Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai présenté cet après-midi un rapport et une proposition de résolution sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, qui ont été adoptés par la commission des affaires européennes.
En préparant mon rapport, j’ai constaté que, les manifestations les plus aiguës de la crise de la zone euro s’éloignant, le volontarisme, voire l’audace, qui s’attachait à certaines propositions émises à la fin de l’année 2012 s’émousse. J’ai en effet eu le sentiment que la volonté politique de certains États membres était en train de fléchir.
Les débats auxquels donne lieu l’approfondissement de l’Union économique et monétaire mettent en évidence des divergences entre États membres. Celles-ci ne doivent toutefois pas servir de prétexte à l’immobilisme, ou même à un recul par rapport aux propositions formulées il y a un an.
En effet, contrairement à ce qui s’était passé pour l’union bancaire lors du Conseil européen d’octobre 2012, les chefs d’État et de Gouvernement n’ont pas encore conclu d’accord politique global pour une « union budgétaire ». Des reculs sont même perceptibles.
De ce point de vue, les conclusions du Conseil européen des 19 et 20 décembre 2013, au cours duquel sera examinée la question du renforcement de l’Union économique et monétaire, constitueront de précieuses indications sur la volonté des États d’aller de l’avant ou, au contraire, de reporter des décisions pourtant indispensables.
Je veux souligner ici qu’une réflexion nourrie s’est engagée entre les institutions de l’Union européenne et les États membres autour d’idées que l’on peut qualifier de novatrices, notamment sur l’initiative de la France, qui défend le développement de la dimension sociale de l’Union économique et monétaire, ainsi que la mise en place d’un budget spécifique à la zone euro. Il convient de saluer l’engagement personnel du Président de la République, qui a permis de mettre enfin sur la table ces questions importantes pour l’avenir de nos concitoyens.
Il me paraît indispensable, premièrement, d’instituer une capacité budgétaire à l’échelon de l’UEM, préalable à un budget de la zone euro, pourvu que sa légitimité démocratique soit réelle et qu’elle soit soumise à un contrôle parlementaire ; deuxièmement, de mettre en place un dispositif respectueux des compétences des États membres ; troisièmement, de donner à ce dispositif une dimension concrète pour les citoyens européens, par exemple sous la forme d’une assurance chômage européenne, ce qui est sans doute la voie la plus appropriée pour renforcer la dimension sociale de l’UEM.
La mise en place d’une capacité budgétaire à l’échelon de l’UEM, puis d’un véritable budget de la zone euro, constitue naturellement une démarche progressive, reposant sur différentes étapes devant être définies précisément par le Conseil européen puis par l’Eurogroupe, sur la base d’une feuille de route fixant ces échéances.
En ce qui concerne tout d’abord la capacité budgétaire, cette dernière pourrait se voir attribuer trois fonctions principales : faciliter l’aide financière aux États membres de l’UEM en cas de choc asymétrique ; favoriser les réformes structurelles en apportant aux États membres un soutien financier ciblé ; jouer le rôle de mécanisme de soutien budgétaire dans le cadre de la future union bancaire européenne.
Cet instrument devrait permettre de financer non seulement des réformes structurelles, mais également des investissements ayant une incidence sur la croissance et l’emploi, afin de privilégier une logique d’intégration et, surtout, de solidarité. Ce budget central pourrait être alimenté par un transfert de recettes nationales, par exemple l’impôt sur les sociétés. C’est d’ailleurs une piste esquissée par la contribution franco-allemande du 30 mai dernier.
Il paraît réaliste d’avancer vers la mise en place d’un budget de la zone euro de façon progressive. Néanmoins, il est nécessaire de donner dès aujourd’hui le feu vert à cette perspective. L’établissement d’un calendrier en vue de l’instauration par étapes d’un budget de la zone euro constituerait, me semble-t-il, un signal fort en direction des États membres, dont beaucoup sont contraints, aujourd'hui, à des efforts d’ajustement extrêmement lourds, et fixerait un cap pour les marchés financiers, qui abhorrent l’incertitude. L’achèvement de l’UEM se traduirait par la réappropriation par la zone euro de la souveraineté budgétaire, qui serait une souveraineté partagée.
La création d’une capacité budgétaire de la zone euro implique naturellement l’affirmation de la légitimité démocratique de ce dispositif et le renforcement du contrôle parlementaire.
Sur ce point, j’évoque différentes pistes dans mon rapport, parmi lesquelles l’organisation de débats contradictoires réguliers entre les parlements nationaux et la Commission, l’institution, au sein du Parlement européen, d’une structure dédiée à la seule zone euro, la tenue de réunions de la conférence interparlementaire en cohérence avec les étapes du semestre européen, la constitution au sein de la conférence interparlementaire d’une commission spéciale compétente pour la seule zone euro, ou encore la création d’un comité mixte paritaire comprenant des membres du Parlement européen et des membres des parlements nationaux de la zone euro, qui serait amené à se prononcer lors des étapes les plus importantes du semestre européen.
Je constate néanmoins que l’exercice demeure délicat, comme le montrent les tensions apparues, en particulier entre le Parlement européen et les parlements nationaux, lors de la première conférence interparlementaire des 16 et 17 octobre derniers, à Vilnius.
Monsieur le ministre, quelle position la France défendra-t-elle, à l’occasion du prochain Conseil européen, pour que cette capacité budgétaire devienne un outil tangible au service de la croissance et de l’emploi ?
En deuxième lieu, le dispositif à mettre en place doit être respectueux du principe de subsidiarité, et donc des compétences des États membres. Il convient de laisser à ces derniers le temps de s’approprier la procédure prévue au titre du semestre européen. Ils doivent également se garder de la tentation de la Commission européenne de s’immiscer trop avant dans les réformes qu’ils doivent mettre en œuvre. Ils sont certes destinataires des recommandations adoptées par le Conseil européen, mais ils doivent rester libres de définir eux-mêmes les modalités qu’ils jugent les plus appropriées.
En troisième lieu, je considère que l’approfondissement de l’Union économique et monétaire n’aura du sens que si la dimension sociale de celle-ci est véritablement développée. En effet, la construction européenne, pour regagner en légitimité, a besoin de projets qui apportent des réponses aux difficultés des citoyens dans des domaines qui les concernent au plus près de leur vie quotidienne.