Séance en hémicycle du 12 décembre 2013 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.

Je rappelle que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

dans tous les pays, on célèbre, à juste raison et quasi unanimement, la disparition de Nelson Mandela, qui a longtemps été considéré comme le plus vieux prisonnier politique du monde.

Cette ferveur et ce respect paraissent aujourd’hui naturels. Cet homme, que beaucoup ont longtemps qualifié de terroriste, a toujours lutté pour le droit à la résistance contre toute forme d’oppression. Il sut réussir la réconciliation de tous les Sud-africains après la libération de son peuple.

En ce début de XXIe siècle, il y a encore, de par le monde, des femmes et des hommes qui sont emprisonnés pour les idées qu’ils défendent.

Je pense en particulier à Marwan Barghouti, résistant palestinien qui symbolise aujourd’hui la lutte de tout un peuple contre quarante-six ans d’occupation israélienne de la Cisjordanie et de la bande de Gaza.

Après avoir longtemps partagé l’espoir né du processus de négociations de paix d’Oslo, il a été emprisonné pour sa participation aux deux révoltes populaires qui ont suivi la poursuite de la colonisation, de l’oppression, et le reniement des engagements des gouvernements israéliens. Marwan Barghouti, comme des milliers d’autres militants palestiniens, est détenu pour avoir lutté pour le droit inaliénable de son peuple à se libérer de l’oppression.

Méfions-nous que les terroristes d’hier ne soient les héros de la liberté de demain !

Au moment où les autorités israéliennes parlent de nouveau avec force de négociations de paix, sa libération et celle de ses camarades seraient un gage de sincérité et de bonne volonté. C’est un défi, qu’il faut lancer avec tous les hommes et les femmes épris de justice et de paix.

Permettez-moi une citation : « Dans le monde entier, des femmes et des hommes sont encore en prison, du fait de ce qu’ils sont, de ce qu’ils disent. La lutte doit continuer. » Nelson Mandela aurait pu être l’auteur de ces mots, mais c’est Barack Obama qui les a prononcés mardi dernier à Johannesburg.

Ma question sera directe, monsieur le ministre : quelles initiatives la France est-elle décidée à prendre en son nom propre, ou auprès des instances internationales, pour obtenir la libération de Marwan Barghouti et des prisonniers politiques ?

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

Madame la sénatrice, votre question se justifie à un double titre, sur le fond mais aussi du fait de son actualité, puisque le Quai d’Orsay remettait ce matin à plusieurs ONG œuvrant en faveur de personnes de toutes nationalités privées de liberté des prix pour accompagner leurs efforts au cours de l’année 2014.

Concernant en particulier Marwan Barghouti, les autorités françaises, je vous le confirme, suivent sa situation avec une très grande attention. En effet, elles sont conscientes du symbole que M. Barghouti représente au sein de la classe politique palestinienne et du crédit qu’il conserve auprès de l’opinion publique. Il pourrait effectivement, le moment venu, jouer un rôle important, une contribution utile aux efforts de paix conduits par le président Abbas. Nous maintenons d’ailleurs des contacts réguliers avec Mme Barghouti, son épouse, que le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, a rencontrée en mars dernier.

D’une manière générale, la France suit attentivement la situation de l’ensemble des prisonniers politiques palestiniens. À titre national comme avec ses partenaires européens, elle a, à plusieurs reprises, appelé les autorités israéliennes au respect de leurs obligations à l’égard de ces détenus, notamment dans le domaine du droit international, des droits de l’homme et du droit international humanitaire.

La France appelle aussi les Israéliens et les Palestiniens à effectuer des gestes significatifs susceptibles de développer la confiance dans le cadre des négociations de paix en cours. Elle estime que la libération de prisonniers par les autorités israéliennes constitue une contribution utile en ce sens.

S’agissant de la recherche d’un règlement politique, la France est constamment mobilisée pour faire avancer la cause de la paix. La visite du Président de la République française en Israël et dans les territoires palestiniens, les 17 et 18 novembre dernier, a permis de marquer le plein soutien de la France aux négociations en cours et de réitérer les positions et les attentes françaises.

Le Président de la République a fermement souligné l’urgence de parvenir à un accord définitif et renouvelé le soutien de la France à la solution de deux États pour les deux peuples. Il a engagé les deux parties à adopter la meilleure attitude pour faire progresser les négociations ; à cet égard, il a salué la libération de prisonniers par les autorités israéliennes, en marquant que cette mesure n’était qu’une étape dans le processus et que des gestes étaient exigés de part et d’autre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Elle est relative aux institutions de la République et au rôle du Sénat.

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Pour nous, il est inopportun de modifier ces institutions sans recourir à un processus de révision constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Or nous craignons que ce ne soit votre objectif. Vous le savez, notre groupe est profondément attaché au bicamérisme et, en conséquence, au respect de la place et du rôle du Sénat dans nos institutions, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… un Sénat disposant de ses pouvoirs législatifs dans tous les domaines, mais avec sa spécificité : l’impossibilité de renverser le Gouvernement et l’attribution de missions particulières, reconnues très clairement par la Constitution, concernant les collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

À ce sujet, nous avons relevé avec une certaine inquiétude, pour ne point dire davantage, les propos de M. Olivier Dussopt, député, rapporteur à l’Assemblée nationale du projet de loi de décentralisation et d’affirmation des métropoles transmis à cette chambre pour une deuxième lecture.

À la question : « Allez-vous réintroduire le Haut Conseil des territoires ? », il a répondu – cela figure dans La Gazette des communes, que j’ai sous les yeux – : « Le Gouvernement y est extrêmement favorable. Les Sénateurs parlent d’un Sénat bis. Ils n’intègrent pas la perspective du non-cumul. Mais le jour où le non-cumul sera appliqué, il faudra un lieu de concertation entre le Gouvernement et les responsables des principaux exécutifs locaux. » §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce n’est pas moi qui le dis, c’est M. Dussopt ! Il affirme que le Haut Conseil des territoires répond à la volonté du Gouvernement et remplacera le Sénat dans son rôle à l’égard des collectivités. On ne saurait être plus clair, et le débat d’hier à l’Assemblée nationale ne nous a point rassurés : le Haut Conseil des territoires, pendant du projet de loi sur le non-cumul, c’est le déclin assuré, si ce n’est la fin du Sénat !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ce Haut Conseil n’était pas une proposition des associations des élus, comme on nous le fait croire aujourd'hui ; il leur a été instillé au fil des négociations. C’est en réalité la proposition n° 1 du rapport Terra Nova de 2011 comprenant le binôme et le non-cumul.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Ma question est simple : quelles sont les intentions du Gouvernement sur le projet de Haut Conseil des territoires et, plus généralement, sur l’avenir du Sénat de la République ?

Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP . – Mme Catherine Tasca applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le sénateur, l’article 24 de la Constitution, que vous connaissez parfaitement, précise notamment que le Parlement vote la loi, contrôle l’action du Gouvernement, évalue les politiques publiques et, surtout, comprend l’Assemblée nationale et le Sénat, ce dernier assurant la représentativité des collectivités territoriales de la République. Le Gouvernement n’a aucunement l’intention de modifier cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. Il n’en a d’ailleurs pas les moyens !

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

Au contraire, le Gouvernement entend réaffirmer son attachement au bicamérisme, qui est indispensable à la qualité de la loi et à l’effectivité du contrôle de l’action de l’exécutif.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

Le Sénat est aujourd’hui au rendez-vous de cette exigence, et le Gouvernement, je veux le rappeler, a choisi de saisir le Sénat en premier, ce qui est une marque de confiance à son égard, pour des textes aussi importants que la loi de programmation militaire, définitivement adoptée par votre assemblée mardi dernier.

Lundi dernier, le Sénat a adopté le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises. En outre, il est vraisemblable que l’Assemblée nationale votera conforme le texte issu des travaux du Sénat. Hier, ce dernier, conformément à sa tradition, a voté presque à l’unanimité, me semble-t-il, un texte important tendant à créer des sociétés d’économie mixte à opération unique dont vous étiez le rapporteur, monsieur Mézard.

Tout cela montre que, contrairement à ce qu’allèguent certains commentateurs, et en dépit de circonstances politiques faisant que, parfois, aucune majorité ne peut se dégager, le Sénat est présent et apporte sa pierre à l’œuvre législative.

Monsieur le sénateur, vous m’interrogez plus particulièrement sur les projets du Gouvernement à l’égard du Sénat. Notre engagement, que je viens de rappeler, est très fort en la matière. Par ailleurs – nous avons eu ce débat lors de l’examen d’autres textes, ce que vous savez parfaitement –, nous sommes partisans de reconnaître la spécificité du Sénat, mais pas sa spécialité. Ce dernier point est d’ailleurs au centre de notre divergence, notamment concernant la question du cumul des mandats.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

Sur le fond, il existe des pays où la seconde chambre a une spécialité, mais leur organisation est fédérale. La seule façon, pour la France, d’être une République qui respecte le Sénat, c’est bien de compter deux chambres auxquelles sont reconnus les mêmes pouvoirs, comme le fait l’article 24 de la Constitution. Telle est notre vision du bicamérisme.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, ministre délégué

Je tiens à réaffirmer aujourd’hui ce point au nom du Gouvernement.

S’agissant du texte important de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles qui est actuellement en débat, le Gouvernement s’est déjà exprimé sur ce Haut Conseil. Toutefois, la procédure parlementaire suit son cours à l’Assemblée nationale, et une commission mixte paritaire se réunira pour trouver un accord entre les deux assemblées. Si elle y parvient, le Gouvernement sera évidemment très attentif à ses résultats, sans a priori, car son objectif est évidemment de respecter le Sénat et la procédure parlementaire, notamment pour ce qui concerne un texte de cette importance.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Ma question s'adresse à M. le ministre des affaires étrangères ; il est absent en cet instant, mais je suis persuadé que nous recevrons malgré tout une réponse.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, lorsque la France est engagée à l’étranger, l’opposition en général, et l’UMP en particulier, s’efforcent de soutenir son autorité et considèrent que les divisions partisanes, certes légitimes, ne doivent en aucun cas l’emporter. C’est une attitude dont nous ne nous démarquerons pas.

Nous avons soutenu l’intervention au Mali. Nous soutenons pour l’instant l’intervention en République centrafricaine. Au nom de l’autorité de la France, nous avions émis des doutes sur les déclarations du Président de la République concernant la Syrie ; je dois constater que ces doutes étaient fondés, comme il l’a lui-même reconnu peu après.

Ma question concerne l’Ukraine. Nous souhaitons, non pas faire le procès de ce pays, qui est, hélas, connu pour ses excès et ses échecs, mais connaître l’attitude du Président de la République et celle du Gouvernement au regard d’une crise qui concerne toute l’Europe, notamment ses relations avec ce grand voisin, qui a parfois été notre grand allié et parfois, à l’inverse, une grande menace – au temps de l’Union soviétique –, je veux parler de la Russie.

Manifestement, dans la crise ukrainienne, un choix s’impose. Quelle est la volonté du Gouvernement français et du Président de la République de peser dans cette crise ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Ma question est triple : aurons-nous la clarté de Mme Merkel et de sa majorité pour manifester aux côtés des partisans ukrainiens de l’Europe, ou nous contenterons-nous d’inviter M. Vitali Klitschko à venir déjeuner à Paris, ce qui est d'ailleurs un geste élégant, mais insuffisant ?

Ma deuxième question a trait à la demande même présentée par le gouvernement de Kiev lors du sommet de Vilnius, le 29 novembre dernier. S’agit-il pour vous d’un chantage absolu, traduisant une volonté d’une rupture, ou au contraire d’un appel lancé par un pays en désarroi ?

Ma troisième et dernière question est la suivante : monsieur le ministre, quelle est, en définitive, votre politique vis-à-vis de la Russie ? Nous commémorerons l’an prochain le centenaire de la Première Guerre mondiale. L’alliance franco-russe reste, aujourd’hui, un facteur de stabilité en Europe. Quel jugement la France porte-t-elle sur le droit de la Russie à s’organiser au côté de l’Europe ? Et peut-elle s’organiser avec celle-ci en évitant tout conflit inutile ?

Applaudissements sur les travées de l'UMP . – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

Monsieur Longuet, je vous remercie de votre question, qui me permet d’évoquer le déplacement que j’ai effectué à Kiev il y a quelques jours, le 5 décembre dernier. Je me suis notamment rendu place de l’Indépendance pour discuter avec les manifestants, avant de rencontrer l’ensemble des représentants de l’opposition et la famille de Mme Timochenko.

Les manifestations qui se succèdent quotidiennement à Kiev depuis plus d’une dizaine de jours appellent, de la part de la France, trois mots d’ordre que je veux énumérer avec précision.

Le premier mot d’ordre, c’est l’appel à la non-violence. Plusieurs centaines de milliers de personnes manifestent jour et nuit dans la capitale ukrainienne, dans un climat de tension. De nombreux blessés sont à déplorer, y compris d'ailleurs parmi les journalistes qui couvrent ces événements.

Au cours des derniers jours, les forces de l’ordre ont tenté des opérations d’évacuation, même si la nuit dernière a été plus calme. Cela étant, la France appelle au respect du droit de manifester et à la plus grande retenue. Nous le disons aux autorités gouvernementales : rien ne sera possible si la paix civile n’est pas assurée. Les revendications s’expriment de manière pacifique, je peux en témoigner. Elles doivent, partant, être traitées pacifiquement.

Le deuxième mot d’ordre, c’est la nécessaire reprise du dialogue. D’une part, le président Ianoukovitch accepte le principe d’une conciliation, de l’autre, il déploie les forces de l’ordre dans le centre-ville, …

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué

… et refuse de dialoguer avec l’opposition.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous pouvons tous nous accorder sur ce point : il faut que le dialogue soit renoué entre le gouvernement ukrainien et les opposants qui s’expriment dans la rue. Tel était d’ailleurs l’objet de l’échange qui a eu lieu hier entre MM. Fabius et Klitschko, lequel doit, lui aussi, être respecté et écouté, en tant que porte-parole des revendications du peuple ukrainien.

Le troisième et dernier mot d’ordre, c’est la volonté d’ouverture de l’Union européenne vers l’Ukraine, qui reste intacte. Nous demeurons favorables à l’accord d’association avec Kiev. Le Président de la République lui-même l’a dit à Vilnius à l’occasion du sommet du partenariat oriental.

Toutefois, l’Europe n’agit pas en marchand de tapis, choisissant ses alliances selon ce que peut offrir ou non telle ou telle puissance. L’Ukraine n’est pas à acheter, comme l’Europe n’est pas à vendre ! Du reste, à nos yeux, il n’y a pas d’antagonisme entre la recherche d’un accord d’association avec l’Europe et la proximité avec la Russie. C’est le message que nous avons transmis à la partie ukrainienne. C’est la mission qui a été confiée à Mme Asthon au nom de l’Union européenne.

Mesdames, messieurs les sénateurs, non-violence, dialogue et maintien de l’ouverture européenne : tel est le résumé de notre politique. Et c’est au peuple ukrainien, dont le droit à manifester doit être pleinement respecté, de dire pacifiquement quelle est sa propre position ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Ma question s'adresse à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Madame la ministre, vous avez annoncé il y a quelques mois la suppression de la journée de carence pour les arrêts de maladie des fonctionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

En effet, cher collègue, c’est intelligent !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Le motif alors invoqué était l’inutilité supposée de ce dispositif. Pourtant, une étude récemment publiée rappelle que, depuis l’instauration de cette journée de carence, les arrêts de maladie courts ont réellement chuté.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Tandis que les arrêts de longue maladie ont très fortement augmenté !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Les chiffres sont éloquents : en 2012, le nombre d’absences d’une journée a reculé de 41 % dans les hôpitaux et de 43 % dans les collectivités territoriales. Si les données équivalentes font défaut pour la fonction publique d’État, force est de constater que la journée de carence n’a rien d’inutile.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Or, paradoxalement, c’est le moment que le Gouvernement choisit pour supprimer ce dispositif.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

L’expérimentation menée deux années durant avec succès ne sera donc pas pérennisée, alors même qu’elle affiche des résultats positifs, ce qui, vous en conviendrez, n’a guère de sens.

La suppression de la journée de carence aura un impact négatif sur les finances publiques : elle coûtera à tout le moins 157 millions d’euros l’année prochaine et désorganisera les services concernés, notamment dans l’hôpital public, où cette mesure avait permis de faire des économies. C’est là un très mauvais signal, à l’heure où les efforts de maîtrise de la dépense publique doivent être accrus.

Validée par les faits, la journée de carence se justifie également sur le plan des principes. Je rappelle que, dans le secteur privé, le délai de carence est de trois jours. Il s’agit donc d’une mesure d’équité. Il n’est pas inutile de le souligner, en cette période où tous les Français sont mis à contribution : l’effort n’est juste que s’il est partagé !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Dès lors, pourquoi supprimer la journée de carence ? D’aucuns invoquent les arrêts de maladie longs, mais ces derniers n’ont évidemment aucun lien avec ceux qui nous occupent ici. On ne remplace pas un jour d’arrêt de maladie par un arrêt de quinze jours ou plus ! On le sait, l’augmentation des arrêts dits « longs » s’explique par le vieillissement de la population des fonctionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Il fallait y penser avant de reculer l’âge de départ à la retraite !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Capo-Canellas

Cette raison ne tient donc pas.

Par ailleurs, mettre en cause les commanditaires de l’étude révélant l’impact positif du jour de carence est un piètre procédé. Il ne sert à rien de casser le thermomètre quand il affiche un chiffre embarrassant !

Madame la ministre, plutôt que d’attaquer les assureurs, vous devriez relancer les négociations au sujet de la mutuelle obligatoire des fonctionnaires, qui avaient été précédemment engagées.

Qu’entendez-vous faire face à cette situation ? Allez-vous revenir sur la suppression de la journée de carence ? Dans le cas contraire, allez-vous compenser, pour les collectivités territoriales et les hôpitaux, le manque à gagner qu’entraînera sa disparition ?

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

La gauche mène une politique de clientèle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique

Monsieur Capo-Canellas, je vous remercie vivement d’avoir posé cette question. L’étude que vous citez a été largement commentée. Je souligne d’emblée qu’elle a été commandée par une société représentant les assureurs.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

À entendre votre question, vous n’avez, à ce jour, pas plus de précisions que le Gouvernement sur le fait que cette firme a déjà négocié quelque 700 000 contrats pour des agents du secteur public.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

En effet, prenant acte, il y a peu, du jour de carence, nombre de maires ont écouté les mutuelles et les assureurs, qui leur ont proposé d’établir des contrats collectifs de prévoyance. Certaines collectivités dépensent entre 8 et 12 euros par salarié et par mois pour cheminer vers la prévoyance. Je note que 77 % des salariés du privé bénéficient déjà de cette dernière – et c’est tant mieux –, parmi lesquels 50 % des salariés des très petites entreprises, les TPE.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Pour poursuivre dans le sens de l’alignement, il faudrait porter le délai de carence à trois jours. Aussitôt, l’ensemble des maires et des présidents de conseil général de France, ainsi que la ministre de la fonction publique que je suis, négocieraient des contrats de prévoyance modifiés en conséquence. Je comprends que les mutuelles, que je respecte beaucoup, comme la société Sofaxis, qui a connu quelques difficultés en matière de marchés publics, mais qui, depuis lors, a beaucoup progressé, voient devant elles un formidable marché ouvert !

Monsieur le sénateur, nos fonctionnaires n’ont pas, pour l’heure, droit à la complémentaire santé. Parallèlement, seuls 23 % de leurs collègues du secteur privé se voient encore appliquer un jour de carence. Dès lors, les fonctionnaires diront à leur employeur : « Soit, allons jusqu’au bout ! Donnez-nous la complémentaire santé et une assurance prévoyance ! »

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Calculez l’écart de coûts qui sépare les deux dispositifs. Si vous souhaitez augmenter la dépense publique, conservons le jour de carence et négocions la complémentaire santé. Je le répète, si vous tenez à rapprocher les régimes du public et du privé, il faut aller jusqu’au bout, au-delà du seul jour de carence !

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Les partenaires sociaux ont récemment conclu un accord rendant obligatoire la complémentaire santé. Retrouvons-nous dans le cadre d’un véritable groupe de travail, pour déterminer ce que coûteront, au titre de la dépense publique, ce régime complémentaire et l’alignement des délais de carence entre le public et le privé.

Les sociétés d’assurances utilisent l’étude en question pour obtenir ce qu’elles veulent, c’est-à-dire un vaste marché. Je le regrette, car ce procédé est dommageable, certes non pour elles, mais pour la dépense publique !

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Je comprends bien qu’une entreprise cherche à accroître son chiffre d’affaires ; je n’éprouve, à cet égard, aucun scrupule d’ordre éthique. Toutefois, les chiffres méritent d’être étudiés de près. Vous affirmez que les arrêts de longue durée augmentent du fait du vieillissement des fonctionnaires, mais tel n’est pas tout à fait le cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Madame la ministre, je vous prie de bien vouloir conclure.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

J’achève mon propos, monsieur le président.

Lorsqu’un salarié malade se fait violence pour aller travailler en prenant un paracétamol afin de ne pas subir le jour de carence, et qu’il doit ensuite se rendre chez le médecin pour obtenir trois ou quatre jours d’arrêt, ce n’est pas nécessairement une bonne nouvelle pour tout le monde ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

Ma question s'adresse à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, mais elle concerne également M. le ministre chargé des affaires européennes.

Mes chers collègues, vous le savez, l’emploi reste la première préoccupation des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Il faudrait qu’elle soit aussi celle du Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

L’emploi constitue également la priorité du Gouvernement. Néanmoins, alors que le niveau du chômage reste élevé, l’Europe n’est pas toujours perçue par nos compatriotes comme une alliée sur le front du travail. On se souvient du projet de directive Bolkenstein, dite « du plombier polonais », …

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

… qui risquait non seulement d’aggraver le chômage, mais aussi de faire reculer la situation économique et sociale des salariés.

Or voilà qu’au cours des dernières semaines une nouvelle inquiétude a surgi sur le front social. De quoi s’agit-il ? Une directive européenne de 1996 indique qu’une entreprise peut détacher ses salariés dans un autre pays de l’Union européenne, …

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Jeannerot

… à condition de respecter les règles du pays d’accueil en matière de salaires et de conditions de travail, tout en acquittant néanmoins ses cotisations sociales dans le pays d’origine.

Cette réglementation avait précisément pour but d’organiser et d’encadrer les conditions de la concurrence. Toutefois, dans la pratique, elle a été largement détournée, créant ainsi d’inacceptables situations de dumping social.

De fait, pourquoi recruter un salarié français quand on peut disposer d’un travailleur détaché venant d’un autre État membre ? Les économies ainsi réalisées peuvent atteindre 30 % du coût total, comme le montre le rapport rédigé par notre excellent collègue Éric Bocquet au nom de la commission des affaires européennes du Sénat.

Monsieur le ministre, le 9 décembre dernier, lors du Conseil des ministres de l’emploi européens, vous avez obtenu un accord assurant à l’évidence les contre-feux nécessaires et apportant, pour l’avenir, toutes les garanties nécessaires.

Néanmoins, au-delà de ce nouvel épisode, nous pressentons tous ici quelle est la véritable question : celle de l’avenir même d’une Europe sociale, source de progrès, de développement et d’emploi pour tous. Quand assistera-t-on, enfin, au retour de l’Europe sociale ? Je vous remercie par avance de bien vouloir nous éclairer quant aux perspectives concrètes issues de cet accord.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur certaines travées du RDSE . – Mme Annie David applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le sénateur, la directive « détachement », que vous avez citée, date de 1996. Comme vous l’avez rappelé rapidement, mais à juste titre, elle représentait alors un progrès.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Cette disposition a encadré une situation qui, sinon, n’aurait bénéficié d’aucune règle. J’en suis persuadé, nous sommes tous, dans cet hémicycle, favorables à la réglementation et à l’encadrement plutôt qu’à la loi de la jungle !

Toutefois, depuis 1996, l’Europe s’est élargie et, au cours des dernières années, la crise économique a frappé chacun de nos territoires. Aussi, cette directive a favorisé une forte augmentation du nombre de travailleurs détachés. Il s’agit, somme toute, de travailleurs en situation d’intérim : des ressortissants polonais, roumains, bulgares ou slovaques sont employés ici ou là, en France, au service d’une entreprise de droit français. Surtout, cette directive a favorisé une hausse exponentielle des abus et des contournements.

Au fond, cette directive est devenue le support d’une fraude organisée. Aujourd’hui, certains salariés sont surexploités. Cette situation est déjà, en tant que telle, extrêmement condamnable. De surcroît, les entreprises dont ces travailleurs sont originaires bénéficient de prix totalement déconnectés du marché. Oui, aujourd’hui, la directive « détachement » est le support d’une concurrence déloyale, d’un dumping social. Cet état de fait est préjudiciable aux travailleurs étrangers concernés, aux salariés français, qui risquent de perdre leur emploi parce que des marchés sont perdus, et aux entreprises françaises, qui jugent, avec raison, cette situation scandaleuse.

M. Antoine Lefèvre acquiesce.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

L’Europe a réagi, pas plus tard que lundi dernier. Toutefois, contre une majorité d’États membres, un certain nombre de pays se sont opposés jusqu’au bout à toute réglementation supplémentaire. La Grande-Bretagne et la Hongrie, notamment, sont restées sur leurs positions.

Une telle réglementation n’en est pas moins nécessaire au niveau européen. Il faut lutter contre cette fraude organisée, contre cette cascade de sous-traitants qui, progressivement, créent une réelle opacité. Celle-ci fait obstacle à la mise en cause du premier des responsables, à savoir l’entreprise qui donne des ordres.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre

Or on ne peut lutter contre ce fléau que si l’ensemble des pays européens disposent des mêmes outils.

Voici ce qui a été décidé : créer une meilleure capacité de contrôle associée à une meilleure capacité de punir. Il nous faudra transcrire très rapidement ces règles dans le droit français, et je sais que des parlementaires prendront des initiatives en ce sens. Nous le ferons, avant même que la directive ne soit adoptée par le Parlement européen.

Nous devrons renforcer les contrôles sur le territoire – j’étais ce matin même sur un chantier –, pour faire en sorte que la loi française soit respectée, comme les droits des travailleurs, d’où qu’ils viennent, et que la libre concurrence, non faussée, soit défendue.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.

Monsieur le ministre, à l’heure où la dépense publique est soupesée au trébuchet de la rigueur, il est scandaleux qu’un secteur structurellement non rentable ne vive que de subventions. Je veux parler des onze bateaux dédiés à la pêche au chalut en eaux profondes.

Une étude anglaise de la New Economics Foundation rapporte que cette pêche entraîne une perte de 153 euros par tonne de poissons pêchés. En effet, il faut pêcher 1, 2 tonne de poissons au minimum pour obtenir une tonne de poissons vendables, valant 200 euros sur les étals d’une des dernières enseignes à proposer empereurs, sabres noirs et autres lingues bleues. Chaque tonne, vendable ou non, aura entraîné la consommation de 920 litres de fioul.

