Le sujet est très vaste et nous n'avons pas pu tout approfondir dans le délai très court qui nous était imparti. Certaines propositions ne sont encore que des orientations.
Pour autant, cet avis se veut pragmatique, sans pour autant fournir de solutions clés en mains. Nous devons anticiper les changements à long terme, en intégrant les contraintes du court terme. Il n'y a pas de réponse simple à un problème aussi complexe, et nous proposons plutôt un panel de solutions.
Ainsi, sur l'évolution du mix énergétique, nous donnons une orientation assez précise, à partir de l'ensemble des technologies existantes. Nous proposons d'améliorer en priorité l'efficacité du moteur thermique et de promouvoir le moteur électrique pour les déplacements de proximité. Pour autant, nous soutenons qu'à long terme, la solution la plus cohérente réside dans l'utilisation du gaz naturel en substitution au pétrole. Pour cela, nous devons développer la méthanisation en France, car nous sommes très en retard dans ce domaine. Il faut également poursuivre les efforts de recherche en matière de stockage de l'énergie, notamment pour l'électricité.
Notre pays est certes petit, mais il a encore les atouts d'une puissance et des capacités de rebond pour jouer dans la cour des grands, sans pour autant faire preuve d'un optimisme démesuré.
Un autre point me paraît essentiel, qui dépasse la seule question des transports. Il s'agit des perspectives à long terme en matière d'énergie électrique. Aujourd'hui, l'électricité est peu chère en France, pour diverses raisons liées notamment à la socialisation de coûts indirects. C'est un atout de compétitivité pour notre industrie. Mais lorsque l'on regarde les chiffres communiqués par EDF sur le coût à venir de l'électricité, en particulier avec l'EPR, on se rapproche de la structure de coûts de l'éolien. On approche de plus en plus les seuils de rentabilité des énergies renouvelables. Notre réflexion doit s'inscrire dans le cadre de cette évolution. Même si l'électricité nucléaire sera plus chère demain, elle continuera à tenir une place importante dans le mix énergétique.
En ce qui concerne l'écotaxe, j'avais défendu sa mise en oeuvre lorsque j'étais président de France Nature Environnement (FNE) en 2007. Nous étions parvenus à un accord unanime sur le principe. Le débat porte sur sa mise en oeuvre concrète sur le plan fiscal. En 2012, le CESE a proposé de dépasser l'idée d'une taxe liée à la seule altération des routes, et d'y intégrer également les coûts externes environnementaux, à l'issue d'une phase d'expérimentation. A l'heure actuelle, le dispositif est nettement moins ambitieux puisqu'il ne porte que sur le droit d'usage. Son échec repose sur un problème fondamental de pédagogie. Il y a un manque d'information, voire de la désinformation. On n'explique pas assez que l'écotaxe a été négociée pour améliorer le report modal et pour limiter la concurrence déloyale européenne. Au final, depuis 2008, la taxe à l'essieu a été réduite pour l'ensemble des poids lourds alors que l'écotaxe n'est toujours pas mise en oeuvre.
Entretemps s'est posée la question du tonnage des camions. Aujourd'hui, les poids lourds de 44 tonnes à cinq essieux sont autorisés. Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a montré qu'une hausse du tonnage associée à un sixième essieu était neutre en matière d'altération de nos routes. En revanche, une hausse du tonnage à cinq essieux engendrerait un surcoût de l'ordre de 400 à 500 millions d'euros pour l'entretien des routes.
Nous avons donc perdu le produit de la taxe à l'essieu, tandis que les 400 à 500 millions d'euros de travaux d'entretien pour compenser l'usure supplémentaire résultant de l'autorisation des 44 tonnes vont retomber sur les budgets voierie des départements, qui seront dans l'impossibilité de les financer. Nous allons finir par avoir des routes ressemblant à des chemins, avec des ornières !