Entrepreneur de terrain dans le secteur du tourisme, en milieu rural, j'ai monté une quinzaine de petites structures au cours de ma vie professionnelle. Depuis vingt-cinq ans, je suis maire d'un petit village de 240 habitants, dans le Massif central.
Je suis tombé très tôt dans le réseau des CCI et, après y avoir été formé, je leur rends ce qu'elles m'ont apporté. J'ai été président de la CCI de Haute-Loire puis de celle du Massif central, avant d'accéder à une responsabilité nationale. Le réseau se compose de 27 chambres régionales et 123 chambres territoriales, s'appuyant sur près de 5 000 élus bénévoles et 22 000 collaborateurs pour 2,5 millions d'entreprises du commerce, de l'industrie et des services inscrites au répertoire des sociétés du commerce. Il porte leur voix auprès des ministères et des collectivités locales, mais s'interdit de parler du paritarisme, qui relève des organisations professionnelles. Il remplit des missions de service public pour lesquelles il perçoit la taxe.
Les résultats de notre dernier sondage sur le moral des chefs d'entreprises montrent une aggravation de leur pessimisme, en cette fin d'année 2013 : 82 % d'entre eux ne sont pas confiants pour l'économie française. Mais ce chiffre doit cependant être pondéré, car si un chef d'entreprise sur trois n'est pas confiant dans l'avenir de sa propre entreprise, à l'inverse deux sur trois le sont. Le discours est paradoxal : tout va mal, sauf en ce qui les concerne.
Les attentes des chefs d'entreprises sont simples. La stabilité règlementaire et fiscale leur est indispensable pour prévoir et organiser l'avenir. Les Assises de la fiscalité devront respecter cette donnée. Nous sommes les rois de la norme ; leur simplification lèvera les entraves qui gênent la vie quotidienne des entreprises. C'est pourquoi les CCI sont très engagées dans le dispositif « Dites-le nous une seule fois » ou les tests PME. L'allègement du droit du travail est un autre chantier prioritaire pour les dirigeants des TPE et des PME : 1 500 pages de code du travail, ce n'est pas acceptable, d'autant qu'il a augmenté de 40 pages par an depuis dix ans. Si vous voulez décourager un créateur d'entreprise de se lancer, donnez-lui un code du travail !
L'accès au financement devrait également être facilité. Bâle III impose des grilles et des paramètres qui invalident systématiquement les dossiers présentés. De plus, l'éloignement des interlocuteurs bancaires empêche l'instauration d'un rapport de confiance entre les banques et les entreprises, d'autant que les interlocuteurs changent très souvent.
Enfin, pour valoriser l'entrepreneuriat dans la société, les CCI ont proposé un parcours entrepreneurial dès l'école, afin que les jeunes prennent conscience des possibilités qu'une telle voie peut leur offrir.
Le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi marque une étape intéressante, qui doit être complétée, notamment sur la compétitivité des PME et ETI. Le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) nous semble un outil intéressant, nous en avons fait la promotion. De même, les chefs d'entreprise sont sensibles au projet de la Nouvelle France industrielle, et à la valorisation des productions locales. Il convient d'y associer systématiquement les PME.
Nous avons participé à l'élaboration du nouveau plan à l'export et entendons pleinement contribuer à l'accompagnement des entreprises grâce aux 77 chambres françaises installées à l'étranger. Enfin, après avoir consacré 2013 à l'industrie, nous ferons de 2014 l'année de l'innovation.
La loi de 2010 visait à concilier rationalisation et proximité, anticipant ainsi les réformes de décentralisation. Les 27 chambres de région, dont 22 en métropole, sont devenues le pivot de notre organisation : elles ont la maîtrise du budget comme de l'ensemble des collaborateurs. Les budgets ne sont plus attribués individuellement avec de grandes variétés de taux (de 0,50 à 2,50%). Cette harmonisation, avec un taux national sur la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TACVAE) et un taux régional sur la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TACFE), n'a pas été sans difficulté, car les disparités du système précédent faisaient coexister des politiques inconciliables, comme, pour prendre l'exemple aquitain, celles de la chambre de Mont-de-Marsan, favorable à une baisse de la pression fiscale, et de Bayonne dont la politique expansionniste faisait grimper les taux : le président de la chambre régionale est comme une enclume sur laquelle les présidents de chambres territoriales frappent pour forger le nouveau système...
