Séance en hémicycle du 12 décembre 2013 à 22h15

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • l’impôt
  • prévision
  • rectificative

La séance

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La séance, suspendue à vingt heures quinze, est reprise à vingt-deux heures quinze, sous la présidence de M. Didier Guillaume.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2013 (projet n° 215, rapport n° 217).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi de finances rectificative pour 2013, que j’ai l’honneur de vous présenter, porte une ambition claire : être un catalyseur pour la croissance et la compétitivité, dans le prolongement de la politique économique que nous déployons résolument depuis dix-huit mois.

Ce texte vous est soumis dans un contexte particulier, que je rappellerai brièvement.

Tout d’abord, je veux souligner un développement majeur : l’activité économique a changé de tendance, même si je connais la fragilité de la reprise et le besoin de confirmer celle-ci et de l’amplifier. Avant l’embellie observée au printemps dernier, c’est-à-dire avant le rebond plus fort qu’anticipé au deuxième trimestre, la France connaissait depuis plusieurs années, vous le savez, une stagnation et une croissance nulle.

Depuis le printemps, nous sommes désormais sur une tendance de croissance positive, ce qui n’exclut pas – je suis très lucide sur ce point – un profil un peu heurté, qui n’est d’ailleurs pas une spécificité française. C’est ainsi que l’ensemble de la zone euro elle-même est en train de sortir de la récession, pour aller vers la reprise. Cela nous permet d’envisager des progrès sur le tout premier front de nos combats : celui de l’emploi.

Ainsi, au mois d’octobre dernier, pour la première fois depuis trente mois, nous avons enregistré une baisse du nombre de chômeurs, tandis que l’inversion de la courbe du chômage des jeunes, enclenchée voilà six mois, a été, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, constamment confirmée depuis.

Il faut du temps pour qu’une amélioration de la conjoncture se traduise concrètement dans le quotidien des Français, mais, je tiens à le dire à cette tribune, cette embellie n’est pas une vue de l’esprit. Notre scénario de reprise a été conforté par les instituts de conjoncture indépendants et les institutions internationales.

Le Haut Conseil des finances publiques, créé sur l’initiative du Gouvernement, avec l’approbation très large de la Haute Assemblée, en application du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, et qui est en train de trouver toute sa place dans le paysage des finances publiques françaises, a jugé que nos prévisions de croissance pour 2013 étaient désormais réalistes, alors qu’il les avait estimées plausibles, dans un premier temps – tel était son jugement sur le projet de loi de finances.

La Commission européenne a, elle aussi, validé sans réserve, j’y insiste, notre scénario, puisque ses dernières prévisions de croissance pour notre pays s’établissent à 0, 2 % en 2013, 0, 9 % en 2014 et 1, 7 % en 2015, pleinement en ligne avec les nôtres et même, pour tout dire, très légèrement plus favorables.

Permettez-moi d’ouvrir en cet instant une parenthèse : le dernier conseil des ministres des finances européens, le Conseil Ecofin du 10 décembre dernier, a confirmé définitivement les analyses de la Commission européenne et a pleinement validé la stratégie budgétaire et financière de la France. Pour le dire en des termes simples, la Commission reconnaît que les efforts que nous réalisons sont pleinement conformes aux engagements de la France. Le fait qu’elle ait jugé que nous ne disposions pas de marge de sécurité par rapport à ces engagements n’est pas déshonorant : nous revendiquons, je revendique, le choix d’avoir calibré l’effort d’ajustement au plus juste et au plus près, pour préserver la croissance. La consolidation budgétaire, qui est indispensable, ne doit pas être l’adversaire de la croissance et de l’emploi. Nous sommes sur ce chemin de crête et nous poursuivons ensemble le redressement des finances publiques et de notre appareil productif, contribuant ainsi à la reprise de l’emploi.

Les pays de la zone euro sont classés en quatre catégories. J’entends parfois des polémiques absurdes. La France appartient à la deuxième catégorie avec les Pays-Bas et la Slovénie. On ne trouve guère, dans la première catégorie, qui comprend les pays dont la Commission a validé le scénario budgétaire sans réserve, comme pour ce qui concerne la France, mais n’a pas émis de remarque sur la marge de sécurité, que l’Allemagne et l’Estonie. La France figure donc parmi les quatre économies de la zone euro dont la situation budgétaire et financière est jugée la plus saine et dont la trajectoire est estimée la plus solide.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

La différence entre ces deux catégories tient à l’existence ou non d’une marge de sécurité par rapport au respect de nos engagements. Mais je veux dire à l’opposition, qui aime bien arguer, lors d’émissions télévisées, par exemple, auxquelles je participe, que la Commission a été sévère, que tel n’est pas du tout le cas.

