Intervention de Jean-Louis Nadal

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 11 décembre 2013 : 1ère réunion
Haute autorité de la transparence de la vie publique — Audition de M. Jean-Louis Nadal candidat proposé aux fonctions de président

Jean-Louis Nadal, candidat proposé par le président de la République aux fonctions de président pour la Haute Autorité de la transparence de la vie publique :

Une précision : je ne conçois pas la fonction de président de cette autorité comme un sixième poste de procureur général ! De mon expérience de magistrat, je garde l'exigence d'un fonctionnement clair, contradictoire, équilibré, fondé sur la confiance. Mon rapport sur la refonte du ministère public montre combien je suis attaché à la garantie des droits de la défense : je prône que l'avocat ait accès au dossier dès l'enquête préliminaire car le droit ne doit pas s'appliquer de manière brutale.

La Haute Autorité doit devenir le temple de la déontologie de la République. Elle résulte du vent de transparence qui souffle depuis des années. La transparence n'est pas absolue, elle ne rime pas avec le voyeurisme, elle a une limite ; le dispositif est fondé sur une présomption de bonne foi. Il y a des fautes sans fautifs. La décision du Conseil constitutionnel appelle à faire preuve de mesure entre le respect de l'intérêt général, de la vie privée et de la séparation des pouvoirs. La Haute Autorité n'est pas un contre-pouvoir, les prérogatives du Parlement seront respectées. Elle n'est pas une machine répressive, mais un lieu de dialogue, d'échange, de confiance, afin que la suspicion à l'égard du monde politique apparaisse sans fondement. Ma tâche est d'y parvenir. Je n'hésiterai pas à venir devant les assemblées, leurs commissions ou leurs bureaux exposer notre travail, nos difficultés.

J'aime travailler avec des personnes venant d'horizons divers, aux personnalités différentes. Le croisement des compétences permet d'avancer. Je privilégierai la collégialité et m'entourerai d'une équipe d'experts pour objectiver notre travail.

Personne ne détient la vérité. Si un élu, remplissant sa déclaration, est perplexe, nous dissiperons son trouble, dans la confidentialité. J'agirai avec détermination et tact. Certains aspects devront être clarifiés rapidement dans un souci de sécurité juridique. Je serai impartial, neutre, je travaillerai en conscience pour le bien public. Il faudra préciser le format des déclarations en préfecture - papier ou électronique, accompagnées ou non d'observations - pour ne pas donner de matière à des esprits malveillants. Je serai prudent à l'égard des lanceurs d'alerte, la Haute Autorité doit être garante de la vie privée. Les dénonciations calomnieuses seront sans pitié renvoyées devant l'autorité judiciaire. Les élus qui agissent en toute bonne foi doivent être protégés.

Je définirai rapidement le mode de fonctionnement de la Haute Autorité. Les échéances se présenteront dès février, puis en juin et en octobre. Je n'hésiterai pas à venir présenter nos règles à votre bureau.

Le risque de divulgation des déclarations de patrimoine déposées en préfecture existe. Je serai vigilant. Je m'appuierai sur le collège de la Haute Autorité, rassemblant des conseillers de la Cour des comptes, du Conseil d'État, de la Cour de cassation, mais aussi sur des experts de tous horizons pour développer une expertise en interne afin d'étudier les déclarations de patrimoine sans provoquer de troubles. Je m'appuierai sur les règles de déontologie que le Sénat a pu mettre en place ; nous travaillerons en contact étroit. Je viendrai devant vous avant la rédaction du rapport, pour fonder un contrat de confiance.

Monsieur Hyest, vous êtes exemplaire dans vos relations avec la justice et vous savez poser les limites entre le licite et l'illicite. La commande publique est un terrain propice aux conflits d'intérêts ; la question va se poser massivement pour les élus locaux. Mais, reconnaissons-le, la sédimentation des institutions crée une grande opacité. La mission interministérielle des marchés publics est peu active ; Tracfin est isolé ; du service de lutte et de prévention de la corruption du ministère de la justice, rien ne sort, ce qui est plutôt inquiétant ! C'est pourquoi vos lois sont bienvenues, pour propulser la France au meilleur rang.

Concernant les associations de lutte contre la corruption, je veillerai à ce que des critères sérieux soient définis. Au sein de mon équipe un juriste sera chargé de rédiger une étude que je vous transmettrai. J'ai de la considération pour Transparency International, son président, M. Daniel Lebègue, fut longtemps un grand commis de l'Etat. Le classement de son enquête nous place au 22e rang. Mais je souhaite substituer à la subjectivité des sondages l'objectivité de la jurisprudence et du droit, et faire monter la France sur la première place du podium.

Je reviendrai vers vous pour réclamer des moyens si je les estime insuffisants ! Nous nous installerons dans les anciens locaux de la commission pour la transparence financière de la vie politique, avec une vingtaine de fonctionnaires. A priori, les crédits de fonctionnement semblent insuffisants mais j'attends de procéder à un diagnostic plus précis. Je suis un bâtisseur, je n'accepte pas de responsabilité à la légère sans les moyens adéquats.

Je ne procéderai pas par sondages mais nous examinerons chaque déclaration, même si la tâche est immense. J'espère que vous nous soutiendrez. Enfin il faudra clarifier le régime des groupes d'influence, découvrir ce qui se trame derrière la scène de la République. Mais chaque chose en son temps. C'est un travail d'équipe. J'espère que les hautes juridictions mettront à ma disposition des magistrats d'expérience. Je suis confiant. J'ai été celui qui a initié le dialogue entre les juges de ce pays, lorsque j'étais procureur général près la Cour de cassation.

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