Intervention de François Lamy

Commission des affaires économiques — Réunion du 10 décembre 2013 : 1ère réunion
Ville et cohésion urbaine — Audition de M. François Lamy ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement

François Lamy, ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement, chargé de la ville :

Merci de m'accueillir.

Quelques mots sur la genèse de ce projet de loi : à mon arrivée au gouvernement, j'ai reçu le rapport de la Cour des comptes sur une décennie de la politique de la ville, dont le bilan était contrasté. Cette politique a en effet souvent été critiquée mais en séance publique, M. René Vandierendonck a demandé, à juste titre, ce que seraient devenus les quartiers populaires s'il n'y avait pas eu de politique de la ville. Reconnaissons cependant que depuis 30 ans, on a toujours ajouté à cette politique sans jamais rien retrancher. En matière de géographie prioritaire, les zonages se sont superposés - zones urbaines sensibles (ZUS), zones de redynamisation urbaine (ZRU), zones franches urbaines (ZFU), contrats urbains de cohésion sociale - ce qui a fait perdre en cohérence.

Autre constat plus alarmant : la mobilisation des différentes politiques publiques est insuffisante. À chaque fois qu'une politique de la ville a été lancée dans un quartier, les autres administrations, agents, opérateurs de l'État, voire collectivités, ont eu tendance à s'en retirer.

Ce projet de loi, qui répond à ces difficultés, a fait l'objet d'une importante concertation d'octobre 2012 à janvier 2013 entre tous les acteurs concernés et certains d'entre vous y ont participé. Elle a permis de concrétiser certains objectifs fixés par le conseil des ministres du 22 août 2012. Nous sommes parvenus à un consensus entre les élus, les professionnels de la politique de la ville, le monde associatif, les représentants des habitants et des différentes administrations, ce qui a ouvert la voie à ce texte. Comme vous, je regrette la procédure accélérée, mais je voulais que les élus municipaux connaissent les règles du jeu au sortir des élections municipales. En outre, le futur contrat de ville est le volet territorial des plans État - régions qui doivent être signés en 2014.

Ce projet de loi a fait l'objet d'une convention avec toutes les associations d'élus : Association des régions de France (ARF), Assemblée des départements de France (ADF), Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), Fédération des villes moyennes (FVM), communautés d'agglomération et communautés urbaines. Seule l'Association des maires de France (AMF) n'a pas encore signé de convention, compte tenu de son emploi du temps chargé, mais il n'y a pas de désaccord entre nous.

Après le vote de ce projet de loi, nous publierons la liste des quartiers prioritaires de la politique de la ville avant l'été 2014. Les futurs contrats de ville pourraient donc être signés entre fin 2014 et mi 2015.

J'en viens au projet de loi en tant que tel.

Tout d'abord, la géographie prioritaire sera remise à plat. Les ZUS, qui étaient à l'origine caractérisées par la présence de grands ensembles et un fort taux de chômage, ont progressivement intégré l'habitat horizontal. La méthodologie a parfois mené à des absurdités lorsque champs et forêts figuraient dans des ZUS. Du fait des divers contrats de ville et de cohésion sociale signés au milieu des années 2000, nous en sommes arrivés à une sorte de patchwork, retenant divers critères comme le taux de chômage, le nombre d'étrangers ou encore les familles monoparentales. Ces critères sociaux permettaient de déterminer la concentration de difficultés dans les villes.

Ce projet de loi vous propose de ne retenir qu'un critère indiscutable : le taux de pauvreté, calculé en fonction des revenus de la population rapportés au revenu médian, dans des carreaux de 200 mètres de côté. Ce critère unique est totalement objectif et ne permet pas de déplacer le curseur en fonction des humeurs : il couvre 80 à 85% des ZUS de 1996 et fait émerger des quartiers qui n'avaient pas été détectés auparavant. Les villes qui pourraient sortir du dispositif s'inquiètent, mais une centaine de villes moyennes et des territoires ruraux, dont les difficultés sociales sont proches de celles des banlieues, vont bénéficier du nouveau dispositif.

Pour les outre-mer, une méthodologie différenciée sera utilisée. La Réunion et la Martinique connaissent ainsi des problématiques communes, mais aussi spécifiques.

