Commission des affaires économiques

Réunion du 11 décembre 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CCI

La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le président, plus de trois ans après son adoption, quel bilan tirez-vous de l'application de la loi de 2010 relative aux réseaux consulaires ? Son examen avait créé des tensions et des inquiétudes au sein du réseau des CCI. Les esprits sont-ils apaisés ? Les craintes d'une perte de proximité du terrain se sont-elles concrétisées ? Le coût administratif du réseau a-t-il été réduit ? Le niveau des moyens affectés vous astreint d'ailleurs à une obligation de résultats...

Les chambres de commerce et d'industrie assurent un rôle d'appui, d'accompagnement et de conseil auprès des entreprises. L'appui à la création d'entreprises et à leur transmission - je préfère ce terme à celui de reprise, qui suppose un accroc... - nécessite un accompagnement dans la durée, sous la forme d'un mentorat ou d'un tutorat. Quelle place les CCI occupent-elles dans cette évolution ?

Les études sur la création d'entreprises mettent en avant l'insuffisance de la formation des entrepreneurs. La nécessité d'augmenter le niveau de qualification des salariés et des cadres est l'un des sujets des négociations sur la formation professionnelle qui se tiennent en ce moment. Comment ont été utilisées les sommes initialement affectées à cet objectif et dont Le Monde daté d'hier donnait une ventilation très suggestive ?

Vous pourrez nous éclairer sur l'articulation entre l'action des CCI et celle des autres dispositifs d'appui au développement des entreprises, notamment la BPI et Ubifrance.

Enfin, quelle analyse portez-vous sur la situation actuelle de la trésorerie des entreprises et les difficultés qu'elles ont à accéder au financement bancaire de court terme ? La frilosité des banques, alimentée par celle de la Banque de France, met en danger nombre de TPE, PME et ETI à l'heure où se dessine une reprise encore timide.

Debut de section - Permalien
André Marcon, président de CCI de France

Entrepreneur de terrain dans le secteur du tourisme, en milieu rural, j'ai monté une quinzaine de petites structures au cours de ma vie professionnelle. Depuis vingt-cinq ans, je suis maire d'un petit village de 240 habitants, dans le Massif central.

Je suis tombé très tôt dans le réseau des CCI et, après y avoir été formé, je leur rends ce qu'elles m'ont apporté. J'ai été président de la CCI de Haute-Loire puis de celle du Massif central, avant d'accéder à une responsabilité nationale. Le réseau se compose de 27 chambres régionales et 123 chambres territoriales, s'appuyant sur près de 5 000 élus bénévoles et 22 000 collaborateurs pour 2,5 millions d'entreprises du commerce, de l'industrie et des services inscrites au répertoire des sociétés du commerce. Il porte leur voix auprès des ministères et des collectivités locales, mais s'interdit de parler du paritarisme, qui relève des organisations professionnelles. Il remplit des missions de service public pour lesquelles il perçoit la taxe.

Les résultats de notre dernier sondage sur le moral des chefs d'entreprises montrent une aggravation de leur pessimisme, en cette fin d'année 2013 : 82 % d'entre eux ne sont pas confiants pour l'économie française. Mais ce chiffre doit cependant être pondéré, car si un chef d'entreprise sur trois n'est pas confiant dans l'avenir de sa propre entreprise, à l'inverse deux sur trois le sont. Le discours est paradoxal : tout va mal, sauf en ce qui les concerne.

Les attentes des chefs d'entreprises sont simples. La stabilité règlementaire et fiscale leur est indispensable pour prévoir et organiser l'avenir. Les Assises de la fiscalité devront respecter cette donnée. Nous sommes les rois de la norme ; leur simplification lèvera les entraves qui gênent la vie quotidienne des entreprises. C'est pourquoi les CCI sont très engagées dans le dispositif « Dites-le nous une seule fois » ou les tests PME. L'allègement du droit du travail est un autre chantier prioritaire pour les dirigeants des TPE et des PME : 1 500 pages de code du travail, ce n'est pas acceptable, d'autant qu'il a augmenté de 40 pages par an depuis dix ans. Si vous voulez décourager un créateur d'entreprise de se lancer, donnez-lui un code du travail !

