Intervention de Jean-Pierre Bel

Réunion du 10 décembre 2013 à 15h00
Hommage à nelson mandela

Photo de Jean-Pierre BelJean-Pierre Bel, président :

Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, à quelques moments de l’histoire, au fil des siècles, s’élèvent des femmes et des hommes qui par leur courage, par leur détermination, donnent confiance et espoir à des millions d’autres. Nelson Mandela (Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que les membres du Gouvernement se lèvent.) était de ceux qui incarnent les grandes luttes de leur temps et changent le cours de l’histoire.

Nelson Mandela nous a quittés le 5 décembre.

Dans son combat contre le racisme, contre l’injustice, Nelson Mandela a porté au plus haut ses convictions, ses valeurs, chevillées au corps : la liberté, l’égalité, la fin des discriminations. C’était un être rayonnant, éclatant, apportant un peu de lumière dans un XXe siècle trop longtemps marqué par sa part d’ombre.

Nelson Mandela, c’est d’abord le militant engagé. Il participa à la création en 1944 de la Ligue des jeunes du Congrès national africain, l’ANC, avant de se rapprocher du parti communiste sud-africain.

Nelson Mandela, ce fut un révolutionnaire, un homme d’action. Dans ce pays où Gandhi séjourna plus de vingt ans et où il conduisit ses premiers combats politiques, il mena des actions de désobéissance civile contre des centaines de lois qui retiraient aux Noirs, aux Indiens et aux métis leurs droits et libertés ; contre ce qu’il dénonça comme « un système monolithique, diabolique dans le détail, inéluctable dans son objectif et écrasant dans son pouvoir ». Cette désobéissance lui valut ses premières condamnations. Mais, dans la résistance, il acquit le sentiment de « marcher droit comme un homme et de regarder tout le monde dans les yeux avec dignité ».

Oui, révolutionnaire et non-violent, il fallut l’horreur du massacre de Sharpeville, le 21 mars 1960, pour qu’il reconsidère les méthodes d’action de l’ANC. Face à la brutalité sanglante de l’apartheid, qui ignorait les revendications légitimes de la population noire, il entra dans la clandestinité. Arrêté à son retour en Afrique du Sud après un voyage dans une douzaine de pays, il est mis en prison le 5 août 1962, pour n’en ressortir que le 11 février 1990, près de vingt-huit ans plus tard.

À soixante-treize ans, cet homme enfin libre incarnait alors l’avenir de son pays. « Je me tiens devant vous non pas en tant que prophète mais en tant que serviteur de vous, le peuple », déclara-t-il en toute humilité. Son nom avait porté l’espoir de ceux qui luttèrent pendant quarante ans contre l’apartheid.

Parvenu à faire tomber le système ségrégationniste qui avait voulu le briser, Nelson Mandela fut un sage. Sa force, sa grandeur d’âme lui venaient aussi de la culture xhosa, découverte au cours de son adolescence dans la tribu Thembu. Il avait fait sienne l’ubuntu, cette philosophie de fraternité, fondée sur l’appartenance de chacun à un ensemble plus vaste, à une humanité qui oblige au respect, à la compréhension d’autrui.

Loin de tout esprit de revanche, Nelson Mandela conduisit son pays sur le chemin de la réconciliation.

Devenu le symbole universel de toutes luttes contre le racisme et contre l’oppression, ce « héros au sourire si doux », pour reprendre les mots de Victor Hugo, donna à ces combats un visage.

Prix Nobel de la paix, premier président démocratiquement élu de la République d’Afrique du Sud, c’est à Sharpeville qu’il choisit, en 1996, de parapher la nouvelle Constitution de la « nation arc-en-ciel ».

Nelson Mandela, Madiba, resta toute sa vie fidèle à la plaidoirie qu’il prononça lors du procès de Rivonia, il y a un demi-siècle, vouant sa vie à la « lutte pour le peuple africain », pour « l’idéal d’une société démocratique et libre dans laquelle tous vivraient ensemble, dans l’harmonie, avec d’égales opportunités ».

Nelson Mandela savait qu’il ne suffit pas d’abolir certaines lois iniques pour faire disparaître les idées qui ont pu conduire à leur adoption. Il était conscient que tout ne vient pas en quelques mois, conscient du chemin qui reste à parcourir pour que chacun vive dans le respect et la dignité qui lui sont dus.

Nelson Mandela nous lègue ce message, cette responsabilité, celle d’œuvrer encore et toujours pour la liberté, contre les discriminations raciales, pour ces idéaux universels auxquels notre pays est si profondément attaché.

Mes chers collègues, par vos applaudissements, je vous demande de rendre hommage à Nelson Mandela.

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