Intervention de François Lamy

Commission des affaires économiques — Réunion du 10 décembre 2013 : 1ère réunion
Ville et cohésion urbaine — Audition de M. François Lamy ministre délégué auprès de la ministre de l'égalité des territoires et du logement

François Lamy, ministre délégué :

Je comprends vos remarques sur la procédure accélérée ; mais ce texte a fait l'objet d'une large concertation et ne devrait pas soulever de graves problèmes. L'important est que les collectivités aient les règles du jeu après les élections municipales. Savez-vous que le principal opposant à mon texte, parmi d'autres députés UMP, s'est abstenu ? Les 44 milliards d'euros dont 12 pour l'ANRU n'étaient pas prévus au départ et sont le résultat d'une montée en puissance. Le résultat, c'est que seuls 80 % de ces crédits sont engagés et 50 % sont payés. Il faut tuiler les deux dispositifs et éviter ce qui avait été introduit dans les débats parlementaires à l'article 6 : la possibilité de s'exonérer des obligations en fait de politique de la ville pour réaliser telle ou telle opération, naturellement toujours présentée comme indispensable. Il faut terminer la rénovation des quartiers là où elle a commencé ; commencer celle de quartiers qui n'ont pas du tout été touchés ; tenir compte des possibilités des acteurs pour assurer les financements croisés et ne pas se contenter des affichages. Vingt milliards est un chiffre ambitieux et réaliste. Le carroyage est très simple : la France est divisée en carreaux de 200 mètres de côté. Autrefois, les îlots regroupés pour l'information statistique ou Iris pouvaient regrouper des zones urbaines et agricoles ; les carreaux ou les agrégats de carreaux choisis à partir d'un critère simple nous feront reprendre, d'après les simulations, 80 à 85 % des zones urbaines sensibles et inclure d'autres quartiers. À Amiens, si nous avions utilisés les critères habituellement retenus, nous aurions fait apparaître les trois quartiers déjà pris en compte. Avec notre méthode, nous avons fait apparaître un quatrième quartier en centre-ville, sans problèmes apparents, mais dont les élus nous ont confirmé la grande difficulté. Grâce à cette méthodologie, des quartiers seront repérés dans des départements jusqu'à présent peu connus pour avoir besoin de la politique de la ville, comme à Auch où j'étais avec le Président de la République, et où un quartier, le Grand Garros, complètement déconnecté du centre pour des raisons liées à l'histoire industrielle de la ville, présente les mêmes stigmates qu'un quartier de grande agglomération.

Tous les élus qui s'inquiètent auprès de moi n'ont pas de raison de le faire. Lorsqu'ils doivent sortir du dispositif, ils le savent déjà : souvent - disons-le brutalement - ils n'auraient jamais dû en bénéficier. Ma propre commune, Palaiseau, recevait entre 35 000 et 80 000 euros chaque année, parce que je m'étais ému auprès du préfet que la commune d'à côté, Massy, bénéficie, à l'inverse de la mienne, d'un contrat de ville. La plus grande de mes cités compte 300 logements, elle est située au milieu d'un quartier pavillonnaire, qui permet une mixité sociale à l'école, et la mairie a les moyens nécessaires pour l'accompagnement social. Autre exemple : en Guadeloupe, les vraies difficultés se situent à Pointe-à-Pitre, aux Abymes, et aux deux communes mitoyennes de Grand-Bourg et de Baie-Mahault. Mais comme elles se situent uniquement sur la Grande-Terre, il a fallu aussi une zone sur la Basse-Terre, qui capte 40 % des crédits. La précédente majorité avait tenté de faire une réforme en 2009 ; mais la liste des quartiers, prenant en compte les critères du taux de chômage et de la présence de grands ensembles, n'incluait plus Vénissieux et Vaulx-en-Velin. Je comprends pourquoi le Premier ministre a reporté la réforme à 2014.

Pourquoi ne pas publier la liste ? D'abord par respect du Parlement, qui doit voter en faveur du critère unique pour qu'elle soit fixée, ce qui amène à la fin du mois de janvier. Je ferai ensuite des allers et retours entre préfets et élus. Il faudra prendre en compte des situations où le maire nous dit voir la concentration de pauvreté et neutraliser les effets de seuils comme pour un quartier de 950 habitants, situé pourtant sous le seuil de 1 000. Une simulation serait forcément imparfaite. Si une ville n'est pas reprise dans le périmètre, c'est soit qu'elle n'aurait jamais dû y entrer, soit que le travail des élus a profité aux quartiers ; je leur conseille dans ce cas d'en faire un élément de leur campagne électorale. Ne vous inquiétez pas ; cette carte sera la première carte de la déconcentration de la pauvreté dans le pays, utile à d'autres géographies prioritaires comme celle de l'éducation nationale.

Les communes sortantes pourront contractualiser sur le droit commun ; les contrats d'adultes relais iront à leur terme ; les dispositifs de réussite éducative seront examinés et le cas échéant perdureront. Il n'y aura pas de discontinuité. Vous verrez peut-être que les acteurs de droit commun - ARS, recteur, Caf - feront lever plus de fonds que les seuls crédits politique de la ville pendant des années. S'il y a des quartiers prioritaires, c'est qu'il y en a qui ne le sont pas. Je proposerai dans le texte que la carte soit revue après chaque renouvellement électoral. Les conseils généraux ne se sont pas suffisamment engagés. Dans la convention que j'ai signée avec l'ADF, les départements prévoient d'agir sur deux sujets très précis : les familles monoparentales et les retraités, sujet nouveau que la politique de la Ville ne traitait pas jusqu'à présent.

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