Intervention de Simon Sutour

Réunion du 11 décembre 2013 à 21h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 19 et 20 décembre 2013

Photo de Simon SutourSimon Sutour, président de la commission des affaires européennes :

Grâce à son volet interactif, ce débat préalable nous permet d’évoquer non seulement l’ordre du jour du Conseil européen, mais aussi tout autre sujet européen d’actualité. Cela explique notre attachement à cette formule. Dans le passé, la tentation a existé de la remettre en cause, de reléguer les débats européens dans ce que l’on appelait le « petit hémicycle ». Conformément à la position unanime des membres de la commission des affaires européennes, j’ai toujours combattu cette relégation, finalement avec succès : il nous faut préserver cet acquis.

Bien sûr, on peut le constater à regret, tous nos collègues ne mesurent pas encore la nécessité de ces débats qui nous donnent l’occasion d’intervenir sur des sujets déterminants pour l’avenir. Mais, en tout état de cause, nous avons une mission à remplir. Depuis le traité de Lisbonne, les parlements nationaux sont devenus des acteurs de la construction européenne, ils ont des responsabilités à exercer et ils ne peuvent s’y dérober. Il faut des relais entre les citoyens et les institutions européennes, c’est pourquoi les traités indiquent expressément que les parlements nationaux « contribuent au bon fonctionnement de l’Union ». Ces débats préalables sont un des moyens par lesquels le Sénat s’acquitte de cette mission ; je suis pour ma part persuadé que, avec le temps, on en comprendra de mieux en mieux l’utilité.

Monsieur le ministre, je voudrais tout d’abord saluer l’ampleur et l’importance du travail accompli pour doter l’Europe d’une union bancaire qui donne aux États membres les nécessaires outils de prévention et de résolution des crises bancaires. À l’issue du Conseil Ecofin d’hier, mardi 10 décembre, les contours d’un compromis sur les textes portant sur la résolution des crises se dessinent, les grands principes font l’objet d’un premier accord. La conclusion d’un accord global, le 18 décembre prochain, est ainsi à portée de main, un an et demi après l’impulsion décisive donnée par le Conseil européen de juin 2012.

Je souhaite souligner le rôle décisif joué par la France à toutes les étapes du processus de négociation, sa détermination à avancer pour qu’un tel projet, qui pouvait paraître utopique, puisse être mis en place à court terme et sa conviction que cette union bancaire était réalisable. Celle-ci démontre que les partenaires européens peuvent encore aujourd’hui se mettre d’accord sur un projet qui renouvelle leur engagement dans la construction européenne et qu’une plus grande intégration européenne est toujours possible.

Le renforcement de la défense européenne ayant déjà été évoqué dans le détail par un certain nombre de nos collègues, je n’y reviendrai pas. Je voudrais maintenant aborder deux sujets concernant les rapports de l’Union avec son voisinage immédiat.

Le premier est celui de la dynamique européenne dans les Balkans. Le Conseil européen doit évoquer l’attribution du statut de pays candidat à l’Albanie – le président du Sénat a d’ailleurs reçu hier le président du Parlement albanais – et l’ouverture des négociations d’adhésion avec la Serbie, qui a déjà le statut de pays candidat.

Le Sénat s’est prononcé pour l’ouverture sans délai des négociations avec la Serbie. Ce pays a consenti de gros efforts en vue d’une normalisation de ses relations avec le Kosovo, alors même que sa situation économique est très difficile, ce qui favorise toujours les surenchères. Nous devons encourager cette évolution. Cela veut dire non pas que la Serbie doit adhérer demain, mais qu’il faut lui ouvrir une perspective européenne à un terme raisonnable, pour faire accepter les réformes indispensables et favoriser la réconciliation régionale. Dans bien des domaines, la Serbie est certes loin de remplir les critères d’adhésion, mais si nous demandons à un pays d’être complètement prêt avant même d’engager les négociations, nous entrons dans un cercle vicieux. Il faut au contraire instaurer un climat de confiance, mener des négociations qui aideront la Serbie à se tourner vers l’avenir et à être prête pour le jour de son adhésion.

L’Albanie, nous le savons tous, est encore très loin des standards européens. Le moment n’est pas venu d’ouvrir des négociations, mais l’Union a reconnu la vocation à l’adhésion de ce pays, comme elle l’a fait pour l’ensemble des pays de la zone. Alors qu’une normalisation s’esquisse dans la vie politique intérieure, il serait opportun, me semble-t-il, d’envoyer sans trop attendre un signal positif en accordant à l’Albanie le statut de pays candidat, comme le préconise la Commission européenne dans un récent rapport.

Je voudrais, à cet instant, rappeler la formule de Karl Popper : « Les hommes n’ont pas besoin de certitude, mais ils ont besoin d’espoir. » Cela est vrai dans de nombreux domaines. C’est l’espoir d’une adhésion, un jour, à l’Union européenne qui stabilise aujourd’hui les Balkans : nous devons confirmer que cet espoir n’est pas vain, que les échéances ne seront pas indéfiniment repoussées.

Le second point que je souhaiterais aborder, c’est bien sûr l’échec du sommet de Vilnius sur le partenariat oriental et ses conséquences actuelles en Ukraine. Nous ne sommes pas dans le cas des Balkans : l’Union n’a jamais reconnu la vocation à l’adhésion des pays du partenariat oriental, même si elle n’a pas dit non plus que cette perspective était exclue à jamais. Mais, au cours des dernières années, les pays du partenariat oriental – et spécialement l’Ukraine – ont vu leurs populations se tourner davantage vers l’Union européenne, qui, malgré ses difficultés, reste synonyme d’État de droit et de relative prospérité.

L’Union européenne a encouragé cette évolution, mais elle n’a sans doute pas suffisamment mené en parallèle, avec la Russie, le dialogue constructif et le rapprochement qui auraient peut-être permis que cette dernière perçoive le partenariat oriental avec moins d’inquiétude.

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