L'accès au financement devrait également être facilité. Bâle III impose des grilles et des paramètres qui invalident systématiquement les dossiers présentés. De plus, l'éloignement des interlocuteurs bancaires empêche l'instauration d'un rapport de confiance entre les banques et les entreprises, d'autant que les interlocuteurs changent très souvent.

Enfin, pour valoriser l'entrepreneuriat dans la société, les CCI ont proposé un parcours entrepreneurial dès l'école, afin que les jeunes prennent conscience des possibilités qu'une telle voie peut leur offrir.

Le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi marque une étape intéressante, qui doit être complétée, notamment sur la compétitivité des PME et ETI. Le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) nous semble un outil intéressant, nous en avons fait la promotion. De même, les chefs d'entreprise sont sensibles au projet de la Nouvelle France industrielle, et à la valorisation des productions locales. Il convient d'y associer systématiquement les PME.

Nous avons participé à l'élaboration du nouveau plan à l'export et entendons pleinement contribuer à l'accompagnement des entreprises grâce aux 77 chambres françaises installées à l'étranger. Enfin, après avoir consacré 2013 à l'industrie, nous ferons de 2014 l'année de l'innovation.

La loi de 2010 visait à concilier rationalisation et proximité, anticipant ainsi les réformes de décentralisation. Les 27 chambres de région, dont 22 en métropole, sont devenues le pivot de notre organisation : elles ont la maîtrise du budget comme de l'ensemble des collaborateurs. Les budgets ne sont plus attribués individuellement avec de grandes variétés de taux (de 0,50 à 2,50%). Cette harmonisation, avec un taux national sur la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TACVAE) et un taux régional sur la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (TACFE), n'a pas été sans difficulté, car les disparités du système précédent faisaient coexister des politiques inconciliables, comme, pour prendre l'exemple aquitain, celles de la chambre de Mont-de-Marsan, favorable à une baisse de la pression fiscale, et de Bayonne dont la politique expansionniste faisait grimper les taux : le président de la chambre régionale est comme une enclume sur laquelle les présidents de chambres territoriales frappent pour forger le nouveau système...

Si le fait régional s'est renforcé pour gérer les fonctions support, le maintien d'une action de proximité est un point positif de la réforme. Les chambres territoriales, avec leur statut de chambres rattachées, conservent un droit d'initiative qui trouve sa réalisation dans la promotion de travaux d'équipement, dont le Pont de Normandie réalisé par la chambre du Havre est un bel exemple. Cependant, l'absence de ressources suffisantes rend de plus en plus difficile sa mise en oeuvre.

La régionalisation des chambres a assuré aux salariés une plus grande sécurité : ils ne craignent plus la suppression de leur CCI. Même si elle n'a pas été sans difficulté, en raison de la diversité des systèmes statutaires, des primes non statutaires ou des avantages comme les tickets-restaurant, la remontée des personnels vers les chambres régionales constitue une réussite. Imaginez un mouvement des personnels analogue au niveau des communes : cela nécessiterait de belles parties de manivelle...

Enfin, la réforme a renforcé CCI France, la tête de réseau, non pas en termes de moyens, mais de pouvoir et de droits : pouvoir d'entreprendre des actions ou d'édicter des normes par un vote aux deux tiers de l'assemblée (nous l'avons fait pour la gestion des ressources humaines), droit de procéder à des audits, même s'il est délicat d'auditer ceux qui nous payent, et devoir de mettre en place des tests PME lors de la mise en place des mesures gouvernementales.

Sur le terrain, le changement rencontre des résistances fortes. Certains directeurs généraux ont craint de perdre leurs prérogatives, alors que dans les faits, ils continuaient à diriger leur personnel. La gestion des budgets a donné lieu à des combats homériques. Peu à peu, ces inquiétudes se sont dissipées. Des projets novateurs ont vu le jour ; de sept chambres en Seine-Maritime on est passé à six, puis nous passerons à quatre, avec une seule chambre régionale pour les deux régions normandes en 2016. C'est la décision des élus et d'autres fusions volontaires sont prévues.

Au-delà, les apports de la loi sont importants. En un temps difficile, fait d'instabilité, il était important d'améliorer la lisibilité de l'action des CCI et d'en clarifier les missions pour les élus. J'ai entamé avec le président de la République et avec le Premier ministre un dialogue qui a débouché sur la signature d'un pacte de confiance, le 28 mai dernier. Il reconnaît le rôle des CCI comme corps intermédiaire au service des entreprises, en particulier des PME, avec pour cela, une taxe affectée.