Nous bénéficions d’une validation pleine et entière, avec des marges de manœuvre certes limitées, mais que nous nous attachons à étendre, en mobilisant tous les outils possibles au service de la croissance. S’il advenait qu’un ajustement soit nécessaire, il serait réalisé, je veux l’indiquer à la Haute Assemblée, au travers d’économies, ainsi que nous nous y sommes engagés sans aucune forme d’opacité ou de réserve.

Ces premiers résultats concernant la croissance et les finances publiques montrent que la France est sur la voie du redressement grâce à la politique que nous menons et, surtout – personne ne l’ignore dans cette enceinte –, au dynamisme des acteurs économiques, car c’est d’abord par ce biais que découle la croissance. Notre tâche collective est de conforter et d’amplifier ce redressement, en restant résolument engagés dans la voie des réformes favorables à la croissance. Cette tâche, j’en suis pleinement conscient, n’est pas achevée.

L’embellie et la reprise économiques ne doivent pas être – croyez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, que tel n’est pas mon sentiment – un motif d’autosatisfaction, pas plus qu’elles ne doivent être – je le dis à l’attention de ceux qui seraient tentés d’avoir ce comportement – une opportunité d’autoflagellation. Elles constituent, en revanche, un encouragement à poursuivre, avec la plus grande détermination, le travail de réforme en profondeur de nos structures économiques.

Poursuivre ces réformes pour soutenir la croissance, rétablir les équilibres financiers de la nation pour préparer l’avenir sans baisser le niveau de nos ambitions sociales, tel est le cap fixé par le Président de la République, que je veux réaffirmer devant vous. Je pense évidemment au cap des réformes économiques, mais aussi au cap du sérieux budgétaire.

À cet égard, le projet de loi de finances rectificative pour 2013 conforte la prévision de déficit de 4, 1 % du PIB pour 2013, contre 4, 8 % en 2012. Je rappelle que le déficit s’élevait à 5, 3 % en 2011. Si la majorité n’avait pas opéré les ajustements nécessaires au cours de l’été 2012, il serait resté à ce même niveau. Il nous faut maintenant poursuivre ce travail de redressement.

Cette prévision de déficit de 4, 1 % est, elle aussi, jugée plausible par le Haut Conseil des finances publiques. Cela représente une amélioration substantielle du déficit, rendue possible par un effort structurel sans précédent de 1, 7 point de PIB, alors que la croissance a été inférieure à son potentiel.

Cet effort était-il suffisant ? Oui ! Était-il nécessaire ? Oui, également ! Je le rappelle, la France avait pris des engagements en vertu desquels elle devait opérer des ajustements structurels de 4 points entre 2010 et 2013, car les déficits structurels étaient, hélas, béants.

Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités au mois de mai 2012, nous n’avons pu que constater, alors que deux ans s’étaient écoulés, qu’un ajustement de 1, 5 point seulement avait été réalisé. Nous avons fait le reste !

La pente est donc nette et nous assainissons, nous, les comptes publics. Avec ce gouvernement, les déficits ne cessent de se réduire dans un contexte de croissance pourtant faible.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Regardez les chiffres, monsieur le sénateur, et ayez un peu de mémoire ! Les déficits, c’est vous qui les avez laissés !

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Et le redressement, c’est nous qui l’opérons aujourd'hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

C’est ça le projet de loi de finances rectificative !

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

C’est bien de cela qu’il s’agit, monsieur le président ! Je vous rappelle que le projet de loi de finances rectificative fait état de ces chiffres-là, et vous êtes bien placé pour le savoir !

Cette même exigence dans la gestion des deniers publics est à l’œuvre dans le présent texte. Nous procédons, avec Bernard Cazeneuve, aux ajustements de crédit de fin de gestion nécessaires pour tenir nos objectifs de dépense, et donc de déficit public.