La simple lecture du bilan comptable d’un armateur en eaux profondes permet de découvrir que chaque tonne vendue génère donc une perte de 153 euros, malgré les subventions européennes et les aides portant sur le fioul.

Les chalutiers dédiés à une telle pêche entraînent un coût environnemental et énergétique d’au minimum 389 euros par tonne de poisson pêché. Si encore cette pêche au chalut était pourvoyeuse d’emplois ! Mais non : elle nécessite six fois moins de pêcheurs que la pêche à la palangre, moins destructrice des écosystèmes.

Un armateur de Boulogne-sur-Mer a compris l’absurdité économique de cette pêche et y a mis fin. Il est devenu bénéficiaire. Le plus gros des armateurs qui s’y livre encore semble avoir enfin pris conscience de cette réalité et envisage de changer de mode de pêche. Sa conversion ne date, certes, que d’avant-hier ! S’il a gagné la bataille au Parlement européen, il a, en effet, perdu la confiance des consommateurs et court, peut-être, derrière des concurrents plus prompts à reconnaître leurs erreurs.

Monsieur le ministre, alors que 772 000 pétitionnaires dénoncent le massacre des fonds marins par les chaluts et que des appels au boycott des vendeurs de cette pêche se font entendre, qu’entend faire le gouvernement français pour aider à la conversion de la dizaine de bateaux concernés à une pêche respectueuse de l’environnement – je crains toutefois que le Gouvernement ne partage pas ce souci – et moins coûteuse pour la France, tant financièrement que pour notre image de marque ?

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes

Madame la sénatrice, la pêche en France est en réalité bien plus encadrée aujourd’hui qu’il y a une dizaine d’années. L’état des stocks des espèces pêchées s’améliore, grâce à un partenariat étroit entre scientifiques et pécheurs. Il en résulte une pratique plus respectueuse de l’environnement. Il faut s’en féliciter.

Nous devons néanmoins aller plus loin encore et mieux encadrer la pêche en eaux profondes, afin de réduire son impact sur l’environnement marin.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué

Il est possible, en effet, de concilier la protection des écosystèmes marins profonds vulnérables et l’emploi direct et indirect généré dans nos ports par le secteur de la pêche.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué

C’est là tout le sens du vote du Parlement européen, qui vient de se prononcer pour un « encadrement renforcé » de la pêche profonde, sans aller jusqu’à son interdiction. Cette pêche concerne non pas seulement onze navires, mais plus de sept cents, d’après l’estimation produite par la Commission européenne.

Debut de section - Permalien
Thierry Repentin, ministre délégué

Les débats entre les États membres au sein du Conseil de l’Union européenne sont encore à venir : ce sujet relève de la codécision entre le Parlement européen et le Conseil.

La France s’est fixé un cap sur ce sujet, ainsi que le Premier ministre l’a rappelé lors de la grande conférence environnementale : elle participe activement aux discussions communautaires afin de mieux connaître et d’encadrer la pêche en eaux profondes. La France défendra donc une approche ambitieuse et équilibrée, garantissant l’équilibre entre les enjeux environnementaux, sociaux et économiques.

Concernant les aides, je vous rappelle que le régime européen est très strict dans le domaine de la pêche. Les aides directes pour le fonctionnement des entreprises sont interdites, ainsi que, depuis 1992, les aides à la construction d’un navire neuf. Pour le reste, les aides autorisées sont celles qui contribuent à améliorer l’exploitation durable de nos ressources. Il n’y a pas d’aides qui soient versées spécifiquement à la pêche profonde.

Madame la sénatrice, soyez assurée que, dans les négociations européennes, la France défendra cette approche à la fois ambitieuse et équilibrée, en n’oubliant pas qu’il s’agit d’un enjeu économique pour les zones maritimes et côtières de France.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Monsieur le Premier ministre, en ayant massivement augmenté les impôts depuis juillet 2012, sans ligne directrice, vous avez fait naître un sentiment d’incompréhension, voire de refus de l’impôt.

Notre économie et nos concitoyens souffrent aujourd’hui de ces hausses d’impôts, de ce matraquage fiscal qui ne devait concerner que les riches, mais qui touche tout le monde, et particulièrement les classes moyennes.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Et vous, qui nous matraquez, qu’avez-vous fait ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Tout le monde souffre des mesures économiques contradictoires que vous prenez !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Bertrand

Vous, c’était 600 milliards d’euros de dette en plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

En annonçant, sans préparation, une remise à plat de la fiscalité, vous ne faites qu’aggraver la confusion et accroître les risques d’effets très négatifs sur notre économie, du fait de l’instabilité que vous créez et que présagent les acteurs économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Monsieur le Premier ministre, n’est-il pas temps de nous munir d’un système fiscal qui soit lisible, cohérent, …

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

C’est précisément l’objet de la réforme que vous dénoncez !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

… qui s’inscrive dans la durée et qui soit coordonné à ceux de nos partenaires européens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Parce que notre économie a besoin, avant tout, de stabilité et de confiance, nous voudrions savoir, monsieur le Premier ministre, quelle est votre méthode.

Quel est le calendrier de la réforme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Quelle est sa logique d’ensemble ?

Ah ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

La fiscalité locale serait, paraît-il, traitée ultérieurement, …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Et vous, madame, que pensez-vous de cette réforme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

… dans dix ans, dit-on ! Pourquoi la fiscalité environnementale est-elle traitée à part ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Peut-être ne sera-t-elle pas traitée du tout ! Je pense ainsi à l’écotaxe.

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Monsieur le Premier ministre, nous regrettons d’ores et déjà que vous ne placiez pas cette réforme au service de la compétitivité de nos entreprises, …

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

La compétitivité, ils ne savent pas ce que c’est, et ils détestent les entreprises !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

… seules sources de création d’emplois durables, ni sous le signe d’une nécessaire réduction de la dépense publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Vous avez augmenté la dette de 600 milliards d’euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Je vous le dis, la seule réforme fiscale possible aujourd’hui, c’est la réduction de nos impôts !

Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre de l'économie et des finances.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, marquée, comme toujours, par la bonhomie, par la lucidité et par les signes d’encouragement que vous nous prodiguez.

Riressur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Le réel équilibre de votre position me touche profondément.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Elle fait toujours preuve d’une grande mesure !

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

M. Pierre Moscovici, ministre. Je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler la situation dans laquelle se trouvait la France en 2012.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Vous êtes aux commandes depuis plus d’un an maintenant !

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Je pourrais pourtant le dire durant cinq ans ! Car il s’agit bien de cela : du redressement des finances publiques du pays, que vous avez laissé avec un déficit supérieur à 5 % du PIB.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Il s’agit du désendettement du pays, car vous avez accumulé 600 milliards d’euros de dette publique en plus.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Il s’agit du redressement de la compétitivité du pays. Franchement, en vous entendant évoquer ce mot, on se pince, tant vous l’avez laissée se dégrader.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Et je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler vos mesures fiscales.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Il y a eu, tout d’abord le paquet fiscal, qui a creusé le déficit, …

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… puis les hausses d’impôts : plus de 1 % par an en 2010, en 2011…

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… et, en effet, en 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

M. Gérard Longuet. Et bonnets d’âne pour les autres !

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

M. Pierre Moscovici, ministre. Je me le dis parfois, plutôt que de vous livrer à ce genre de péroraisons, vous devriez vous excuser auprès des Français !

Bravo ! et applaudissementssur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Cela dit, je veux vous expliquer ce que le Premier ministre entend faire, car il s’agit précisément de remettre à plat notre système fiscal, …

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

C’est la raison pour laquelle nous allons nous attaquer à la fois à la fiscalité des entreprises, avec la volonté de préserver et d’améliorer la compétitivité, à la fiscalité des ménages, avec le souci de la simplifier et de la rendre plus juste, et au financement de la protection sociale, afin qu’il soit pérennisé, qu’il demeure approprié pour les partenaires sociaux et qu’il crée de la justice.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Vous le savez d’autant mieux que le Premier ministre a souhaité recevoir tous les groupes parlementaires et qu’il leur a offert, à tous, de s’associer à ce travail.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce travail doit trouver une première concrétisation dans le projet de loi de finances pour 2015, mais il prendra, en effet, plus de temps que cela

Ah ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

N’essayez pas de faire peur aux Français !

Marques d’ironie sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous souhaitons établir une fiscalité plus stable, plus simple, plus juste, plus lisible, pour redresser une situation que vous avez dégradée, et les Français le savent bien !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative.

Madame la ministre, le Gouvernement, depuis le début du quinquennat, a fait de la refonte de l’éducation sa priorité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

… en renforçant notamment les effectifs d’enseignants dans les établissements scolaires, avec le recrutement prévu de 8 804 équivalents temps plein en 2014.

En portant haut un discours de respect sur l’école, le ministre de l’éducation nationale a remporté un premier succès, puisqu’il y a eu plus d’inscrits aux concours de l’année 2013 que lors des années précédentes.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Vous n’aimez pas les professeurs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Cependant, malgré les efforts consentis, je souhaite attirer votre attention, madame la ministre, sur l’organisation exceptionnelle que requiert la rentrée scolaire 2014 dans les collèges de la Seine-Saint-Denis, afin de faire face aux nombreuses ouvertures d’établissements liées à une forte poussée démographique.

En effet, cinq collèges neufs seront livrés à la rentrée 2014, avec une capacité d’accueil de 600 élèves chacun. Ces ouvertures nécessitent la création de cinq nouveaux gymnases, de cinq cuisines centrales et d’un internat, lié au collège international de Noisy-le-Grand.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Le département a adopté dès 2010 un plan exceptionnel d’investissement de 723 millions d’euros en prévision de cette forte augmentation des effectifs scolaires, déjà constatée dans les écoles primaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gilbert Roger

Toutefois, il s’agit d’une situation inédite, puisque c’est la première fois que, dans un seul département, l’éducation nationale doit se préparer à l’ouverture concomitante de cinq collèges neufs supplémentaires.

Aussi, madame la ministre, je vous demande de bien vouloir m’indiquer comment l’éducation nationale compte préparer, très en amont, la nomination de l’ensemble des personnels d’éducation, qu’il s’agisse des principaux, des conseillers principaux d’éducation ou des professeurs.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – M. Jean-Vincent Placé applaudit également.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative

Monsieur le sénateur, je souhaite tout d’abord saluer l’action des personnels de l’éducation nationale, qui s’engagent chaque jour, …

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée

… sur des territoires comme celui de la Seine-Saint-Denis, où leur tâche n’est pas toujours aisée.

J’ai eu l’occasion de le constater récemment, en me rendant sur place pour observer l’organisation de la réforme des rythmes éducatifs. Je dois le dire, je suis très admirative de la manière dont ils s’impliquent, au jour le jour, afin de donner à ces enfants, qui ne bénéficient pas de toutes les facilités, les meilleurs moyens de réussir, grâce à la réforme que nous avons mise en place.

Comme vous le savez, depuis notre entrée en fonction, Vincent Peillon et moi-même avons essayé de corriger ce qui avait été fait précédemment.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée

Il est vrai que les agents et les élèves de Seine-Saint-Denis n’avaient pas eu le sentiment de constituer une priorité pour le précédent gouvernement…

C’est la raison pour laquelle nous avons fait un effort significatif pour affecter de nouveaux personnels dans l’académie de Créteil. Celle-ci a bénéficié de 405 postes supplémentaires pour l’enseignement public du premier degré et de 430 postes pour le second degré, de manière à tenter de régler la question lancinante des remplacements, toujours insuffisants dans ce département.

Vous le savez, nous essayons de privilégier en Seine-Saint-Denis des dispositifs tels que « Plus de maîtres que de classes », qui permettent de scolariser les enfants dès leur plus jeune âge.

Avant d’en venir au fonctionnement de ces cinq collèges, permettez-moi de saluer l’effort consenti par le conseil général pour offrir aux enfants de Seine-Saint-Denis des établissements de bonne qualité. À cet égard, je me félicite de la collaboration fructueuse menée avec le ministère de l’éducation nationale.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée

Comme à l’accoutumée, nous avons nommé chaque principal de collège, dont la mission est d’assurer le suivi des chantiers et de superviser la rentrée 2013- 2014.

Le nombre précis de personnels enseignants à nommer sera arrêté à la mi-janvier. Nous tiendrons évidemment compte des partenariats. De plus, nous menons un travail de sectorisation, afin de respecter le plus possible la mixité, et cela en liaison avec le conseil général.

Vous le savez, l’enquête PISA a une fois encore montré notre responsabilité à l’égard des enfants des quartiers populaires. C’est en travaillant ensemble que nous réussirons à relever ce défi redoutable.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Ma question s'adresse à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie.

Être autonome est l’une des conditions essentielles pour avoir une vie équilibrée et heureuse. C’est vrai à tous les âges et ça l’est manifestement plus encore pour les personnes âgées.

Le Président de la République et le Premier ministre vous ont confié, madame la ministre, une tâche immense. En effet, le Gouvernement a inscrit parmi ses priorités l’anticipation et la prévention de la perte d’autonomie.

Debut de section - Permalien
Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Pour reprendre les termes de l’une de vos déclarations, madame la ministre, « il n’y a pas de fatalité ; il est des situations sur lesquelles nous pouvons et nous devons agir pour préserver l’autonomie ».

Au cœur de la prévention, vous avez lancé le dispositif MONALISA. Quel bel acronyme, frais et souriant, pour dénommer une mobilisation nationale contre l’isolement social des âgés !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Qui peut nier l’importance du lien social dans la préservation de l’autonomie ? C’est un sujet essentiel partout, dans les villes comme dans les zones rurales. Qu’il s’agisse de l’adaptation des logements, de la téléassistance, des actions collectives, des ateliers associatifs portant sur l’activité physique ou la nutrition ou encore de l’aide à domicile, voilà autant de leviers pour la préservation de l’autonomie.

Madame la ministre, selon quel calendrier et avec quels partenaires comptez-vous mettre en œuvre ces orientations ?

Au moment où s’engage cette concertation, quelle place comptez-vous accorder aux caisses de retraite pour ce qui concerne le volet « anticipation » de votre projet de loi d’orientation et de programmation pour l’adaptation de la société au vieillissement ? Allez-vous répondre au besoin de clarification de leur fonction dans le champ de la gérontologie ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie.

Debut de section - Permalien
Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie

Monsieur le sénateur, vous l’avez souligné, le volet « anticipation et prévention » du projet de loi que nous présenterons au Parlement l’année prochaine est tout à fait essentiel : c’est le moteur même de ce texte.

Les nombreux baby-boomers, qui vieillissent, sont les premiers à accompagner massivement leurs parents dans le très grand âge, et ils ne veulent plus aujourd'hui se laisser surprendre : ils souhaitent anticiper et se préparer à cette nouvelle étape.

Les caisses de retraite jouent d’ores et déjà un rôle très important en la matière : elles accompagnent les retraités, les informent, les conseillent, et elles développent la culture de l’autonomie non seulement au moment du passage à la retraite, mais aussi tout au long de l’avancée en âge.

Elles ont orienté leur action sociale vers la préservation de l’autonomie, en faisant preuve d’un grand sens de l’innovation et en engageant une coordination entre les différents régimes. Elles développent une vision large de cette prévention, à la fois individuellement, sur les comportements favorables, et, collectivement, sur la dimension sociale. Elles financent des ateliers collectifs, que vous avez évoqués, et elles contribuent à l’amélioration des logements avec l’ANAH, l’Agence nationale de l’habitat, et au financement des logements-foyers et des résidences sociales.

Enfin, elles assurent le maintien à domicile des personnes relevant des GIR, les groupes iso-ressources, 5 et 6, c'est-à-dire les personnes en début de perte d’autonomie quand celles-ci connaissent des difficultés sociales. Sans ces caisses de retraite, ces personnes ne pourraient pas demeurer chez elles.

Les caisses de retraite interviennent également sur le lien social. À cet égard, vous avez souligné, monsieur le sénateur, la mobilisation nationale contre l’isolement social des âgés, le dispositif MONALISA. Elles y participent activement dans huit départements témoins, ce qui donne de très grands espoirs quant à la reprise du lien social pour toutes les générations.

La place des caisses de retraite dans la prévention est donc d’ores et déjà reconnue. Toutefois, nous allons plus loin. Nous engageons, avec les partenaires sociaux qui en sont les gestionnaires, un dialogue sur le renforcement de la convergence entre les régimes dans les différentes actions menées, et ce dans le prolongement des actions qu’elles ont amorcées, afin de formaliser un socle commun de l’action sociale, garantissant un égal accès à une politique publique nationale de prévention de l’autonomie.

Sur la base de ces travaux, nous devons améliorer la coordination de ces politiques avec les conseils généraux, dont le chef de filat sera confirmé dans le cadre de la future loi et qui travailleront en partenariat avec les agences régionales de santé.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le ministre, à la suite de la publication de votre décret concernant les rythmes scolaires, l’inquiétude et la colère des élus, des enseignants et des parents d’élèves ne s’apaisent pas.

À l'évidence, proposer au niveau national une réforme de ce genre, qui puisse s’adapter à la fois à une école isolée dans une zone rurale et à un groupe scolaire implanté dans une grande ville est tout simplement irréaliste.

Un cadre national ne peut se concevoir sans dérogations tenant compte des contraintes locales et, bien entendu, de la spécificité des territoires ruraux. Comment, par exemple, faire venir une heure chaque jour une personne diplômée pour encadrer les enfants, à moins de mettre en place une garderie, ce qui ne correspond pas à l’esprit du décret, sans parler de l’organisation et du coût des transports ?

C'est la raison pour laquelle le groupe UMP du Sénat a déposé, sur l’initiative de son président, une proposition de loi visant à permettre à chaque commune de s’organiser comme elle le souhaite pour proposer aux enfants et aux familles l’organisation la plus favorable.

Il semblerait que votre réforme ne permette pas d’agir positivement sur les rythmes biologiques de l’enfant, pourtant à la base du débat. Par ailleurs, si l’on en croit les expériences passées, les aménagements des rythmes scolaires seraient sans incidence sur les résultats des élèves.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

Il est facile de le constater, cette nouvelle organisation est techniquement très difficilement réalisable et financièrement inacceptable, d’autant que les communes doivent faire face, sur trois ans, à une baisse des dotations de fonctionnement. À titre d’exemple, cela représenterait, pour ma commune, environ dix points de fiscalité. Eu égard au ras-le-bol fiscal de nos concitoyens, cette nouvelle imposition n’est pas envisageable.

Monsieur le ministre, j’ai adressé une lettre à tous les maires de mon département pour demander au Gouvernement de renoncer à ce décret ou de laisser aux communes le libre choix de l’organisation du temps scolaire, tout en garantissant à celles-ci la compensation intégrale des charges.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

Je me suis toujours posé en défenseur de la ruralité et, aujourd’hui, je continue d’aider mes collègues maires, qui se débattent contre les multiples difficultés rencontrées.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Billard

M. Joël Billard. Monsieur le ministre, écoutez les voix qui montent de la France profonde et apportez aujourd’hui à nos concitoyens la réponse qu’ils attendent.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre de l'éducation nationale

Monsieur le sénateur, votre question comprend de nombreux éléments.

Tout d'abord, si les rythmes scolaires n’ont véritablement aucune incidence sur les résultats scolaires, je ne m’explique pas pourquoi les groupes parlementaires, y compris le groupe UMP, avaient engagé, avec mon prédécesseur Luc Chatel, une si longue consultation, qui a abouti à la même conclusion…

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

… que celle de l’Académie nationale de médecine et de l’ensemble des pédopsychiatres. Dans votre jeunesse, vous aviez quatre jours et demi de classe !

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

Il n’est pas légitime que la France soit le seul pays du monde à avoir, depuis 2008, quatre jours de classe. Vous l’avez vu récemment, cette situation a des conséquences sur le niveau scolaire des élèves.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

À moins d’avoir totalement changé d’avis en l’espace de deux ans, ce qui serait étonnant, vous ne pouvez donc pas considérer que l’instauration de nouveaux rythmes scolaires ne serait pas bonne pour l’apprentissage, alors que tout le monde l’a établi et que c’est ce que vous affirmiez vous-mêmes lorsque vous étiez aux responsabilités.

Concernant votre autre question, il ne faut pas confondre deux choses : notre Constitution et le code de l’éducation. L’éducation est un service public national et il revient à l’État de fixer le temps scolaire.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

Heureusement, l’organisation du temps scolaire est décidée par l’État. Cela a toujours été le cas et, en 2008, le retour aux quatre jours a été décidé sans consultation, …

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

… contrairement à ce que j’ai fait pour ma propre réforme.

En revanche – c’est sans doute ce qui pose un certain nombre de problèmes –, pour la première fois dans l’histoire des relations entre l’école et les collectivités, nous avons souhaité demander l’avis des maires…

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

… et les impliquer dans ce que l’on appelle « la coéducation », afin de construire non seulement le temps scolaire, mais aussi le temps périscolaire.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

Le temps périscolaire, vous êtes absolument libre, aujourd'hui comme hier, de l’organiser ! Il n’y a aucune contrainte. Le temps scolaire est géré par l’éducation nationale, qui assumera les cours du mercredi matin, tandis qu’il revient aux collectivités locales d’organiser, comme elle le faisait hier, le temps après la classe. En la matière, vous devrez, les uns et les autres, prendre vos responsabilités.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

… afin de vous permettre de mieux vous organiser. J’aimerais savoir ce que vous faisiez avant !

Le président de l’Association des maires ruraux de France a mis en place cette réforme dans sa commune et l’Association des maires de France, dont le président est un représentant de l’UMP, a indiqué que 80 % des maires ayant mis en place ce nouveau rythme scolaire en étaient satisfaits et que cela se passe mieux en milieu rural qu’ailleurs.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

N’hésitez donc pas à consulter vos collègues ! Ils vous montreront comment ils font.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

M. Vincent Peillon, ministre. Pour le reste, il y a peut-être une part de mauvaise volonté.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Vincent Peillon, ministre

Finalement, peut-être ne portez-vous pas aux élèves et aux enfants un intérêt qui soit à la hauteur des exigences de notre pays. D’ailleurs, vous l’avez prouvé lorsque vous étiez aux responsabilités : vous n’avez rien fait pour l’école de la République, si ce n’est la détruire progressivement !

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste. – Vives protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Rendez-vous aux élections de mars prochain !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

L’ordre du jour appelle, à la demande du groupe UMP, la discussion de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage, présentée par M. Pierre Hérisson et plusieurs de ses collègues (proposition n° 818 [2012-2013], texte de la commission n° 198, rapport n° 197, avis n° 193).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Pierre Hérisson, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, manifestement, cette proposition de loi n’attire pas les foules dans l’hémicycle !

Quoi qu’il en soit, il me revient aujourd’hui de présenter un texte qui ne doit pas être confondu avec la problématique générale des personnes vivant de manière itinérante dans notre pays. Cette proposition de loi, très sectorisée à cet égard, n’est pas contradictoire avec celle que j’ai déposée moi-même après avoir été, pendant deux fois six mois, en 2005 et en 2011, parlementaire en mission sur ce sujet.

Je voudrais profiter du temps de parole qui m’est imparti pour tenter de tordre le cou à un certain nombre d’amalgames.

Ce sujet important est traité par une loi fondatrice, celle du 5 juillet 2000, dite « loi Besson », du nom de Louis Besson, alors ministre du logement. Jean-Paul Delevoye en était le rapporteur au nom de la commission des lois, tandis que j’étais le rapporteur du texte au nom de la commission des affaires économiques.

Le texte que je présente aujourd'hui n’a pas vocation à être taxé d’électoraliste à l’approche d’échéances électorales locales et territoriales, puisque nous élirons le même jour les conseillers municipaux et les conseillers communautaires. Imaginez que nous ayons utilisé ce même genre d’arguments au motif que la loi Besson était discutée quelques mois avant les élections municipales de 2001 ! La même logique conduirait d'ailleurs à dire que, si la discussion de proposition de loi Raimbourg est prévue pour mai 2014, c’est pour reporter le débat après les municipales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Je ne crois pas un mot de tout cela ! Je le dis solennellement, nous sommes ici ce soir pour examiner ce texte, qui traite d’un sujet précis, et c’est tout.

J’ai occupé différentes responsabilités en lien avec ce sujet. J’ai été nommé une première fois parlementaire en mission par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et une seconde fois par le Premier ministre François Fillon. L’objet de ma mission était de faire évoluer le statut des gens du voyage pour tendre à le rapprocher le plus possible du droit commun.

J’ai lu, dans le rapport de la commission des lois, des interventions demandant l’abrogation de la totalité de la loi de 1969. Nous sommes un certain nombre à formuler la même demande, soutenue par l’Association des maires de France.

Je tiens à préciser, en accord avec mon collègue Jean-Claude Carle, qui s’est associé à cette proposition de loi, que le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a abrogé deux dispositions de la loi du 3 janvier 1969, supprimant notamment l’obligation faite aux gens du voyage d’être en possession d’un « livret » de circulation ou d’un « carnet » si elles n’ont pas de ressources régulières. Il ne me paraît pas utile de revenir sur ce sujet, sauf à décider d’abroger la totalité des carnets – il en existe encore deux.

Pour avoir été l’auteur de deux rapports sur le sujet, pour être intervenu à différentes reprises et, surtout, pour avoir été nommé par les Premiers ministres en exercice à plusieurs reprises président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, mais aussi représentant de la France à la commission Roms du Conseil de l’Europe, je veux prendre quelques minutes pour tordre le cou à certains amalgames.

Pour dissiper certaines confusions, je tiens à dire que les Roms sont des minorités ethniques issues, pour leur grande majorité, des pays de l’Est. Celles-ci doivent être gérées et traitées dans notre pays selon les lois et règlements sur l’immigration, en tout cas tant que les pays d’origine de ces minorités se trouvent dans la période transitoire, qui devrait normalement se terminer au 31 décembre 2013.

J’en profite pour dire que nous sommes nombreux à être en accord avec l’actuel ministre des affaires européennes, qui considère que ces pays n’ont pas aujourd’hui la capacité de faire respecter les nouvelles frontières de l’Europe. Il est urgent d’allonger la période transitoire pour pouvoir continuer à travailler sur ce sujet, qui est important et pour lequel le Conseil de l’Europe a émis un certain nombre de recommandations, dont certaines ont été votées par la France.

Je voudrais affirmer ici solennellement que les gens du voyage, ceux qui nous préoccupent aujourd'hui, sont aujourd’hui tous de nationalité française et tous des ressortissants de l’Union européenne. À l’exception de la problématique que je viens d’évoquer, il s’agit donc bien de traiter une question franco-française ! Je crois que c’est un point important pour la compréhension de ceux qui nous écoutent, de ceux qui nous lisent et de ceux qui sont à la peine sur ce dossier.