Pour les villes qui sortiraient de la politique de la ville, les crédits pour 2014 resteront identiques, puisque la réforme s'appliquera à partir de janvier 2015. En outre, elles pourront continuer à contractualiser avec l'État dans le cadre du futur contrat de ville qui constitue le deuxième axe de la réforme. Ce contrat, unique et global, comprend à la fois des opérations de renouvellement urbain et des actions de cohésion sociale et mobilise les collectivités : j'ai signé une convention avec l'ADF et l'ARF afin qu'elles engagent leurs adhérents à signer ces contrats de ville, car à l'heure actuelle seuls un tiers des départements et des régions ont signé des contrats urbains de cohésion sociale. Je souhaite aussi mobiliser les opérateurs et les administrations de l'État : les préfets, les agences régionales de santé (ARS), les caisses d'allocations familiales (Caf), Pôle emploi, la Caisse des dépôts - car le développement économique sera un axe majeur du développement social de ces quartiers - et les procureurs de la République qui mènent la politique de prévention.

Ce contrat sera signé au niveau intercommunal, afin de définir des politiques plus structurantes, notamment en matière de transport ou de développement économique. Le maire restera bien sûr l'opérateur de proximité chargé de mettre en oeuvre la politique de la ville dans sa commune, qu'il s'agisse des opérations de rénovation urbaine, d'actions de cohésion sociale ou de mobilisation du droit commun.

Ce projet de loi a été enrichi à l'Assemblée nationale et je souhaite qu'il en soit de même au Sénat.

Ces contrats de ville devront aussi mobiliser les fonds européens, via les régions et les départements. L'ADF et l'ARF s'engagent à mobiliser au moins 10 % de ces fonds, alors qu'elles ne perçoivent pour l'instant que 2 % du fonds social européen (FSE) et 7 % du Fonds européen de développement économique et régional (FEDER).

Pour la région Île-de-France, le texte relatif aux métropoles précise que le préfet pourra y déterminer des périmètres différents des intercommunalités existantes. Cette loi fera aussi passer la compétence politique de la ville aux conseils de territoires. Je m'entretiendrai avec M. Jean-Claude Gaudin de la métropole Aix-Marseille, car le dispositif est particulier et l'urgence manifeste.

J'en viens au nouveau programme national de renouvellement urbain (PNRU). Les financements du PNRU-I sont sanctuarisés et son existence prolongée jusqu'en 2015. Toutes les communes pourront ainsi signer des conventions avec l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU). En outre, celle-ci sera dotée de 5 milliards pour le nouveau PNRU, afin de lever 20 milliards sur dix ans. Le renouvellement urbain doit être repensé : sans doute faudra-t-il à l'avenir moins démolir pour reconstruire. La convention ANRU mettra en oeuvre les contrats de ville et rapprochera l'urbain de l'humain. Une liste des quartiers prioritaires sera proposée par le conseil d'administration de l'ANRU et arrêté par le ministre en charge de la ville. L'objectif du nouveau PNRU est d'achever la rénovation des quartiers dont les travaux ont commencé et de rénover ceux qui ne l'ont pas été lors du PNRU-I. Enfin, une enveloppe spécifique sera réservée aux opérations de proximité dans les quartiers mais aussi aux franges de ceux-ci.

L'Assemblée nationale a rajouté un article sur la politique de peuplement : des conventions intercommunales permettraient de fixer des objectifs de peuplement sur la base du critère revenu, à l'intérieur des quartiers prioritaires. La mixité sociale est en effet un objectif majeur.

L'intervention citoyenne a fait l'objet de nombreux débats à l'Assemblée nationale : comment mieux associer les habitants des quartiers à l'élaboration des contrats de ville et aux rénovations urbaines ? Les conseils citoyens permettront de faire émerger le sentiment d'appartenance à la collectivité, afin de lutter contre l'abstentionnisme, le populisme et le fondamentalisme. La reconstruction de la démocratie locale est indispensable.

Sur proposition du député Daniel Goldberg, l'Assemblée nationale a fait de la discrimination à l'adresse le vingtième critère opposable. Le refus d'un logement ou d'un emploi sous prétexte d'habiter tel ou tel quartier deviendra un délit.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion