Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cette proposition de loi, notre collègue Daniel Dubois aborde la question du financement du service public de l’assainissement, lequel préoccupe un grand nombre de communes, en particulier rurales, et constitue même, pour certaines d’entre elles, un problème lancinant et une source d’inquiétude.
Ce service public est exercé sous forme de service public industriel et commercial, ou SPIC. Or, à ce jour, les communes de plus de 3 000 habitants et les EPCI dont les communes comptent plus de 3 000 habitants ont l’interdiction de prendre en charge les dépenses d’un SPIC dans leur budget propre. Le financement du service public de l’assainissement est dès lors assuré par une redevance versée par les usagers.
Or, au sein des EPCI, certaines communes peuvent avoir déjà investi les fonds nécessaires pour la mise en conformité de leurs ouvrages ou le renouvellement de leur réseau, quand d’autres sont restées dans l’attente. Dans une telle hypothèse, les usagers, qui ont déjà été mis à contribution pour la rénovation du service public d’assainissement de leur commune, peuvent se trouver à nouveau sollicités pour le financement des travaux engagés par les autres communes membres de l’EPCI.
Pour résoudre ce problème, les communes se heurtent aux principes qui régissent le droit des collectivités territoriales. En effet, une fois déléguée, la compétence n’appartient définitivement plus à la commune délégataire, laquelle n’a dès lors plus de recours possible, l’EPCI et ses communes membres disposant de leurs compétences et de leurs budgets propres.
Certes, différentes modifications sont intervenues. Ainsi, la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a permis aux communes de verser des fonds de concours à un EPCI pour financer la réalisation ou le fonctionnement de certains équipements. Les conditions d’application de cette dérogation ont été assouplies en 2002, puis en 2004.
L’objet de la présente proposition de loi est d’élargir le champ de cette dérogation au financement du service public de l’assainissement.
Je l'ai dit en introduction, la question du financement du service public de l’assainissement me paraît pertinente. Elle est d'une grande, sinon parfois d'une brûlante actualité dans notre espace rural, qui représente 80 % du territoire national où vivent 20 % des Français – je rappelle ainsi l'intérêt de concilier l'espace rural et territorial avec la démographie de notre beau pays…
À cet instant, je veux insister sur le rôle majeur que les agences de l’eau ont à jouer dans le financement et la mise en œuvre du service public de l’assainissement. Ce rôle, me semble-t-il, devrait pouvoir être précisé, pour ne pas dire revisité.
Nous le savons, pour recevoir une aide de l’agence, une commune doit en général avoir intégré le cadre du plan d’actions opérationnel territorialisé. Malheureusement, faute de soutiens et de financements, peu nombreuses sont les communes qui, chaque année, en bénéficient. D'ailleurs, on ne peut que déplorer la nouvelle réduction, prévue par le projet de loi de finances, des moyens financiers accordés aux agences de l’eau – j’y reviendrai en conclusion.
Face au coût par habitant que représente l’installation d’une station d’épuration ou d'assainissement dans une commune rurale de petite taille, les agences de l’eau encouragent parfois l'assainissement autonome, dit « assainissement non collectif ». Je souligne que cette solution n’est pas nécessairement satisfaisante, car elle pèse lourdement sur les particuliers et pose des problèmes importants, notamment en ce qui concerne le contrôle de ces installations, qui incombe aux maires. À force de charger la barque du maire, le mandat devient difficile à exercer…
Les conséquences de toutes ces difficultés sont nombreuses. Aujourd'hui, nombre de communes n’ont toujours pas pu procéder à leur assainissement par manque de moyens. Ainsi, dans mon département, la Meurthe-et-Moselle, plus de 200 communes demeurent aujourd'hui toujours en attente.
Il arrive même que certaines communes hésitent à franchir le pas et à déléguer leur compétence d'assainissement à un EPCI. Notre collègue Philippe Adnot, président du conseil général de l'Aube, m'a rappelé que telle était la situation dans son département.