Avant d’évoquer le sujet précis qui nous occupe ce soir, je rappellerai les fondements de la loi de 2000, en particulier pour éviter certains amalgames qui, malheureusement, sont trop nombreux.

Tout d’abord, la loi du 5 juillet 2000 organise, dans le cadre de l’aménagement du territoire, les obligations faites aux communes de réaliser, sur le territoire national et à l’issue d’un schéma approuvé par le conseil général et par le préfet du département, l’accueil et le stationnement des gens du voyage, pour l’essentiel sur des terrains aménagés et prévus à cet effet. Il faut y ajouter le logement social adapté et les terrains familiaux, très rapidement cités dans la loi Besson.

Beaucoup d’entre nous voient dans ce volet une évolution en quelque sorte adossée au logement social. Elle concerne l’accueil des populations qui ont choisi de vivre de manière itinérante sur notre territoire, soit environ 400 000 personnes, dont la moitié est sédentaire ou semi-sédentaire. En effet, l’allongement de la durée de la vie et le vieillissement des populations font que certains, un jour, ont envie de poser leurs valises et de vivre de manière sédentaire sur le territoire. Au printemps prochain, lors de la discussion de la proposition de loi Raimbourg, nous aurons beaucoup à dire à cet égard et nous devrons essayer de trouver un consensus.

Mes chers collègues, il y a un enjeu d’importance dans la discussion qui s’ouvre dans cette enceinte. Nous allons, en effet, essayer d’envoyer un signal à l’adresse des 500 000 élus locaux de ce territoire pour leur dire que les réclamations faites à l’issue de l’été 2013 portent essentiellement sur la problématique des grands passages. J’y reviendrai tout à l’heure.

Ce ne sont pas des maires de gauche, de droite ou du centre qui sont en cause. Ce sont des élus locaux qui expriment la préoccupation de leurs habitants et de tous ceux qui ont du mal à accepter le vivre-ensemble parce qu’un certain nombre de problèmes réels se posent. Tel est bien le sujet de cette proposition de loi.

J’ouvre une parenthèse pour rappeler qu’un ministre de la République française a signé en 2004 une recommandation du Conseil de l’Europe reconnaissant la caravane comme un logement ou une habitation. Toutefois, cette question n’est pas réglée, car la transposition de la recommandation en droit national suscite hésitations et tergiversations.

Par ailleurs, les grands rassemblements, tels qu’ils sont définis dans la loi Besson, sont de la compétence de l’État, et de lui seul. Monsieur le président de la commission des lois, votre département fait exception. C’est, en effet, le seul département français où les gens du voyage, en l’occurrence, l’association « Vie et lumière », ont acquis une propriété agricole de plus de cent hectares. C’est là que se déroule le rassemblement évangéliste du printemps, avec plusieurs milliers de caravanes. Nous nous y sommes rendus, et j’ai lu les commentaires que vous avez faits au sujet de notre déplacement à Nevoy.

Je dois le dire, pour la partie des grands rassemblements, les choses sont bien organisées par les services de l’État. Je le dis ici et je le dirais si une autre majorité était en place, comme j’ai eu l’occasion de le dire sous de précédentes majorités : l’État fait son travail dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par la loi d’assurer l’organisation des grands rassemblements, qui dépassent parfois 30 000 personnes réunies au même endroit, dans des communes de moins de mille habitants.

Il arrive que les gens du voyage soient propriétaires des lieux. Dans ce cas, il est certain qu’ils s’y rendront tous les ans, voire deux fois par an. Le ministre de l’intérieur trouve cette solution plus facile que de trouver un terrain ailleurs, très souvent en milieu hostile. Sans faire de parallèle avec d’autres religions, Nevoy est ainsi en train de devenir le lieu de pèlerinage des évangélistes en France.

Ce dispositif fonctionne, tout comme l’article 1er de la loi Besson, relatif à la participation des communes à l’aménagement des aires d’accueil. On peut toujours imputer aux élus des retards dans la réalisation de ces dernières. Je le rappelle néanmoins, nous avons, sinon inscrit dans la loi, du moins affirmé ici même que le nombre de places dans les aires d’accueil aménagées devrait se situer à terme aux environs de 40 000. Or, à l’heure où nous parlons, 25 000 emplacements sont réalisés.

Certes, ce n’est pas suffisant, mais j’ai lu aussi, dans certains rapports qui n’ont pas de lien direct avec le vôtre, monsieur le rapporteur, que certains s’interrogeaient sur la nécessité des 40 000 places et se demandaient s’il ne fallait pas panacher entre des aires d’accueil aménagées et l’évolution plus rapide des terrains familiaux, afin de permettre des sédentarisations ou des semi-sédentarisations. En additionnant les unes et les autres, on devrait répondre à la demande formulée par cette moitié des 400 000 personnes qui sont, aujourd’hui, soit des voyageurs permanents, soit des voyageurs occasionnels ou saisonniers.

J’en viens au problème des grands passages. Comment les définir ? Il faudra compléter la loi, insuffisante à cet égard. L’origine des grands passages est à vocation cultuelle. Je ne dis pas qu’il faut écarter toute autre forme de grand passage, mais l’origine de ces derniers, ce sont les missions évangéliques, qui étaient censées faire des haltes sur le terrain en direction du lieu de rassemblement annuel.

Une évolution a donc eu lieu. La circulaire définit plus ou moins bien le grand passage : deux cents caravanes au maximum sur quatre hectares au maximum, avec les services publics de la commune à disposition, l’attribution de l’eau, de l’assainissement, des équipements publics et des réseaux publics nécessaires à une vie normale sur le territoire.

Le lien avec le raccordement électrique ne doit évidemment pas être empêché par les élus sur ce territoire, dès lors qu’il s’agit d’alimenter en électricité le terrain qui fait partie du schéma départemental.

Il est vrai que, sur ce point, on peut se demander pourquoi tant de difficultés sont survenues au cours de l’année 2013. Je pense, en particulier, à la Haute-Savoie. Pourtant, dans ce département, le schéma est appliqué. Il compte quatre aires de grand passage, dont l’une est fixe et trois sont mobiles. Le préfet est efficace, il a engagé des procédures et des expulsions, avec le concours de la force publique, pour faire respecter la loi et le schéma départemental.

Bien sûr, certains départements français sont plus concernés que d’autres par ces grands passages : si une dizaine d’entre eux voient une population importante de gens du voyage se déplacer sur leur territoire; dans une trentaine d’autres, on n’a jamais entendu parler de grands passages ni même de gens du voyage !

Pourquoi voulons-nous aujourd'hui donner un tel signal ? Certains ont dit que notre démarche répondait à une préoccupation électoraliste. Diverses explications ont été avancées. Moi, je prétends que cette proposition de loi est tellement ciblée sur les grands passages que, par définition, en quelque sorte, elle est déséquilibrée en ce sens qu’elle ne traite que d’une partie du sujet, notamment de ce qui a causé certains désordres publics et créé des difficultés que nous aborderons plus précisément au fur et à mesure de l’examen des amendements.

Je vous le dis d’emblée, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, nous voterons certains de ces amendements. En effet, dès lors qu’il s’agit, par exemple, de renforcer les pouvoirs du préfet, je demande qui parmi nous pourrait s’y opposer !

Il ne faut pas que les gens du voyage voient dans cette proposition de loi autre chose qu’un texte visant à aggraver les sanctions à l’encontre de ceux qui ne respectent rien, qui détruisent les terrains de sport, non sans avoir préalablement cassé des portails, qui utilisent indûment et dégradent ce qu’on appelait autrefois les « commodités » ou toute autre de ces installations qu’on trouve en général au sein ou aux abords des équipements sportifs. En fait, par cette proposition de loi, nous cherchons au contraire à donner du crédit aux associations qui ont aujourd'hui bien du mal à maîtriser ceux qui donnent une image déplorable des gens du voyage sur nos territoires.

Depuis 2000, j’ai eu l’occasion de rencontrer des responsables d’associations de gens du voyage ainsi que des responsables de différentes confessions chargés d’animer les rassemblements religieux sur le territoire. Comme dans toute la société française, il y a des gens très bien, mais il y a aussi, malheureusement, des délinquants ou des gens qui ne savent pas se conduire. Or, c’est vrai, on constate une aggravation de la délinquance et des détériorations des équipements publics qui nous imposent d’envoyer un signal aux élus : nous devons leur montrer que les parlementaires s’occupent d’eux et cherchent à renforcer les obligations propres à assurer une certaine discipline sur le terrain.

Tout cela doit, bien entendu, s’inscrire dans la poursuite d’une relation de confiance avec les représentants des gens du voyage.

Je crois qu’on n’est jamais récompensé d’un bienfait et, comme le disait un homme politique il y a une dizaine d’années, il faut toujours se faire pardonner les services que l’on rend ! Il m’arrive d’inviter les responsables des gens du voyage à la Commission nationale consultative, car il est intéressant d’avoir l’avis de personnes qui prennent en charge un dossier ; lorsqu’ils s’affichent en tant que membres éminents de cette commission, il me semble que c’est une façon de me remercier de les avoir invités !

À l’évidence, je plaide pour le vote de ce texte, et j’espère que nous pourrons rétablir l’article 1er. J’appelle tous ceux qui connaissent bien le sujet et qui sont par ailleurs présidents d’associations de maires, responsables d’organisations ou membres des commissions départementales à faire comprendre dans cet hémicycle que l’article 1er est un signal, et rien d’autre.

Je n’ai d’ailleurs pas vu beaucoup de magistrats utiliser l’actuel article 322-4-1 du code pénal pour prononcer des sanctions. En effet, ils préfèrent punir ceux qui ont commis le délit visé par une indemnisation ou un remboursement à la collectivité des dégradations que ceux-ci ont causées.

Je vous appelle donc, mes chers collègues, à voter cette proposition de loi dans sa version initiale, telle que je l’ai déposée avec Jean-Claude Carle et un certain nombre d’autres collègues. J’ai d’ailleurs été surpris, monsieur le président de la commission des lois, que vous en ayez changé le titre : ce n’est pas dans les usages de cette maison. Mais vous aurez sûrement de bonnes raisons à avancer pour vous en expliquer.

Oui, j’ai de la suite dans les idées ! Cette proposition de loi traite d’un sujet d’urgence, mais elle s’inscrit dans la lignée de celle de Dominique Raimbourg, qui je l’espère, sera examinée au mois de mai prochain, et elle s’inspire pour l’essentiel de ma proposition de loi de 2012, mais surtout du dernier rapport de parlementaire en mission que j’ai rédigé sous l’ancienne majorité : Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun. « Proche du droit commun » parce qu’il est en effet nécessaire d’offrir à ces populations certaines dispositions leur permettant de vivre dans la légalité sur le territoire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

En conclusion, je reprendrai, avec l’autorisation de Jacques Mézard ce qu’il a dit en commission. On peut s’interroger sur l’opportunité de ce texte, mais je crois avoir démontré celle-ci devant vous. En tout cas, nous n’omettrons pas de réfléchir à ce qui se passe sur le terrain, et qui n’a pas grand-chose à voir avec la « vision » de certains ; je n’en dis pas plus : ceux qui sont concernés comprendront de quelle vision je veux parler.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la très grande majorité des 36 767 maires de France et des 500 000 élus locaux n’ont pas d’étiquette politique, mais ils sont dans l’attente de ce texte, non pas parce que les élections municipales approchent, mais parce qu’ils voient arriver la prochaine saison « touristique » et préfèrent qu’elle se déroule comme nous le leur promettons à travers ce texte.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer la grande connaissance du sujet qui est celle de M. Pierre Hérisson.

Je souhaite ensuite apporter une précision concernant la commune de Nevoy, que M. Hérisson connaît bien puisqu’il est venu à plusieurs reprises assister au grand rassemblement que l’association Vie et Lumière y organise chaque année.

Cette commune reçoit en effet, chaque printemps, ce très grand rassemblement, qui a lieu dans une propriété appartenant à l’association en question. M. le maire de Nevoy, son conseil municipal, les élus du Giennois et les autorités de la préfecture font tout leur possible pour que cet événement se déroule au mieux.

Il est évidemment très difficile d’organiser un même rassemblement deux mois plus tard, pendant l’été, sur le même lieu. Beaucoup d’élus éprouvent des réticences à accueillir un très grand rassemblement ; il n’est donc pas facile d’en accueillir deux !

C’est pourquoi les élus du département avaient été reçus il y a quelque temps par le ministre de l’intérieur. Son administration s’était engagée à trouver un autre terrain et à faire en sorte qu’il soit affecté au grand rassemblement de l’été. Cela s’est effectivement produit une fois, mais, l’an dernier, après qu’on m’eut dit : « On cherche », au mois de juillet, il s’est avéré que l’on n’avait pas trouvé de terrain.

Bien entendu, un tel rassemblement peut susciter des tensions notables avec la population. Notre but est de les apaiser, non de les exacerber.

Pour cette raison, l’association Vie et Lumière souhaite ardemment que le deuxième pèlerinage, celui qui a lieu pendant l’été, ait lieu sur un autre terrain, que ce soit au nord ou au sud de la France. De leur côté, les élus de Nevoy et du Giennois sont tout à fait d’accord pour accueillir le grand rassemblement du printemps.

Il s’agit d’une question de responsabilité et de bonne entente. C’est pourquoi j’ai sollicité une rencontre avec M. le ministre de l’intérieur, qui nous a fait savoir qu’il nous recevrait prochainement.

Nous pensons qu’il faut déterminer en amont quels seront les terrains – il en faudrait deux ou trois – destinés à accueillir dans de bonnes conditions ces deux très grands rassemblements, celui du printemps et celui de l’été. Cela suppose une importante préparation : on ne peut pas trouver de solution au mois de juillet si l’on n’a pas anticipé la chose plusieurs mois auparavant.

Vous en conviendrez sans doute, monsieur Hérisson, nous pourrions ainsi contribuer à bien gérer ces grands rassemblements qui ont pleinement droit de cité dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « renforcer les sanctions prévues dans la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage », tel était et tel est toujours, monsieur Hérisson, le titre de la proposition de loi que nous examinons cet après-midi. J’oserai dire malheureusement, parce que, en commission, nous avons essayé d’équilibrer le texte. Mais il s’agit bien toujours, hélas, de renforcer les sanctions en question.

C’est un sujet très sensible, qui ne peut pas être traité dans la précipitation. Sur bien des points que vous avez évoqués, monsieur Hérisson, ce qui est en cause, c’est le statut des gens du voyage dans la République.

Ce statut reste discriminatoire, même si la censure partielle, en 2012, de la loi de 1969 a légèrement adouci les dispositions qui visaient ces populations.

On ne peut pas se poser la question du respect de la loi par les uns – et celle des moyens de la faire appliquer – sans s’interroger sur son respect par les autres : je veux parler, d’un côté, des stationnements illicites et, de l’autre côté, du non-respect par un certain nombre de villes de leurs obligations résultant de la loi de 2000.

Environ 16 000 aires d’accueil prévues dans les schémas départementaux ne sont pas réalisées aujourd’hui. Il est difficile de soutenir que le schéma départemental a un sens tout en considérant que la non-réalisation de ces aires n’aura pas de conséquences.

Le groupe de l’UMP nous propose de nous saisir du sujet. Alors, profitons de l’occasion pour aborder l’ensemble du problème à partir de deux interrogations. D’une part, quel statut pour les Français itinérants ? D'autre part, comment faire respecter la loi, à la fois par les gens du voyage dans le cas de stationnements illicites dans les communes qui remplissent leurs engagements et par les collectivités au regard des obligations que leur fixe une loi votée il y a plus de treize ans ?

Or vous nous proposez, monsieur Hérisson, de ne nous intéresser qu’à un aspect des choses et c’est pourquoi votre proposition de loi est déséquilibrée. Vous l’avez dit vous-même : il s’agit moins de faire une loi que de faire une annonce ! Moi, je pense que, sur un sujet aussi sensible, il faut travailler de façon équilibrée. Ce sera, je l’espère, le sens du débat que nous aurons aujourd’hui.

Vous avez évoqué le travail réalisé depuis plus de dix-huit mois au sein du ministère de l’intérieur et par Dominique Raimbourg sur cette question lourde, aux implications multiples. Je souhaite que le temps dont nous disposons nous permette d’avancer sur ces sujets.

Je reviendrai d’abord sur le statut des gens du voyage. Bohémiens, saltimbanques, forains et nomades, puis gens du voyage : les dénominations ont changé à travers le temps. Ce statut se fonde sur la loi du 16 juillet 1912 relative à l’exercice des activités ambulantes et la réglementation de la circulation des nomades. Cette loi se trouve à l’origine des carnets anthropométriques, qui ont eu pour conséquences les internements entre 1940 et 1946, mais aussi d’une très forte discrimination perdurant au-delà de cette sinistre période.

En 1969, les carnets anthropométriques ont été remplacés par des carnets et des livrets de circulation qui obligeaient leurs détenteurs, en fonction de leur statut professionnel, à pointer tous les trois ou six mois et qui les plaçaient dans des situations totalement dérogatoires par rapport aux droits des citoyens français.

Il est heureux que la question prioritaire de constitutionnalité de 2012 ait eu pour effet la censure partielle de ces dispositions. Mais, comme le soulignait le préfet Hubert Derache, paraphrasant Aimé Césaire, « les voyageurs ont longtemps été considérés comme des Français entièrement à part, non comme des Français à part entière ».

Lorsque nous traitons de ce sujet, nous devons aussi nous pencher sur la question de la place et du sort que la République réserve aux gens du voyage, car ils sont aussi ses enfants.

En cette période difficile sur le plan économique, nous ne devons pas confondre intégration et assimilation. Chacun, quelles que soient ses spécificités, doit pouvoir trouver sa place dans la communauté nationale. L’enjeu de ce débat est de faire en sorte que cette intégration se passe correctement.

Lors de l’élection présidentielle de 2012, des Français n’avaient toujours pas le droit de voter s’ils n’étaient pas rattachés à une commune depuis plus de trois ans. Le saviez-vous, mes chers collègues ? Pour ma part, je ne l’ai appris que récemment. La question prioritaire de constitutionnalité a permis de mettre fin à cette situation hallucinante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Nous ne pouvons pas, à la fois, demander aux gens du voyage de respecter la loi et refuser de leur accorder les mêmes droits qu’à l’ensemble de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Trouver sa place dans la société, c’est un enjeu d’importance pour les gens du voyage. Nous devons y répondre en leur offrant l’égalité des droits. Et le Sénat s’honorerait aujourd’hui, face à la présente proposition de loi, de voter, dès le début de la discussion des articles, l’abrogation de la loi de 1969.

S’agissant du stationnement, nous pourrions penser que la loi de 1969, certes discriminatoire, permet cependant de disposer d’éléments statistiques, par exemple sur l’effectif des gens du voyage en voie d’installation ou semi-sédentaires. Or, si l’on connaît le nombre exact de titres de circulation des personnes âgées de plus de seize ans – 313 545 en juin 2011 –, la Cour des comptes reconnaît dans son rapport sur le sujet que la situation est fort mal connue. On en est donc réduit à faire des estimations sur le nombre d’enfants ou les mouvements de ces Français itinérants.

En face de ces 313 545 titres de circulation, nous affichons un objectif qui est de créer 41 000 places dans les aires d’accueil. Je me dis que, même s’il existe d’autres solutions d’installation, le décalage est flagrant !

Selon les différents rapports relatifs à cette question, le nombre de Français itinérants est estimé entre 250 000 et 500 000. Cette estimation du simple au double a tout de même quelque chose d’étonnant ! Nous disposons pourtant d’outils qui nous auraient permis de pousser plus loin l’analyse de la situation. Du fait de ce défaut d’analyse précise, nous ne pouvons ni répondre de façon satisfaisante aux enjeux de scolarisation et d’accès aux soins, très importants pour cette population, ni différencier l’itinérance voulue et revendiquée de celle qui est subie, parce que liée à la précarité sociale.

Sur tous ces aspects, il est regrettable que nous ne disposions pas d’une meilleure connaissance statistique de cette population, de ses besoins et de leurs évolutions. Une fois encore, je m’interroge sur le décalage qui existe entre le nombre de titres de circulation, l’effectif estimé de gens du voyage et le nombre de places dans les aires d’accueil : comment assurer une fluidité de la circulation et un réel respect de la loi dans de telles conditions ?

La loi fondatrice du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage fixe le régime des conditions du séjour sur le territoire communal des personnes dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles.

Cette loi confie aux communes la responsabilité de créer des aires d’accueil, attribue à celles qui la respectent des moyens renforcés pour lutter contre les stationnements illicites et investit l’État comme garant de cet équilibre, tout en lui imposant une contribution financière destinée à permettre aux communes de réaliser des emplacements.

Un schéma départemental établi sur la base d’un diagnostic des besoins et de l’offre existante prévoit les secteurs géographiques d’implantation des aires permanentes d’accueil et les communes qui doivent les accueillir.

Les communes de plus de 5 000 habitants doivent aménager une aire. Mais le schéma peut en identifier d’autres, soit parce qu’il apparaît nécessaire d’installer des emplacements dans une zone peu urbanisée, soit parce que, du fait d’un accord intercommunal, la réalisation d’une aire prévue sur le territoire d’une commune de plus de 5 000 habitants est transférée sur celui d’une autre commune.

Le schéma départemental, élaboré par le préfet et le président du conseil général, devait être approuvé conjointement dans les dix-huit mois de la publication de la loi du 5 juillet 2000, après avis du conseil municipal des communes concernées et de la commission départementale consultative des gens du voyage. Passé ce délai, il est approuvé par le seul préfet et doit être révisé tous les six ans.

Les communes inscrites au schéma peuvent, soit exercer elles-mêmes cette compétence, soit la transférer à l’intercommunalité dont elles sont membres – cette compétence est de plein droit pour les communautés urbaines et les métropoles –, soit la mettre en œuvre dans le cadre de conventions intercommunales, en contribuant financièrement à l’aménagement et à l’entretien des aires d’accueil.

Les communes inscrites au schéma disposaient d’un délai initial de deux ans pour réaliser les aires d’accueil. Ce délai a été prorogé de deux ans pour les communes ou EPCI ayant manifesté la volonté de se conformer à leurs obligations : localisation de l’aire, acquisition des terrains, lancement d’une procédure d’acquisition des terrains nécessaires, réalisation d’une étude préalable, autant de démarches qui exigent du temps. Ces collectivités ont bénéficié d’un délai supplémentaire jusqu’au 31 décembre 2008 si, au terme du précédent délai, elles n’avaient pas pu s’acquitter de leur engagement.

Les communes ou les EPCI peuvent gérer directement les aires ou en confier la gestion à une personne publique ou privée.

Malgré les moyens offerts par la loi, les schémas n’ont été que partiellement mis en œuvre, avec de fortes disparités régionales.

Au 31 décembre 2010, 52 % des aires d’accueil et 29, 4 % des aires de grand passage étaient effectivement réalisées. En novembre 2013, les chiffres avaient tout de même progressé : 64 % pour les aires d’accueil, mais seulement 31, 4 % pour les aires de grand passage. La moyenne de réalisation de ces aires s’établit aujourd’hui à 64 %.

De nombreux départements ont désormais dépassé le taux de 80 %, certains – l’Aube, l’Aveyron, le Cantal et quelques autres – atteignant même celui de 100 %. En revanche, l’Île-de-France, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône et l’Hérault affichent les plus bas taux de réalisation d’aires d’accueil. Pour expliquer ces mauvais chiffres, plusieurs explications peuvent être invoquées, parmi lesquelles les difficultés foncières.

Quoi qu’il en soit, la loi, qui a pourtant été votée voilà treize ans, n’est pas encore pleinement appliquée : pour les aires d’accueil, les objectifs fixés n’ont été atteints qu’aux deux tiers et au tiers seulement pour les aires de grand passage.

Cela pose un problème aux communes qui ont respecté la loi...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

... et qui constatent que celles qui ne la respectent pas ne sont pas sanctionnées.

Ne durcissons pas les relations entre les gens du voyage et les communes, en faisant comme si toutes les communes étaient vertueuses, car ce n’est pas le cas !

L’ordre républicain doit prévaloir et conduire à ce que la loi s’applique à tous : aux gens du voyage qui s’installent de manière illicite là où ils trouvent de la place, mais aussi aux communes, qu’il s’agit d’inciter à remplir leurs obligations.

Les mécanismes du respect des droits et devoirs, à l’évidence, ne fonctionnent pas. Ils doivent donc être revus. Tel est l’objet de la concertation qui est engagée depuis un an et demi. Nous aimerions que des dispositions en ce sens soient introduites dans cette proposition loi, qui n’a, pour le moment, qu’une vocation de sanction, comme l’indique son intitulé même. Or la seule sanction serait contre-productive par rapport au problème posé.

J’en viens aux conditions de financement des aires.

Afin d’obliger les communes à respecter leurs engagements, il est prévu que, si une commune ou un EPCI n’a pas satisfait à ses obligations à l’expiration des délais légaux et après une mise en demeure infructueuse par le préfet dans les trois mois, l’État peut alors acquérir les terrains nécessaires, réaliser les travaux d’aménagement et gérer les aires d’accueil au nom et pour le compte de la collectivité défaillante.

Force est toutefois de constater que, pour l’instant, cette procédure n’a pas été mise en œuvre. Il convient donc de réfléchir à des contraintes plus progressives, visant à obliger les communes défaillantes à remplir leurs obligations.

S’agissant des obligations prévues par la loi de 2000, les maires des communes vertueuses disposent de prérogatives spécifiques en matière de stationnement illicite. Ils peuvent ainsi interdire le stationnement des résidences mobiles sur le territoire communal en dehors des aires d’accueil aménagées.

En cas de stationnement irrégulier, l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000, modifié en 2007, organise une procédure encadrée d’évacuation administrative mise en œuvre par le préfet à la demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain occupé, en cas d’atteinte à l’ordre public. Dans ce cas, le préfet met en demeure les occupants de quitter les lieux, à la condition que le stationnement porte atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. Il fixe alors un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Dans ce délai, le mis en demeure, le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage saisit, s’il le souhaite, le tribunal administratif aux fins d’annulation de l’arrêté préfectoral, et ce recours est suspensif. Le juge statue dans les soixante-douze heures de sa saisine.

Si l’occupation se poursuit au-delà du terme fixé, sans que le tribunal soit saisi, le préfet peut procéder à l’évacuation forcée des résidences mobiles, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain dans le délai d’exécution de la mise en demeure. Dans ce cas, le préfet peut demander à celui-ci de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte à l’ordre public dans un délai qu’il fixe, sous peine d’une amende de 3 750 euros.

Ce dispositif peut être mis en œuvre par le préfet dans les communes non inscrites au schéma départemental.

Votre proposition de loi, monsieur Hérisson, vise à renforcer l’arsenal répressif du stationnement illicite des gens du voyage, en particulier par une accélération de la mise en œuvre de l’évacuation forcée des caravanes.

Il s’agit d’un problème sensible, notamment, je l’ai dit, pour les communes qui respectent leurs engagements, et il faut y répondre en veillant à assurer un certain équilibre.

