... et qui constatent que celles qui ne la respectent pas ne sont pas sanctionnées.
Ne durcissons pas les relations entre les gens du voyage et les communes, en faisant comme si toutes les communes étaient vertueuses, car ce n’est pas le cas !
L’ordre républicain doit prévaloir et conduire à ce que la loi s’applique à tous : aux gens du voyage qui s’installent de manière illicite là où ils trouvent de la place, mais aussi aux communes, qu’il s’agit d’inciter à remplir leurs obligations.
Les mécanismes du respect des droits et devoirs, à l’évidence, ne fonctionnent pas. Ils doivent donc être revus. Tel est l’objet de la concertation qui est engagée depuis un an et demi. Nous aimerions que des dispositions en ce sens soient introduites dans cette proposition loi, qui n’a, pour le moment, qu’une vocation de sanction, comme l’indique son intitulé même. Or la seule sanction serait contre-productive par rapport au problème posé.
J’en viens aux conditions de financement des aires.
Afin d’obliger les communes à respecter leurs engagements, il est prévu que, si une commune ou un EPCI n’a pas satisfait à ses obligations à l’expiration des délais légaux et après une mise en demeure infructueuse par le préfet dans les trois mois, l’État peut alors acquérir les terrains nécessaires, réaliser les travaux d’aménagement et gérer les aires d’accueil au nom et pour le compte de la collectivité défaillante.
Force est toutefois de constater que, pour l’instant, cette procédure n’a pas été mise en œuvre. Il convient donc de réfléchir à des contraintes plus progressives, visant à obliger les communes défaillantes à remplir leurs obligations.
S’agissant des obligations prévues par la loi de 2000, les maires des communes vertueuses disposent de prérogatives spécifiques en matière de stationnement illicite. Ils peuvent ainsi interdire le stationnement des résidences mobiles sur le territoire communal en dehors des aires d’accueil aménagées.
En cas de stationnement irrégulier, l’article 9 de la loi du 5 juillet 2000, modifié en 2007, organise une procédure encadrée d’évacuation administrative mise en œuvre par le préfet à la demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain occupé, en cas d’atteinte à l’ordre public. Dans ce cas, le préfet met en demeure les occupants de quitter les lieux, à la condition que le stationnement porte atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. Il fixe alors un délai d’exécution qui ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Dans ce délai, le mis en demeure, le propriétaire ou le titulaire du droit d’usage saisit, s’il le souhaite, le tribunal administratif aux fins d’annulation de l’arrêté préfectoral, et ce recours est suspensif. Le juge statue dans les soixante-douze heures de sa saisine.
Si l’occupation se poursuit au-delà du terme fixé, sans que le tribunal soit saisi, le préfet peut procéder à l’évacuation forcée des résidences mobiles, sauf opposition du propriétaire ou du titulaire du droit d’usage du terrain dans le délai d’exécution de la mise en demeure. Dans ce cas, le préfet peut demander à celui-ci de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte à l’ordre public dans un délai qu’il fixe, sous peine d’une amende de 3 750 euros.
Ce dispositif peut être mis en œuvre par le préfet dans les communes non inscrites au schéma départemental.
Votre proposition de loi, monsieur Hérisson, vise à renforcer l’arsenal répressif du stationnement illicite des gens du voyage, en particulier par une accélération de la mise en œuvre de l’évacuation forcée des caravanes.
Il s’agit d’un problème sensible, notamment, je l’ai dit, pour les communes qui respectent leurs engagements, et il faut y répondre en veillant à assurer un certain équilibre.
Les cinq premiers articles de la proposition de loi initiale tendent à renforcer l’efficacité des modalités de mise en œuvre prévues jusqu’à présent par le législateur pour lutter contre les occupations illicites, et non pas seulement, contrairement à ce que vous avez indiqué, monsieur Hérisson, contre les problèmes survenant lors des grands passages et des grands rassemblements, lesquels sont visés aux seuls articles 6 et 7.
L’article 1er tend à doubler les peines prévues pour réprimer le fait de s’installer en réunion en vue d’établir une habitation, même temporaire, sur un terrain appartenant soit à une commune qui a respecté ses obligations au regard du schéma départemental des aires d’accueil ou qui n’y est pas inscrite, soit à tout autre propriétaire sans autorisation de sa part. Ce délit est aujourd’hui sanctionné de six mois d’emprisonnement et d’une amende de 3 750 euros.
Les articles 2 à 5, d’une part, assouplissent les motifs fondant la mise en demeure par le préfet de quitter les lieux et, d’autre part, réduisent les délais entourant le recours contre cette mesure. La procédure pourrait être déclenchée en l’absence d’atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques. Le délai d’exécution de la mise en demeure serait de vingt-quatre heures au plus. Celui-ci serait ramené à six heures en cas de récidive. En cas de recours contre la mise en demeure, le délai fixé au juge pour statuer serait abaissé de soixante-douze heures à quarante-huit heures. On est fondé à se demander si tout cela est bien réaliste !
Les deux derniers articles visent à permettre une meilleure organisation des déplacements de grande ampleur.
L’article 6 confie à l’État la responsabilité du bon ordre des grands passages et des grands rassemblements occasionnels ou traditionnels des gens du voyage. Pourquoi pas ? Mais, tel qu’il est rédigé, cet article ne concerne que les communes à police étatisée.
L’article 7 prévoit la signature, trois mois avant l’arrivée des caravanes, d’une convention entre les représentants des gens du voyage et le maire concerné, convention destinée à préciser les conditions d’occupation du terrain. Là encore, pourquoi pas ? Mais j’observe qu’aucun seuil n’est prévu : même s’il n’y a que dix caravanes, l’article s’applique !
