Trouver sa place dans la société, c’est un enjeu d’importance pour les gens du voyage. Nous devons y répondre en leur offrant l’égalité des droits. Et le Sénat s’honorerait aujourd’hui, face à la présente proposition de loi, de voter, dès le début de la discussion des articles, l’abrogation de la loi de 1969.
S’agissant du stationnement, nous pourrions penser que la loi de 1969, certes discriminatoire, permet cependant de disposer d’éléments statistiques, par exemple sur l’effectif des gens du voyage en voie d’installation ou semi-sédentaires. Or, si l’on connaît le nombre exact de titres de circulation des personnes âgées de plus de seize ans – 313 545 en juin 2011 –, la Cour des comptes reconnaît dans son rapport sur le sujet que la situation est fort mal connue. On en est donc réduit à faire des estimations sur le nombre d’enfants ou les mouvements de ces Français itinérants.
En face de ces 313 545 titres de circulation, nous affichons un objectif qui est de créer 41 000 places dans les aires d’accueil. Je me dis que, même s’il existe d’autres solutions d’installation, le décalage est flagrant !
Selon les différents rapports relatifs à cette question, le nombre de Français itinérants est estimé entre 250 000 et 500 000. Cette estimation du simple au double a tout de même quelque chose d’étonnant ! Nous disposons pourtant d’outils qui nous auraient permis de pousser plus loin l’analyse de la situation. Du fait de ce défaut d’analyse précise, nous ne pouvons ni répondre de façon satisfaisante aux enjeux de scolarisation et d’accès aux soins, très importants pour cette population, ni différencier l’itinérance voulue et revendiquée de celle qui est subie, parce que liée à la précarité sociale.
Sur tous ces aspects, il est regrettable que nous ne disposions pas d’une meilleure connaissance statistique de cette population, de ses besoins et de leurs évolutions. Une fois encore, je m’interroge sur le décalage qui existe entre le nombre de titres de circulation, l’effectif estimé de gens du voyage et le nombre de places dans les aires d’accueil : comment assurer une fluidité de la circulation et un réel respect de la loi dans de telles conditions ?
La loi fondatrice du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage fixe le régime des conditions du séjour sur le territoire communal des personnes dont l’habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles.
Cette loi confie aux communes la responsabilité de créer des aires d’accueil, attribue à celles qui la respectent des moyens renforcés pour lutter contre les stationnements illicites et investit l’État comme garant de cet équilibre, tout en lui imposant une contribution financière destinée à permettre aux communes de réaliser des emplacements.
Un schéma départemental établi sur la base d’un diagnostic des besoins et de l’offre existante prévoit les secteurs géographiques d’implantation des aires permanentes d’accueil et les communes qui doivent les accueillir.
Les communes de plus de 5 000 habitants doivent aménager une aire. Mais le schéma peut en identifier d’autres, soit parce qu’il apparaît nécessaire d’installer des emplacements dans une zone peu urbanisée, soit parce que, du fait d’un accord intercommunal, la réalisation d’une aire prévue sur le territoire d’une commune de plus de 5 000 habitants est transférée sur celui d’une autre commune.
Le schéma départemental, élaboré par le préfet et le président du conseil général, devait être approuvé conjointement dans les dix-huit mois de la publication de la loi du 5 juillet 2000, après avis du conseil municipal des communes concernées et de la commission départementale consultative des gens du voyage. Passé ce délai, il est approuvé par le seul préfet et doit être révisé tous les six ans.
Les communes inscrites au schéma peuvent, soit exercer elles-mêmes cette compétence, soit la transférer à l’intercommunalité dont elles sont membres – cette compétence est de plein droit pour les communautés urbaines et les métropoles –, soit la mettre en œuvre dans le cadre de conventions intercommunales, en contribuant financièrement à l’aménagement et à l’entretien des aires d’accueil.
Les communes inscrites au schéma disposaient d’un délai initial de deux ans pour réaliser les aires d’accueil. Ce délai a été prorogé de deux ans pour les communes ou EPCI ayant manifesté la volonté de se conformer à leurs obligations : localisation de l’aire, acquisition des terrains, lancement d’une procédure d’acquisition des terrains nécessaires, réalisation d’une étude préalable, autant de démarches qui exigent du temps. Ces collectivités ont bénéficié d’un délai supplémentaire jusqu’au 31 décembre 2008 si, au terme du précédent délai, elles n’avaient pas pu s’acquitter de leur engagement.
Les communes ou les EPCI peuvent gérer directement les aires ou en confier la gestion à une personne publique ou privée.
Malgré les moyens offerts par la loi, les schémas n’ont été que partiellement mis en œuvre, avec de fortes disparités régionales.
Au 31 décembre 2010, 52 % des aires d’accueil et 29, 4 % des aires de grand passage étaient effectivement réalisées. En novembre 2013, les chiffres avaient tout de même progressé : 64 % pour les aires d’accueil, mais seulement 31, 4 % pour les aires de grand passage. La moyenne de réalisation de ces aires s’établit aujourd’hui à 64 %.
De nombreux départements ont désormais dépassé le taux de 80 %, certains – l’Aube, l’Aveyron, le Cantal et quelques autres – atteignant même celui de 100 %. En revanche, l’Île-de-France, les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône et l’Hérault affichent les plus bas taux de réalisation d’aires d’accueil. Pour expliquer ces mauvais chiffres, plusieurs explications peuvent être invoquées, parmi lesquelles les difficultés foncières.
Quoi qu’il en soit, la loi, qui a pourtant été votée voilà treize ans, n’est pas encore pleinement appliquée : pour les aires d’accueil, les objectifs fixés n’ont été atteints qu’aux deux tiers et au tiers seulement pour les aires de grand passage.
Cela pose un problème aux communes qui ont respecté la loi...