Si le fait régional s'est renforcé pour gérer les fonctions support, le maintien d'une action de proximité est un point positif de la réforme. Les chambres territoriales, avec leur statut de chambres rattachées, conservent un droit d'initiative qui trouve sa réalisation dans la promotion de travaux d'équipement, dont le Pont de Normandie réalisé par la chambre du Havre est un bel exemple. Cependant, l'absence de ressources suffisantes rend de plus en plus difficile sa mise en oeuvre.
La régionalisation des chambres a assuré aux salariés une plus grande sécurité : ils ne craignent plus la suppression de leur CCI. Même si elle n'a pas été sans difficulté, en raison de la diversité des systèmes statutaires, des primes non statutaires ou des avantages comme les tickets-restaurant, la remontée des personnels vers les chambres régionales constitue une réussite. Imaginez un mouvement des personnels analogue au niveau des communes : cela nécessiterait de belles parties de manivelle...
Enfin, la réforme a renforcé CCI France, la tête de réseau, non pas en termes de moyens, mais de pouvoir et de droits : pouvoir d'entreprendre des actions ou d'édicter des normes par un vote aux deux tiers de l'assemblée (nous l'avons fait pour la gestion des ressources humaines), droit de procéder à des audits, même s'il est délicat d'auditer ceux qui nous payent, et devoir de mettre en place des tests PME lors de la mise en place des mesures gouvernementales.
Sur le terrain, le changement rencontre des résistances fortes. Certains directeurs généraux ont craint de perdre leurs prérogatives, alors que dans les faits, ils continuaient à diriger leur personnel. La gestion des budgets a donné lieu à des combats homériques. Peu à peu, ces inquiétudes se sont dissipées. Des projets novateurs ont vu le jour ; de sept chambres en Seine-Maritime on est passé à six, puis nous passerons à quatre, avec une seule chambre régionale pour les deux régions normandes en 2016. C'est la décision des élus et d'autres fusions volontaires sont prévues.
Au-delà, les apports de la loi sont importants. En un temps difficile, fait d'instabilité, il était important d'améliorer la lisibilité de l'action des CCI et d'en clarifier les missions pour les élus. J'ai entamé avec le président de la République et avec le Premier ministre un dialogue qui a débouché sur la signature d'un pacte de confiance, le 28 mai dernier. Il reconnaît le rôle des CCI comme corps intermédiaire au service des entreprises, en particulier des PME, avec pour cela, une taxe affectée.
Deuxième étape, un contrat d'objectifs et de performance formalise les actions des chambres en les recentrant sur les thèmes importants. Ce contrat se déclinera sur le territoire en contrats d'objectifs et de moyens. Il sera l'armature autour de laquelle les chambres s'organiseront et mèneront une action homogène au service des entreprises. Les domaines retenus sont d'abord la création et la transmission des entreprises, mais aussi la formation, qui représente le tiers de notre budget et où il reste tant à faire : nous sommes de fervents militants de l'apprentissage et nous tenons à en combler les lacunes. Les grandes écoles françaises, qui ont été créées par les CCI font notre fierté, car elles font bonne figure dans le classement de Shanghai. Loin d'être anormales dans la vie de notre pays, elles représentent un outil pour les entreprises. L'innovation constitue également un domaine d'action important pour les CCI, ainsi que pour le territoire dans lequel elles se sont largement investies, même si aujourd'hui elles ne gèrent plus que les équipements qui sont en perte. Un certain nombre de pistes restent néanmoins ouvertes, comme la création de data centers au service des entreprises locales. Nous voulons être plus transparents, rendre des comptes et mettons en place des indicateurs de performance.