Bernard Cazeneuve l’a précisé devant l’Assemblée nationale, le présent projet de loi de finances rectificative pour 2013 opère les mouvements de crédits nécessaires pour financer les besoins impératifs, tout en veillant au respect du total de dépenses autorisé par le Parlement. Ces ouvertures de crédits n’affectent en rien l’équilibre budgétaire, car elles sont entièrement compensées au sein de l’enveloppe « zéro valeur » par des annulations équivalentes portant, à hauteur de 90 %, sur des crédits qui avaient précisément été mis en réserve.

Reprise progressive de l’activité, exigence réaffirmée pour nos finances publiques : c’est dans ce contexte que nous voulons faire du projet de loi de finances rectificative pour 2013 un outil de mobilisation pour la croissance, un catalyseur, je le répète, pour l’activité économique du pays, dans la foulée du pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi et des assises de l’entrepreneuriat.

Cette ambition se décline autour de trois axes majeurs.

Tout d’abord, nous poursuivons, avec ce texte, la réorganisation du financement de notre économie. Ensuite, nous prolongeons l’entreprise de rénovation de nos outils de soutien financier à l’export. Enfin, ce texte comprend un certain nombre de mesures de simplification. Permettez-moi de revenir rapidement sur ces points.

Le premier axe concerne le financement de l’économie.

Depuis dix-huit mois, j’œuvre pour faire en sorte que tous les besoins financiers des entreprises – trésorerie, fonds propres, dette – trouvent une réponse. Cela passe par une réforme des outils de soutien public au financement des entreprises, par un soutien spécifique à la trésorerie des entreprises et, surtout, par des réformes réglementaires pour drainer l’épargne et l’investissement vers les PME, les petites et moyennes entreprises, et les ETI, les entreprises de taille intermédiaire, puisque la France dispose – nous connaissons tous cette caractéristique – d’une épargne abondante, mais qui n’est pas assez orientée vers l’économie réelle.

Ces réformes ont déjà permis d’engranger des résultats positifs pour le financement des entreprises. Les PME ont ainsi vu leur encours de crédit progresser de manière dynamique, avec plus de 15 milliards d’euros supplémentaires, soit une augmentation de 12 % depuis la fin de l’année 2008.

Par ailleurs, je tiens à le signaler, les entreprises françaises se financent aujourd’hui à des taux historiquement bas : le niveau est en effet comparable à celui des entreprises allemandes, à peu près 100 points de base de moins que la moyenne de la zone euro. D’ailleurs, les différentiels de taux entre la France et l’Allemagne, ce que l’on appelle les « spreads », se sont fortement réduits depuis le mois de mai 2012. Je me souviens des prévisions, à l’époque, de certains oiseaux de mauvais augure. Or c’est exactement l’inverse qui s’est produit : le taux du crédit de la France est aujourd'hui meilleur qu’il ne l’était, de même que la confiance des investisseurs.

En raison de ces évolutions, nos entreprises peuvent profiter du redémarrage de l’économie européenne, et la crédibilité de la politique budgétaire est une condition pour que nous puissions continuer à les placer dans cette situation favorable.

Qu’y a-t-il de nouveau dans ce projet de loi de finances rectificative pour 2013 ?

La réforme de l’assurance vie engagée dans ce texte participe de cet effort, avec pour philosophie et pour finalité de drainer la première source d’épargne financière des ménages vers les placements les plus utiles aux entreprises, en particulier vers l’investissement en actions dans les PME et les ETI dont nous avons besoin. Pour simplifier, l’assurance vie, c’est plus de 1 400 milliards d’euros d’encours, massivement investis dans des titres obligataires, qui offrent aujourd'hui un rendement plutôt limité, mais avec, pour l’essentiel, une garantie du capital investi à tout moment.

S’il fallait résumer d’une phrase la situation actuelle de l’assurance vie, je dirais qu’elle combine la sécurité, à laquelle les Français sont très attachés, un faible rendement, qu’il faut améliorer, et une trop faible mobilisation en faveur du financement du tissu productif français.

La réforme qui vous est soumise et qui, je l’espère, recueillera votre assentiment unanime, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, d’autant qu’elle a été élaborée de façon totalement consensuelle, à partir, d’abord, d’un rapport parlementaire de deux députés, Mme Berger et M. Lefebvre, puis d’une concertation extrêmement large et approfondie, tend à conserver les points forts de l’assurance vie, à commencer par la sécurité, tout en la modifiant légèrement pour en faire davantage un levier pour le financement de nos entreprises.