Alors, que dire de cette proposition de loi ? Je le répète, le sujet est complexe puisqu’il touche aux questions du logement, de l’aménagement du territoire, de l’éducation, de l’accès à la santé.
Depuis dix-huit mois, toutes ces problématiques ont été étudiées avec attention, en particulier dans le rapport commandé au préfet Derache par le Premier ministre. Elles ont aussi fait l’objet d’une proposition de loi du député Dominique Raimbourg visant à apporter une réponse globale.
Ces dix-huit mois ont également été consacrés à la vérification d’un certain nombre d’informations. D’une certaine manière, vous avez été plus rapide que nous, monsieur Hérisson, mais votre proposition de loi ne tire pas tous les fruits de la concertation et du travail menés.
Je le dis une nouvelle fois, il faut équilibrer les exigences pour que la loi soit crédible. Il est donc important d’intégrer les gens du voyage dans le droit commun, mais aussi de trouver ensemble un dispositif équilibré, entre les contraintes imposées aux gens du voyage, la possibilité d’évacuer les terrains en cas d’occupation illicite dans les communes vertueuses et le pouvoir de substitution du préfet, une mesure qui n’a jamais été mise en œuvre.
J’ai essayé, en commission, de proposer un certain nombre d’aménagements afin d’équilibrer cette loi. Mais le refus qu’y a opposé une partie des membres de notre commission me contraint aujourd’hui à vous soumettre un texte de la commission qui reste malheureusement déséquilibré. J’espère que la séance nous permettra de réparer ce défaut.
L’article 1er de la proposition de loi initiale tendait à doubler le montant des sanctions prévues par le code pénal. Aujourd’hui, si l’occupation illicite est réprimée par une peine pouvant aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 3 750 euros d’amende, après mise en demeure de quitter les lieux, mais il y a très peu de condamnations : le rapport du député Didier Quentin souligne que les dispositions du code pénal sont actuellement utilisées plus pour menacer que pour sanctionner. Il m’a donc semblé utile de supprimer l’article 1er, et la commission m’a suivi sur ce point.
L’article 2 visait à supprimer, d’une manière générale, la condition d’ordre public qui autorise la mise en demeure de quitter les lieux en cas de stationnement illicite. Or il existe en la matière une jurisprudence du Conseil constitutionnel qui fait obstacle à toute mesure de police administrative qui ne serait pas justifiée par la nécessité de sauvegarder l’ordre public. J’ai donc proposé que le préfet puisse passer outre cette condition s’il est en mesure de proposer des emplacements disponibles dans un rayon de 30 kilomètres autour de la commune concernée. La commission m’a suivi sur ce point également.
L’article 3 concerne le délai d’exécution de la mise en demeure. Actuellement, celui-ci ne peut être inférieur à vingt-quatre heures. Et vous proposez, monsieur Hérisson, qu’il ne puisse être supérieur à vingt-quatre heures ! Franchement, j’aimerais bien voir comment vous vous y prendriez, si vous étiez préfet, pour procéder à l’évacuation d’un terrain, quel qu’il soit, en moins de vingt-quatre heures !
Si la loi a simplement vocation à être déclarative, autant la faire en chantant ! Nous devons rester dans le réel. Or la mesure que vous proposez n’est pas crédible ! Par conséquent, elle ne serait pas dissuasive.
En revanche, il m’est apparu que, si le terrain indûment occupé était tel que son évacuation serait difficile, et que le préfet avait donc besoin de temps, cela ne devait pas ouvrir un délai inconsidéré pour introduire un recours en annulation. C’est pourquoi il m’a semblé plus équilibré, plus réaliste et donc plus utile de proposer que le recours en annulation ne puisse être introduit que dans un délai de quarante-huit heures à compter de la notification de la mise en demeure. Là encore, la commission m’a suivi.
Sur l’article 4, relatif à la récidive, je suis très réservé. En effet, il est difficile d’établir la réalité d’une récidive si, comme c’est en pratique le cas la plupart du temps, les mises en demeure ne sont pas nominatives. De plus, le délai de six heures envisagé pour l’exécution de la mise en demeure en cas de récidive ne serait manifestement pas opérationnel, pour les raisons que j’ai précédemment indiquées.
N’ayant pas eu la possibilité, lors de l’examen en commission, de présenter un amendement propre à corriger ce caractère non opérationnel, je serai amené à en défendre un tout à l'heure.
J’ai déjà évoqué les articles 6 et 7.
En conclusion, je dirai que nous ne pouvons pas aborder ce sujet par petits morceaux et en occultant une partie de ses aspects, car il renvoie à notre conception de la République, de la Nation et aussi de la fraternité.
Une loi, monsieur Hérisson, ne saurait être un communiqué de presse. Nous ne sommes pas ici pour faire des communiqués en direction des 500 000 élus de France ! Nous travaillons sur la loi et nous devons le faire sérieusement, en ayant le sens de l’État et le sens de l’équilibre, mais aussi en ayant le souci d’intégrer les Français itinérants dans le droit commun et de doter l’État des moyens de faire respecter la loi, les lois, toutes les lois.
La proposition de loi de Dominique Raimbourg a été élaborée dans cet esprit et c’est dans cette voie que nous devons nous efforcer d’avancer.
La mise en œuvre d’une politique publique de cette nature, dont dépend la place de centaines de milliers de Français dans la collectivité nationale, ne saurait souffrir une quelconque improvisation.
Nous devons nous libérer de tous les préjugés, de tous les raccourcis, de tous les amalgames, travailler dans la sérénité et non dans l’émotion, de manière à produire finalement une belle loi, représentant une avancée pour les uns et pour les autres. C’est ce que je vous propose de faire au cours des quatre prochaines heures. §