Deuxième étape, un contrat d'objectifs et de performance formalise les actions des chambres en les recentrant sur les thèmes importants. Ce contrat se déclinera sur le territoire en contrats d'objectifs et de moyens. Il sera l'armature autour de laquelle les chambres s'organiseront et mèneront une action homogène au service des entreprises. Les domaines retenus sont d'abord la création et la transmission des entreprises, mais aussi la formation, qui représente le tiers de notre budget et où il reste tant à faire : nous sommes de fervents militants de l'apprentissage et nous tenons à en combler les lacunes. Les grandes écoles françaises, qui ont été créées par les CCI font notre fierté, car elles font bonne figure dans le classement de Shanghai. Loin d'être anormales dans la vie de notre pays, elles représentent un outil pour les entreprises. L'innovation constitue également un domaine d'action important pour les CCI, ainsi que pour le territoire dans lequel elles se sont largement investies, même si aujourd'hui elles ne gèrent plus que les équipements qui sont en perte. Un certain nombre de pistes restent néanmoins ouvertes, comme la création de data centers au service des entreprises locales. Nous voulons être plus transparents, rendre des comptes et mettons en place des indicateurs de performance.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Toutes les CCI n'ont pas le même rayonnement : je connais une Belle au bois dormant...

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

J'ai travaillé dans une CCI et, depuis trente ans, j'entends le même discours quant aux attentes des chefs d'entreprises. Elu aquitain, je constate que le travail d'information sur la mise en place du CICE n'a pas été fait : en Dordogne, les chefs d'entreprises ne sont au courant de rien.

J'étais contre la réforme de 2010, dont j'ai dit à la tribune que c'était une aberration. Créer de toutes pièces des CCI régionales et y transférer la gestion du personnel ne va pas sans difficultés. En Aquitaine, la majorité des CCI sont locales et mènent une politique de proximité que la mise en commun des ressources rend inefficace. Ainsi, les parcs des expositions dont se sont dotés presque tous les départements de ma région sont gérés par des CCI. Ils vivent grâce aux recettes de salons professionnels liés au territoire. La régionalisation fait perdre leur intérêt à ces salons, asséchant le dynamisme des politiques de proximité. Qu'a produit cette loi par rapport aux objectifs fixés et aux craintes de ses opposants ?

L'Aquitaine propose un exemple intéressant de fusion. Les chambres de Bergerac et de Périgueux ont fusionné avant 2010, harmonisant leurs services et s'intégrant même à un pôle interconsulaire de sorte que la chambre de commerce, celles des métiers et de l'agriculture ont abandonné leur siège social et mis en commun leurs ressources dans une même logique au service des entreprises. La loi n'avait rien de nécessaire.

Le recours aux collectivités locales pour financer une action de service public qui découle de tels regroupements m'interpelle néanmoins, car sous prétexte d'un manque de moyens, les collectivités sont amenées à financer des services que les chambres de commerce devraient rendre. Quel est le résultat concret de l'application de la loi de 2010 ? Sur notre territoire constatez-vous la persistance de disparités entre le nord et le sud ? La gestion des ressources humaines a-t-elle été améliorée par la centralisation régionale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Voilà un beau sujet pour la commission pour le contrôle de l'application des lois...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Après la loi de 2010, quelle action mener pour poursuivre l'indispensable restructuration des chambres ? Le partenariat de la chambre de commerce avec les chambres des métiers et d'agriculture est très important au niveau local. La chambre économique que nous avions créée en Gironde ne marchait pas trop mal. Le rôle que vous jouez avec les communautés de communes m'apparaît très utile pour les bassins économiques.

L'export est très important pour les entreprises. Des CCI interviennent en partenariat avec Ubifrance, avec les régions, parfois les départements. Les PME, TPE, ETI ont besoin de cet apport essentiel que représentent les chambres de commerce.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

L'interconsulaire est capital. Il faut le développer, parce qu'il regroupe des secteurs très liés. Le cloisonnement entre la chambre de commerce et celle des métiers est problématique. A la CCI, coexistent le monde du commerce et celui de l'industrie. Souvent le commerce est beaucoup plus proche de l'artisanat que de l'industrie. Une réflexion est-elle en cours sur ces sujets ?