Les cinq premiers articles de la proposition de loi initiale tendent à renforcer l’efficacité des modalités de mise en œuvre prévues jusqu’à présent par le législateur pour lutter contre les occupations illicites, et non pas seulement, contrairement à ce que vous avez indiqué, monsieur Hérisson, contre les problèmes survenant lors des grands passages et des grands rassemblements, lesquels sont visés aux seuls articles 6 et 7.

L’article 1er tend à doubler les peines prévues pour réprimer le fait de s’installer en réunion en vue d’établir une habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant soit à une commune qui a respecté ses obligations au regard du schéma départemental des aires d’accueil ou qui n’y est pas inscrite, soit à tout autre propriétaire sans autorisation de sa part. Ce délit est aujourd’hui sanctionné de six mois d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 euros.

Les articles 2 à 5, d’une part, assouplissent les motifs fondant la mise en demeure par le préfet de quitter les lieux et, d’autre part, réduisent les délais entourant le recours contre cette mesure. La procédure pourrait être déclenchée en l’absence d’atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. Le délai d’exécution de la mise en demeure serait de vingt-quatre heures au plus. Celui-ci serait ramené à six heures en cas de récidive. En cas de recours contre la mise en demeure, le délai fixé au juge pour statuer serait abaissé de soixante-douze heures à quarante-huit heures. On est fondé à se demander si tout cela est bien réaliste !

Les deux derniers articles visent à permettre une meilleure organisation des déplacements de grande ampleur.

L’article 6 confie à l’État la responsabilité du bon ordre des grands passages et des grands rassemblements occasionnels ou traditionnels des gens du voyage. Pourquoi pas ? Mais, tel qu’il est rédigé, cet article ne concerne que les communes à police étatisée.

L’article 7 prévoit la signature, trois mois avant l’arrivée des caravanes, d’une convention entre les représentants des gens du voyage et le maire concerné, convention destinée à préciser les conditions d’occupation du terrain. Là encore, pourquoi pas ? Mais j’observe qu’aucun seuil n’est prévu : même s’il n’y a que dix caravanes, l’article s’applique !

Alors, que dire de cette proposition de loi ? Je le répète, le sujet est complexe puisqu’il touche aux questions du logement, de l’aménagement du territoire, de l’éducation, de l’accès à la santé.

Depuis dix-huit mois, toutes ces problématiques ont été étudiées avec attention, en particulier dans le rapport commandé au préfet Derache par le Premier ministre. Elles ont aussi fait l’objet d’une proposition de loi du député Dominique Raimbourg visant à apporter une réponse globale.

Ces dix-huit mois ont également été consacrés à la vérification d’un certain nombre d’informations. D’une certaine manière, vous avez été plus rapide que nous, monsieur Hérisson, mais votre proposition de loi ne tire pas tous les fruits de la concertation et du travail menés.

Je le dis une nouvelle fois, il faut équilibrer les exigences pour que la loi soit crédible. Il est donc important d’intégrer les gens du voyage dans le droit commun, mais aussi de trouver ensemble un dispositif équilibré, entre les contraintes imposées aux gens du voyage, la possibilité d’évacuer les terrains en cas d’occupation illicite dans les communes vertueuses et le pouvoir de substitution du préfet, une mesure qui n’a jamais été mise en œuvre.

J’ai essayé, en commission, de proposer un certain nombre d’aménagements afin d’équilibrer cette loi. Mais le refus qu’y a opposé une partie des membres de notre commission me contraint aujourd’hui à vous soumettre un texte de la commission qui reste malheureusement déséquilibré. J’espère que la séance nous permettra de réparer ce défaut.

L’article 1er de la proposition de loi initiale tendait à doubler le montant des sanctions prévues par le code pénal. Aujourd’hui, si l’occupation illicite est réprimée par une peine pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende, après mise en demeure de quitter les lieux, mais il y a très peu de condamnations : le rapport du député Didier Quentin souligne que les dispositions du code pénal sont actuellement utilisées plus pour menacer que pour sanctionner. Il m’a donc semblé utile de supprimer l’article 1er, et la commission m’a suivi sur ce point.

L’article 2 visait à supprimer, d’une manière générale, la condition d’ordre public qui autorise la mise en demeure de quitter les lieux en cas de stationnement illicite. Or il existe en la matière une jurisprudence du Conseil constitutionnel qui fait obstacle à toute mesure de police administrative qui ne serait pas justifiée par la nécessité de sauvegarder l’ordre public. J’ai donc proposé que le préfet puisse passer outre cette condition s’il est en mesure de proposer des emplacements disponibles dans un rayon de 30 kilomètres autour de la commune concernée. La commission m’a suivi sur ce point également.

L’article 3 concerne le délai d’exécution de la mise en demeure. Actuellement, celui-ci ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Et vous proposez, monsieur Hérisson, qu’il ne puisse être supérieur à vingt-quatre heures ! Franchement, j’aimerais bien voir comment vous vous y prendriez, si vous étiez préfet, pour procéder à l’évacuation d’un terrain, quel qu’il soit, en moins de vingt-quatre heures !

Si la loi a simplement vocation à être déclarative, autant la faire en chantant ! Nous devons rester dans le réel. Or la mesure que vous proposez n’est pas crédible ! Par conséquent, elle ne serait pas dissuasive.

En revanche, il m’est apparu que, si le terrain indûment occupé était tel que son évacuation serait difficile, et que le préfet avait donc besoin de temps, cela ne devait pas ouvrir un délai inconsidéré pour introduire un recours en annulation. C’est pourquoi il m’a semblé plus équilibré, plus réaliste et donc plus utile de proposer que le recours en annulation ne puisse être introduit que dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la mise en demeure. Là encore, la commission m’a suivi.

Sur l’article 4, relatif à la récidive, je suis très réservé. En effet, il est difficile d’établir la réalité d’une récidive si, comme c’est en pratique le cas la plupart du temps, les mises en demeure ne sont pas nominatives. De plus, le délai de six heures envisagé pour l’exécution de la mise en demeure en cas de récidive ne serait manifestement pas opérationnel, pour les raisons que j’ai précédemment indiquées.

N’ayant pas eu la possibilité, lors de l’examen en commission, de présenter un amendement propre à corriger ce caractère non opérationnel, je serai amené à en défendre un tout à l'heure.

J’ai déjà évoqué les articles 6 et 7.

En conclusion, je dirai que nous ne pouvons pas aborder ce sujet par petits morceaux et en occultant une partie de ses aspects, car il renvoie à notre conception de la République, de la Nation et aussi de la fraternité.

Une loi, monsieur Hérisson, ne saurait être un communiqué de presse. Nous ne sommes pas ici pour faire des communiqués en direction des 500 000 élus de France ! Nous travaillons sur la loi et nous devons le faire sérieusement, en ayant le sens de l’État et le sens de l’équilibre, mais aussi en ayant le souci d’intégrer les Français itinérants dans le droit commun et de doter l’État des moyens de faire respecter la loi, les lois, toutes les lois.

La proposition de loi de Dominique Raimbourg a été élaborée dans cet esprit et c’est dans cette voie que nous devons nous efforcer d’avancer.

La mise en œuvre d’une politique publique de cette nature, dont dépend la place de centaines de milliers de Français dans la collectivité nationale, ne saurait souffrir une quelconque improvisation.

Nous devons nous libérer de tous les préjugés, de tous les raccourcis, de tous les amalgames, travailler dans la sérénité et non dans l’émotion, de manière à produire finalement une belle loi, représentant une avancée pour les uns et pour les autres. C’est ce que je vous propose de faire au cours des quatre prochaines heures. §

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission des affaires économiques s’est saisie pour au moins deux raisons de la proposition de loi visant à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage que nous examinons aujourd’hui.

D’une part, la proposition de loi modifie plusieurs dispositions de la loi Besson du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, dont la commission des affaires économiques s’était déjà saisie pour avis. Notre collègue Pierre Hérisson était alors, d’ailleurs, le rapporteur pour avis de ce projet de loi.

D’autre part, les questions d’accueil et d’habitat des gens du voyage sont étroitement liées aux problématiques de logement et d’urbanisme, qui relèvent du champ de compétence de notre commission.

En 2012, à l’occasion de la discussion du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, dont notre collègue Claude Bérit-Débat était le rapporteur, le Sénat avait ainsi examiné des amendements déposés par nos collègues du groupe UMP visant à ce qu’un emplacement d’aire destinée à l’accueil des gens du voyage soit pris en compte au titre de l’article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU.

Avant d’en venir au texte de la présente proposition de loi, je rappelle que la France est l’un des rares pays à avoir adopté une législation spécifique consacrée à l’accueil des gens du voyage.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

La loi Besson est une loi d’équilibre, comme le soulignait d’ailleurs le rapporteur du Sénat sur ce texte, notre ancien collègue Jean-Paul Delevoye. Il indiquait alors que ce texte visait à « favoriser l’aménagement, sur quelques années, d’un nombre d’aires suffisant pour faire face aux besoins, [... à prendre] plusieurs dispositions destinées à soutenir financièrement les communes dans la réalisation et la gestion des aires d’accueil [et à] renforcer […] les moyens juridiques permettant de lutter contre les occupations illicites ».

L’article 1er de cette même loi prévoit ainsi l’établissement, dans chaque département, d’un schéma départemental qui identifie des secteurs géographiques disponibles pour l’implantation des aires permanentes d’accueil et précise les communes dans lesquels cette implantation doit être réalisée. Les communes de plus de 5 000 habitants figurent obligatoirement dans ce schéma. Ce dernier détermine également les emplacements destinés aux rassemblements traditionnels ou occasionnels.

L’article 2 a fixé un délai de deux ans à compter de la publication du schéma pour permettre aux communes concernées de participer à la mise en œuvre de ce dernier.

La loi de 2000 a été modifiée à deux reprises pour accorder des délais supplémentaires aux communes ayant manifesté la volonté de se conformer à leurs obligations légales.

L’article 3 permet à l’État de se substituer à une commune défaillante.

En contrepartie de ces obligations pesant sur les communes, la loi Besson a créé des outils juridiques permettant de mettre fin, dans les communes remplissant leurs obligations légales, aux occupations illicites et sauvages.

Ces dispositifs ont été renforcés par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, qui a substitué à une procédure civile d’expulsion une procédure d’évacuation forcée relevant de la police administrative.

L’article 9 de la loi de 2000 prévoit désormais que, dans les communes respectant leurs obligations en matière d’aires d’accueil, le maire peut interdire par arrêté le stationnement des résidences mobiles en dehors des aires d’accueil aménagées. En cas de stationnement illicite, le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage du terrain occupé peut demander au préfet de mettre en demeure les occupants de quitter les lieux. La mise en demeure ne peut cependant intervenir que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publiques. La mise en demeure est assortie d’un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures, le préfet pouvant procéder à l’évacuation forcée des résidences mobiles au terme de ce délai ou au terme des recours. En cas de recours contre la mise en demeure, l’exécution de la décision du préfet est suspendue ; le juge statue alors dans un délai de soixante-douze heures.

Je ne vais pas revenir sur le contenu de la proposition de loi de notre collègue Hérisson : il a déjà été amplement décrit. Je dirai simplement que ce texte, dans sa version initiale, vise à renforcer les sanctions prévues par la loi de 2000 en cas d’occupation illicite.

Il convient toutefois de relever que ses articles 2 à 4 modifient l’article 9 de la loi de 2000.

L’article 2 supprime la condition fixée par la loi pour la mise en demeure du préfet, à savoir le fait que le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.

L’article 3 prévoit que le délai d’exécution de la mise en demeure est fixé à vingt-quatre heures au maximum et non plus au minimum.

L’article 4 fixe à six heures le délai maximal d’exécution de la mise en demeure dans le cas où les occupants du terrain en cause ont précédemment procédé à une occupation illicite.

La commission des affaires économiques s’étant réunie au même moment que la commission des lois, elle a examiné la proposition de loi initiale de Pierre Hérisson, sans prendre position sur les modifications effectuées par la commission des lois.

Tout en comprenant bien la question, tout à fait réelle, à laquelle les auteurs de cette proposition de loi cherchent à répondre, je ne peux que souligner le scepticisme de la commission des affaires économiques à l’égard de ce texte : certaines de ses dispositions posent de vraies difficultés d’ordre constitutionnel.

Dans le même souci d’équilibre qui a inspiré la loi de 2000, une réflexion doit être menée aujourd’hui sur les moyens de faire respecter par les communes leurs obligations en matière d’accueil.

D’autres sujets mériteraient d’être traités dans un grand texte relatif à l’accueil et au statut des gens du voyage, tels que le statut juridique de ces derniers. Je m’étonne d’ailleurs que notre collègue Pierre Hérisson, qui avait déposé en juillet 2012 une proposition de loi relative au statut juridique des gens du voyage et à la sauvegarde de leur mode de vie, ait déposé aujourd’hui cette proposition de loi très incomplète.

Avant de reprendre dans l’ordre ces différents points, je me dois, au préalable, de souligner que cette proposition de loi constitue une réponse aux indéniables difficultés rencontrées par certains élus locaux, d’ailleurs largement relayées par les médias. Certains élus locaux, dont la commune respecte ses obligations légales, se trouvent démunis face à l’arrivée inopinée de plusieurs dizaines de caravanes et à l’occupation illicite de terrains publics ou privés. Lorsque j’étais moi-même élu local, j’ai été confronté à ce type de situation : je suis donc tout à fait conscient du problème et, en particulier, du sentiment d’abandon qu’éprouvent les élus locaux en de telles circonstances.

Il convient donc de réaffirmer, à la suite de notre ancien collègue Jean-Paul Delevoye dans son rapport sur la loi Besson, que « les efforts importants demandés aux communes doivent avoir pour contrepartie une répression effective du stationnement illicite ». Tout le monde est d’accord là-dessus, et il ne sert à rien d’opposer de prétendus laxistes et des non-laxistes.

Autrement dit, il convient, madame la ministre, d’apporter une réponse très ferme à la question des occupations illicites. J’espère que vous pourrez nous donner des assurances en la matière.

Cela étant dit, j’attire votre attention, monsieur le président, mes chers collègues, sur le fait que, au cours des trois dernières années, plusieurs rapports importants ont été publiés sur l’application de la loi de 2000. Je pense à un rapport d’octobre 2010 du Conseil général de l’environnement et du développement durable, à un rapport de mars 2011 fait par Didier Quentin au nom d’une mission d’information de l’Assemblée nationale, au rapport de juillet 2011 de notre collègue Pierre Hérisson, Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun », ainsi qu’à un rapport d’octobre 2012 de la Cour des comptes sur l’accueil et l’accompagnement des gens du voyage.

À la lecture de ces documents, un constat s’impose : aucun d’entre eux ne suggère de modifier le dispositif de sanction en cas de stationnement illégal dans les communes respectant leurs obligations. Notre collègue Pierre Hérisson lui-même, dans son rapport, n’avait formulé aucune proposition en la matière.

Comment expliquer cette absence de proposition sur ce sujet ? Pour répondre à cette question, je me contenterai de citer le rapport du député Didier Quentin, qui soulignait que « le législateur [était] probablement allé en 2007 aussi loin qu’il était possible d’aller. »

Dans une décision du 9 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a en effet jugé que, « compte tenu de l’ensemble des conditions et des garanties qu’il a fixées et eu égard à 1’objectif qu’il s’est assigné, le législateur a adopté des mesures assurant une conciliation qui n’est pas manifestement déséquilibrée entre la nécessité de sauvegarder l’ordre public et les autres droits et libertés ».

En s’appuyant sur cette décision, notre collègue député Didier Quentin a donc conclu que « la constitutionnalité de la procédure repose en partie sur les conditions et garanties qui ont été fixées, qu’il serait donc constitutionnellement périlleux d’assouplir ».

Dans ces conditions, pour la commission des affaires économiques, les dispositions prévues par les articles 2, 3 et 4 de la proposition de loi initiale de notre collègue Hérisson posaient de réelles difficultés constitutionnelles. C’est pourquoi elle a adopté des amendements de suppression de ces articles.

Au-delà de la question constitutionnelle, la proposition de loi de notre collègue Hérisson est déséquilibrée. Elle ne traite la question de l’accueil des gens du voyage que sous un angle répressif, alors que la problématique est beaucoup plus vaste, comme l’ont d’ailleurs relevé les rapports que j’ai évoqués précédemment.

Le statut juridique des gens du voyage est, ainsi, l’un des sujets qui n’est pas du tout évoqué par la proposition de loi.

Les gens du voyage sont soumis à la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe. Une partie de cette loi, notamment ses dispositions discriminatoires portant sur l’exercice du droit de vote, a été déclarée contraire à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel en date du 5 octobre 2012. Demeurent cependant en vigueur les dispositions relatives au livret spécial de circulation ou au rattachement obligatoire à une commune.

La loi de 1969 a été dénoncée tant par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité que par la Commission nationale consultative des droits de l’homme.

Sur mon initiative, la commission des affaires économiques a adopté un amendement visant à abroger cette loi, comme le propose d’ailleurs notre collègue Hérisson dans sa proposition de loi relative au statut juridique des gens du voyage et à la sauvegarde de leur mode de vie.

Autre sujet qui n’est pas évoqué par la proposition de loi : les communes défaillantes.

Trop peu d’aires d’accueil ont été construites. Le rapport de la Cour des comptes d’octobre 2012 a souligné que le taux de réalisation des places en aires d’accueil prévues par les schémas départementaux n’était que de 52 % à la fin de 2010, soit dix ans après le vote de la loi Besson.

Les écarts d’un département à l’autre sont très importants : le rapport de la Cour des comptes relève que, pour les dix départements où l’obligation de réalisation est la plus importante, ce taux varie de 8 % – les Alpes-Maritimes – à 56 % – Seine-et-Marne et Haute-Garonne.

Le pouvoir de substitution prévu par la loi Besson n’a cependant jamais été mis en œuvre. Il convient donc de réfléchir, en lien avec les associations d’élus locaux, aux moyens de renforcer l’effectivité de la loi Besson, en améliorant le pouvoir de substitution du préfet aux maires défaillants, voire en créant des pénalités financières pour les communes ne respectant pas leurs obligations.

On pourrait s’inspirer du dispositif prévu par l’article 55 de la loi SRU, en prévoyant un prélèvement sur les ressources des communes défaillantes ou en permettant au préfet de conclure des conventions avec des organismes pour construire les aires nécessaires. L’éventuel constat de carence devrait prévoir, comme pour la construction de logements sociaux, la prise en compte des spécificités locales et des réelles difficultés rencontrées par certaines communes, par exemple en raison de l’absence de foncier disponible.

Les évolutions constatées depuis l’adoption de la loi Besson ne sont pas traitées non plus par cette proposition de loi, alors qu’il conviendrait de les prendre en compte. Je pense notamment à deux problématiques évoquées par l’ensemble des rapports évoqués précédemment : la question des aires de grand passage et l’accès au logement des gens du voyage qui se sédentarisent.

Pour ce qui concerne les aires de grand passage et les grands rassemblements, les difficultés rencontrées par les élus locaux ont été soulignées, lors de l’examen de mon rapport par la commission des affaires économiques, par des collègues appartenant aux divers groupes politiques de notre assemblée. Il faut cependant rappeler que seules 29 % des aires d’accueil prévues par les schémas départementaux ont été réalisées !

Pour autant, madame la ministre, que pensez-vous de l’idée de renforcer la coordination à l’échelon national et l’information des collectivités territoriales en créant un poste de médiateur, comme l’a suggéré notre collègue Bruno Retailleau dans le cadre des travaux de la commission des affaires économiques ?

Je souhaite évoquer un peu plus longuement la question de l’accès au logement des gens du voyage, problématique qui relève pleinement du champ de compétence de notre commission.

Toutes les études montrent un phénomène de sédentarisation partielle ou totale des gens du voyage. Or, faute de terrains adaptés, la sédentarisation se fait bien souvent sur des aires permanentes d’accueil. Ainsi, les aires d’accueil sont aujourd’hui majoritairement utilisées par des familles semi-sédentarisées, ce qui pose deux problèmes majeurs : d’une part, ces aires ne sont pas adaptées à une occupation permanente, d’autre part, la rotation ne peut pas se faire.

Il convient donc de réfléchir à une éventuelle modification de la loi de 2000 afin de permettre la prise en compte par les schémas départementaux des besoins en matière de terrains familiaux ou d’habitat adapté.

Mes chers collègues, entre 2004 et 2012, seules 791 places en terrain familial ont été financées. C’est évidemment très insuffisant !

De même, il faudrait que les schémas départementaux soient davantage coordonnés avec les plans départementaux d’action pour le logement des personnes défavorisées, les PDALPD, ces derniers devant, en principe, identifier les besoins des gens du voyage en matière d’habitat adapté et définir des objectifs de réalisation quantifiés et territorialisés.

Je l’ai dit, la commission des affaires économiques n’a pu examiner le texte de la commission des lois et n’a pas été en mesure de se prononcer sur les modifications apportées par celle-ci. Je salue cependant, à titre personnel, le texte issu des travaux de la commission des lois, notamment la réécriture des articles 2 et 3 de la proposition de loi, qui posaient de réels problèmes constitutionnels.

Au nom de la commission des affaires économiques, je présenterai deux amendements. Le premier vise à abroger la loi de 1969. Le second tend à supprimer l’article 4 de la proposition de loi, qui, outre qu’il soulève des difficultés constitutionnelles sérieuses, me paraît inapplicable sur le terrain, comme l’a souligné le rapporteur de la commission des lois.

La commission des affaires économiques a finalement jugé que la proposition de loi initiale, si elle répondait à de véritables difficultés, posait des problèmes juridiques et qu’elle était à la fois déséquilibrée et incomplète. J’espère que la discussion en séance publique permettra de corriger les défauts de ce texte, déjà amélioré par la commission des lois.

Par ailleurs, je sais que notre collègue député Dominique Raimbourg a déposé la semaine dernière une proposition de loi qui embrasse l’ensemble du champ de l’accueil des gens du voyage, c'est-à-dire les questions du statut juridique, de l’effectivité de la loi Besson, des moyens légaux permettant de mettre fin aux occupations illicites... Ce texte devrait permettre la discussion sereine et sans exclusive qui est souhaitée, je le pense, sur toutes nos travées.

Comme le proposait Pierre Hérisson dans son rapport au Premier ministre du mois de juillet 2011, il est temps de « restructurer le droit applicable aux gens du voyage autour d’une loi unique par une mise à jour de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ». §

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi qui nous réunit aujourd’hui vise à renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage. Cette initiative est l’occasion de dresser un bilan de la législation et de la situation sur le terrain des différents dispositifs concernant les gens du voyage.

Comme vous le savez, la loi du 31 mai 1990, mais surtout celle du 5 juillet 2000, dite « loi Besson », sont venues apporter des réponses. Cette dernière prévoit ainsi une obligation d’organisation de l’accueil sur les communes de plus de 5 000 habitants, tout en permettant en contrepartie à ces dernières de recourir à des mesures renforcées de lutte contre les stationnements illicites.

Néanmoins, comme cela a été rappelé, le droit existant ne clôt pas le débat, loin de là. Aussi, treize ans après la promulgation de la loi Besson, il s’agit de trouver de nouveaux dispositifs, efficaces, pragmatiques et juridiquement précis, afin de répondre aux attentes tant des élus que des gens du voyage. C’est ce qu’a tenté de faire le sénateur Pierre Hérisson. Pourtant, sa proposition de loi suscite quelques réserves au regard de l’objectif que je viens de préciser.

Comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement a toujours privilégié une approche équilibrée entre les droits et les devoirs des gens du voyage, entre les obligations pesant sur les collectivités territoriales et les attentes légitimes des maires. Cette proposition de loi a choisi une autre voie, une direction unique, suivant plutôt l’axe répressif. Certes, lorsque la loi n’est pas respectée, l’action répressive est normale. Elle est légitime et doit être prévue par les textes ; j’y reviendrai. Cependant, l’action répressive, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, ne peut tout régler à elle seule.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée

Elle peut même entraîner plus de difficultés qu’elle ne résout de problèmes.

Je suis certaine, monsieur Hérisson, que vous partagez cette analyse. En effet, si je me réfère à vos anciens et nombreux travaux sur la question des gens du voyage, je sais que vous avez une approche beaucoup plus nuancée et beaucoup plus globale. J’en veux pour preuve votre proposition de loi du 31 juillet 2012 relative au statut juridique des gens du voyage et à la sauvegarde de leur mode de vie : celle-là comportait vingt articles qui embrassaient le sujet de manière plus globale.

Pourquoi votre approche s’est-elle ainsi rétrécie ? Pourquoi avoir privilégié l’axe répressif à l’encontre des gens du voyage ? Pourquoi avoir mis de côté vos autres propositions ? J’ai l’impression que le débat perd en qualité. Nous gagnerions en effet à traiter cette question complexe dans son ensemble.

Ne croyez pas, pour autant, que le Gouvernement n’entend pas les élus, qu’il ne prend pas en compte leurs inquiétudes, leurs attentes. Claude Dilain rappelle dans son rapport que les occupations illicites dans des communes qui respectent leurs obligations en termes d’aires d’accueil « sont inacceptables », ajoutant que « les pouvoirs publics doivent apporter une réponse ferme à ces pratiques, en soutien à des élus qui se sentent bien souvent démunis ».

En effet, les maires sont parfois confrontés à des occupations illégales de terrain qui sont très difficiles à gérer. Cela est particulièrement incompréhensible pour un maire et pour ses concitoyens lorsque la commune a respecté ses obligations au regard du schéma départemental.

Le ministre de l’intérieur l’a souligné à plusieurs reprises : « Assurer le respect de la loi, c’est, pour les gens du voyage, s’assurer que des aires d’accueil adaptées sont proposées. C’est aussi ne pas accepter quand elles existent, qu’elles soient dédaignées ou que leur absence puisse servir de prétexte à des comportements ou à des occupations de terrains inacceptables. »

Nous le savons, il y a eu parfois du découragement, de la lassitude chez des élus locaux de bonne volonté qui se sentent impuissants.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée

C’est cela qui doit nous inciter à apporter une réponse globale, à proposer une réforme législative efficace, qui traitera la problématique dans son ensemble.

Avant de revenir sur le texte issu des travaux de la commission, je m’attarderai un instant sur la proposition de loi initiale, dont ont évidemment pris connaissance les associations des gens du voyage avec lesquelles nous travaillons à la construction d’un équilibre décent.

Or, j’y insiste de nouveau, ce texte n’est pas à la hauteur de vos propres réflexions, monsieur Hérisson. Il ne peut qu’aggraver les difficultés rencontrées par les élus locaux, alors même que vous entendez, à travers lui, répondre à leurs préoccupations.

En effet, comment prétendre restaurer l’ordre, le respect des lois sans même envisager de tenir des engagements aussi essentiels que celui de l’abrogation de la totalité de la loi du 3 janvier 1969, sans demander à tous, gens du voyage, mais aussi élus locaux, de respecter également les lois de la République ?