Elle fait émerger de nouveaux produits qui, tout en offrant une garantie à l’assuré, lui permettront d’obtenir un meilleur rendement grâce à des investissements plus diversifiés, sans recherche – je le dis au passage – de rendement budgétaire et sans remise en cause du régime fiscal existant. Alors que c’était probablement la quadrature du cercle, je pense que nous y sommes parvenus.

Concrètement, cette réforme reposera sur deux piliers.

Le premier pilier est la création d’un nouveau produit « euro-croissance ». Ces fonds permettront à un assuré de bénéficier d’une garantie du capital si celui-ci reste investi au moins huit ans, et pourront être souscrits dans des contrats multisupports offrant beaucoup de souplesse, plus que les contrats garantis en euro. Ce sera, à moyen terme, un outil puissant de réallocation des actifs de l’assurance vie vers les investissements les plus utiles à notre économie.

Le second pilier est une réforme du régime fiscal de la transmission des contrats d’assurance vie, afin d’inciter les gros patrimoines à contribuer davantage au financement de certains pans de l’économie. La fiscalité applicable à la transmission des patrimoines les plus importants sera augmentée : le taux du barème applicable aux grosses successions sera revu à la hausse, passant de 25 % à 31, 25 % pour la tranche supérieure à 700 000 euros par bénéficiaire, après modification par l’Assemblée nationale. Mais, dans le même temps, les contrats respectant certains critères d’investissement bénéficieront d’un abattement d’assiette permettant de compenser cette hausse. Il s’agit donc d’une mesure incitative, destinée à encourager les investissements dans le capital des PME et des ETI, dans le logement social et intermédiaire, ainsi que dans les entreprises de l’économie sociale et solidaire, secteur qui, comme vous le savez, est une priorité pour nous.

Cette réforme de l’assurance vie a été longuement et mûrement préparée, réfléchie, débattue, dans une ambiance consensuelle, en respectant les attentes des assurés, sans casser l’économie de l’assurance et, je le répète, sans rendement budgétaire ni remise en cause des avantages fiscaux. Je vous le dis en toute honnêteté, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez, c’est une très bonne réforme, qui sera utile à l’économie générale de ce projet de loi de finances rectificative.

À cette réforme de l’assurance vie s’ajoute une réforme du capital-investissement d’entreprise dont l’objectif est simple : développer l’industrie du financement de l’innovation en France, dans la lancée du plan innovation élaboré par Fleur Pellerin et Geneviève Fioraso. Le projet de loi de finances rectificative contient donc des mesures fiscales incitant les entreprises à investir dans les PME innovantes, matérialisant ainsi un des engagements pris par le Président de la République lors de la conclusion des Assises de l’entrepreneuriat.

Concrètement, le nouveau dispositif permettra aux entreprises d’amortir sur cinq ans, et dans une certaine limite de leur actif, leur souscription minoritaire au capital de PME innovantes ou de fonds communs de placement majoritairement investis dans des PME innovantes. Ainsi, d’une certaine manière, les grandes entreprises seront incitées à investir dans les plus petites, en fonction d’un critère, l’innovation. Nous devons tous nous mobiliser autour de cet enjeu important : en effet, nous le savons bien, c’est par l’innovation et la compétitivité que la France tiendra son rang dans la mondialisation et renforcera encore son potentiel de croissance.

Cette mesure, ajoutée à la réforme de la fiscalité des plus-values mobilières et à la création d’un PEA-PME, très attendu par les PME et les ETI, constituera un vecteur puissant de soutien à l’investissement dans les PME. Le Gouvernement a par ailleurs déposé un amendement, à l’Assemblée nationale, pour mettre en œuvre une autre mesure du plan innovation qui vise à améliorer le fonctionnement des fonds commun de placement dans l’innovation, les FCPI, et des fonds d’investissement de proximité, les FIP. Ces fonds constituent un canal important d’investissement en fonds propres dans les PME innovantes. Il s’agit donc, une nouvelle fois, d’améliorer les pratiques de gestion et de mieux structurer le paysage de cette activité, aujourd’hui trop morcelée.

Telles sont donc les mesures relatives à ce premier axe, c'est-à-dire à la réorganisation du financement de l’économie et à l’orientation de l’épargne vers l’économie réelle, en direction des PME et des ETI.

Deuxième axe du projet de loi de finances rectificative pour 2013, nous poursuivons la rénovation, engagée par ma collègue Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, de nos outils de soutien financier à l’export.