Quand les effets du CICE seront-ils perceptibles ? Qu'en est-il de la crise agro-alimentaire, en Bretagne principalement ? Enfin, le monde de l'industrie est sous-représenté dans nos assemblées. Pourquoi ne pas inciter davantage les chefs d'entreprises à y participer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

Ces derniers jours, l'Europe a avancé sur le sujet des travailleurs détachés, afin de lutter contre une concurrence déloyale. Mais, parfois, la présence des travailleurs détachés tient au manque de formation professionnelle et à la mauvaise image des métiers de l'industrie auprès des jeunes générations. Quelles sont aujourd'hui les marges d'amélioration de la formation professionnelle ? Comment atteindre une meilleure adéquation entre les offres et les demandes d'emploi ?

Les chambres de Nantes et de Saint-Nazaire se sont réunies pour gagner efficacité. Cet exemple a été à l'origine de la métropole Nantes-Saint-Nazaire. Le développement de l'Europe à l'est repousse l'ensemble des régions de l'ouest à la périphéricité de l'Europe. Ne serait-il pas intéressant que les CCI de Pays-de-Loire, de Bretagne et de Poitou-Charentes se réunissent autour d'un projet commun ?

Les représentants des lycées professionnels publics se plaignent parfois que la taxe d'apprentissage n'est pas suffisante. Le rapport est équitable entre privé et public, sauf si l'on considère que les élèves sont plus nombreux dans le public. Disposez-vous des éléments d'information à ce sujet ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Bécot

Cette réforme était importante ; n'est-ce pas votre sentiment ? Les chambres régionales sont au bon niveau, en particulier pour être efficaces à l'export. A l'échelon d'un département ou d'un demi-département, il est difficile de disposer des techniciens nécessaires. La diminution des ressources ne devra pas être ressentie sur le terrain, où les chambres ont un rôle utile de relais des évolutions législatives et réglementaires ; dans les Deux-Sèvres, par exemple, la chambre informe sur le CICE. Attention à la réduction du personnel !

Utiles à la formation des jeunes chefs d'entreprises, les chambres pourraient aussi nous aider dans le domaine du tourisme, pour répondre au problème dramatique des jeunes recrutés à bac +4 ou bac +5, qui n'ont pas de connaissances suffisantes en géographie - j'en parlerai au Conseil national du tourisme et avec la ministre.

Les TPE et les PME ne trouvent pas de relais auprès des banques, qui ne jouent pas leur rôle, pas plus maintenant que par le passé. Vous devez les aider ! Jeune chef d'entreprise, j'ai connu des banquiers dignes de ce nom ; maintenant, ils ne connaissent pas leur travail et refusent de s'engager sur quoi que ce soit. Je compte beaucoup sur les CCI, cet outil très important.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Vous avez décrit le moral des chefs d'entreprise à travers deux chiffres contradictoires. Un grand quotidien a parlé de BFMisation de la vie économique et politique : la culture de l'instantané n'est pas bonne. Ici, au Sénat, nous avons besoin de recul, par exemple sur cette réforme. La crise a touché l'économie réelle, à tel point que certains évoquent un changement de monde : même de petites entreprises se confrontent à la concurrence au niveau mondial. L'information aux entreprises est capitale. Je ne me fais pas de souci pour les grandes, qui sont très bien informées et disposent d'une foule d'avocats et de techniques de vente et d'achat exceptionnelles ; les PME et TPE, elles, ont besoin de vous. Or, lorsque les 400 entreprises qui se trouvent sur ma commune se posent des questions sur le crédit impôt recherche (CIR) ou le CICE, c'est moi qui les renseigne. Si le préfinancement de ce dernier n'a été que de 900 millions d'euros, il va monter en charge. Enfin, nous venons de voter ce lundi une habilitation à prendre des ordonnances - les parlementaires ne le font jamais volontiers - pour alléger les obligations comptables d'un million de TPE ainsi que les procédures d'immobilier d'entreprise, simplifier l'information sur le droit du travail sans mettre en cause les droits des salariés, favoriser le recours aux procédures amiables pour les entreprises en difficulté, rendre obligatoire la facturation électronique pour l'État.