Ce texte, dans sa version originale, est en outre inutilement vexatoire : il aggrave des sanctions pour les voyageurs qui sont en réalité très peu prononcées par les tribunaux et il instaure un mécanisme d’évacuation forcée qui, à l’évidence, s’affranchit des principes constitutionnels pourtant applicables à tous, et cela sans jamais aborder la question de l’inexécution, depuis treize ans maintenant, des obligations mises à la charge des communes.

En effet, la loi Besson demeure en grande partie lettre morte, et nous le regrettons. La Cour des comptes l’a établi sans conteste : le taux de réalisation des aires d’accueil atteignait à peine 52 % au 31 décembre 2010, et seulement 29 % pour les aires de grand passage. À ma connaissance, la proposition de loi est muette sur ce sujet.

On doit, de surcroît, constater que ce texte n’est pas complet et qu’il comporte même des sources de tensions supplémentaires.

La commission des lois et la commission des affaires économiques ont toutes deux pointé les lacunes de la proposition de loi. M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, M. Claude Dilain, estime « que la proposition de loi n’apporte pas les garanties suffisantes du point de vue juridique et est déséquilibrée et incomplète ». M. Jean-Yves Leconte, rapporteur de la commission des lois, va dans le même sens.

Vous avez, messieurs les rapporteurs, tenté de faire évoluer ce texte. Toutefois, malgré vos efforts, je crains que le chemin à parcourir ne soit encore bien long pour que le texte réponde avec le réalisme et la rigueur nécessaires à l’intégralité des enjeux et des attentes.

Ainsi, malgré les améliorations introduites par la commission, ce texte demeure hasardeux sur le plan juridique. Je prendrai deux exemples.

En premier lieu, pour faciliter l’évacuation des campements illicites, j’ai bien noté que l’article 2 du texte de la commission différait de l’article 2 du texte initial, qui tendait à supprimer la condition d’ordre public permettant l’évacuation d’office. Vous inspirant de la proposition de loi du député Dominique Raimbourg, vous ne supprimez pas la condition d’ordre public, mais vous ajoutez au texte. Ainsi, dès lors que l’intérêt général est en cause, vous prévoyez la possibilité d’évacuer un campement illicite à la condition qu’existe une aire d’accueil spécialement aménagée dans un rayon de 30 kilomètres. Cette disposition reste, pour l’heure, soumise à expertise au sein du Gouvernement.

En second lieu, l’article 4 instaure un délai d’exécution de la mise en demeure de quitter les lieux, qui ne peut être supérieur à six heures en cas de réitération d’une occupation illicite d’un terrain par les mêmes personnes au cours de l’année écoulée. Or l’évacuation n’est pas une sanction, mais une mesure de police administrative sur laquelle l’état de récidive ne peut donc avoir aucune incidence. Établir une différence de traitement entre récidivistes et non-récidivistes porterait ainsi atteinte au principe constitutionnel d’égalité devant la loi, sans parler du caractère très peu opérationnel d’un tel dispositif.

Outre sa fragilité juridique, ce texte comporte des dispositions inapplicables ou superflues.

Ainsi, la réduction à quarante-huit heures, au lieu de soixante-douze heures, du délai prévu à l’article 5 pour que le juge statue est contre-productive, car elle ne laisse pas à l’administration le temps d’apporter la contradiction aux allégations des requérants. Faut-il ajouter que le dépassement de ce délai par le juge n’est assorti d’aucune sanction ?

Enfin, la proposition faite à l’article 6 de confier à l’État la police des grands passages et des grands rassemblements des gens du voyage dans les communes à police étatisée est inutile : en effet, dans ces communes, l’État a déjà la charge de la police des grands rassemblements, lesquels incluent les grands passages. En outre, la procédure d’information préalable pour toute installation d’un groupe de plus de cinquante caravanes est sans doute souhaitable, mais elle ne peut être assortie d’aucune sanction au plan légal, car celle-ci viendrait se heurter au principe de liberté de circulation.

Juridiquement hasardeux, opérationnellement douteux, ce texte met par ailleurs de côté deux questions qui me semblent très importantes s’agissant de la situation des gens du voyage.

Il est d’abord un sujet auquel je suis, de par mes fonctions, particulièrement sensible : la question de la scolarisation des enfants des gens du voyage.

Là encore, les responsabilités sont partagées.

Il y a, d’une part, la responsabilité des communes. Je tiens à rappeler ici que le refus de scolarisation d’un enfant présent sur le territoire communal est susceptible de caractériser le délit de refus discriminatoire d’un droit accordé par la loi par une personne dépositaire de l’autorité publique au sens des articles 225-1 et 432-7 du code pénal, délit passible d’une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.

Je connais les difficultés rencontrées par certaines communes, mais il me semble impossible de transiger sur ce principe, conforme aux engagements que nous avons contractés en matière de protection due aux enfants. Il nous arrive d’ailleurs très fréquemment, au ministère dont j’ai la charge, de rappeler aux élus cette obligation qui incombe à toute municipalité de scolariser les enfants présents sur son territoire, même si la situation des parents peut être sujette à critique.

Il y a, d’autre part, de façon symétrique, la responsabilité des parents, même si le mode de vie non sédentaire est évidemment source de complexité. Le préfet Hubert Derache, dans son rapport au Premier ministre consacré aux gens du voyage, a montré qu’il « reste des voies de progression au niveau du collège et surtout au niveau du lycée général ou du lycée professionnel ». Je pense en effet qu’il nous faut convaincre tout le monde, y compris les parents de ces enfants, que la meilleure manière de sortir des difficultés sociales que ces populations connaissent très souvent est précisément de permettre aux enfants d’avoir une éducation de qualité et d’être scolarisés au-delà de l’école primaire.

L’éducation nationale elle-même doit prendre sa part. Nous avons réactivé, par trois circulaires parues en octobre 2012, le réseau des « centres académiques pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus des familles itinérantes et de voyageurs », ce qui constitue, selon le rapport Derache, « la bonne réponse pour mettre sous tension le réseau éducatif en direction des enfants de voyageurs ».

Je dois dire à cet instant que j’ai eu l’occasion de visiter, notamment dans la région de Grenoble, un certain nombre d’établissements scolaires où les enseignants se sont investis de façon remarquable sur ce sujet. J’ai également visité une école qui accueille, dans le 12e arrondissement de Paris, les enfants des forains qui animent chaque année la Foire du Trône. On souligne souvent les réticences de certains élus à accueillir les enfants des gens du voyage, mais il faut aussi saluer le travail accompli par un certain nombre d’enseignants pour accueillir ces enfants, qui arrivent parfois en cours d’année et repartent avant la fin de l’année, et faire en sorte qu’ils rattrapent le retard qu’ils ont pu accumuler et qu’ils se sentent accueillis à égalité au sein de l’école. Il me semble qu’on ne rend pas suffisamment justice au travail accompli dans les établissements scolaires pour faire face aux besoins particuliers des enfants.

Le deuxième sujet que je souhaite évoquer est le refus de toute discrimination, de toute stigmatisation.

J’ai souvent reçu des associations de gens du voyage, qui ont parfois le sentiment que leurs problèmes ne sont pas suffisamment pris en considération par notre dispositif de lutte contre les discriminations, en dépit de leur mode de vie spécifique.

Nous devons précisément nous efforcer de lutter contre tout ce qui renforce le repli sur soi, la méfiance, et qui remet en cause le vivre ensemble.

La loi de 3 janvier 1969 est, depuis quelques années, au cœur des interrogations. Vous avez vous-même, monsieur Hérisson, en tant que parlementaire en mission, remis au Premier ministre un rapport sur le sujet qui a été salué sur diverses travées.

Le Conseil constitutionnel a censuré l’obligation faite à une certaine catégorie de gens du voyage de détenir un carnet de circulation et de le faire viser périodiquement sous peine d’emprisonnement. Il a jugé qu’il y avait là une atteinte manifeste à l’exercice de la liberté d’aller et de venir, une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi.

Le Conseil constitutionnel a également considéré que les dispositions de la loi du 3 janvier 1969 imposant aux gens du voyage trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune pour être inscrits sur les listes électorales étaient contraires à la Constitution.

Le Conseil constitutionnel a donc une jurisprudence particulièrement vigilante, ancienne et constante sur les mesures qui restreignent l’exercice par les citoyens de leurs droits civiques.

Le caractère discriminatoire de cette loi n’avait au demeurant pas échappé à de nombreux parlementaires. Je tiens ainsi à citer la proposition de loi sénatoriale déposée en juin 2011, qui visait notamment à appliquer aux gens du voyage le droit commun en matière d’inscription sur les listes électorales. Une initiative similaire a également été prise par le groupe écologiste du Sénat en juin 2012. Je tiens enfin à souligner le travail important mené depuis décembre 2010 par le groupe socialiste de l’Assemblée nationale ; .malheureusement, la proposition de loi issue de ces travaux fut à l’époque rejetée en séance par la majorité UMP, à l’exception de quelques voix très respectées comme celle d’Étienne Pinte.

C’était il y a presque trois ans. Aujourd’hui, l’état d’esprit a changé et le Conseil constitutionnel est venu conforter cette analyse. Il me semble donc que toutes les conditions sont réunies pour que nous puissions rédiger une loi assez complète, qui engloberait divers aspects de cette problématique des gens du voyage.

Depuis maintenant plus d’un an, un travail est mené par le Gouvernement sur ce sujet, dans une concertation très poussée.

Il a déjà été beaucoup question du poids des représentations et des attentes de nos concitoyens. Il me semble que nous pouvons désormais aller plus loin, si toutefois nous prétendons à l’efficacité.

C’est dans cette perspective que, dès le mois d’octobre 2012, le Gouvernement a lancé une large consultation impliquant les associations représentatives des gens du voyage et l’Association des maires de France, avant d’entamer un travail avec les parlementaires, au premier rang desquels figure M. Jean-Yves Leconte.

C’est aussi ce souci d’efficacité qui a conduit le ministre de l’intérieur à rechercher le consensus autour d’un texte équilibré, qui exigerait de tous le respect d’un certain nombre de droits et devoirs.

Par ailleurs, une très intéressante journée d’étude, rassemblant des parlementaires de toutes sensibilités politiques, a été organisée à ce sujet par Dominique Raimbourg.

Ont été associés à ces travaux le ministère de l’intérieur, le ministère du logement, le ministère des affaires sociales. Il ne faudrait pas oublier le ministère de l’éducation nationale, qui joue un rôle non négligeable dans l’insertion de ces populations.

Cela a été rappelé, le Premier ministre avait confié au préfet Hubert Derache une mission d’appui à la définition d’une stratégie d’action renouvelée sur la question des gens du voyage. Le rapport qu’il a remis a constitué une véritable feuille de route pour le Gouvernement et a été l’occasion d’un travail très approfondi.

Par ailleurs, là encore après une longue concertation, le député Dominique Raimbourg a déposé une proposition de loi relative au statut, à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, qui nous semble répondre à l’ensemble des problématiques essentielles qui se posent en la matière, dans le prolongement de la décision du Conseil constitutionnel.

Il me semble que la proposition de loi de M. Raimbourg prend également en compte les attentes des élus, notamment en ouvrant aux élus locaux qui ont respecté leurs obligations en matière d’aires d’accueil la possibilité d’obtenir plus facilement du préfet l’évacuation des occupants d’un campement illicite de gens du voyage lorsqu’il existe dans un rayon de 50 kilomètres une aire d’accueil spécialement aménagée et offrant des capacités d’accueil suffisantes.

Comme l’avait souligné le ministre de l’intérieur lors du colloque organisé à l’Assemblée nationale en juillet dernier, il est essentiel que « les élus locaux, qui ont le souci d’offrir à tous un accueil digne – et ils sont nombreux –, ne soient pas pris au piège de leur engagement ».

Dans le même temps, la proposition de loi Raimbourg rappelle les termes de la loi de 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage et les obligations faites aux communes de plus de 5 000 habitants. Ainsi, elle prévoit de renforcer les pouvoirs de substitution du préfet en matière de construction d’aires d’accueil.

En effet, vous en conviendrez avec moi, on ne peut pas accepter le retard qu’ont pris trop de communes en matière d'aménagement des aires d'accueil des gens du voyage, notamment les aires d'accueil permanentes et les aires de grand passage. L'équilibre entre les droits et les devoirs prévus par la loi doit s'appliquer à tous !

On peut donc affirmer que le Gouvernement a également pris des initiatives afin de garantir dans la durée la refondation de la politique relative aux gens du voyage. Cela implique l’existence d’une instance de un dialogue vivant et constructif entre l’ensemble des parties prenantes. Cela suppose aussi qu’un aiguillon soit donné à tous les départements ministériels concernés.

Aussi, conformément aux préconisations du rapport d’Hubert Derache, le Premier ministre a très récemment confié à la DIHAL – délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement – une nouvelle mission : le secrétariat et l’animation de la Commission nationale consultative des gens du voyage.

Comme l’a souligné ma collègue Cécile Duflot lors de de la 8ème Journée nationale des gens du voyage à Chambéry, le 3 décembre dernier, la DIHAL consultera très prochainement l’ensemble des membres de cette commission afin de revisiter son rôle et son mode de fonctionnement, et ce à plusieurs égards : pour asseoir sa place dans le pilotage des politiques publiques en faveur des gens du voyage ; pour renforcer sa capacité d’analyse et d’expertise, ce qui implique que cette commission soit une véritable instance de concertation, où s’expriment la pluralité des regards et la diversité des attentes, de manière à être capable d'impulser des projets ; pour étendre ses compétences et lui donner un rôle plus décisionnel, ce qui passe notamment par l'instauration de groupes de travail thématiques et par le renforcement du lien avec les commissions départementales.

Reste la question des grands rassemblements, distincte de celle des aires accueil et de grand passage. Il me semble important de traiter ce sujet de façon autonome. Le Gouvernement va confier une mission spécifique dans les prochaines semaines à deux parlementaires, l'un de la majorité et l'autre de l’opposition. Celle-ci aura pour objectif de construire un cadre stable et pérenne, nécessaire pour anticiper et préparer ces événements de grande ampleur, qui peuvent bouleverser momentanément la vie des habitants dans les territoires concernés.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez compris l’état d’esprit du Gouvernement : la cohérence, l’équilibre, l’apaisement, l’efficacité, sont les fondements de notre méthode en même temps que nos objectifs.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je dois vous dire que, à la lecture de la présente proposition de loi, ma première réaction a été la colère : colère de voir les principes fondateurs de notre République bafoués au nom d'un certain électoralisme.

J’en veux pour preuve le fait que M. Hérisson, considéré comme un expert sur la problématique des gens du voyage, …

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

… avait remis en 2011 un rapport intitulé : « Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun », où il appelait à une « amélioration de la gouvernance de la politique publique en faveur des gens du voyage ».

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

La proposition de loi qu’il vient de déposer, à la veille des élections municipales, porte un titre à la tonalité bien différente puisqu’il s’agit cette fois de « renforcer les sanctions prévues dans le cadre de la mise en œuvre de la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage ».

Comment expliquer ce revirement en l’espace de deux ans ? Comment le justifier, surtout, en ces temps où la lutte contre le racisme et la xénophobie est plus que jamais nécessaire, et alors que nos concitoyens gens du voyage sont encore et toujours stigmatisés, discriminés ? Que vient faire aujourd’hui cette proposition de loi, qui n’est pas pour arranger les choses ? C'est que, sans doute, les élections ont leurs raisons, que la raison ne connaît pas !

Le titre de cette proposition de loi pourrait certes suggérer que, en matière d'accueil et d'habitat des gens du voyage, toutes les parties prenantes, maires et gens du voyage, verraient leurs responsabilités renforcées. Mais ce serait une erreur : il est en effet seulement question ici de sanctions à l’encontre des gens du voyage.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Sur les maires qui ne respectent pas leurs obligations, pas une ligne !

Pourtant, dans son rapport de 2011

MM. Pierre Hérisson et Jean-Claude Carle s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Permettez-moi de vous rappeler que, depuis le vote de la loi du 5 juillet 2000, dite « loi Besson », les procédures d’expulsion des gens du voyage ont été considérablement facilitées et les sanctions prévues, alourdies à plusieurs reprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

L’arsenal juridique existe, les maires et représentants de l’État disposent de nombreuses prérogatives pour mettre fin aux occupations illicites. Mais la loi Besson prévoit, en contrepartie de ces prérogatives, l’obligation pour les communes de plus de 5 000 habitants de disposer d’une aire d’accueil, obligation qui est loin d’être remplie puisque la Cour des comptes, dans un rapport publié en octobre 2012, constate que le taux de réalisation des places en aires d’accueil prévues par les schémas départementaux n’était, à la fin de 2010, que de 52 %.

Je défendrai de nombreux amendements, et d’abord un amendement visant à abroger la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe, loi obsolète et indigne, source de stigmatisation et de discrimination à l’encontre de nos concitoyens gens du voyage.

C’est, du reste, ce que préconisait M. Hérisson lui-même, à la page 38 de son rapport de 2011, décidément mieux inspiré que la liste des sanctions figurant dans cette proposition de loi.

Croit-on qu’en période électorale il faudrait donner la priorité aux sanctions que les Français, pense-t-on, réclameraient à cor et à cri ? Ne nous étonnons pas de voir, à force d’instrumentalisation et de stigmatisation des minorités, une parole raciste et xénophobe se déployer sans complexe ! Ni de voir certains de nos concitoyens préférer aux partis démocratiques, qu’ils soient de droite ou de gauche, un Front national finalement perçu comme à la fois plus actif et plus cohérent sur ce terrain du racisme et de la xénophobie.

D’autres amendements vous seront donc soumis, ayant pour objet d’inciter les communes à remplir leurs obligations en matière d’accueil des gens du voyage. Il me semble que, en ce domaine comme en tant d’autres, la réciprocité des obligations est une condition nécessaire au respect, par tous, du pacte républicain. Comment accepter que l’installation illicite soit punie de lourdes peines d’emprisonnement et d’amende, alors que l’on trouve encore aux abords de certaines communes des panneaux indiquant : « Interdit aux forains et aux gens du voyage » ?

Cette proposition de loi accentue la tendance à faire des gens du voyage, qui sont pourtant nos concitoyens, des étrangers sur leur propre sol. L’exclusion territoriale n’est que l’un des aspects de l’exclusion en général dont souffrent les « gens du voyage », une belle dénomination qui ne fait pas oublier que ces Français sont encore et toujours des Français de seconde zone. La France n’a même pas reconnu l'internement des gens du voyage dans des camps par le gouvernement de Vichy après la défaite ! N’oublions pas que 95 % des 6 000 personnes ainsi internées ont péri.

Notre République égalitaire peut-elle continuer à tolérer impunément l’existence en son sein de sous-citoyens ? Comme l'a rappelé Mme la ministre, et je l'en remercie, j’avais déposé, au nom du groupe écologiste, le 12 juin 2012, une proposition de loi qui répondait aux attentes des gens du voyage. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, le groupe écologiste ne saurait évidemment voter cette proposition de loi en l’état.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite commencer mon propos, non pas par un rappel au règlement, mais pour évoquer devant vous ce que je considère comme un dévoiement de la tradition sénatoriale.

En effet, nous nous retrouvons cet après-midi pour discuter de deux initiatives parlementaires proposées par le groupe UMP dans son espace réservé. Or, sur ces deux textes inscrits à l’ordre du jour, le Sénat ne débattra, dans les faits, d’aucun des deux.

S’agissant de la première initiative, dont je suis à l’origine conjointement avec mon collègue Pierre Hérisson, les délibérations de la commission des lois, la semaine dernière, ont modifié le fond et la forme du texte initial et ont abouti à la version qui nous est aujourd’hui soumise.

Comme le précisait le précédent président du Sénat le 24 mars 2009, lors d’une conférence des présidents, « à la lumière des nouvelles dispositions constitutionnelles, il nous faut revoir nos méthodes d’examen des propositions, afin de respecter effectivement la priorité constitutionnelle reconnue aux groupes bénéficiaires de cette journée réservée. » Il ajoutait : « En effet, on peut estimer que, même dans le cas où la commission est défavorable à une proposition de loi inscrite à cette journée mensuelle, cette proposition devrait être discutée par le Sénat en séance publique, article par article, quitte à être rejetée in fine ». Ces propos avaient alors fait l’objet, selon le compte rendu, d’un « assentiment » général.

Rappelons que la révision constitutionnelle a permis de consacrer les droits de l’opposition, comme le soulignait d’ailleurs notre ancienne collègue Nicole Borvo lors de la conférence des présidents du 19 mai 2010 : elle avait en effet critiqué l'adoption par la commission de la culture d'une motion de renvoi en commission d'une proposition de loi déposée par le groupe CRC au motif que « ce renvoi ne répond[ait] pas à une nécessité absolue et ne respect[ait] pas les droits de l’opposition ».

Je me permets ce rappel, car le président Sueur avait déjà alerté la Haute Assemblée de ce risque de dérive lors de la conférence des présidents du 16 novembre 2011, à l’occasion de laquelle il avait judicieusement rappelé le gentlemen’s agreement qui prévaut dans notre assemblée.

J’avoue donc que la posture de la commission que le président Sueur préside aujourd’hui me surprend, puisqu’il ne s'est pas opposé à la réécriture complète du texte que nous proposions de mettre en discussion devant le Sénat; ce qui contrevient, selon moi, aux dispositions de l’article 48 de la Constitution.

Je dirai, enfin, un mot du second texte que nous avions inscrit aujourd’hui dans notre espace réservé et qui est proposé par notre collègue M. Del Picchia. Alors que le rapporteur, Antoine Lefèvre, proposait de discuter du texte déposé, la commission des lois a adopté le principe d’une motion de renvoi en commission.

Je n’en dirai pas plus, mais, vous l’aurez compris, mes chers collègues, je dénonce aujourd’hui, avec l’ensemble de mon groupe, l’attitude de la majorité consistant à bafouer les droits de l’opposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je remercie d'ailleurs le président Bel d’avoir clairement rappelé hier en conférence des présidents qu’une telle attitude n’était pas acceptable.

Je le dis d’autant plus sereinement que vous avez déposé sur ce texte pas moins de 77 amendements, dont 27 avant l'article 1er, qui ont pour objet d’abroger un à un les articles de la loi de 1969.

C’est une méthode d’obstruction bien connue pour faire en sorte qu’un texte ne soit pas adopté. C'est de bonne guerre, mais je laisse nos compatriotes et les élus en juger !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

J’en viens au texte de notre proposition de loi.

Les gens du voyage ont choisi un mode de vie différent de la grande majorité de nos concitoyens. C’est leur droit, et nous devons le respecter. Toutefois, si la République leur reconnaît ce droit, elle est en droit, elle, de leur demander de respecter nos lois et, le cas échéant, de faire en sorte qu’ils les respectent.

Malheureusement, de récents faits montrent que certains d’entre eux ne les respectent pas, et nombreuses sont les situations qui constituent des troubles à l’ordre public : atteintes à l’hygiène, violations de propriété ou, plus grave, atteintes aux personnes et aux biens.

À ce propos, nombre d’élus, de petites communes notamment, nous ont fait part du sentiment d’abandon qu’ils éprouvent face à certaines communautés très bien organisées, qui connaissent parfaitement les limites de la loi et les moyens de les dépasser : elles savent pertinemment que, si elles envahissent illégalement un terrain, rien ne permet de les expulser avant une semaine. C’est ce qui s’est récemment produit dans les communes de Frangy, en Haute-Savoie, et de Verdun, dans la Meuse, où des élus ont été agressés dans l’exercice de leur mission. Ce n’est pas acceptable.

De tels faits nous interpellent. C’est pourquoi il devient urgent de compléter et de modifier le cadre juridique qui fixe les règles applicables en la matière.

Nous ne souhaitons en rien remettre en cause les dispositions relatives aux droits des gens du voyage. Je tiens à rappeler, comme l’a fait en particulier Pierre Hérisson, que la loi Besson du 31 mai 1990 a obligé les villes de plus de 5 000 habitants à prévoir des emplacements spécifiques pour les gens du voyage. Cette loi a été suivie par la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, qui a institué un schéma départemental visant à organiser l’implantation d’aires d’accueil sur les communes et les communautés d’agglomération.

Vous l’aurez compris, ce que nous proposons ne remet nullement en question ce dispositif. Nous rappelons même aux élus la nécessité de le mettre en œuvre s’ils veulent être en mesure de contester légitimement une installation illégale.

Si les lois que je viens d’évoquer ont permis d’instaurer des droits légitimes pour les gens du voyage, eu égard à leur mode de vie, nous devons néanmoins réfléchir aujourd’hui collectivement aux moyens de faire en sorte que la loi soit respectée au mieux et au plus vite, afin que les situations que j’ai décrites n’entravent pas l’action des élus locaux sur leur territoire.

Nous avons procédé de manière pragmatique, avec mon collègue Pierre Hérisson et tous les collègues qui l’ont souhaité, à la rédaction de ce texte, sans stigmatiser quiconque, sans discriminer personne. Nous avons surtout veillé à éviter les amalgames entre la question des gens du voyage, qui est du ressort de la loi de janvier 1969, et la question des Roms, qui est du ressort des politiques publiques nationales et internationales relatives à l’immigration. Mes chers collègues, j’attire votre attention sur ce point, qui est à mon sens fondamental pour éveiller l’esprit de nos concitoyens.

J’en profite pour saluer le travail accompli par Pierre Hérisson comme président de la Commission nationale consultative des gens du voyage, qui mène depuis dix ans une action déterminée sur ces questions.

Avant d’entrer dans les détails, je souhaite préciser notre approche. Elle consiste à nous saisir très concrètement du problème lié à l’implantation illégale des gens du voyage sur des terrains privés ou publics qui n’ont pas cette vocation, en prévoyant deux types de dispositions : des dispositions de responsabilisation et des dispositions de sanction.

Je commencerai par les dispositions de responsabilisation. Si les élus doivent assumer leurs responsabilités, ce qu’ils font avec courage, il en va de même de l’État, madame la ministre. Il nous semble que ce dernier doit participer davantage à l’organisation des grands déplacements et accompagner les collectivités dans l’accueil des gens du voyage. Cela passe par une modification de l’article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales afin que le représentant de l’État ait la charge du bon ordre des grands passages et des grands rassemblements traditionnels ou occasionnels des gens du voyage.

Nous aimerions également que les communes soient mieux informées de l’arrivée de gens du voyage. Après tout, convenons-en, lorsqu’il s’agit d’occuper le territoire d’une collectivité publique, il paraît normal que l’installation se fasse dans un délai permettant à la collectivité d’organiser cette installation et de bénéficier d’un droit d’information sur les modalités d’occupation de son domaine. C’est dans l’intérêt de la commune et de ses habitants, qui connaîtront en toute transparence les conditions de résidence des nouveaux arrivants, mais aussi, il faut le dire, dans l’intérêt des gens du voyage, puisque les conséquences pratiques de leur installation auront été anticipées. Ce sont finalement les conditions de vie de tous qui seront ainsi améliorées.