Les dispositions de ce texte nous permettront notamment de nous aligner sur les meilleures pratiques de nos partenaires, pour aider nos entreprises à être compétitives face à leurs concurrents. Nous savons que ces dispositifs de financement export font souvent la petite différence, en plus ou en moins, permettant d’emporter de très gros contrats. Or ceux-ci constituent un élément essentiel de rééquilibrage de notre balance commerciale et, surtout, ils permettent d’offrir des débouchés à nos entreprises et de créer des emplois. J’ai beaucoup d’exemples en tête, mais je ne peux pas vraiment les évoquer car ils entrent précisément dans ce jeu de la concurrence qui, bien mené, permet à la France de tenir son rang.

Nicole Bricq a déjà activement réformé nos outils, lors de l’adoption du projet de loi de finances rectificative pour 2012 et en mai dernier, avec la création du label « Bpifrance Export », qui a permis de rationaliser les dispositifs existants et d’en créer de nouveaux, comme le prêt de développement export, pour soutenir la trésorerie des entreprises exportatrices. Ces initiatives ont déjà porté leurs fruits. Elles ont permis d’abaisser le coût des financements exports pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, de démocratiser ces financements exports au profit des ETI et PME de croissance, et de mieux soutenir nos grands contrats, en particulier dans le secteur aéronautique, secteur très puissant de notre économie, avec des mesures ayant engendré une amélioration équivalente à un gain de compétitivité d’environ 5 % – ce qui est considérable !

Le projet de loi de finances rectificative pour 2013 prolonge cet effort de rénovation et de modernisation de grande ampleur à travers trois dispositifs.

Tout d’abord, en 2012, nous avons mis en place une garantie de refinancement, afin de diminuer le coût des crédits à l’exportation en facilitant l’accès à la liquidité auprès d’investisseurs privés. Ce mécanisme consiste à octroyer au refinanceur des crédits à l’exportation une garantie à 100 % couvrant le risque de non-paiement. En cela, il permet d’améliorer l’accès à la liquidité des établissements bancaires pour la mise en place de crédits exports et donc, in fine, de diminuer le coût de ces derniers. Cette année, je vous propose d’étendre le périmètre d’utilisation de cette garantie, dans le double objectif, d’abord, de continuer à améliorer le coût des crédits exports et, ensuite, de faciliter l’accès à la liquidité en euro et en dollar. J’espère que cette mesure de bon sens, utile à nos entreprises, recueillera l’assentiment général.

Par ailleurs, le projet de loi de finances rectificative pour 2013 améliore le dispositif de couverture des chantiers navals dans la période de construction des bateaux. La construction navale est un secteur à la pointe de la technologie en France, qui a déjà remporté de très importants marchés. Je me suis battu – c’était il y a un an, exactement – pour les chantiers navals de Saint-Nazaire qu’on disait en difficultés et proches de la fermeture. Aujourd’hui, ces chantiers ont obtenu des commandes jusqu’en 2016, représentant des millions d’heures de travail et des milliards d’euros, avec, notamment, la fabrication du plus grand paquebot de croisière au monde. Ils sont repartis de l’avant et la construction navale a encore d’autres perspectives très importantes dans les temps qui viennent. Je ne les présente pas ici, mais cela nécessite de mobiliser, pour chaque projet, des ressources bancaires importantes sur des périodes longues. Il serait absurde, avec une telle avance technologique, une telle excellence technologique, de ne pas emporter de marchés parce que, justement, le financement manque.

Enfin, le projet de loi de finances rectificative pour 2013 permettra à l’État de se substituer aux assureurs-crédit privés en cas de défaillance de marché sur certains pays, là où ce n’est pas possible aujourd’hui. Dans certains cas, tels que les crises économiques ou certains événements politiques, nos entreprises sont, hélas, confrontées à l’impossibilité de trouver une couverture auprès des assureurs-crédit privés pour leurs opérations d’exportation de court terme, avec, évidemment, des effets négatifs sur la capacité des exportateurs français à s’imposer sur les marchés internationaux. Si vous le décidez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte nous permettra d’intervenir lorsqu’une telle carence de marché sera constatée au bénéfice du commerce courant, notamment effectué par les PME et les ETI. Là encore, c’est une très forte incitation à aller de l’avant.

