Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « renforcer les sanctions prévues dans la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage », tel était et tel est toujours, monsieur Hérisson, le titre de la proposition de loi que nous examinons cet après-midi. J’oserai dire malheureusement, parce que, en commission, nous avons essayé d’équilibrer le texte. Mais il s’agit bien toujours, hélas, de renforcer les sanctions en question.
C’est un sujet très sensible, qui ne peut pas être traité dans la précipitation. Sur bien des points que vous avez évoqués, monsieur Hérisson, ce qui est en cause, c’est le statut des gens du voyage dans la République.
Ce statut reste discriminatoire, même si la censure partielle, en 2012, de la loi de 1969 a légèrement adouci les dispositions qui visaient ces populations.
On ne peut pas se poser la question du respect de la loi par les uns – et celle des moyens de la faire appliquer – sans s’interroger sur son respect par les autres : je veux parler, d’un côté, des stationnements illicites et, de l’autre côté, du non-respect par un certain nombre de villes de leurs obligations résultant de la loi de 2000.
Environ 16 000 aires d’accueil prévues dans les schémas départementaux ne sont pas réalisées aujourd’hui. Il est difficile de soutenir que le schéma départemental a un sens tout en considérant que la non-réalisation de ces aires n’aura pas de conséquences.
Le groupe de l’UMP nous propose de nous saisir du sujet. Alors, profitons de l’occasion pour aborder l’ensemble du problème à partir de deux interrogations. D’une part, quel statut pour les Français itinérants ? D'autre part, comment faire respecter la loi, à la fois par les gens du voyage dans le cas de stationnements illicites dans les communes qui remplissent leurs engagements et par les collectivités au regard des obligations que leur fixe une loi votée il y a plus de treize ans ?
Or vous nous proposez, monsieur Hérisson, de ne nous intéresser qu’à un aspect des choses et c’est pourquoi votre proposition de loi est déséquilibrée. Vous l’avez dit vous-même : il s’agit moins de faire une loi que de faire une annonce ! Moi, je pense que, sur un sujet aussi sensible, il faut travailler de façon équilibrée. Ce sera, je l’espère, le sens du débat que nous aurons aujourd’hui.
Vous avez évoqué le travail réalisé depuis plus de dix-huit mois au sein du ministère de l’intérieur et par Dominique Raimbourg sur cette question lourde, aux implications multiples. Je souhaite que le temps dont nous disposons nous permette d’avancer sur ces sujets.
Je reviendrai d’abord sur le statut des gens du voyage. Bohémiens, saltimbanques, forains et nomades, puis gens du voyage : les dénominations ont changé à travers le temps. Ce statut se fonde sur la loi du 16 juillet 1912 relative à l’exercice des activités ambulantes et la réglementation de la circulation des nomades. Cette loi se trouve à l’origine des carnets anthropométriques, qui ont eu pour conséquences les internements entre 1940 et 1946, mais aussi d’une très forte discrimination perdurant au-delà de cette sinistre période.
En 1969, les carnets anthropométriques ont été remplacés par des carnets et des livrets de circulation qui obligeaient leurs détenteurs, en fonction de leur statut professionnel, à pointer tous les trois ou six mois et qui les plaçaient dans des situations totalement dérogatoires par rapport aux droits des citoyens français.
Il est heureux que la question prioritaire de constitutionnalité de 2012 ait eu pour effet la censure partielle de ces dispositions. Mais, comme le soulignait le préfet Hubert Derache, paraphrasant Aimé Césaire, « les voyageurs ont longtemps été considérés comme des Français entièrement à part, non comme des Français à part entière ».
Lorsque nous traitons de ce sujet, nous devons aussi nous pencher sur la question de la place et du sort que la République réserve aux gens du voyage, car ils sont aussi ses enfants.
En cette période difficile sur le plan économique, nous ne devons pas confondre intégration et assimilation. Chacun, quelles que soient ses spécificités, doit pouvoir trouver sa place dans la communauté nationale. L’enjeu de ce débat est de faire en sorte que cette intégration se passe correctement.
Lors de l’élection présidentielle de 2012, des Français n’avaient toujours pas le droit de voter s’ils n’étaient pas rattachés à une commune depuis plus de trois ans. Le saviez-vous, mes chers collègues ? Pour ma part, je ne l’ai appris que récemment. La question prioritaire de constitutionnalité a permis de mettre fin à cette situation hallucinante.