Ce que je veux dire, c’est que l’Union a besoin d’une classe politique véritablement européenne. Mais elle a aussi besoin de politiques qui aient de la classe, sachant incarner l’Europe, habiter leurs fonctions et les prendre à bras-le-corps !
J’en viens à la politique économique et sociale de l’Union européenne.
Vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, il y a eu cette semaine des progrès que l’on attendait depuis longtemps sur un dossier devenu explosif. Je veux parler du problème des travailleurs détachés, et des pratiques de dumping social qui s’exercent au sein même de l’Europe. Nous ne pouvons que saluer les efforts de clarification réalisés en la matière, d’autant que ces derniers, on le sait, n’ont été rendus possibles qu’après de très difficiles négociations. Mais il ne faudrait pas que l’on s’arrête en si bon chemin !
Considérons la question de la chaîne de responsabilités, sur le point d’être appliquée intégralement dans le secteur du bâtiment. Elle implique qu’une entreprise donneuse d’ordre devra désormais répondre des éventuels abus de ses sous-traitants.
Pourquoi cette mesure n’est-elle pas, par exemple, également envisagée pour le secteur agroalimentaire, puisque nous savons que les travailleurs détachés y sont désormais nombreux ?
Sur ce sujet, il serait bon que le Gouvernement français, pour parfaire cette avancée, appuie le Parlement européen dans la suite de ces discussions. En effet, nous savons depuis le mois de juin dernier que la position du Parlement est précisément de pousser plus loin cette logique.
Pour l’Europe, l’urgence est plus que jamais de restaurer des mécanismes de régulation, que des années de dogmatisme ont mis à mal.
L’Union européenne a ouvert ses marchés au nom du dynamisme économique. Elle continue d’ailleurs à négocier tous azimuts des traités bilatéraux de libre-échange. Elle semble cependant le faire de manière mécanique, sans véritable réflexion. Puisque nous avons des directions générales à la concurrence ou au commerce international, nous décidons, par quasi-automatisme d’accroître la concurrence et l’ouverture internationale. Il y a là quelque chose qui ne tourne pas rond. La créature engendrée n’attend plus d’être nourrie ; elle se nourrit d’elle-même sur la bête.
C’est la raison pour laquelle nous devons repenser tous ensemble de nouveaux modes de régulation, de nouvelles règles communes, sans attendre un hypothétique retour de la croissance, car nous n’avons pas le luxe de pouvoir attendre.
Les choses commencent à bouger, il est vrai. Je pense par exemple à l’instauration prochaine d’un salaire minimum en Allemagne, chose encore impensable voilà quelques mois et pourtant indispensable à tout point de vue !
Mais il y a encore beaucoup d’éléments à corriger. Beaucoup de sacrifices absurdes ne devraient pas être faits.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je terminerai en évoquant la situation du Portugal, et plus précisément celle de sa recherche publique. Nous nous accordons tous pour considérer la recherche comme un élément essentiel d’une société basée sur la démocratisation des savoirs, mais aussi sur l’innovation.
Certes, c’est une activité qui souffre beaucoup de la crise. Son utilité est parfois moins évidente dans l’immédiat que sur le long terme. Mais, en termes économiques comme en termes sociaux, elle est indispensable. L’Europe l’a d’ailleurs reconnue comme telle, avec l’adoption de la stratégie 2020 ou la création d’un Institut européen d’innovation et de technologie, projet quasi personnel du président Barroso.
Mais, au Portugal, pays de ce dernier, où exercent de nombreux chercheurs formés en France, le gouvernement a décidé la semaine passée de liquider purement et simplement la Fondation pour la science et la technologie, l’équivalent de notre CNRS, pourtant financé sur des fonds européens. Ainsi, 80 % à 90 % des chercheurs « publics » portugais sont désormais licenciés. Il va sans dire que c’est une catastrophe et un précédent des plus inquiétants.
Même la recherche privée portugaise, qui pourrait bénéficier d’importants transferts, devrait pâtir indirectement d’une telle décision. On détruit des synergies qu’il sera bien difficile de recréer par la suite.
En tant qu’Européen, fédéraliste et membre de la commission des affaires européennes et de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication de notre Haute Assemblée, je suis profondément choqué par cette nouvelle.
Au-delà de ce cas particulier, nous sommes confrontés à un état d’esprit avec lequel il faut impérativement rompre si nous voulons relancer le projet européen.
Espérons que les signes positifs enregistrés par ailleurs ces dernières semaines ne resteront pas isolés. §