Toutes ces dispositions vont permettre de soutenir nos entreprises à l’export, objectif que cherche à atteindre, au premier chef, la ministre du commerce extérieur et auquel j’entends contribuer à la place qui est la mienne, comme responsable des réformes du financement de notre économie.

Ces initiatives législatives sont en permanence appuyées et relayées par des initiatives politiques. Je pense, par exemple, à la tenue de la grande conférence économique entre la France et l’Afrique à Bercy, la semaine dernière, qui a rassemblé plus de 500 entreprises, une cinquantaine de ministres présents à Paris pour le sommet de l’Élysée, mais aussi plusieurs chefs d’État, dont le Président de la République française. Ce type de manifestation permet de catalyser les opportunités d’investissement et d’exportation pour nos entreprises sur le continent africain, qui représente une formidable opportunité pour l’économie française. Nous devons nous inscrire dans les perspectives d’avenir qu’offre ce continent ami, où la France est présente et où elle doit passer d’une logique de rente, d’acquis sur laquelle elle a un peu vécu à une logique plus offensive et conquérante, une logique de flux.

Troisième axe du projet de loi de finances rectificative pour 2013, nous poursuivons le choc de simplification voulu par le Président de la République.

À travers plusieurs dispositions spécifiques, nous simplifions les règles et, surtout – je sais que beaucoup d’entreprises et de particuliers y tiennent – les relations avec l’administration. Comme vous le savez, le Premier ministre a lancé un chantier de remise à plat de la fiscalité. Je l’évoquais cet après-midi, dans cet hémicycle, à l’occasion des questions d’actualité. Nous entendons créer une nouvelle relation, fondée sur la confiance, entre l’administration fiscale et l’usager. Dans ce cadre, il est prévu de simplifier les obligations déclaratives à l’impôt sur le revenu en généralisant les cas de dispense de justificatifs, d’étendre le recours obligatoire au télépaiement de la taxe sur les salaires ou de légaliser le principe de gratuité des prélèvements opérés à l’initiative de l’administration fiscale pour le paiement des impôts.

Cette dimension est décisive pour l’attractivité du pays. Elle fait partie des priorités que nous mettons en œuvre, avec Bernard Cazeneuve. C’est une véritable révolution, je pèse mes mots, une révolution qui certes est encore silencieuse, mais qui n’en est pas moins en marche. Elle ne vise pas Bercy, mais part de Bercy. Lisibilité et simplicité de la relation, tels sont les objectifs que nous cherchons à atteindre et qui devront s’approfondir dans le futur.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les grandes lignes du texte que je vous présente aujourd’hui.

Comme tout collectif de fin d’année, celui-ci contient par ailleurs plusieurs mesures auxquelles je sais que la Haute Assemblée sera particulièrement attentive, en matière de fiscalité locale. Le Gouvernement a ainsi déposé, à l’Assemblée nationale, un amendement tendant à reprendre la proposition de loi de votre rapporteur général François Marc, visant à lancer l’expérimentation en matière de valeurs locatives des locaux d’habitation, ou encore un amendement ayant pour objet de moderniser l’assiette de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’IFER, pour le secteur des télécommunications, qui constitue une ressource régionale.

Mais je conclurai mon propos en rappelant que l’enjeu de ce projet de loi de finances rectificative est avant tout la poursuite d’un agenda pour la croissance.

Les finances publiques et la réduction des déficits sont des enjeux majeurs : ils mobilisent tout le Gouvernement, à commencer par moi-même et par le ministre du budget. Parce que le redressement des finances publiques, tout comme le désendettement, est une absolue nécessité, …

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Mais le redressement des finances publiques n’est pas une finalité en soi. Il est indissociable du redressement productif, et une condition de la croissance. Il doit donc être accompagné par des dispositions fiscales et financières permettant d’aller dans ce sens.

Nous entendons poursuivre un agenda pour la croissance à un rythme soutenu, et même accéléré. Il est très important que tous ensemble nous puissions faire passer ce message à nos concitoyens : oui, la France est sortie de la récession ; oui, la France est sur la voie de la reprise ; oui, la croissance est en train de s’amorcer ; oui, notre tâche – celle du Gouvernement d’abord, celle des agents économiques, la vôtre également, mesdames, messieurs les sénateurs – est bien de faire en sorte que cette croissance soit de plus en plus forte, plus forte que ce que l’on nous prédit.