Cette formalité est également de nature à favoriser la prise de conscience d’une responsabilité commune : elle permettra d’identifier les différents interlocuteurs, et ceux-ci pourront s’engager à faire en sorte que la cohabitation entre le groupe rassemblé sur un terrain dédié et la population de la commune se déroule dans les meilleures conditions. L’objectif est, bien sûr, d’impliquer tous les acteurs pour que la cohésion générale en sorte renforcée.

Je conclus ce point relatif à la responsabilisation en évoquant celle des gens du voyage, qui doivent naturellement respecter la loi sans qu’il soit toujours besoin de la leur rappeler. Comme j’aime à le faire remarquer, la liberté de circuler s’arrête où commence celle de nos concitoyens, qu’il s’agisse du respect du droit de propriété ou du respect des règles de salubrité et d’ordre public. Dans cet esprit, j’ai déposé un amendement tendant à ce que la personne responsable du rassemblement puisse répondre de tout acte de délinquance commis par un membre du rassemblement installé en infraction à la loi.

Pour autant, nul n’a le droit de se faire justice lui-même. C’est pourquoi il est nécessaire que nous fixions de justes sanctions aux atteintes à la loi : des sanctions applicables, donc appliquées, donc dissuasives.

Je pense avant tout aux sanctions pénales. Sur ce point, nous entendions modifier le code pénal afin de doubler les peines applicables en cas d’installation illicite en réunion sur un terrain appartenant à autrui en vue d’y établir une habitation.

J’ai pris note des arguments du rapporteur de la commission des lois, qui excipait de l’inapplication des textes actuels pour justifier la suppression de l’article 1er de la proposition de loi. Cependant, je ne crois pas qu’il faille répondre à un abandon par un abandon encore plus marqué. Je pense au contraire que, avec une attitude plus ferme, nous pourrions envoyer un message fort à ceux qui ne respectent pas les lois.

Nous persévérons donc dans notre logique consistant à doubler les sanctions prévues par le code pénal en cas d’installation illicite sur un terrain. C’est pourquoi notre groupe a déposé un amendement de réécriture de l’article 1er, que la commission a supprimé.

Je souhaiterais souligner mes convergences de vue avec le ministre de l’intérieur, qui a proclamé sa volonté de procéder plus systématiquement aux expulsions imposées par la loi. En Haute-Savoie, par exemple, on compte vingt expulsions depuis le début de l’année ; c’est plus que sur l’ensemble de la dernière décennie ! Je salue l’action responsable du préfet à cet égard. Malheureusement, ce résultat démontre également que la situation s’est aggravée et qu’il est nécessaire d’agir avec toujours plus de détermination.

Au-delà des sanctions pénales, qui consistent en une réparation de la situation illégale, il apparaît nécessaire de prendre un certain nombre de dispositions visant à rendre effectives les expulsions faisant suite à une mise en demeure. Dans cette optique, notre droit administratif ne doit pas favoriser ceux qui « jouent la montre » ou pratiquent la politique de la terre brulée. Dès lors, il semble indispensable de réformer le dispositif de mise en demeure, pour obliger les gens du voyage à quitter le terrain qu’ils occupent illégalement afin de faire respecter le droit de propriété, qui constitue, point n’est besoin de le rappeler, un droit garanti par la Constitution. Pour beaucoup de nos concitoyens, ce droit représente l’investissement d’une vie ; pour l’État, il délimite un espace qui ne saurait être occupé illégalement.

Toujours dans le but de compléter notre droit pour éviter qu’il ne soit détourné au profit de ceux qui souhaitent prolonger leur situation illégale, il nous paraît important de modifier les délais relatifs à la mise en demeure ou au recours contre cette mise en demeure. Convenons-en, le délai de bonne administration ne doit pas être un délai d’impunité, que nos concitoyens sont de plus en plus nombreux à percevoir comme le signe de l’impuissance publique:

Concernant l’application de la mise en demeure, nous proposons que le délai soit raccourci à six heures en cas de réitération d’une occupation illégale d’un terrain dans la même commune ou dans une commune du même département. Concernant la contestation de la mise en demeure, je suis persuadé que l’on peut agir vite et que l’on sera d’autant plus efficace que l’on agira plus vite. C’est pourquoi nous avions prévu, dans le texte initial, de raccourcir le délai de soixante-douze à vingt-quatre heures. Néanmoins, nous pourrions trouver un consensus sur le délai de quarante-huit heures proposé par la commission des lois.

Mes chers collègues, tous nos concitoyens sont égaux, quel que soit le mode de vie qu’ils adoptent. Chacun doit être traité avec une égale considération par la République. C’est vrai s’agissant des droits ; cela doit l’être aussi s’agissant des devoirs.

Il est trop facile de faire des leçons de morale, d’accueil et de tolérance à la tribune pour ensuite demander au ministre voire au préfet de se montrer ferme sur le terrain quand on est contraint d’agir face à des comportements particulièrement inadmissibles qui contreviennent à nos lois et heurtent nos concitoyens.

Notre collègue Jacques Mézard l’a excellemment rappelé en commission : « La loi de la République doit être respectée par tous, communes et gens du voyage. Quand ceux-ci s’installent n’importe où, sauf sur l’aire aménagée à cet effet, et que le représentant de l’État ne bouge pas, que faire ? Le personnel communal » – quand ce ne sont pas les élus eux-mêmes – « est souvent injurié, parfois agressé, dans l’indifférence des pouvoirs publics. Tout le monde doit respecter la loi de la République. Sans envoyer un message négatif aux gens du voyage, il convient de le leur en faire prendre conscience. »

Cette proposition de loi assume son objectif : assurer avec équilibre la concorde et la fraternité, pas seulement par des mots ou des discours moralisateurs, mais par des actes. C’est pourquoi, mes chers collègues, il est important qu’elle soit adoptée et qu’elle reste, sur le fond, conforme à l’esprit qui était le nôtre au moment de son dépôt sur le bureau du Sénat.

Il est vrai, madame la ministre, que cette proposition de loi n’est pas parfaite ; nous en sommes pleinement conscients. Cependant, elle répond à la situation actuelle, qui n’est plus celle de 1990 : les flux sont beaucoup plus importants.

Le Savoyard que je suis pense qu’il est préférable, pour avancer, de mettre un pied devant l’autre plutôt que de rester dans l’immobilisme. §

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet qui nous réunit cet après-midi constitue indiscutablement une préoccupation pour nombre d’élus locaux. Le Sénat étant l’assemblée des territoires, il est normal que nous en débattions.

J’ai bien écouté les propos du rapporteur, du rapporteur pour avis, de Mme la ministre et des différents intervenants. Je ne dirai pas, contrairement à Mme la ministre, que la loi Besson est en grande partie restée lettre morte, mais je suis tout à fait prêt à admettre que cette loi n’a pas réglé le problème. Du reste, l’eût-elle réglé que nous ne serions pas réunis aujourd'hui pour l’évoquer !

Je partage l’idée selon laquelle nous devons rédiger un texte équilibré, et il est sans doute vrai que la proposition de loi de notre collègue Pierre Hérisson ne parvient pas à trouver l’équilibre entre, d'un côté, les droits et devoirs des gens du voyage et, de l’autre, les droits et devoirs des collectivités locales et des élus locaux, que nous représentons dans cet hémicycle.

Si beaucoup d’élus locaux sont confrontés au problème, il n’en demeure pas moins que ceux des communes très urbanisées ont bien moins de soucis à cet égard que ceux des communes peu urbanisées. Il faut tenir compte de cette différence.

S’agissant d'abord des devoirs des collectivités locales, le premier d’entre eux est de respecter la loi en aménageant des aires d’accueil. Aujourd'hui, environ deux tiers des aires d’accueil et un tiers des aires de grand passage prévues par les schémas départementaux ont été réalisées. Le pouvoir de substitution accordé au préfet par la loi n’a presque jamais été utilisé ; c’est un problème.

La commune dont je suis maire, Massy, dans l’Essonne, a atteint les objectifs de son schéma départemental. Elle les a même dépassés : je devais aménager une aire de moyen passage de 50 places et j’ai installé, en plus, une quarantaine d’emplacements familiaux. Je considérais en effet qu’il me fallait résoudre l’ensemble des problèmes qui se posaient dans ma commune. Or l’aménagement d’une aire de moyen passage n’aurait pas suffi à répondre aux sollicitations que je recevais quasiment chaque semaine.

Les subventions ont couvert à 80 % les coûts d’investissement pour cette aire d’accueil. En revanche, les coûts de fonctionnement – beaucoup plus élevés – restent entièrement à la charge de la commune.

J’aurais aimé que l’initiative qui a été prise à Massy le soit aussi dans beaucoup d’autres communes, notamment d’Île-de-France. Deux de mes voisins sont aujourd’hui membres Gouvernement : l’ancien maire d’Évry, Manuel Valls, est ministre de l’intérieur, et l’ancien maire de Palaiseau, François Lamy, est ministre de la ville. Or je constate que, au sein des communautés d’agglomération qu’ils ont présidées, le taux de réalisation d’aires d’accueil des gens du voyage n’est que de 25 % et que, dans les villes dont ils étaient maires, ce taux tombe à 0 % !

Je souhaiterais qu’en la matière tous les élus soient mobilisés pour appliquer la loi et, donc, réaliser ces aires d’accueil. Cela faciliterait la tâche de beaucoup de nos collègues, partout en France.

J’en viens aux droits et devoirs des gens du voyage.

Vous avez évoqué la question de l’éducation, madame la ministre. Je précise qu’à Massy nous avons toujours accueilli les enfants des gens du voyage dans les écoles de la ville, sans aucun souci. Mais ce n’est pas le sujet aujourd’hui.

L’objet de cette discussion est de faire en sorte que, d’abord, les gens du voyage s’installent, en priorité, sur les aires d’accueil prévues à cet effet – ce n’est pas toujours le cas – et que, ensuite, ils respectent ces aires d’accueil. En effet, les dégradations sont très importantes. Le coût annuel, en dépenses de fonctionnement pour l’aire d’accueil de Massy est de 200 000 à 250 000 euros. Pour une ville comme la mienne, ce n’est pas une dépense mineure ! Cette somme englobe notamment les dépenses effectuées pour remédier aux dégradations et conserver, comme je le souhaite, une aire d’accueil en bon état. Elle tient également compte des impayés de loyer qui, malgré un loyer que nous avons fixé à un niveau particulièrement bas, sont très importants.

Le groupe UDI-UC est plutôt favorable à un renforcement des sanctions à l’encontre des gens du voyage qui ne respecteraient pas les aires de stationnement, même si nous préférerions un texte plus équilibré.

Cependant, nous estimons que ce texte est nécessaire pour montrer aux gens du voyage qu’ils doivent aussi respecter la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

J’ai cherché dans vos propos, madame le ministre, la stratégie du Gouvernement. Je ne l’ai pas nettement perçue, je vous l’avoue.

La proposition de loi déposée par le député Dominique Raimbourg a été évoquée. Je n’en ai pas eu connaissance. Toutefois, il me paraît préférable que le Gouvernement ne s’appuie pas uniquement sur une proposition de loi. Certes, je ne suis sénateur que depuis deux ans, mais je dois dire que, en deux ans, je n’ai pas vu beaucoup de propositions de loi aboutir. Des propositions sont débattues, mais elles n’apparaissent pas comme le moyen le plus efficace pour avancer sur telle ou telle question.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

C’est pourquoi un projet de loi sur le sujet dont il est aujourd'hui question m’aurait paru largement préférable.

Ainsi, madame la ministre, le Gouvernement serait-il prêt à déposer un projet de loi équilibré tendant à compléter la loi Besson, de manière à résoudre de façon plus efficace la question des stationnements illicites de gens du voyage qui perturbent la vie de nombreuses collectivités ?

Le Gouvernement montrerait ainsi sa volonté de se pencher véritablement sur ce problème. Compte tenu des contraintes de calendrier, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, je crains qu’une proposition de loi ne puisse pas aboutir avant longtemps.

Je souhaite donc que le Gouvernement s’engage dès aujourd'hui à déposer un projet de loi – et sans qu’il y applique la procédure accélérée, comme c’est trop souvent le cas –, en indiquant des dates précises de dépôt : nous pourrions ainsi répondre de manière efficace aux nombreux élus locaux auxquels ce problème cause de graves soucis. §

M. Jean-Claude Carle remplace M. Jean-Pierre Raffarin au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, près de trois cent soixante années séparent le premier dispositif relatif aux gens du voyage du texte que nous examinons aujourd’hui : en 1662, une ordonnance de Colbert qualifiait de délits le nomadisme, l’oisiveté et l’errance.

Tout au long de ces trois siècles, la législation a certes évolué, mais les pratiques et les mentalités sont encore trop souvent empreintes d’un jugement négatif à l’égard des personnes itinérantes. Il y a, bien entendu, la peur de ce qui est différent, la méconnaissance des autres ; il y a aussi parfois un manque de pédagogie. La proposition de loi telle que celle qu’ont déposée nos collègues de l’UMP est la parfaite illustration de ce défaut.

On peut en effet s’interroger sur la volonté, à la veille d’échéances municipales, de se saisir de la question du renforcement de l’arsenal répressif à l’encontre du stationnement illicite des gens du voyage.

L’article 1er de la proposition de loi initiale prévoyait de doubler les peines prévues pour réprimer le fait de s’installer en réunion en vue d’y établir une habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant soit à une commune qui a respecté ses obligations au regard du schéma départemental des aires d’accueil des gens du voyage ou qui n’y est pas inscrite, soit à tout autre propriétaire sans autorisation de sa part.

Cette disposition a été jugée inopérante par notre commission, ce qui l’a conduite à supprimer l’article en question. En effet, cette démarche visant à sanctionner plus lourdement les gens du voyage ne peut être opérante sans une réévaluation des besoins réels et tant que l’ensemble des collectivités locales ne respectent pas leurs engagements.

J’ai évoqué le manque de pédagogie. C’est le cas de cette proposition de loi, je l’ai dit, mais aussi de la majorité des vingt et une propositions de loi déposées depuis le vote de la dernière grande loi sur le sujet, en 2000. La plupart d’entre elles visent à alléger, simplifier, modifier ou renforcer les procédures d’expulsion. Les propositions de renforcement des sanctions, dont on connaît l’inutilité, ne contribuent pas à faire évoluer les mentalités pour que le libre choix de vie de chacun soit respecté, étant entendu que ce libre choix de vie ne doit évidemment pas empiéter sur les droits d’autrui.

Cependant, encore une fois, l’aggravation de sanctions n’est pas le bon chemin à emprunter, d’autant que ce chemin mènerait certainement à l’inconstitutionnalité. Comme l’a souligné le rapporteur pour avis, cette proposition de loi soulève des difficultés d’ordre constitutionnel.

En effet, dans sa décision du 9 juillet 2010, le Conseil constitutionnel a jugé que la procédure d’évacuation spécifique des résidences mobiles des gens du voyage était conforme à la Constitution, du fait de son encadrement par la loi de 2007. Comme le précise le rapport de M. Leconte, « il ressort de cette décision que la constitutionnalité de la procédure repose en partie sur les conditions et garanties qui ont été fixées, et qu’il serait donc constitutionnellement périlleux d’assouplir ».

Les dispositions de la présente proposition de loi qui modifient, en les assouplissant, les conditions et les garanties de la procédure d’évacuation des résidences mobiles des gens du voyage comportent donc un fort risque d’inconstitutionnalité.

Aujourd’hui, sur le plan législatif, la référence en matière de stationnement des gens du voyage est la loi de 2000. Ce texte comporte des avancées non négligeables.

L’obligation, pour toutes les communes de plus de 5 000 habitants, de réserver des terrains aménagés aux gens du voyage, rendait possible, en contrepartie, l’interdiction de stationnement des ceux-ci sur le reste du territoire communal par le maire. Cependant, il aurait fallu leur donner vraiment les capacités financières pour le faire jusqu’au bout. Déjà en 2000, notre groupe avait soulevé la question du financement.

Cette loi contient des dispositions financières substantielles à la charge de l’État, pour le financement de l’investissement et pour la compensation des charges de fonctionnement. Toutefois, les départements et les communes y contribuent de façon importante, ce qui, compte tenu des difficultés financières que connaissent déjà ces collectivités, nuit à l’application de ce texte, y compris lorsque les élus sont de bonne volonté.

C’est ainsi que l’on constate encore aujourd’hui un très grand déficit quant au nombre d’aires d’accueil. Il en résulte une très forte pression sur les communes qui sont dotées d’un équipement et qui, de fait, se jugent pénalisées alors qu’elles ont respecté la loi. Il en résulte également une dissuasion encore plus forte pour les communes les moins coopérantes.

Mes chers collègues, nos lois doivent tendre vers la création des conditions d’un équilibre satisfaisant entre, d’une part, la liberté constitutionnelle d’aller et venir, l’aspiration légitime des gens du voyage à pouvoir stationner dans des conditions décentes et, d’autre part, le souci, également légitime, des élus locaux d’éviter les installations illicites, qui occasionnent des difficultés de coexistence avec leurs administrés. Cet équilibre entre droits et devoirs relève de la responsabilité de l’État, en partenariat avec les collectivités locales, les gens du voyage et les populations sédentaires concernées.

La préservation de cet équilibre exige que l’on dépasse le cadre répressif. En la matière, comme dans bien des domaines, la loi doit contribuer à faire évoluer les mentalités. La loi ne doit pas conduire à toujours plus réprimer, mais poursuivre des fins de justice sociale et d’égalité de traitement. C’est l’objet de certains de nos amendements, en particulier deux d’entre eux, l’un visant à supprimer la loi de 1969, l’autre visant à reconnaître publiquement l’internement des nomades durant la Seconde Guerre mondiale.

Certes, l’article 1er a été supprimé par la commission, mais les articles 4 et 5 demeurent, qui ne sauraient être maintenus, car ils portent aussi atteinte à l’équilibre que j’évoquais voilà quelques instants. L’article 4 prévoit de réduire à six heures le délai d’exécution de la mise en demeure dans le cas où les occupants du terrain en cause ont déjà procédé à une occupation illicite sur le territoire de la commune ou d’une autre commune du département. Quant à l’article 5, il tend à réduire de soixante-douze heures à quarante-huit heures le délai maximal dans lequel le tribunal saisi doit statuer en cas de recours contre une mise en demeure de quitter les lieux illicitement occupés.

Nous avons également déposé des amendements de suppression de ces articles.

Nous avons en outre déposé des amendements qui nous paraissent de nature à enrichir le texte ; le sort qui leur sera réservé déterminera notre vote final.

Sachez, mes chers collègues, que les membres du groupe communiste républicain et citoyen soutiendront toutes les mesures permettant de concilier le droit à un habitat adapté et la libre circulation des personnes dans un rapport équilibré entre les droits et les devoirs de chacun, exigence dont, malheureusement, cette proposition de loi n’est, pour l’instant, pas porteuse. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, quelques jours après la fin du congrès des maires et quatre mois avant les élections municipales, nos collègues du groupe UMP ont choisi, peut-être non sans quelque arrière-pensée, de soumettre à notre débat cette proposition de loi relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage dont l’esprit initial vise essentiellement à renforcer les sanctions prévues contre les occupations illicites.

Je tiens, moi aussi, à souligner l’importance de ce débat, qui met en lumière toute l’étendue du principe républicain d’égalité devant la loi auquel nous sommes bien sûr attachés, et auquel nous devons, par conséquent, continuellement donner corps. Si la République ne saurait faire de distinction entre ses citoyens autres que celles fondées sur le mérite, elle ne saurait davantage accepter qu’une partie de la population se détourne de l’application de la loi, pour quelque cause que ce soit.

Madame la ministre, c’est bien parce les membres de mon groupe exercent ou ont exercé des fonctions exécutives locales – puisque cela est encore possible – que nous connaissons les implications sur le terrain, dans nos collectivités, de l’accueil des gens du voyage. C’est pour cette même raison que nous abordons l’examen de ce texte pleinement conscients des problématiques qu’il soulève. Chacun de nous, en se référant à son département, peut multiplier les exemples d’occupations illicites de propriétés publiques ou privées, ou au contraire de cohabitation dans un bon climat entre gens du voyage et riverains.

Le fait est que de nombreuses collectivités se sentent aujourd’hui désarmées, voire abandonnées par l’État, lorsqu’elles se retrouvent confrontées à des occupations illégales, des dégradations d’ouvrages publics qui mettent en danger la sécurité, ou au refus du concours de la force publique pour procéder à une évacuation.

Mais il est tout aussi inacceptable que certaines communes s’affranchissent de leurs obligations légales en termes de réalisation d’aires d’accueil, pour d’ailleurs venir ensuite parfois se plaindre de devoir faire face à une situation dégradée.

La loi doit s’appliquer systématiquement partout, quelles que soient les personnes concernées. Il y a urgence pour éviter que la situation n’empire.

La loi Besson de 2000 avait sans doute fixé des objectifs trop ambitieux – notamment la création de 40 000 aires de stationnement –, qui sont loin d’avoir été atteints, comme l’a relevé la Cour des comptes. Les schémas départementaux d’accueil n’ont été que partiellement mis en œuvre. Au demeurant, on observe en l’espèce de fortes disparités régionales.

Néanmoins, il faut souligner que les retards d’aménagement ne sont pas imputables aux seules collectivités. En 2008, la décision de l’État de cesser, paradoxalement, de subventionner les nouveaux projets des collectivités qui ne s’étaient pas manifestées pour se concentrer sur les seuls projets en cours a eu pour principal effet de tarir les financements au moment où ils étaient les plus nécessaires. Face aux fortes pressions exercées par les riverains sur certains maires, de nombreuses communes se sont retrouvées dans l’impossibilité matérielle de respecter la loi et, surtout, d’assurer l’ordre public sur leur territoire.

Mes chers collègues, si la loi Besson pose des principes clairs qui cadrent parfaitement avec les principes républicains de liberté et d’égalité, il faut aussi constater, même s’il faut se garder de faire des amalgames, que, sur le terrain, la réalité est parfois tout autre. Certains groupes n’hésitent pas à se réclamer indûment du grand passage, visant les grands rassemblements annuels, pour occuper illégalement des terrains sans prévenir quiconque de leur arrivée, opérer de façon sauvage des raccordements à l’eau et à l’électricité, détruire parterres de fleurs et autres pelouses, utiliser les équipements municipaux sans permission et laisser trop souvent les installations dans un état déplorable, à charge pour la collectivité d’en assurer le coût.

Loin de nous l’idée de généraliser, car nous sommes avant tout des républicains, mais ce type de dérives existe bel et bien et laisse les élus bien souvent seuls, dans le plus grand désarroi, avec l’impression funeste d’être abandonnés par l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

À ces maires, à ces élus, nous devons dire que non seulement nous comprenons leur sentiment, mais que nous voulons aussi en prendre la mesure et agir pour ne pas donner l’impression que la loi ne s’applique pas partout de façon identique.

En réalité, aggraver les sanctions contre ces personnes indélicates ne servira pas à grand-chose, mais cela peut constituer un signal, à condition que la loi soit appliquée.

Nous sommes donc face à une vraie question politique, à savoir comment concilier les besoins des gens du voyage, ce qui passe par le respect des obligations légales de construction et d’aménagement des aires, et la nécessité de maintenir l’ordre public sur le terrain, lorsque les élus font face à des comportements inacceptables.

Cette question ne trouvera de réponse qu’en dépassant les clivages politiques et l’émotion entretenue chaque été par les médias. La proposition de loi de notre collègue Pierre Hérisson, telle que modifiée par la commission des lois, soulève sans doute plus d’interrogations qu’elle n’apporte de réelles solutions susceptibles de satisfaire l’ensemble des parties. Nous savons aussi que le député socialiste Dominique Raimbourg a déposé une proposition de loi dont l’angle de vue est différent, puisqu’elle tend à abroger la loi de 1969 relative aux gens du voyage, à l’instar d’un certain nombre d’amendements que nous examinerons tout à l’heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Pour notre part, nous sommes attachés à ce que la loi existante soit réellement appliquée non seulement en mettant les communes rétives face à leurs responsabilités, mais aussi en faisant preuve de la plus grande fermeté à l’égard des fauteurs de troubles. Or, sur ce point, l’action des préfets ne semble pas être uniforme sur l’ensemble du territoire, ce qui est regrettable.

À ce stade de nos débats, les membres du RDSE attendent de voir quel texte résultera de nos discussions pour se prononcer sur leur vote final.

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais d’abord rendre hommage à Pierre Hérisson qui a montré, dans le passé, toute sa connaissance du problème que nous examinons aujourd’hui.

En effet, comme il l’a rappelé lui-même, il a été nommé deux fois parlementaire en mission pour travailler sur ce sujet et il a déposé un rapport intitulé Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun, qui traite toute une série de questions, du statut des gens du voyage à la réalisation des aires d’accueil, en passant par le transfert des compétences aux EPCI et la structuration des aires de grand passage, etc.

Puis, au mois de juillet 2011, il a déposé une proposition de loi comportant dix-neuf articles et reprenant la quasi-totalité des vingt-six propositions de son rapport.

Mon cher collègue, cet excellent travail mérite d’être salué. En revanche, il n’en va pas de même pour votre attitude aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

En effet, deux ans et demi plus tard – vous avez eu le temps de réfléchir et de discuter, je suppose, avec un certain nombre de membres de votre groupe – et à six mois des élections municipales, vous déposez une proposition de loi absolument squelettique comprenant sept articles et qui, nous le verrons, est inapplicable, ne règle rien et se trouve à la limite de l’inconstitutionnalité. Ce n’est pas digne du Sénat ! Voilà ce que vous faites aujourd’hui, monsieur Hérisson !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur Carle, je m’étonne que vous, qui êtes coauteur de la présente proposition de loi et qui êtes intervenu tout à l’heure à cette tribune avant d’occuper le fauteuil de la présidence, osiez essayer de restreindre le droit d’amendement des parlementaires. Je vous indique qu’il suffit que vos amis votent un seul amendement pour que la discussion aille très vite : toute une série d’amendements deviendront alors sans objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Il ne tient donc qu’à vous de faire en sorte que, dans le délai des quatre heures imparti au groupe UMP en application du règlement du Sénat, cette proposition de loi soit votée !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Il ne reste qu’une heure et quarante-cinq minutes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je dispose d’un temps de parole de quinze minutes, mon cher collègue, et je ne le dépasserai pas !

Cela étant, il faut replacer votre initiative dans son contexte. Depuis cet été, on observe une surenchère à propos des gens du voyage, certains élus n’hésitant pas à réactiver l’amalgame avec les Roms, comme l’a si bien dit Esther Benbassa, alors qu’il s’agit, tout le monde le sait, de deux populations très différentes.