Pour ma part, je veux insister sur le cas de certains EPCI qui renoncent à s'associer. Je l'ai vécu cette année dans le cadre de la commission départementale de la coopération intercommunale de Meurthe-et-Moselle. Dans les environs de Lunéville, une intercommunalité de plus de 30 000 habitants dispose de la compétence « assainissement ». Dans le cadre du schéma départemental de coopération intercommunale, il était proposé de lui rattacher, en la fusionnant, une intercommunalité de moins de 5 000 habitants n’ayant pas de compétence d'assainissement, mais dont la commune chef-lieu avait mis en place le traitement des eaux, et donc leur assainissement. Au final, qu’est-il arrivé ? Les services de l’État, sous l'autorité du préfet, ont accepté de surseoir à statuer, car l'intégration de cette intercommunalité de moins de 5 000 habitants allait aboutir à grever l'essentiel de la capacité d'investissement de l'intercommunalité, pourtant urbaine…
C'est pourquoi, nonobstant la problématique du seuil des 3 000 habitants, nous devons prendre en compte, concrètement, la diversité des situations.
Monsieur le rapporteur, j’ai entendu vos arguments et, sur toutes les travées, nous en partageons un certain nombre. Vous soulevez un problème juridique ; je crois que l'amendement de notre collègue Daniel Dubois répond à une bonne partie de votre objection, ce dont notre groupe ne peut que se féliciter.
Mais, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je dois vous poser quelques questions. Alors que de nombreuses contraintes financières nouvelles s’abattent sur elles, ne serait-il pas opportun d’accorder aux collectivités une certaine souplesse ? Comment ne pas s'interroger sur la cohérence du Gouvernement lorsqu’il contraint les communes à réduire leurs dépenses en diminuant leur dotation dans le projet de loi de finances, alors que les communes et les intercommunalités doivent mettre en œuvre d'importants dispositifs ainsi que des normes parfois bien complexes, comme on le voit avec l'assainissement ?
Ce problème de complexité, j’en conviens, se pose aujourd'hui comme il se posait hier. Mais, pour avoir participé ici même à certains débats, je vous demande, monsieur le ministre, d'intervenir auprès de votre majorité pour faire en sorte que les propositions de certains rapports, notamment celui de notre collègue Éric Doligé sur la simplification des normes applicables aux collectivités locales, puissent être discutées, quitte à ce que les propositions de loi qui les traduisent soient inscrites à l'ordre du jour d'une autre assemblée…
Enfin, notre débat est l’occasion de poser quelques questions fondamentales sur le financement global du service public de l’assainissement. En effet, le projet de loi de finances pour 2014 retire plus de 210 millions d’euros aux agences de l'eau, alors qu’il est aujourd'hui nécessaire d'accompagner sur nos territoires les communes et les intercommunalités dans leur politique de l'assainissement.
Il s'agit d'un défaut de cohérence. Au contraire, il conviendrait de redonner force et puissance à des agences qui ont l’accompagnement pour compétence principale et qui associent autour d'elles l'ensemble des partenaires.
J’en viens à une dernière considération. Si « l'eau paie l'eau » grâce à la redevance, on voit bien que le fonds de concours que des communes pourraient abonder dans le cadre d'une compétence transférée et portée par l'intercommunalité n’est peut-être pas idéal. Mais il constitue un élément à prendre en considération dans notre débat.
C'est la raison pour laquelle le groupe UMP choisit l'abstention, une abstention que je qualifierai de positive et que, pour ma part, je transformerai même en un vote favorable.
En effet, cette proposition de loi nous invite à une vision plus panoramique de la diversité des situations selon les régions et sur l’ensemble du territoire national. Or il me semble justement important de procéder aujourd'hui à un vaste état des lieux pour apporter demain des réponses peut-être différenciées, mais appropriées et satisfaisantes.
Au-delà de l’assainissement de nos finances publiques qui nous occupe souvent dans cet hémicycle, il s'agit ici de permettre à tous les territoires – y compris les territoires ruraux, qui se caractérisent par un nombre élevé de communes de petite taille et dont la France peut aussi s'enorgueillir – de se doter de dispositifs d'assainissement des eaux.