Pour 90 % des 17 millions de souscripteurs, le montant épargné cumulé est inférieur à 50 000 euros, tandis que les 10 % restants rassemblent rien de moins que 64, 8 % de l’encours, soit une somme de plus de 880 milliards d’euros et une moyenne légèrement inférieure à 530 000 euros.
Au demeurant, le centile d’épargnants disposant des plus gros contrats se situe aux alentours de deux millions d’euros. Une somme qui, rappelons-le, si elle était soumise à l’impôt de solidarité sur la fortune, serait susceptible, monsieur le ministre, de produire plus de 1 milliard d’euros de recettes nouvelles.
Nous nous sommes d'ailleurs livrés à une petite estimation. Si les 170 000 ménages disposant des contrats d’assurance vie les plus richement pourvus étaient soumis à l’imposition sur les grandes fortunes, le budget de l’État s’en trouverait bonifié d’une recette fiscale comprise entre 1, 2 milliard et 5, 1 milliards d’euros.
L’article 7 du projet de loi est, selon nous, un article d’opportunité. Nous sommes convaincus que les ménages salariés dont l’assurance vie capitalisée est comprise entre 0 et 50 000 euros ne se sentiront guère concernés par les modifications proposées à cet article.
Seulement voilà, nous sommes dans une période de taux directeurs faibles et les titres de court terme comme de moyen et long termes du Trésor public portent eux aussi un rendement de plus en plus faible.
L’Agence France Trésor propose aujourd’hui des OAT, des obligations assimilables du Trésor, à 0, 25 % – certes indexées sur l’inflation – ainsi que des bons du Trésor à 0, 45 %. Vous conviendrez qu’il n’y a pas là de quoi assurer vraiment le rendement d’un contrat d’assurance vie.
En revanche, les plus importants détenteurs de contrats, que la Cour des comptes a pu estimer à quelque 1 700 000 ménages, pourraient être intéressés par les mesures prévues à l’article 7. La valeur de leurs contrats s'élève en moyenne à au moins 530 000 euros et le centile le plus riche, nous l’avons dit, dispose de contrats d’une valeur moyenne de deux millions d'euros qui sont directement concernés par le changement de support.
L’affaire pourrait s’avérer attractive, parce que, par principe, le rendement des actions est supérieur à celui des obligations, même si elle doit être quelque peu « bordée ».
Premièrement, son régime fiscal ne sera pas aussi directement favorable que celui de l’assurance vie ordinaire et l’encours des nouveaux contrats pourra être ajouté à l’évaluation du patrimoine imposable au titre de l’ISF. Deuxièmement, cependant, notons que, tout au long de son développement, le contrat dégagera des dividendes et donc des crédits d’impôt successifs. Troisièmement, l’essentiel sera préservé, puisque l’apport de fonds propres ne changera rien à la gestion des entreprises concernées, car il y a fort à parier que ce seront les compagnies d’assurance, et non les souscripteurs, qui seront éventuellement représentées dans les organes dirigeants des entreprises.
On peut toutefois se demander, mes chers collègues, ce qui pousse ainsi un gouvernement de cette sensibilité politique à proposer une mesure dont la pertinence n’est évidemment avérée que pour un nombre assez restreint de personnes. Qui plus est, les niches fiscales qui découlent de l’article 7 n’entretiennent qu’un rapport lointain avec le principe de l'égalité de traitement devant l’impôt !
De notre point de vue, il y a deux manières plus vertueuses pour une entreprise de renforcer ses fonds propres.
La première, c’est de réinvestir la plus grande partie de ses résultats en vue d’autofinancer son développement, autant que faire se peut, avec le produit de son activité. La seconde, c’est d’obtenir des établissements de crédit des conditions plus favorables de financement pour que le recours au crédit bancaire ne soit plus un boulet.
Monsieur le ministre de l'économie et des finances, nous pensons même que deux mesures pourraient être envisagées en ce sens : d’une part, renforcer l’affectation de l’encours de l’épargne défiscalisée – livret A, livret de développement durable – vers le développement économique et, d’autre part, chercher à transformer une partie de la dépense fiscale destinée aux entreprises en charges de bonification de prêts bancaires.
Nous sommes convaincus que l’effet de levier et l’efficacité de l’allocation de l’argent public s’en trouveraient renforcés.
Pour le reste, que contient ce collectif ? Nombre de mesures de caractère technique sans grands enjeux, qui tendent notamment à favoriser le développement d’une administration électronique dont on pressent qu’elle souffrira très vite de deux travers : engendrer des suppressions de postes budgétaires au sein de l’administration fiscale et ne pas résoudre tout à fait, loin de là, le problème récurrent du bien-fondé de l’impôt, de sa justice et de son efficacité sociale et économique.
Par ailleurs, le projet de loi comporte également une validation de la gestion quotidienne des affaires de l’État par les services de Bercy, et notamment l’annulation de plus de 3, 2 milliards d’euros de crédits inscrits, à l’origine, au sein de quatre-vingt-trois programmes budgétaires.
Même si les dépenses d’équipement militaire se trouvent frappées d’une réduction causée par le coût des opérations extérieures, ce sont aussi des crédits civils qui sont amputés à cette fin.
Et les 3, 2 milliards d’euros annulés sont à rapprocher des sommes votées par le Parlement lors de la loi de finances initiale. Nous avions voté 299, 32 milliards d’euros de crédits – 290, 7 milliards d’euros en 2012 –, ce qui signifie que près de 40 % des ouvertures nouvelles de crédits votées par le Parlement ont été purement et simplement supprimées. Et si l’on retire du volume des dépenses publiques les crédits de personnel, le compte des pensions et le service de la dette, le montant des annulations est encore plus net.
Un tel mépris pour les votes de la représentation nationale ne peut être accepté. Ce n’est pas ce type de procédure d’exécution budgétaire qui nous permettra de modifier dans un sens positif notre position sur le projet de loi de finances 2013 ainsi révisé.