Dans un cas sur quatre, les difficultés d'une entreprise ont à voir avec des paiements en retard. Le problème s'aggrave. Dans le projet de loi relatif à la consommation, plusieurs amendements du Sénat tentent d'ailleurs d'apporter des réponses, notamment en permettant aux commissaires aux comptes de jouer tout leur rôle. J'ai fait un point à la CCI du Doubs il y a une semaine : de nombreux chefs d'entreprises sont heureux d'entendre ce que nous disons sur cette question, par exemple quand nous leur expliquons le rôle de la médiation interentreprises proposée par Pierre Pelouzet. Les CCI ne devraient-elles pas se saisir de ce problème et faire un point tous les ans lors de leur assemblée ?

Vous avez une action de terrain très importante, qui exige de la proximité par rapport aux entreprises : dans ces conditions, la régionalisation est-elle une bonne chose ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

Troisième Aquitain à s'exprimer, je ne suis pas un partisan forcené de la régionalisation, adoptée en plein débat sur la révision générale des politiques publiques (RGPP). La situation des CCI est très contrastée, plus encore que celle des autres institutions du monde consulaire, chambres d'agriculture et chambres des métiers. Je suis proche de la CCI de Bayonne, qui a porté de nombreuses initiatives : une école d'ingénieurs ; une école de commerce ; la gestion de la pêche, d'ailleurs revenue de 12 000 tonnes à 3 000 tonnes... ; la concession du port, propriété du conseil régional, qui ne fonctionne bien que grâce à la tempête Klaus ; des opérations très intelligentes dans le domaine transfrontalier. La régionalisation ne risque-t-elle pas de « raboter » les initiatives sans assurer la solidarité en fait de prises de risques ? Les ports, les aéroports, qui représentent des risques d'exploitation considérables, obligent les CCI à demander à la collectivité publique de les partager. Le montage actuel permettra-t-il aux CCI qui sont porteuses d'initiatives de continuer à répondre à leur vocation originelle et très originale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Chatillon

Je serai provocateur. À l'heure de la simplification administrative, où les élus et nos concitoyens s'interrogent sur celle du « millefeuille » et attendent de la simplification et de la clarté, on peut s'interroger sur la raison d'être des CCI. Le monde de l'entreprise compte déjà le comité économique et social européen, les syndicats professionnels de branche, les pôles de compétitivité, Ubifrance, les régions et leur rôle important dans la formation. Le Français moyen se demande à quoi elles servent. Le plus souvent, leurs agents sont dans des bureaux dont ils ne sortent pas. Martial Bourquin l'a dit, nous sommes obligés d'informer nos chefs d'entreprises tous les six mois. Ce n'est pas normal !

Une simplification des procédures devrait vous aider à aller à l'essentiel. Vous nous parlez de votre action sur la création, l'accompagnement et la transmission des entreprises. Si je vous concède les deux premiers points, vous n'intervenez pas sur la transmission pour une bonne raison : qui veut vendre son entreprise ne le dit pas ; seul l'expert-comptable, le notaire et le conseiller fiscal, et peut-être le commissaire aux comptes le savent. Le seul moyen de réunir les chefs d'entreprise est de leur proposer un projet ; on peut le faire autour de la transmission, mais ce n'est pas un acte majeur.

En ce qui concerne l'apprentissage et la formation professionnelle, en Midi-Pyrénées, Airbus est contraint de créer sa propre structure parce que l'offre ne répond pas à ses besoins propres. L'aéronautique n'est pourtant pas un petit business ! Et la CCI est à Blagnac, à côté d'Airbus ! À l'international, des chambres de commerce accompagnent des entreprises sur les salons, c'est vrai ; mais ne faudrait-il pas plutôt collaborer avec Ubifrance, dont c'est le métier, plutôt que de chercher à s'y substituer ? Quant à l'innovation, les pôles de compétitivité s'en occupent ; dans un domaine que je connais, l'agroalimentaire, ce sont les associations régionales et l'association nationale des industries alimentaires (les Aria et l'Ania), ou l'Alliance 7. Comment voulez-vous que des chefs d'entreprises saturés d'information, concentrés sur leur affaire, vous identifient ? Je crois aux CCI, mais aussi à la lisibilité et à la simplification.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

En tant que membre de la commission sénatoriale de contrôle de l'application des lois, je crois qu'il y a urgence à contrôler l'application de cette réforme, qui est d'ailleurs critiquée plus fortement par ceux qui l'ont votée que par ceux qui s'y étaient opposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Voilà longtemps qu'il n'y a qu'une chambre de commerce en Haute-Savoie. J'entends parler d'une harmonisation des statuts des différentes chambres, y compris sur les ressources humaines ; au moment où l'on débat du travail le dimanche, une chambre ne devrait-elle pas faire figure de symbole et s'abstenir de rester fermée du vendredi soir au lundi matin ? Vous pouvez transmettre mon observation...

