La transition énergétique dépasse de loin le problème de l'énergie, et renvoie effectivement à une mutation de la société et de ses modes de fonctionnement et d'organisation.
Nous nous sommes inscrits dans la perspective de l'objectif « facteur 4 », qui vise à réduire par quatre les émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. Or, d'après une étude du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), si nous en restons à l'évolution tendancielle, il faut s'attendre, au mieux, à une division par deux de ces émissions dans le secteur des transports, en plaçant la barre très haut. Dans ce cadre, pour atteindre l'objectif du facteur 4, les efforts devraient être redoublés dans les autres domaines. Il faut donc avoir les plus hautes exigences dans tous les secteurs, et le transport doit contribuer à cet effort.
En ce qui concerne les infrastructures, et comme cela avait déjà été constaté pour le SNIT, dans un cadre budgétaire extrêmement contraint, nous devons utiliser au mieux les investissements et garantir leur efficacité. Pour atteindre l'ensemble des objectifs fixés, nous devons prioritairement intervenir sur les réseaux existants, afin de maintenir, voire d'optimiser leur qualité. C'est l'une des conclusions de la commission « Mobilité 21 », qui ne doit pas être perdue de vue et doit être bien répétée et réaffirmée. Elle doit guider la hiérarchisation des projets. Nous devons aussi rendre possible une alternative aux transports routier et aérien, forts émetteurs de dioxyde de carbone et consommateurs d'énergie, en réalisant des investissements qui permettent le développement des transports en commun. Ces derniers doivent être centrés sur les trajets du quotidien, du domicile au travail, bien plus importants que les trajets de longue distance, même si ces derniers ne doivent pas être négligés.
Au-delà des grands projets, qui peuvent être utiles mais consomment beaucoup de crédits, il faut promouvoir la multitude de petits projets locaux intégrés dans des projets de territoire, qui ont un impact tant économique que sur la réduction des gaz à effet de serre. Ces projets mériteraient une meilleure coordination et des choix plus pertinents. Nous proposons de confier ce travail de choix et d'organisation des projets à l'AFITF mais en revoyant son mode de fonctionnement et de gouvernance, en s'inspirant pour cela de ce qui a été réalisé dans le cadre du programme national pour la rénovation urbaine. En effet, si ce programme avait montré certaines limites, beaucoup en ont reconnu l'efficacité, y compris parmi les collectivités territoriales.
Depuis le Grenelle et les conférences environnementales, les projets d'infrastructures doivent également s'inscrire dans l'excellence environnementale, qui ne se limite pas à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, mais inclut aussi le respect de la biodiversité et la préservation de la qualité de l'environnement.
Le deuxième axe de l'avis concerne la complémentarité des modes de transports. Notre rapport formule des propositions pour favoriser le transfert modal et l'intermodalité. Il s'agit de mettre les transports en commun à haut niveau de service pour les fluidifier et les rendre ainsi plus attractifs. Des interfaces plus cohérentes entre les différentes autorités organisatrices de transport sont nécessaires. Il faut aller, par exemple, vers une billetterie unique.
Par ailleurs, si le développement du vélo est pris en compte dans les documents d'urbanisme, cet effort, qui est loin d'être anecdotique, doit être poursuivi. Des solutions alternatives existent, sans qu'elles nécessitent des investissements lourds. Par exemple, pour les déplacements de banlieue à banlieue en région parisienne, mais pas seulement, des lignes de car dédiées, avec éventuellement des voies réservées, pourraient être mises en place afin d'éviter la traversée du centre de l'agglomération. Cela est beaucoup plus simple que la construction d'un métro automatique de rocade. Il est possible d'améliorer les transports en visant la complémentarité et l'efficacité. Il s'agit d'offrir de nouvelles solutions à l'ensemble des usagers.
Nous devons aussi développer les offres relatives aux autoroutes ferroviaires et maritimes. Dans ce cadre, comme dans toute notre réflexion, la coordination à l'échelle européenne est essentielle. Les autoroutes de la mer mises en place à la suite du Grenelle ont montré leur intérêt et leur efficacité. Elles fonctionnent grâce à des subventions mais trouvent une limite dans le non-respect de la réglementation applicable au transport routier, qui rend ce dernier plus compétitif. Si les règles de temps de conduite ou la réglementation sociale ne sont pas appliquées, les solutions alternatives risquent de se solder par un échec. Certes, il ne s'agit pas de passer au « tout-contrôle », mais aussi de miser sur l'accompagnement.
Le troisième axe consiste à influer sur l'évolution des besoins de mobilité et accompagner les changements de comportements. Il a suscité différentes réactions au sein des groupes représentés au CESE et a constitué le point le plus épineux de la discussion. L'idée des rapporteurs que nous sommes a été d'éviter toute double-peine pour les plus démunis. Mais cette crainte a été forte parmi les membres du CESE, qui redoutent que toute mesure prise dans ce domaine se traduise par des contraintes et une taxation supplémentaires. Cette situation souligne la difficulté du changement et la prédominance de la crainte d'une perte de la liberté d'utiliser sa voiture. En l'absence de la pédagogie nécessaire au partage des objectifs poursuivis, on est confronté à une situation de blocage.
Nous avons-nous-mêmes fait l'expérience de ce blocage. Cette difficulté se traduit dans le panel de propositions que nous faisons, à court et moyen-long terme. Pour influer sur les comportements à court terme, nous préconisons, par exemple, le recours à des lignes de car. Sur le moyen-long terme, nous suggérons d'intégrer dans les documents d'urbanisme, au-delà du projet d'aménagement et de développement durable, un volet sur l'évolution des modes de transport dans le territoire. Par exemple, la question de l'existence d'un parking de covoiturage doit se poser, que cette mesure soit retenue ou non. Un tel parking peut être créé ex nihilo ou aménagé sur le parking d'un supermarché à la suite d'un accord, afin d'encourager ce mode de transport.
Il y a une réflexion à mener sur les éléments d'une évolution de la fiscalité. Une progressivité doit être trouvée et le recours à l'expérimentation envisagé.