La reprise qui s’amorce est une percée que nous devons consolider. Pour cela, nous devons garder un cap

M. Francis Delattre s’exclame.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Même si je conçois que les opinions puissent diverger sur l’équilibre d’ensemble ou le cap, je rêve d’un large consentement sur les dispositions allant dans le sens d’un meilleur financement de l’économie, d’un soutien aux exportations, d’une simplification plus grande car, tout simplement, c’est le bon sens et l’intérêt général. Or, je le sais, tous les membres de la Haute Assemblée ont le souci tant de l’un que de l’autre.

C’est dans cet esprit tout à fait constructif, positif et ouvert que je tenais, mesdames, messieurs les sénateurs, à vous présenter ce projet de loi de finances rectificative et à ouvrir la discussion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – M. François Fortassin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous apprêtons à examiner le projet de loi de finances rectificative pour 2013 qui, cette année, a particulièrement enflé à l’Assemblée nationale, que ce soit sur l’initiative de nos collègues députés ou du Gouvernement.

Ainsi, de trente-quatre articles au moment de son dépôt, il est passé à quatre-vingt-treize articles dans le texte qui nous est soumis. Ces articles sont, pour une large part, des ajustements techniques qui portent sur une grande diversité de sujets et dont l’impact budgétaire est très limité.

Ce collectif procède par ailleurs à des ouvertures et des annulations de crédits, en complément de celles qui ont été effectuées dans le décret d’avance du 28 novembre, qui permettent d’assurer le respect de la norme « zéro valeur ». C’est d’ailleurs, rappelons-le, la principale vocation d’un projet de loi de finances rectificative de fin d’année que d’ajuster les crédits au vu des besoins de fin de gestion. L’expression « collectif budgétaire » viendrait d’ailleurs de l’opération consistant, pour le ministre du budget, à collecter auprès de ses collègues les demandes d’ouverture de crédits, pour mener à bien l’ensemble des missions de l’exercice. Si la nature de l’exercice n’a pas fondamentalement changé, la difficulté n’est désormais sans doute pas tant de collecter les demandes que de faire accepter les annulations de crédits qui les accompagnent inévitablement.

Les principales hypothèses et prévisions concernant les recettes, les dépenses et le déficit de l’État communiquées dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 sont confirmées.

La croissance devrait ainsi s’établir au moins à 0, 1 %, ce qui est certes inférieur aux prévisions initiales du Gouvernement, mais nettement supérieur à celles des instituts de conjoncture jusqu’à l’été dernier. Le léger repli enregistré au troisième trimestre devrait être suivi par un rebond au quatrième trimestre. Au total, l’atteinte de ce chiffre ne fait pas de doute : la croissance revient, comme d’ailleurs dans l’ensemble de la zone euro.

Cette reprise commence d’ailleurs à être perceptible à travers les chiffres du chômage – vous l’avez dit, monsieur le ministre. Avec l’engagement des réformes structurelles qui permettront de réaliser 50 milliards d’euros d’économie sur les trois prochaines années, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

… elle constitue aussi une condition du retournement de notre trajectoire de dette publique. Et nous avons grand besoin de ce retournement, n’est-ce pas, monsieur Delattre ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

S’agissant du déficit public, il est conforme à ce qui a été annoncé dans le projet de loi de finances initiale pour 2014 : la prévision est maintenue inchangée à 4, 1 points de PIB.

Quant au déficit budgétaire pour l’exercice 2013, il devrait s’établir à 71, 9 milliards d’euros, soit une amélioration de plus de 15 milliards d’euros par rapport à 2012. Ce déficit est en revanche d’un peu plus de 10 milliards d’euros supérieur à la prévision initiale.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Par conséquent, c’est du côté des recettes qu’il faut chercher les explications de ce résultat.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Celles-ci se sont en effet avérées moins bonnes que prévu en loi de finances initiale, parce que la croissance n’a pas atteint les niveaux attendus.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Dans ces conditions, tous les grands impôts, la TVA en premier lieu, mais aussi l’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu, n’ont pas eu le rendement espéré.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Ce moindre dynamisme des recettes fiscales sert – on l’entend trop souvent et je viens encore de l’entendre à l’instant –….