Certains ont évoqué le cloisonnement entre industrie, commerce et services. Communément, on appelle les CCI les chambres de commerce, ce qui en dit long.

Je participe à l'élaboration des documents d'urbanisme depuis des décennies : schémas de cohérence territoriale, plans locaux d'urbanisme communaux ou intercommunaux. Je ne veux pas critiquer la présence des CCI ; mais en ayant été membre de chambre et ayant présidé l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction (Unicem), je peux vous dire que vos représentants, malgré toute leur compétence et leur honnêteté, laissent les fonctionnaires de l'État fixer les règles du jeu. Soyez moins discrets !

S'agissant de toutes les structures - pour ne pas dire les machins - créées ces dernières années sur la compétitivité, vous auriez gagné à être plus agressifs pour devenir incontournables entre le politique et l'industriel ou le commerçant. Vous exercez une compétence donnée par la loi ; vous n'êtes ni un syndicat ni une institution issue du monde associatif, dites-le ! N'auriez-vous pas dû initier les pôles de compétitivité ? Au lieu de cela, les politiques ont pris la main ; ils sont allés au Japon où cela existe depuis 25 ans, ils ont fait du copier-coller et rédigé le texte avec un interprète franco-japonais, en le présentant comme une initiative française...

Enfin, concernant les difficultés de financement, je partage ce qui a été dit. Dans une interview à Paris-Match, un grand patron français décrit la différence entre la période de son entrée dans les affaires et maintenant : autrefois, j'avais un banquier en face de moi, dit-il ; maintenant, c'est un ordinateur qui autorise le crédit.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Si vous n'êtes pas capables de dire leur fait aux banques sur la question... Cela vaut aussi pour les banques mutualistes - j'en suis membre depuis quarante ans - qui se font applaudir en assemblée de la caisse locale ou régionale sur la rentabilité des placements, jamais sur le financement de l'économie locale. On ne peut pas gérer les banques françaises comme cela, et encore moins des banques régionales qui dépensent des fortunes en publicité pour expliquer que les fonds collectés s'investissent dans la région, ce qui est faux - sinon, une grande banque française n'aurait pas eu les problèmes que l'on sait avec sa filiale grecque. Soyez plus agressifs ; l'impertinence verbale est le moteur de la démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Ce n'est pas de moi, mais de Vaclav Havel, qui a fait dix ans en prison pour ne pas y renoncer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Je tire un bilan positif de la réforme de 2010. La Normandie comptait un grand nombre de chambres pour une simple raison : chaque baron du textile voulait la sienne. La réforme a fait consensus ; elle a apaisé des relations qui ont été longtemps compliquées entre CCI et collectivités locales perçues comme des concurrentes, et favorisé de vrais partenariats, en particulier avec les communautés de communes et les pays. Tout cela va dans le bon sens.

Les chambres assurent un rôle important dans la formation plus que dans les équipements majeurs : centres de formation des apprentis et surtout mobilisation des entreprises pour que les jeunes trouvent des lieux d'apprentissage, ce qui peut être difficile, y compris pour les bacs pro. Enfin, dans une autre vie, j'étais en charge des questions de personnel des CCI au ministère de tutelle. Où en sommes-nous ? Y a-t-il un statut unique ?

Debut de section - Permalien
André Marcon, président de CCI de France

Vous me dites que certaines CCI sont des Belles au bois dormant ; c'est vrai. Comme certaines communes... Il y a aussi des séparatistes convaincus, l'arme au pied pour que les choses n'avancent pas et des régionalistes convaincus, sans parler des Jacobins !

Nous répétons la même chose au nom des entreprises depuis trente ans, parce que la situation n'a pas réellement changé - nous pourrions pleurer en nous comparant... Personne dans le réseau n'a considéré la réforme de 2010 comme une bonne loi ; c'est peut-être pour cela qu'elle a pu passer : elle prenait un peu chez les uns et un peu chez les autres. En tant qu'établissements publics, nous sommes légalistes. Lorsque j'ai été élu, à l'unanimité moins deux abstentions, j'ai déclaré que nous devions utiliser une réforme que nous n'avions peut-être pas souhaitée individuellement, pour servir au mieux les entreprises.