La confusion est entretenue d’autant plus complaisamment que, au travers de la population des Roms, l’extrême droite ainsi d’ailleurs qu’une partie de la droite républicaine, quelquefois dans sa frange la plus modérée, paraît-il, ciblent les thèmes de l’immigration et de l’insécurité, deux sujets hautement inflammables en période électorale.

Sur ces dossiers, il est inutile d’œuvrer pour une réelle différenciation : l’important en termes de stratégie politique consiste à marquer les esprits !

La multiplication des déclarations agressives de nombreux élus participe bien entendu de la radicalisation du discours politique à laquelle on a assisté ces derniers mois et que les mêmes élus, par ailleurs, regrettent parfois. Quand sont-ils vraiment sincères ?

Mes chers collègues, il faut savoir que la France est l’un des rares pays à s’être doté d’une réglementation et à avoir défini une politique publique en matière d’accueil et d’accompagnement des gens du voyage. Celle-ci vise des personnes de nationalité française dont le mode d’habitat traditionnel est caractérisé par l’occupation de résidences mobiles. Ce sont les lois du 3 janvier 1969 et du 5 juillet 2000 qui règlent ces questions. Ainsi, la catégorie administrative des gens du voyage n’est pas une catégorie ethnique ; c’est bien le mode de vie traditionnel adopté par une catégorie de la population française qui justifie l’exigence d’une législation spécifique.

J’ouvre une parenthèse pour regretter que nous vivions aujourd’hui dans une société où les normes président à tout. Voilà quelques années, ne serait-ce que dans l’entre-deux-guerres, les gens du voyage circulaient librement partout. Quand j’étais enfant, on voyait les gitans, les bohémiens installer leurs roulottes près des remparts d’Aigues-Mortes où je passais mes vacances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Aujourd’hui, rien de tel ne serait plus possible ; tout le monde s’enferme dans son pré carré, plante des haies autour de sa maison et a peur de l’autre. C’est ce climat qui justifie tous les textes et toutes les propositions de loi que nous voyons fleurir.

J’en reviens à mon propos. Ce caractère traditionnel exclut de la catégorie des gens du voyage bien sûr les SDF, ainsi que l’ensemble des personnes qui vivent contre leur gré dans un habitat mobile ou léger tel qu’un mobil-home, une caravane ou une tente.

Bien que très circonscrite, la définition des gens du voyage ne permet pas pour autant de comptabiliser précisément les membres de cette communauté. Les chiffres les plus fantaisistes sont cités ici ou là – 500 000 à 600 000 individus –, mais les estimations les plus sérieuses oscillent plutôt entre 250 000 et 300 000 personnes.

En fait, cette absence de données statistiques fiables constitue une première difficulté pour appréhender la situation vécue par cette population et pour répondre aux difficultés qu’elle rencontre. À cet effet, des textes ont été récemment adoptés, mais ils ne sont malheureusement pas toujours appliqués. Ce constat est largement partagé, notamment par ceux qui sont intervenus à cette tribune avant moi.

Par ailleurs, de nombreux rapports ont été publiés : rapports parlementaires, dont celui, excellent, de notre collègue Pierre Hérisson, ou d’autre nature relatant les travaux de chercheurs ayant étudié cette question.

Enfin, des décisions des juridictions judiciaire, administrative et constitutionnelle ont circonscrit ce problème.

Dans ce cadre-là, il faut bien le reconnaître, la proposition de loi qui nous est présentée aujourd’hui encourt plusieurs critiques, comme je l’ai indiqué tout à l’heure peut-être un peu brutalement, mais je vais essayer de le justifier. En tout cas, elle est très en deçà des différentes études qui ont déjà été réalisées, notamment de celle, plutôt excellente, qu’a produite Pierre Hérisson, également auteur du présent texte.

Tout d’abord, je dirais que cette proposition de loi est incomplète sur deux points.

D’une part, elle ne règle absolument pas le problème lié à l’absence d’aires d’accueil et de terrains de grand passage qui préoccupe pourtant de nombreux élus, moi le premier. En effet, dans le département de la Haute-Saône, nous assistons tous les deux ans à un grand passage sur un ancien aérodrome désaffecté, au cours duquel un pasteur procède à de grandes célébrations œcuméniques pour les gens du voyage. Or cet événement perturbe évidemment un peu le voisinage et les maires ne sont pas très satisfaits de cette situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

D’autre part, mon cher collègue, cette proposition de loi ne tire pas toutes les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 5 octobre 2012 qui a partiellement censuré la loi du 3 janvier 1969.

Je ne reviendrai pas sur l’analyse du Conseil constitutionnel qui, comme d’habitude, est très balancée, très hypocrite. Bref, rien ne change ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Ce genre de décision du Conseil, quelle que soit la composition de celui-ci, est récurrent. Peut-être faut-il y voir la main du secrétaire général et de ceux qui l’entourent…

Pas plus tard qu’il y a deux ans, sur le droit des mineurs, les Sages ont rendu une décision de cet ordre : le Conseil a consacré absolument le droit des mineurs, mais a tout de même autorisé la création d’un tribunal correctionnel des mineurs, la comparution immédiate des mineurs ordonnée par le parquet sans passer par le juge des enfants, etc.

Nous connaissons toutes ces décisions et nous nous y soumettons bien évidemment, mais je n’ai pas peur de dire ici que, à force d’être trop balancées, elles n’ont plus aucun sens.

La décision de 2012 doit être envisagée à cette aune : elle réaffirme les droits fondamentaux des gens du voyage, mais elle autorise le maintien du livret, qui est totalement discriminatoire puisqu’il oblige les gens du voyage à aller « se faire tamponner » dans les mairies des communes qu’ils traversent, comme s’ils étaient sous contrôle judiciaire.

Mes chers collègues, cette proposition de loi étant incomplète, un certain nombre d’entre nous a déposé des amendements tendant à supprimer tout simplement la loi de 1969. Ainsi, nous allons jusqu’au bout de la décision du Conseil constitutionnel. Nous faisons table rase du passé pour construire autre chose. Monsieur Hérisson, je regrette que vous ne souhaitiez pas pour l’instant participer à cette élaboration, mais je ne doute pas que vous y viendrez, car vous connaissez bien la question et vous savez parfaitement qu’aujourd’hui vous n’êtes pas dans les bons rails.

Vous en aurez l’occasion lorsque viendra en discussion au Sénat la proposition de loi de Dominique Raimbourg qui, j’ose le dire, est une fausse proposition de loi, comme beaucoup d’autres, d’ailleurs, puisqu’elle a été discutée…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Mais il faut dire les choses telles qu’elles sont, et moi je dis toujours la vérité !

Cette proposition de loi a donc été élaborée avec l’aide technique du ministère de l’intérieur et du ministère de l’égalité des territoires et du logement. Tout cela est bien normal : si nous voulons rédiger un texte solide dépassant trois articles sur un sujet important, nous avons besoin de l’aide des services du Gouvernement et des administrations. À défaut, malgré toute la science des administrateurs et des fonctionnaires du service de la bibliothèque et des archives du Sénat, nous n’y arriverions pas.

Toujours est-il que la proposition de loi de M. Raimbourg a été déposée et que, si j’ai bien compris, elle a l’aval du Gouvernement ; elle sera examinée par l’Assemblée nationale, qui vraisemblablement l’adoptera après l’avoir amendée. Après quoi elle sera soumise à notre examen, ce qui vous permettra, monsieur Hérisson, de mettre à profit tout ce que vous savez sur la question pour l’enrichir.

Mon cher collègue, il faut bien dire aussi que certaines dispositions de votre proposition de loi sont inutiles : je veux parler, en particulier, de celle qui double les pénalités prévues en cas d’installation illicite. Doubler les pénalités, cela fait bonne impression ; on semble dire aux maires : « Ne vous en faites pas, vous allez voir ce que vous allez voir ! » Seulement voilà : en cinq ans, sept condamnations seulement ont été prononcées, et aucune n’est intervenue ni en 2009 ni en 2010.

Votre proposition de loi est également hasardeuse. En effet, étendre la procédure d’évacuation d’urgence au-delà des cas d’atteinte à la sécurité, à la salubrité et à la tranquillité publiques est une mesure sur laquelle pèse un grand risque constitutionnel. De fait, la Cour européenne des droits de l’homme comme les tribunaux administratifs, notamment celui de Nice qui, le 14 novembre dernier, a suspendu l’arrêté anti-bivouac de votre cher collègue Christian Estrosi, ont estimé que les évacuations d’urgence devaient avoir des justifications solides.

Un risque d’inconstitutionnalité pèse également sur la disposition de l’article 3 qui fixe aux préfets un délai maximal de vingt-quatre heures pour l’exécution de la mise en demeure de partir, dans la mesure où il s’agit d’une compétence liée.

Enfin, monsieur Hérisson, certaines dispositions de votre proposition de loi sont inapplicables. C’est le cas de celle qui oblige les tribunaux administratifs à statuer en quarante-huit heures, jours fériés compris, au lieu de soixante-douze heures, ce qui contraindrait les juges administratifs à travailler davantage. C’est le cas aussi de celle qui prévoit – c’est le fin du fin ! – la signature obligatoire d’une convention entre le maire et les riverains trois mois avant toute arrivée.

Si encore il s’agissait seulement des grands passages, qui sont prévus un an à l’avance et pour lesquels le préfet et le président du conseil général prennent des dispositions en matière de terrains, d’alimentation en eau et de services de santé, on pourrait comprendre. Mais pas du tout : la mesure proposée vise tous les passages.

En d’autres termes, si trois caravanes arrivent dans ma commune, il faudra que, trois mois auparavant, j’aie signé une convention avec les riverains, et je suppose aussi avec les gens du voyage. On le voit bien, mes chers collègues, cette obligation est pratiquement impossible à satisfaire !

Au demeurant, si elle était satisfaite, elle raviverait le contentieux entre les sédentaires et les voyageurs. En réalité, elle garantirait que les gens du voyage ne seraient jamais les bienvenus et qu’ils ne seraient jamais accueillis. De fait, je ne vois pas comment, trois mois avant leur arrivée, on pourrait faire signer par les riverains une convention touchant à l’installation de personnes dont ils ne veulent pas et qu’ils rejettent.

Pour toutes ces raisons, monsieur Hérisson, votre proposition de loi ne peut pas être votée. À moins, bien sûr, que vous n’acceptiez toutes les dispositions adoptées en commission des lois sur l’initiative du rapporteur et d’un certain nombre de nos collègues, notamment l’abrogation de la loi du 3 janvier 1969.

Dans ce cas, le texte issu de nos débats serait très différent de votre proposition de loi dans sa réaction initiale ; il serait compatible avec la proposition de loi présentée à l’Assemblée nationale, et peut-être le voterions-nous. Dans le cas contraire, mon cher collègue, nous ne voterons pas votre proposition de loi !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi qu’au banc des commissions.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin

Au cours de ce débat approfondi, de nombreux points de vue ont été exposés ; pour ma part, je me bornerai à présenter quelques observations.

Mme Benbassa a souligné à juste titre la fragilité constitutionnelle de certaines dispositions de la présente proposition de loi ; combinées au déséquilibre entre devoirs et droits des gens du voyage, celles-ci risqueraient de fragiliser le pacte républicain.

Madame la sénatrice, vous avez eu bien raison de signaler qu’un certain nombre de tensions existent aujourd’hui ; on peut se demander s’il est opportun de les raviver.

M. Carle a rappelé que de nombreux amendements ont été déposés sur la proposition de loi : c’est la preuve que le débat est vivant et le problème complexe. Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis que, sur toutes les travées, vous ayez cherché à améliorer la situation et à aboutir à une proposition de loi raisonnable et acceptable.

M. Delahaye m’a demandé si le Gouvernement entendait déposer un projet de loi. En l’état actuel des choses, il n’en a pas l’intention.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée

Cela étant, comme plusieurs orateurs l’ont indiqué, le député Dominique Raimbourg a beaucoup travaillé pour résoudre les problèmes qui se posent. Il a le soutien de nombreuses associations et peut compter sur l’appui des services des ministères. Le Gouvernement suit avec beaucoup d’intérêt son travail, qu’il juge sérieux et tout à fait propre à répondre aux difficultés rencontrées. Dans ces conditions, il n’est peut-être pas nécessaire d’entreprendre une initiative parallèle.

Mesdames, messieurs les sénateurs, soyez rassurés : le Gouvernement veillera à ce que la proposition de loi de M. Raimbourg soit examinée par le Parlement.

Monsieur Delahaye, vous avez décrit ce qui se fait à Massy, en soulignant que cette commune respecte ses obligations. Loin de moi l’idée de prétendre que seuls les sénateurs siégeant sur un côté de cet hémicycle font preuve d’humanité et sont attachés au respect des droits des gens du voyage ! Reste que, malheureusement, de nombreux élus ne sont pas sensibles à ce problème, de sorte que le nombre des aires d’accueil pour les gens du voyage est insuffisant.

Le Gouvernement a exprimé son engagement non seulement dans les textes qu’il a fait parvenir à Bruxelles, mais aussi dans sa décision de charger un préfet de traiter de la question des gens du voyage, ce qui démontre l’existence d’une action interministérielle.

Mme Cukierman a confirmé l’analyse du Gouvernement en ce qui concerne la nécessité d’améliorer la situation actuelle sans créer de nouvelles tensions. Elle a rappelé un certain nombre d’épisodes douloureux de notre passé, notamment les persécutions dont les gens du voyage ont été victimes.

Il faut aussi souligner, comme l’a fait Jean-Pierre Michel, que, dans les villages d’autrefois, la figure du bohémien faisait partie du paysage. Elle a inspiré des poèmes qui restent dans nos mémoires, en particulier celui de Baudelaire, qui a été mis en musique. En vérité, ces personnes font partie de notre vie depuis toujours ! Il est d’autant plus injuste que, aujourd’hui, elles soient parfois stigmatisées.

Peut-être les élus locaux ont-ils le sentiment de ne pas toujours faire ce qu’il faudrait et de ne pas parvenir à appréhender le problème comme ils le souhaiteraient. En tout cas, ils doivent savoir que nous sommes extrêmement attentifs à leurs besoins et que nous essayons de trouver des solutions pour les aider.

Trouver des solutions satisfaisantes pour tout le monde suppose que les gens du voyage respectent leurs devoirs et qu’ils parviennent à organiser un peu mieux, en liaison avec les préfectures, les grands déplacements ; mais il faut aussi que, de leur côté, les élus mesurent la nécessité de respecter leurs obligations en matière d’aménagement d’aires, notamment pour le grand passage.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tout ira mieux si, de part et d’autre, on essaie de rendre la société vivable pour tous, quelles que soient les différences de modes de vie !

Mme Esther Benbassa et M. Richard Yung applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je suis saisi de dix amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les quatre premiers sont identiques.

L'amendement n° 1 est présenté par M. Dilain, au nom de la commission des affaires économiques.

L'amendement n° 7 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 27 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 40 est présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe est abrogée.

La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l’amendement n° 1.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Comme plusieurs orateurs l’ont signalé au cours de la discussion générale, la proposition de loi de notre collègue Pierre Hérisson est incomplète.

La commission des affaires économiques propose l’abrogation de la loi du 3 janvier 1969. Celle-ci a remplacé la loi du 16 juillet 1912, qui obligeait certains, parmi les gens du voyage, à posséder un carnet anthropométrique. Je le rappelle pour vous faire sentir, mes chers collègues, à quel état d’esprit correspond la loi de 1969.

Le caractère discriminatoire de cette loi ne fait aucun doute. D’ailleurs, elle a été critiquée par plusieurs organismes non seulement nationaux, mais aussi internationaux.

C’est ainsi que, dans son rapport du mois de février 2006 sur le respect effectif des droits de l’homme en France, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a dénoncé en ces termes l’obligation de détenir un livret de circulation : « L’obligation de détenir un tel document ainsi que celle de le faire viser régulièrement constituent une discrimination flagrante. En effet, il s’agit de la seule catégorie de citoyens français pour laquelle la possession d’une carte d’identité ne suffit pas pour être en règle. »

Par ailleurs, au mois d’avril 2009, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, a critiqué les dispositions de cette loi relatives aux inscriptions sur les listes électorales.

Du reste, le 5 octobre 2012, à l’occasion de l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a abrogé une large partie des dispositions de ce texte.

Malheureusement, certaines de ses dispositions sont encore en vigueur ; c’est le cas, en particulier, de l’obligation faite aux gens du voyage d’être munis d’un titre de circulation. La commission des affaires économiques a estimé, à l’unanimité, qu’il convient aujourd’hui de les abroger.

Dans le rapport qu’il a publié au mois de juillet 2011 en tant que parlementaire en mission, notre collègue Pierre Hérisson appelait de ses vœux l’alignement des règles relatives au droit de vote des gens du voyage sur celles de droit commun, ainsi que la suppression des titres de circulation. Du reste, sa proposition de loi du mois de juillet 2012 prévoyait, dans son article 19, l’abrogation de la loi de 1969.

Puisse le Sénat exaucer notre collègue à une large majorité !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Le présent amendement, identique à celui que vient de présenter notre collègue Claude Dilain, a pour objet d’abroger la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe.

Je tiens à souligner que l’espèce de stigmatisation dont sont victimes les gens du voyage n’est pas nouvelle. En effet, du 18 mars 1908 au 31 juillet 1909, les brigades mobiles de police créées par Clemenceau ont photographié 7 790 nomades. Cette pratique a trouvé son prolongement naturel dans la loi du 16 juillet 1912, qui a institué le carnet anthropométrique des nomades, fondé sur la méthode d’Alphonse Bertillon.

Je n’ai pas le temps de rappeler dans le détail toute l’histoire de ces stigmatisations. Dans tous les cas, on a cherché à surveiller les gens du voyage parce que, étant nomades, ils ne se laissaient pas encadrer. C’est pour cette raison qu’on a toujours voulu les brimer par des législations de contrôle.

Au mois d’octobre 2012, comme l’a rappelé M. Dilain, le Conseil constitutionnel a abrogé une partie des dispositions de la loi du 3 janvier 1969.

Ainsi, c’est seulement le carnet de circulation, imposant aux plus démunis, c'est-à-dire aux personnes sans ressources et bénéficiaires du RSA, un contrôle très strict – visa trimestriel des autorités, délit de circuler sans titre –, qui a été déclaré inconstitutionnel. Les personnes considérées comme « du voyage » doivent tout de même être en possession d’un livret de circulation. Celui-ci est valide cinq ans et doit être visé annuellement par les autorités. Les conditions sont donc assouplies, mais le livret de circulation reste en vigueur.

Par ailleurs, l’exigence de trois ans de rattachement ininterrompu à une commune pour s’inscrire sur les listes électorales a certes disparu, mais les dispositions relatives à la commune de rattachement, dont les gens du voyage n’ont la liberté ni de choix ni de changement, restent en vigueur.

Cette décision était importante, certes, sur le plan symbolique, mais son principal apport était de nous rappeler que le législateur doit mettre fin à ce régime discriminatoire et contraire au principe d’égalité que subissent les gens du voyage. Je rappelle qu’ils sont français et que l’on ne doit pas les confondre avec les Roms, même si, parmi les gens du voyage, certains appartiennent à l’ethnie rom. En effet, « rom » est le nom que l’on donne en France aux gens nomades venus, notamment, de Roumanie.

Bien sûr, au cours des auditions que nous avons menées, certains se sont déclarés sinti, d’autres roms, et d’autres encore tsiganes. Mais, distinction importante, les gens du voyage dont nous parlons aujourd'hui sont français depuis plusieurs générations, et même depuis la nuit des temps.

Plus d’une année après la décision du Conseil constitutionnel, il est temps que ces concitoyens entrent enfin dans le droit commun, comme M. Hérisson le préconisait dans le titre de son rapport de 2011.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 27.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

L’objet de notre amendement est également de supprimer la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe.

Cela fait plusieurs siècles qu’il existe en France un régime spécifique pour ceux que l’on appelle aujourd’hui les « gens du voyage ». Cet euphémisme ne désigne pas une ethnie particulière ; c’est un terme purement administratif, apparu dans des textes officiels dès 1972, qui concerne les personnes visées par la loi du 3 janvier 1969. Il a remplacé ceux de « forains » et de « nomades », issus d’une loi de 1912 qui remplaçaient celui de « saltimbanques ».

Ces réglementations successives ne se sont pas contentées de singulariser des citoyens français qui ont simplement choisi un mode de vie différent. Elles ont créé des outils pour contrôler leurs mouvements et leurs activités, avec des sanctions et amendes spécifiques en cas de manquement aux règles édictées. Elles ont abouti aux titres de circulation, dont nous avons débattu précédemment.

Fortement décriée aussi bien par les associations que par la HALDE, le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale, la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la loi de 1969 doit être abrogée, afin que le droit commun s’applique à tous de la même manière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour présenter l’amendement n° 40.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Tout ou presque a été dit. Il s’agit de poursuivre le travail du Conseil constitutionnel, qui a invalidé le carnet de circulation, sans censurer le livret de circulation. C’est très subtil, et bien dans la manière du Conseil constitutionnel.

Par ailleurs, celui-ci a maintenu l’obligation de rattachement à une commune, ainsi que la disposition instaurant un quota maximal de gens du voyage par commune de rattachement correspondant à 3 % de la population.

On le constate, les dispositions de la loi du 3 janvier 1969 restant en vigueur après la censure partielle du Conseil constitutionnel continuent de soumettre les gens du voyage à un statut dérogatoire du droit commun, alors qu’ils sont français depuis de nombreuses générations, comme vient de le rappeler ma collègue Esther Benbassa.

Le rapport du préfet Hubert Derache préconise des évolutions en ce sens.

Notre collègue député Didier Quentin, membre de l’opposition actuelle, dans le rapport de la mission d’information sur le bilan et l’adaptation de la législation relative à l’accueil et l’habitat des gens du voyage, suggère lui aussi de supprimer tous les titres de circulation.

Dans son rapport intitulé Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun, notre excellent collègue Pierre Hérisson propose la suppression de l’obligation de détenir un titre de circulation et la suppression de la loi de 1969, ainsi que des dispositions relatives à la commune de rattachement. Il a d’ailleurs traduit ces préconisations dans la proposition de loi qu’il a déposée au mois de juillet 2012.

Par cet amendement, nous proposons de poursuivre l’œuvre du Conseil constitutionnel et de faire le travail que notre collègue Pierre Hérisson n’a pas voulu faire aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 41, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 2 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe est abrogé.

L'amendement n° 42, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 3 et 4 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe sont abrogés.

L'amendement n° 43, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 6 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe est abrogé.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Il s’agit d’amendements de repli. En effet, si les amendements précédents, qui visent à supprimer totalement la loi de 1969, ne sont pas adoptés, nous proposons de procéder par division et de supprimer d’abord l’article 2, puis les articles 3 et 4 et, enfin, l’article 6 de cette loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 8, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Avant l’article 1e

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 7 à 10 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe sont abrogés.

La parole est à Mme Esther Benbassa.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Il s’agit également d’un amendement de repli, visant uniquement à abroger la disposition relative à la commune de rattachement de la loi du 3 janvier 1969, laquelle, je le précise, succéda à la loi anthropométrique du 16 juillet 1912.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 44, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 7 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe est abrogé.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 45, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 8 de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe est abrogé.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Il est également défendu, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

La commission est défavorable aux amendements identiques n° 1, 7, 27 et 40, ainsi qu’aux amendements n° 41, 42, 43, 8, 44 et 45, lesquels visent à procéder à des abrogations partielles de la loi de 1969, par articles.

Je me permettrai toutefois de formuler quelques rapides commentaires sur ce sujet. La révision constitutionnelle de 2008 a permis l’examen, par le Conseil constitutionnel, d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à la loi de 1969. Dans sa décision, le Conseil a enfin censuré les éléments les plus discriminatoires de cette loi. Toutefois, les Français itinérants ne peuvent, aujourd'hui, élire domicile selon les procédures de droit commun, ce qui leur pose un certain nombre de problèmes. Les notions de commune de rattachement et de limitation d’inscription sur les listes électorales existent toujours. Je rappelle également que ces personnes ne pouvaient pas exprimer leur devoir civique de la même manière que les autres, parce qu’il fallait qu’elles soient rattachées pendant trois ans à la même commune pour pouvoir le faire.

Il est tout de même assez étonnant que, dans une République aussi assise que la nôtre, certains citoyens ne soient pas des citoyens à part entière. En commission des lois, j’ai entendu l’argument selon lequel, puisqu’ils sont des gens du voyage, ils n’habitent pas dans la commune en question et ne peuvent donc pas voter. Cependant, il existe beaucoup d’autres conditions permettant d’être inscrit sur les listes électorales d’une commune et d’y voter, sans y habiter en permanence. Je ne vois pas pourquoi une catégorie particulière de personnes serait privée de ce droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Or, aujourd'hui, il leur est refusé. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre de l’examen de ces amendements, j’estime que tous les Français, y compris les Français itinérants, doivent avoir les mêmes droits civiques et la même capacité d’élire domicile, dans des conditions identiques.

Ce soir, ce serait tout à la fois l’honneur et le devoir du Sénat que d’abroger, au début de l’examen du présent texte, cette loi de 1969 et de rappeler les principes républicains, en disposant que tous les Français sont reconnus de la même manière par la République. À titre personnel, je voterai ces amendements identiques.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée

Une première série d’amendements a pour objet l’abrogation de la loi du 3 janvier 1969 relative à l’exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe. Une seconde série vise à abroger certains des articles de ce texte.

Tout d’abord, j’estime que M. Jean-Pierre Michel est un peu sévère à l’égard du Conseil constitutionnel

Sourires.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée

Le Conseil a également estimé que la peine d’un an d’emprisonnement encourue par les personnes circulant sans avoir obtenu de carnet de circulation portait atteinte à l’exercice de la liberté d’aller et venir et était disproportionnée à l’égard de la finalité de la loi.

Il a en outre affirmé que l’obligation de justifier de trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune, parce qu’elle porte atteinte à l’exercice des droits civiques par les citoyens, n’était pas une disposition satisfaisante et devait être considérée comme ne respectant pas les prescriptions constitutionnelles.

Le Gouvernement, qui est attentif aux droits effectifs des gens du voyage, prend en compte, d’une part, cette décision du Conseil constitutionnel et, d’autre part, les réflexions des parlementaires qui estiment qu’il faut supprimer la loi de 1969.

Je pense comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette loi n’est pas adéquate. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de la Haute Assemblée pour ce qui concerne sa suppression.

Les amendements tendant à une abrogation partielle de ce texte soulèvent une autre interrogation. Si les articles visés ne semblent pas répondre à des nécessités au regard de l’égalité et de la situation des personnes, la suppression de certaines dispositions de cette loi me semble peu satisfaisante, car elle aboutirait à un résultat quelque peu déséquilibré.

Permettez-moi de formuler une observation. Chaque orateur l’a bien précisé, il s’agit de gens du voyage français, qui n’ont rien à voir avec les autres populations du voyage. Toutefois, les textes européens ne nous facilitent pas toujours la tâche, l’Europe ayant tendance à mettre dans le même sac, sous la dénomination de « rom », des populations différentes, soumises, dans notre pays, à des régimes distincts.

