Le volet relatif à la taxation nous a valu quelques bonnets rouges. La piste d'une augmentation du prix du litre du gazole a été évoquée dans le rapport de Christian de Perthuis, afin d'opérer un rapprochement avec le prix de l'essence. Cette proposition a été écharpée par nos collègues. Ont été évoqués le pouvoir d'achat des Français, la multiplication des taxes, le fait que les plus précaires, relégués dans les deuxième ou troisième couronnes, allaient en souffrir. Nous avons calculé le surcoût d'une augmentation de deux centimes du prix du gazole pour le foyer moyen, tel qu'il en existe quatre millions en France, installé en milieu rurbain, qui dispose de deux voitures, souvent anciennes et fonctionnant au diesel, avec une consommation moyenne de six litres aux cent et dont chaque voiture effectue environ 1 500 kilomètres par mois. Le surcoût est évalué à 1,80 euro. Il nous est proposé de rembourser cette somme par un chèque pour faire face à l'effondrement social insurmontable créé par cette mesure...
Les frais de fonctionnement d'un tel dispositif seraient plus élevés que le remboursement de ce surcoût aux familles. Cet exemple est emblématique de la manière dont on appréhende la transition énergétique. Elle est associée à des taxations, et à des aides pour que les plus précaires ne s'enfoncent pas davantage dans la précarité. Cela part d'un bon sentiment, mais nous voulons pour notre part aussi sortir les gens de la précarité. La transition énergétique pourrait être un outil pour atteindre ce but. Il faudrait aider les gens à se passer d'une de leurs voitures. Les transports en commun en milieu diffus ne sont pas toujours rentables, mais on pourrait développer l'autopartage et le covoiturage. Ce qui est important, c'est que les personnes ne se trouvent jamais bloquées et disposent toujours d'une alternative à la voiture, y compris par le développement du transport à la demande en milieu rural.
Ces dispositifs sont un peu coûteux, mais ces foyers économiseraient, selon une estimation plutôt basse, environ 300 euros par mois. Ces économies pourraient être réorientées vers la consommation de produits manufacturés en France. Si on ajoute à cela les économies faites par la rénovation des logements, ou les éco-quartiers, c'est une manne pour le pouvoir d'achat et la relance.
Les économies réalisées sur les déplacements pourraient aussi permettre de remplacer la première voiture par une voiture hybride. La France est un pays de constructeurs automobiles. Il y a un marché de renouvellement en Europe et un marché mondial sur l'hybride qui sont colossaux. Les marchés émergents s'équipent aujourd'hui. La France a des atouts à jouer. Elle est leader du train, du tramway. La France est un pays d'ingénieurs. Nous devons travailler en amont. Comme le dit Jean Jouzel, le réchauffement climatique ne s'adresse pas aux générations futures, il s'adresse aux générations qui sont aujourd'hui dans les cours d'école. Il faut les éduquer à l'environnement et leur proposer une formation initiale en direction des nouveaux métiers de l'environnement. C'est également ce que dit Anne Lauvergeon dans son rapport sur l'innovation. De la sorte, la France pourra à l'horizon 2020-2025 être au rendez-vous des nouveaux besoins industriels, en particulier sur la mobilité, au niveau mondial. Il faut pour cela engager dès maintenant la transition. Cela implique de développer la formation, encourager la recherche et développement, réduire les délais administratifs, beaucoup trop longs en France. Il faut que le soutien de l'État à la recherche se fasse sur un temps suffisamment long, jusqu'à la phase industrielle.
La transition énergétique est une occasion d'aider notre pays à sortir de la crise. Il faut utiliser le tissu de PME sur les territoires, faire en sorte que les PME se regroupent sur des projets avec, dans le cadre de la mobilité, des agences de la mobilité régionales qui seraient des déclinaisons de l'agence nationale. L'inventivité des PME est un atout. La transition énergétique n'est pas une nouvelle avalanche de taxes et de contraintes. Elle est l'occasion d'expérimenter des solutions qu'on pourra ensuite exporter à l'étranger. Nous ne pouvons pas nous contenter d'attendre un miracle technologique qui permettrait de sortir de l'ornière. Le cycle économique actuel, fondé sur l'exploitation des ressources fossiles, n'est pas favorable à la France. Demain, dans un cycle plus décarboné, la France peut trouver des opportunités de développement.
Les politiques doivent définir clairement les objectifs et le projet de société vers lesquels on souhaite se diriger. Prenons le mot écotaxe : écologie et taxe. On aurait pu parler de redevance kilométrique pour les poids lourds. L'écologie est systématiquement associée à l'idée de taxe. La transition énergétique, ce n'est pas cela. C'est une société qui respecte l'environnement, des formations de qualité, des emplois qualifiés, un pouvoir d'achat retrouvé et un espoir pour demain.