Le dynamisme territorial souffre plus du manque de moyens que d'un défaut de volonté. Les schémas sectoriels, s'ils peuvent progresser, assurent un service plus homogène. Un axe de notre contrat d'objectifs et de performance est d'accentuer la simplification ; il y a de remarquables réalisations interconsulaires : dans la chambre d'où je viens, le bâtiment est commun depuis les années 70. Il faut aussi favoriser l'interrégionalité. Nous sommes même allés - et nous nous sommes fait tirer à trois pas à cause de cela - jusqu'à envisager la coopération voire une fusion avec la chambre des métiers. Les opposants nous objectent les TPE, alors que nous en avons beaucoup plus que les chambres des métiers !

La taxe est payée à 90 % par 5 % des entreprises, 90 % de notre travail sert aux TPE. Édouard Michelin me disait : « vous nous coûtez très cher, mais c'est pour la bonne cause ». Les CCI passent pour être riches ; il est vrai qu'elles disposent d'un fonds de réserve important. Leur budget avoisine les 4 milliards, dont 1,2 milliard de taxe. Nous avons d'autres activités qui ne s'autofinancent pas totalement, comme la formation, qui représente 30 % du budget, ou la gestion des équipements. Sur 2 milliards d'euros de réserves, seuls 600 millions d'euros ne sont pas gagés, le reste l'étant sur les investissements, le système de retraite et les trois mois de fonctionnement que nous demande notre tutelle. Comme nous ne percevrons pas 20 % de la taxe cette année, nous puiserons dans les réserves et le fonds de roulement. Il est normal que nous participions à l'effort collectif. Mais si cela se reproduit, ce sera au détriment du service aux entreprises. Nous ne percevons pas de subvention de fonctionnement des collectivités, contrairement aux chambres des métiers, qui en ont besoin. En revanche, il nous arrive d'engager des chantiers ensemble et, dans ce cas-là, il peut y avoir des cofinancements entre chambres et collectivités. Nous sommes très transparents. Le partenariat est essentiel.

Debut de section - Permalien
André Marcon, président de CCI de France

Or notre culture est héritée du temps où les CCI étaient les bras armés de l'État sur les territoires. Il nous a fallu discuter avec Ubifrance et avec les régions, qui défendaient une mainmise jacobine ou régionale sur l'export. Là, nous avons été agressifs : nous négocions avec Mme Nicole Bricq pour faire cause commune avec Ubifrance, et même avec les régions, sauf celles qui veulent à tout prix faire cavalier seul.

À ceux qui disent que nous n'agissons pas ou que nous n'agissons pas assez, je dirais que nous sommes une institution à bas bruit : nous ne crions pas sur les toits ce que nous faisons, et les entreprises que nous aidons ne le font pas non plus. Mais quand Bercy leur demande à quelle institution elles associent l'export, elles répondent les CCI à 75 %. Nous avons accompagné 10 000 primo-exportateurs.

Je ferai la même remarque sur la transmission d'entreprise : allez sur internet voir Transcommerce et Transartisanat, qui sont les outils par lesquels passent l'essentiel des transmissions de TPE. Pour les PME, qui peuvent être fragilisées en période de transmission, nous mettons en place des bourses d'opportunités. Nous organisons des réunions à partir de l'âge de cinquante ans pour sensibiliser les chefs d'entreprises à ce problème.

Concernant le CICE, c'est est un bel outil... que nous aurions préféré plus simple ! Pierre Moscovici nous a publiquement félicités pour notre action sur ce point. Bien sûr, pour une TPE, il ressemble parfois à une kalachnikov pour écraser une fourmi ; oui, le dispositif peut créer quelques d'aubaine, mais il est souvent utile.

Les industriels sont très présents dans les CCI grâce aux règles de nos collèges électoraux. Les CCI forment un creuset formidable rassemblant des petites entreprises, des grandes, et des cadres salariés. Lors des discussions sur l'urbanisme commercial auxquelles nous participions, nous créions de la valeur ajoutée avec des positions plus nuancées que les chambres des métiers, qui ont une empreinte syndicale très forte.