Quoi qu’il en soit, nous prônons le respect de l’égalité des droits à laquelle ces populations, même si elles ont choisi de se déplacer, ont droit. Tout ce qui peut contribuer à supprimer des discriminations illégitimes doit, à mon sens, être encouragé par le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Pierre Hérisson, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 1, 7, 27 et 40.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

On fait référence à ce que j’ai pu dire et écrire depuis un certain nombre d’années, mais seulement jusqu’à aujourd'hui. En commission des affaires économiques, à laquelle j’appartiens, nous avons évoqué le principe de l’abrogation de la loi de 1969. Je vous ai écoutée, madame la ministre.

L’abrogation de la loi précitée a sa place dans la proposition de loi Raimbourg, qui rétablit les équilibres ou supprime les déséquilibres qui m’ont été reprochés. Arrêtons de dire qu’il faut supprimer ou rétablir le carnet de circulation : il n’existe plus depuis que le Conseil constitutionnel l’a déclaré inconstitutionnel, même si je ne souscris pas du tout aux commentaires qui ont été formulés ni sur le Conseil constitutionnel et encore moins sur les propos qu’a tenus tout à l’heure notre collègue Jean-Claude Carle quand il dénonçait cette pratique consistant à modifier l’intitulé d’un texte quitte à complètement le dénaturer.

Mes chers collègues, je veux vous placer face à vos responsabilités à l’égard de l’ensemble des maires de France. Ceux-ci ont bien « intégré » la décision qu’a prise le Conseil constitutionnel à la suite de la question prioritaire de constitutionnalité dont il a été saisi. Pourquoi ce dernier n’a-t-il pas fait droit à la demande d’abrogation totale de la loi de 1969 ? Il a supprimé le carnet de circulation et mis également fin à l’obligation pour les gens du voyage de justifier de trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune pour leur inscription sur les listes électorales, rétablissant ainsi le droit commun et mettant fin à une discrimination. Pour ma part, cela faisait des années que je réclamais cette mesure : le Conseil constitutionnel, en lieu et place du Parlement, a réglé le problème.

En revanche, après de longs débats, il a maintenu l’obligation de rattachement à une commune ainsi que la disposition instaurant un quota maximal de gens du voyage par commune de rattachement de 3 % de la population. Pour cette raison, il n’est pas possible d’abroger la loi de 1969 dans sa totalité.

La sagesse voudrait que nous ne rejetions pas purement et simplement cette disposition, mais que nous la renvoyions à la proposition de loi Raimbourg, de manière à inscrire dans ce texte des mesures visant à éviter que les collectivités locales ne puissent être submergées par des flots d’inscriptions sur leurs listes électorales, sur le modèle de ce que j’avais écrit dans la proposition de loi que j’ai déposée en 2011.

Je vous rappelle que, sur les 36 767 communes que compte notre pays, 10 700 ont moins de 500 habitants. Si nous ne fixons pas un plafond et ne limitons pas la possibilité de s’inscrire sur les listes électorales de sa commune de rattachement, alors que c’est le droit commun qui va s’appliquer, il serait fort possible que, dans certaines communes, ce soient ces électeurs « rattachés » – je vise ici non pas la population des gens du voyage, mais tout citoyen de notre République française – qui deviennent majoritaires. C’est là un point fondamental.

En l’absence de toute garantie, nous ne pouvons pas abroger totalement la loi de 1969 sans avoir préalablement réfléchi à des mesures permettant d’éviter un tel écueil et sans les avoir adoptées.

D’autres dispositions de cette loi mériteraient également d’être réécrites, au nom de la lutte contre les discriminations, cependant que l’abroger totalement reviendrait à en créer de nouvelles.

Tout à l’heure, certains orateurs ont fait référence au colloque organisé à l’Assemblée nationale sur le sujet. Pour ma part, j’ai, à plusieurs reprises, longuement discuté de cette question. Avant d’abroger la loi précitée, il faut au préalable rédiger un nouveau texte qui non seulement veille à supprimer toute discrimination, mais également apporte un certain nombre de précisions sur les points que j’ai évoqués à l’instant.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP votera contre ces quatre identiques amendements visant à abroger la loi de 1969.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur Hérisson, vous nous expliquez que les maires ont « intégré » l’existence de ce livret. En tant qu’historienne de formation, permettez-moi de vous faire remarquer que, au cours de leur histoire, les peuples ont intégré bien des choses. Est-ce à dire qu’il deviendrait impossible de supprimer ce qui a été intégré ? Ce n’est pas un argument, pardonnez-moi de vous le dire !

Par ailleurs, ce livret de circulation date du carnet anthropométrique mis au point dans les années 1880 selon une méthode de signalement définie par Alphonse Bertillon, alors chef du service de l’identité judiciaire, destinée à retrouver les criminels récidivistes. Aujourd’hui, au XXIe siècle, pourrions-nous conserver un tel texte compte tenu de cette histoire et continuer à stigmatiser, à discriminer des Français qui sont nos frères et nos sœurs, qui vivent dans le même pays que nous ? Cela pose un problème eu égard à notre pacte républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je mets aux voix les amendements identiques n° 1, 7, 27 et 40.

J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP et, l'autre, du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici le résultat du scrutin n° 93 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 41.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici le résultat du scrutin n° 94 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.

Je mets aux voix l'amendement n° 42.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici le résultat du scrutin n° 95 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.

Je mets aux voix l'amendement n° 43.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici le résultat du scrutin n° 96 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l’article 1er.

Je mets aux voix l'amendement n° 8.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici le résultat du scrutin n° 97 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 44.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici le résultat du scrutin n° 98 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 45.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

L'amendement n° 52, présenté par M. J.P. Michel et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art… L’action menée en faveur de l’accompagnement et l’insertion des personnes dites gens du voyage s’inscrit dans un cadre interministériel avec le souci de préserver l’équilibre entre la reconnaissance des droits et l’abrogation des mesures discriminatoires d’une part, le rappel des devoirs et la nécessité de conduire des politiques spécifiques à l’égard d’une population particulière dont l’habitat traditionnel est constitué de résidence mobile ou qui se trouve en situation de semi-sédentarisation, d’autre part.

« Elle repose sur une évaluation continue des besoins et des attentes des membres de cette communauté et des collectivités territoriales chargées de les accueillir.

« Elle est mise en œuvre par l’État, les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les organismes de sécurité sociale ainsi que les associations qui représentent les gens du voyage dans leurs relations avec les pouvoirs publics. »

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Les politiques conduites en matière d’accueil et d’accompagnement des gens du voyage mettent en jeu un grand nombre d’acteurs – collectivités territoriales, administrations d’État, opérateurs privés, associations – et impliquent, au sein même de l’État, l’intervention de plusieurs ministères.

Les ministères chargés du logement et des affaires sociales sont les principaux concernés. Le ministère de l’intérieur est également intéressé par les enjeux relatifs à l’ordre public en matière de stationnement des gens du voyage et par les questions liées à l’état civil. Le ministère de l’éducation nationale – madame la ministre, votre présence n’est pas un hasard ! – intervient en matière de scolarisation des enfants du voyage. Enfin, d’autres ministères sont concernés de manière plus ponctuelle : le ministère de la défense, ainsi que le ministère des affaires sociales et de la santé en matière de prévention et de prise en charge sanitaire de cette population.

Tous les observateurs conviennent de façon unanime du défaut de coordination interministérielle à l’échelon national. Les ministères agissent chacun dans leur champ de compétence, sans nécessairement recouper leur action avec les autres départements ministériels.

Ce n’est que dans le cadre d’événement exceptionnel de portée nationale, comme les grands rassemblements qui se déroulent pendant la période estivale, que l’on peut voir les pouvoirs publics sortir de leur logique de verticalité pour s’appuyer sur une logique interministérielle.

À l’échelon local, le pilotage se révèle inégal. La concertation avec les communes, les établissements publics de coopération intercommunale et les conseils généraux se heurte à des difficultés dans certains départements. Il existe également un manque de coordination à l’échelle régionale.

On peut se montrer très surpris que, après de si nombreuses études menées sur le sujet, la population des gens du voyage reste mal connue, en l’absence de données statistiques actualisées.

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a pleinement conscience de cette situation. Il a enjoint à l’ensemble de ses ministres d’établir une stratégie interministérielle renouvelée en faveur des gens du voyage. L’objectif est clair ; élaborer une stratégie fondée sur une approche globale et harmonisée destinée à mieux appréhender et accompagner la communauté des voyageurs dans tous ses aspects.

Nous pensons utile de rassembler dans la loi les fondements sur lesquels doit reposer la définition d’une politique globale conduite en faveur des gens du voyage afin de traduire, sur le plan législatif, l’action qu’entend mener le Premier ministre dans la définition de cette stratégie interministérielle.

Nous souhaitons, au travers du présent amendement, mettre en avant, à la fois la multiplicité des actions menées et celles des acteurs concernés, et rappeler la nécessité de veiller à une juste répartition entre les droits et devoirs réciproques des gens du voyage et des collectivités territoriales, qui ont pour responsabilité de les accueillir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Cet amendement tend à décrire les fondements d’une politique globale en faveur des gens du voyage. La commission y est favorable, même si des doutes peuvent apparaître quant à sa cohérence avec les précédents votes en termes d’intégration des gens du voyage dans la communauté nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

En l’occurrence, cet avis rejoint la déclaration de Jean-Pierre Michel, ainsi que les suggestions du préfet Hubert Derache et la proposition de loi de Dominique Raimbourg.

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée

On ne peut que souscrire à la logique qui sous-tend cet amendement : la nécessité, pour l’État et les collectivités, de travailler en coordination.

Toutefois, nous sommes quelque peu perplexes quant à ce qu’apportera réellement son adoption. En effet, les différents services des ministères concernés ont déjà l’habitude de travailler ensemble ; j’en veux pour preuve la circulaire relative au schéma départemental d’accueil des gens du voyage.

En outre, la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées a pour vocation de coordonner l’action de différents ministères. Par conséquent, il ne nous semble pas absolument nécessaire de prévoir une disposition législative de portée générale pour traduire ce qui existe déjà sous l’égide du Premier ministre.

Par ailleurs, l’amendement tel qu’il est rédigé a-t-il une véritable portée normative ? Vous le savez, le Conseil constitutionnel est de plus en plus intransigeant concernant le réel caractère législatif des normes qui lui sont soumises. En l’espèce, l’intention nous paraît tout à fait louable, mais elle ne semble pas avoir abouti à la définition d’une norme claire.

C’est pourquoi le Gouvernement n’est pas très favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je mets aux voix l'amendement n° 52.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que celui du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Voici le résultat du scrutin n° 99 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Les trois amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 12 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

L'amendement n° 34 est présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 75 est présenté par M. Leconte, au nom de la commission des lois.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au I de l’article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, le mot : « traditionnel » est remplacé par le mot : « permanent ».

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 12.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

À l’article 1er de la loi n°2000-614 du 5 juillet 2000, est utilisé l’adjectif « traditionnel » pour qualifier l’habitat des gens du voyage. Or ce qualificatif me semble à la fois stigmatisant et inopérant. En effet, les gens du voyage appartiennent à une catégorie administrative désignant une population hétérogène, du point de vue culturel, social ou ethnique, qui réside habituellement en abri mobile terrestre. L’adjectif « permanent » paraît alors à la fois plus approprié et plus adapté à notre société actuelle.

Je voudrais rappeler en cet instant que l’expression « gens du voyage » est apparue en France en 1938, lors de la sortie du film du réalisateur belge Jacques Feyder intitulé Les gens du voyage. L’action, dramatique, se déroule au sein d’un cirque.

Le législateur l’emploie officiellement pour la première fois lors des travaux préparatoires de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969. Pierre Schiele, sénateur, parlant également d’« hommes du voyage », l’utilise dans son rapport du 19 décembre 1968.

À l’époque, cette catégorisation regroupe les forains, les caravaniers et les « voyageurs », ancienne catégorie des nomades. Lors d’une discussion en séance le même jour, le secrétaire d’État à l’intérieur, André Bord, reprend le terme de « voyageur » et lui ajoute ceux de « peuple du voyage ».

En 1972, cette expression est largement mentionnée dans une circulaire sur le stationnement des caravanes. Son utilisation se généralise ensuite dans les textes officiels et au sein de l’administration, pour figurer dans une loi en 1990.

Peu à peu, elle est employée dans le langage commun et est usitée par les médias, les politiques, etc., remplaçant les anciens termes « forains » et « nomades ».

Cette terminologie a en réalité deux sens, un légal et un autre commun.

Dans sa conception légale, cette dénomination vise une catégorie administrative française désignant une population hétérogène, du point de vue culturel, social ou ethnique, qui réside habituellement en abri mobile terrestre. Cette définition se retrouve dans la loi du 3 janvier 1969 et dans le décret du 31 juillet 1970, qui qualifie ces personnes de « sans domicile ni résidence fixe », SDRF, circulant en France ou exerçant des activités ambulantes.

Dans le langage commun, cette expression vise des personnes itinérantes vivant habituellement en caravanes, perçues comme appartenant à un groupe social, culturel ou ethnique transgénérationnel particulier et dangereux.

Dans la loi française, cette notion ne comporte aucune connotation ethnique ou communautariste, conformément aux principes constitutionnels de la Ve République. Ce vocable devrait recouvrir différentes réalités sociologiques, historiques ou ethniques, et l’adjectif « traditionnel » n’a plus lieu d’être utilisé pour qualifier l’habitat. C’est la raison pour laquelle nous vous proposons de le remplacer par l’adjectif « permanent ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l'amendement n° 34.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Comme l’a rappelé Mme Benbassa, cet amendement vise à remplacer le mot « traditionnel » par le mot « permanent » dans l’article 1er de la loi de 2010, dite « loi Besson ».

Cet amendement est cher aux associations que nous avons consultées. Comme je vous le disais lors de la discussion générale, celles-ci travaillent notamment afin que la stigmatisation des personnes concernées ne soit plus leur quotidien.

Elles nous ont expliqué que, lorsque l’on creuse le sujet et que l’on compare les différents mots employés ici et là dans notre législation pour désigner le type d’habitat de ces personnes, cet adjectif « traditionnel », en apparence neutre et non stigmatisant, comporte tout de même un peu ce dernier caractère.

En effet, la loi de 1969 définit la catégorie administrative des gens du voyage en fonction du critère de la résidence en abri mobile. Le code de l’urbanisme utilise une notion neutre et vise des « caravanes constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs » lorsqu’il traite des conditions dans lesquelles un terrain doit être aménagé afin de permettre l’installation de ces véhicules. Or la loi Besson introduit le terme « traditionnel », ce qui participe à une vision communautariste inutile et contraire à l’objectif que notre groupe, comme d’autres, tente de poursuivre depuis le début de ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 75.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Cet amendement est identique aux précédents.

Mes deux collègues l’ont indiqué, le mot « traditionnel » fait référence à l’origine des populations concernées. Il peut partant suggérer une ethnicisation des gens du voyage. La notion d’habitat permanent est plus précise : il s’agit d’une catégorie administrative. Pour ces raisons, il semble logique de le remplacer par l’adjectif « permanent ».

Debut de section - Permalien
George Pau-Langevin, ministre déléguée

Le Gouvernement est, lui aussi, animé par la volonté de ne stigmatiser aucune catégorie de la population. À cet égard, je remercie Mme Benbassa, qui nous apprend toujours beaucoup de choses, des explications qu’elle nous a apportées.

Cela étant, remplacer le mot « traditionnel » par l’adjectif « permanent » me semble incongru pour ce qui concerne les gens du voyage. Parler d’« habitat permanent mobile », c’est presque faire un oxymore ! À cet égard, je ne peux pas être très favorable à de tels amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Pour ma part, je ne vois pas en quoi l’adjectif « traditionnel » serait péjoratif, stigmatisant ou inopérant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Je viens du monde rural et je suis favorable à la tradition. Le titre de sous-préfet contient le mot « sous » ; il n’en sert pas moins à désigner le représentant de l’État dans les arrondissements ! Pourquoi changer des expressions qui sont ancrées dans le langage courant ?

Je remercie, en toute honnêteté, Mme Benbassa du cours qu’elle nous a dispensé. Mais nous ne sommes pas ici en Sorbonne, …

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

C’est vrai que nous sommes dans le VIe arrondissement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à M. Antoine Lefèvre, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Cela étant, il faut également rappeler ce qui se passe sur le terrain. Il faut indiquer les situations auxquelles les élus locaux sont confrontés. De fait, tel est le sens de cette proposition de loi !

Dans cette perspective, il convient de prendre en compte les nombreux débordements et les manquements à la loi qui sont constatés.

Madame la ministre, vous l’avez dit, pour que la société soit vivable pour tous, il faut que chacun respecte les lois de la République. Certains ont répondu : « Que les élus commencent par respecter la loi ! » Néanmoins, si l’on veut inciter les élus à appliquer la législation, il faut précisément leur garantir que, dès lors qu’ils ont fait les efforts d’aménagement et d’accueil qui leur sont demandés, les occupations illégales et les saccages de terrains aménagés seront sanctionnés.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

À ce titre, je tiens à citer l’exemple de mon territoire, la communauté de communes du Laonnois. En 2008, nous avons inauguré, non sans une certaine fierté, notre aire d’accueil des gens du voyage. Hélas ! le 29 avril 2010, j’ai dû signer un arrêté de fermeture de cet équipement. Ce territoire, qui compte 44 000 habitants et qui ne dispose pas de ressources mirifiques, y avait investi 1, 4 million d’euros. Quant au coût de la gestion, il s’élevait à 87 000 euros par an. Le coût des réparations, lui, représentait 120 000 euros !

Mes chers collègues, à l’heure où je vous parle, cette aire d’accueil n’a pas été reconstruite, ce qui pose un certain nombre de problèmes. Au reste, à l’époque où elle était ouverte, des occupations sauvages ont été constatées dans les limites de l’intercommunalité. Nous avons aussitôt alerté le représentant de l’État, mais aucune action n’a, malheureusement, pu être mise en œuvre. Il nous faut également évoquer cette problématique, qui figure au nombre des difficultés auxquelles les élus sont confrontés ! Le Sénat ne peut pas méconnaître ces difficultés.

L’argent public doit être dépensé utilement, la loi Besson doit pouvoir s’appliquer dans les faits. Le tout-répressif n’est pas une solution, nous en avons conscience. Néanmoins, à l’heure où les fonds publics se font de plus en plus rares, la réalisation de ces investissements, nécessaires et indispensables, va devenir de plus en plus difficile, notamment compte tenu des importantes destructions d’équipements subies par nos collectivités !

Je n’emploierai pas le terme « angélisme », que j’ai entendu prononcer au cours de nos débats en commission des lois. Je n’en tenais pas moins à rappeler cette réalité du terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Mes chers collègues, pour ma part, je tiens à formuler trois remarques.

Tout d’abord, comme plusieurs orateurs l’ont souligné, il n’y a pas d’angélisme en la matière. Quel que soit leur mode de vie, nos concitoyens doivent être punis dès lors qu’ils ne respectent pas la loi.

M. Antoine Lefèvre acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Le non-respect de la loi – notamment la dégradation des biens publics – doit être condamné. Je suis persuadée que, dans cet hémicycle, nous nous accordons tous sur ce point. Cela étant, d’aucuns, parfois involontairement, semblent suggérer que certaines personnes ayant choisi un mode de vie nomade respectent plus ou moins la loi. Monsieur Lefèvre, je ne sous-entends pas que tel était votre propos ! Je constate simplement qu’il faut se garder de toutes les dérives, qu’elles soient sécuritaires ou angéliques.

J’ai bien entendu vos propos, qui ne me posent pas le moindre problème. Je l’ai dit moi-même, pour sortir de cette situation, pour garantir le vivre ensemble, le bien-vivre de toutes et de tous, quels que soient les modes de vie des uns et des autres, toutes les communes de plus de 5 000 habitants auraient dû respecter la loi en aménageant des aires d’accueil et en les développant. Cette méthode aurait sans doute été plus simple, même si, on le sait bien, elle n’aurait pas suffi à résoudre tous les problèmes.

Ensuite, personne n’affirme que le terme « traditionnel » est péjoratif.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Ce qui est péjoratif, c’est uniquement son mauvais usage ! En l’espèce, il nous semble effectivement que cet adjectif n’est pas pertinent. Comme M. le rapporteur l’a indiqué, le terme « traditionnel » ethnicise, il renvoie à une communauté. Or, depuis le début de nos discussions, nous souhaitons précisément, pour notre part, dépasser l’opposition stérile entre une « communauté » des gens du voyage et une « communauté » des sédentaires, entre lesquelles l’affrontement finirait presque par devenir inévitable ! On le sait également, lorsqu’on renvoie les citoyens à leur communauté – même si toutes les traditions sont bien sûr respectables – on ne les invite pas à s’ouvrir et à partager leur propre héritage avec les autres. Cette politique n’améliore en rien le vivre ensemble.

Je le répète, personne dans cet hémicycle ne rejette les traditions des uns et des autres. Cependant, veillons à employer ce terme à bon escient.

Enfin, madame la ministre, il ne me semble pas que le mot « mobile » donne lieu à un oxymore. On peut très bien concevoir un habitat à la fois mobile et permanent. §On peut au demeurant changer d’habitat plusieurs fois dans sa vie, que ce dernier soit mobile ou immobile. J’entends les réserves que vous émettez, mais, sur le fond, il me semble que les termes ne sont pas si opposés que cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

J’approuve tout à fait les propos de Mme Cukierman.

Monsieur Lefèvre, je souscris également aux constats que vous avez dressés. Toutefois, il ne s’agit pas, en l’occurrence, des problèmes que vous évoquez. Ces amendements n’ont pas pour objet de permettre aux gens du voyage de s’affranchir de la loi, loin de là ! Vous nous avez détaillé les initiatives que vous avez prises pour votre territoire, et je vous félicite pour ces réalisations. Mais l’expérience de terrain ne vous empêche pas de réfléchir au mot « traditionnel » en tant que tel. Seriez-vous heureux d’entendre dire que les Français sont « traditionnels » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cette expression serait réductrice : certains sont très traditionnels, d’autres le sont moins. L’adjectif a également une connotation religieuse.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Chers collègues, nous n’avons rien contre la tradition ! Mais le fait est qu’en matière de religion, on distingue ceux qui sont « traditionalistes » et ceux qui ne le sont pas. Pourquoi stigmatiser davantage certains de nos concitoyens en les réduisant à une tradition de nomadisme ? Les représentants du syndicat des forains nous l’ont affirmé lorsque nous les avons auditionnés, plus de 60 % des gens du voyage sont désormais sédentarisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Excusez-moi, monsieur Requier, peut-être la Sorbonne ne vous sied-elle pas, mais les politiques sont également susceptibles d’apprendre des universitaires, de consulter des ouvrages ou des revues !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Aujourd’hui, c’est devenu une rengaine populiste : « Vous, les intellectuels, restez chez vous ! Nous, nous connaissons le terrain, nous l’avons labouré ! » Vous savez, nous aussi nous sommes dans nos circonscriptions, nous aussi nous connaissons le terrain ! Prenons garde à ne pas opposer des catégories.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Et gardons les pieds sur terre ! Parlons seulement des réalités !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Les catégories ne servent absolument à rien. Elles n’ont pour finalité que de diviser, et nous n’avons pas besoin de divisions. Au contraire, nous avons besoin de rassemblement.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Nous avons besoin de défendre un groupe qui, depuis des siècles, est discriminé.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Pas chez nous ! Les gens du voyage ont le droit de vote !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

À toutes les époques de notre histoire, nous retrouvons la peur des nomades. Aujourd’hui encore, dans n’importe quel village, lorsque des gens du voyage arrivent, on les présente comme des voleurs de poules ou comme des délinquants.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Je souhaite réagir à l’intervention de M. Lefèvre. Je suis en effet un peu inquiet. À mes yeux, ce débat est important et intéressant, mais il ne faut pas qu’il dérive vers une situation dont nous savons par expérience qu’elle débouche sur un mur : n’opposons pas les laxistes angélistes aux tenants de l’ordre.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

De surcroît, une telle façon de penser renvoie immédiatement au clivage entre la gauche et la droite, …

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Beaucoup de maires de gauche demandent des expulsions !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Que les choses soient claires : personne n’est laxiste, personne n’accepte les infractions graves, les délits commis par les gens du voyage lorsqu’ils saccagent les installations.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Vous soutenez que l’administration n’agit pas et que de telles exactions ne sont jamais condamnées.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Dilain

Pour notre part, nous demandons d’examiner le fond du problème, de s’interroger sur l’absence de mobilisation du préfet et le défaut de condamnation des fautifs.

Nous disons seulement que le doublement d’une peine, qui n’est d’ailleurs pas dissuasive, ne permettra pas d’améliorer la situation. C’est un écran de fumée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Je voulais aussi réagir aux propos qui ont été tenus et exprimer ma frustration.

En commission des lois, j’ai essayé de rendre la présente proposition de loi opérationnelle et équilibrée.

Si vous aviez accepté d’abroger la loi discriminatoire de 1969 et de reconnaître la place des Français itinérants dans la communauté nationale et si vous n’aviez pas recouru à une succession de scrutins publics qui nous a empêchés de discuter des propositions que vous aviez formulées, lesquelles méritaient d’être largement corrigées afin de devenir opérationnelles, nous aurions pu aller au fond des choses.

Cela étant, le respect de la loi et l’octroi plus rapide aux communes vertueuses de moyens plus efficaces à cette fin sont essentiels. Mais la présente proposition de loi ne contient pas de dispositions législatives efficaces. Vous vous contentez de coups de trompette à l’approche des élections municipales.

Nous aurions pu faire œuvre utile pour préparer les prochaines discussions et essayer de trouver ensemble de véritables solutions pour répondre à l’angoisse de certains maires. Je regrette que cela n’ait pas été le cas.

Je le répète, vous avez préféré demander des scrutins publics successifs et, in fine, refuser d’accorder aux Français itinérants la place qui devrait être la leur au sein de la République.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 1er.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes parvenus au terme du délai de quatre heures imparti au groupe UMP.

Il appartiendra à ce groupe, s’il le souhaite, de proposer un autre espace pour poursuivre l’examen de ce texte.

Quant à la proposition de loi tendant à autoriser le vote par Internet pour les Français établis hors de France pour l’élection des représentants au Parlement européen, initialement prévue à l’ordre du jour de cet après-midi, je vous rappelle qu’elle est inscrite à la séance réservée au groupe UMP du mardi 21 janvier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l’opportunité de créer un comité de responsabilité sociale et environnementale, établi en application de l’article 4 de la loi n° 2012-1559 du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d’investissement.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il a été transmis à la commission des finances, ainsi qu’à la commission des affaires économiques, à la commission des affaires sociales et à la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Didier Guillaume.