette proposition de loi. Nous saluons néanmoins son sérieux et le volontarisme qui la sous-tend !

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