Les dispositions de la loi de finances sur la taxe d'apprentissage nous inquiètent. Nous sommes très attachés à la libre affectation par le chef d'entreprise de sa taxe : il est le mieux fondé à savoir quelle formation peut être la plus utile pour ses collaborateurs. Le président d'Airbus ne dit pas la même chose que vous quand il est dans mon bureau : il nous félicite pour certaines de nos formations qui sont excellentes.

Nous adaptons nos formations à la demande des chefs d'entreprises et 85 % de nos apprentis sont présents dans l'entreprise quatre ans après. Un tiers de cette ressource va partir directement aux régions : cela ne garantira pas, comme nous le faisons, le juste retour sur les établissements qui forment. Notre taux de gestion du système est de 1 %, contre 7 % pour d'autres collecteurs.

L'image de l'apprentissage s'est améliorée, parce que nous l'avons développé au niveau de l'enseignement supérieur. Nous sommes censés l'ouvrir en priorité aux publics défavorisés ; c'est déjà le cas à 70 %. Les entreprises ont aussi besoin de jeunes au niveau bachelor ou BTS. Si nous n'avons pas de retour de la part des régions, il y aura 10 000 apprentis de moins et non pas 65 000 de plus comme prévu. Sans crier au loup avant de l'avoir vu, nous restons sur nos gardes.

La collaboration des CCI à Nantes et Saint-Nazaire n'a pas plus été imposée par la loi, que la délégation des CCI du littoral qui est en visite à Brême pour étudier l'éolien offshore. La présence territoriale dépendra des ressources. Si elles sont asséchées, nous continuerons à faire de la formation mais nous aurons du mal à continuer à investir - sur 1,35 milliard de taxe, nous consacrons 600 millions aux CFA, et autres zones d'activités ou pépinières.

Nous misons sur la BPI pour améliorer l'accès au crédit. Notre seule crainte est que ses représentants ne soient pas aussi banquiers que les autres. Le monde change, nous en sommes à la troisième révolution industrielle : il n'est pas facile de convaincre une population aux cheveux blancs que s'approprier les nouvelles technologies est une nécessité.

Nous avons travaillé sur la simplification avec le député Thierry Mandon en testant au fur et à mesure ses propositions. Vous avez raison sur les délais de paiement : il faudrait que les entreprises règlent plus vite. Cependant, dans cette chaîne, chacun préfère attendre d'être payé plutôt que de déclencher la procédure.

Vous critiquez le rôle des CCI dans le millefeuille... mais ce dernier a été créé par qui ? Les CCI ont une mission centenaire. Ou bien elles ne les remplissent pas, et il faut les dégager ; ou bien elles rendent un service sans que cela ne coûte rien à l'État. En Auvergne, la nouvelle présidence de la région a mis en place une agence régionale de développement des territoires dont les 45 agents demandent à nos 39 collaborateurs comment s'y prendre... De même, pour travailler avec Ubifrance, nous nous efforçons d'ajuster nos interventions respectives.

Nous ne faisons rien sur l'innovation, comme me l'avait reproché Alain Rousset ? Il avait changé d'avis lorsque je lui avais démontré que nous étions les seuls correspondants locaux de l'European Enterprise Network, système européen de veille stratégique et concurrentielle. Les couteliers de Thiers, en concurrence mondiale, travaillent avec nous pour être au courant de ce qui se passe.

Certains pôles de compétitivité ont été mis en place avec la logistique des CCI. Des chambres ont dormi, certes. Cela ne nous empêche pas d'être également présents dans les pôles d'excellence ruraux. Etre agressif est parfois difficile pour des établissements publics ne pouvant s'exprimer sur le paritarisme ; mais nous joignons notre voix à celle des chambres des métiers et des greffiers pour dire notre mécontentement sur le guichet dématérialisé. Notre statut est en évolution ; on discute au sein de notre commission paritaire nationale. Selon moi, il n'est pas assez marchand et trop fonctionnarisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Depuis trente ans, le sujet est toujours d'actualité !

Debut de section - Permalien
André Marcon, président de CCI de France

Il a évolué et est unique sur le territoire, ce qui n'était pas le cas auparavant.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je vous remercie de vos réponses et retiens de ce débat que notre commission et la commission sénatoriale de contrôle de l'application des lois pourraient se pencher sur la réforme de 2010 et sa mise en oeuvre.