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Mes chers collègues, il me semble que nous pouvons simplement considérer que trop peu de croissance tue l’impôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Et trop d’impôt tue la croissance, donc, on n’en sortira pas !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Les mesures restrictives adoptées dans la zone euro ont en effet été importantes et simultanées, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

… ce qui explique un effet multiplicateur de baisse de la croissance dont l’ampleur a surpris tout le monde, monsieur le président Marini.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Sans doute devrons-nous tirer des leçons de cette expérience pour l’avenir mais la gouvernance de la zone euro a cependant fait des progrès considérables pour mieux prendre en compte la croissance et la solidarité, notamment à l’initiative de la France, et nous pouvons nous en féliciter.

À cet égard, on peut souligner les avancées dans la coopération fiscale comme l’accord obtenu cette semaine à Bruxelles sur le contrôle des travailleurs détachés.

Enfin, si l’accord obtenu cette nuit sur la question de la résolution bancaire est un compromis qui ne va pas aussi loin que nous pouvions l’espérer, il prévoit cependant la création d’un fonds de résolution unique qui pourra intervenir en cas de défaillance d’une grande banque dans la zone euro.

Il nous reste encore beaucoup à faire pour développer les investissements structurants à l’échelle européenne et pour encadrer la concurrence fiscale et sociale mais nos idées en faveur de plus de croissance et de solidarité dans la zone euro font leur chemin, et, là encore, nous pouvons nous en féliciter.

Pour ce qui concerne les dépenses de l’État, celles-ci sont tenues, hors dépenses exceptionnelles, liées notamment à la mise en œuvre des budgets rectificatifs européens ayant soldé les manques de crédits du budget pluriannuel qui s’achève. Ainsi, la norme « zéro valeur » est respectée, tandis que les dépenses sont inférieures de près de 3 milliards d’euros à la norme « zéro volume », compte tenu des économies réalisées sur les pensions et la charge de la dette.

En 2013, nous avons bénéficié de conditions de financement à des niveaux historiquement bas, à peine plus de 1, 5 % en moyenne, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Par ailleurs, nos taux ont moins augmenté ces derniers mois que dans la plupart des pays, à l’exception des pays de la zone euro qui ont été les plus affectés par la crise de la zone euro – je pense notamment à la Grèce, au Portugal, à l’Espagne et à l’Italie, qui ont vu, et nous pouvons nous en féliciter, leurs conditions de financement fortement améliorées.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Ils nous prennent des parts de marché, en attendant !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

J’y vois le signe de la confiance des marchés dans notre trajectoire de redressement économique et budgétaire ainsi que dans la solidité de la zone euro.

Après ces considérations globales sur l’économie dans son ensemble et sur le redressement en cours, j’en viens à quelques dispositions du texte sur lesquelles il me semble utile de m’arrêter un instant.

Tout d’abord, le projet de loi de finances rectificative qui nous est soumis comporte un grand nombre de mesures, d’importance variée, visant à simplifier les modalités de déclaration et de recouvrement de diverses contributions, ce qui devrait faciliter la vie tant des contribuables – notamment des PME – que de l’administration fiscale.

Le texte permet ainsi de nettoyer certaines incohérences voire absurdités dans le code général des impôts. Cette simplification des procédures nous permet d’aller à la fois dans le sens d’une amélioration de la qualité de service, d’un gain de temps et d’économies pour l’administration, autant d’éléments qui favorisent la croissance. Je veux donc profiter de ce projet de loi de finances rectificative, dont les articles, souvent techniques, ne prêteront probablement pas à des débats passionnés, pour encourager le Gouvernement dans l’approfondissement de ce chantier de simplification.

Nous avons discuté il y a quelques jours du projet de loi autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises. Il fait suite à d’autres lois et à l’annonce de deux cents mesures lors du Comité interministériel de modernisation de l’action publique du 17 juillet dernier.

Des progrès conséquents ont également été accomplis sur les normes applicables aux collectivités territoriales, notre ancien collègue Alain Lambert ayant en outre été nommé récemment médiateur des normes entre l’État et les collectivités.

Il s’agit là d’un chantier sans doute peu spectaculaire mais qui appelle à un changement de culture administrative : nous devons veiller à ce que des procédures trop rigides n’entraînent pas des coûts démesurés au regard des gains attendus. Il convient d’alléger les contrôles a priori pour renforcer, au contraire, les contrôles a posteriori et les sanctions. C’est ainsi que nous arriverons à la fois à faciliter l’initiative, à réduire les coûts de gestion et à concentrer nos moyens de lutte contre les fraudes les plus graves.

Le deuxième point qui mérite d’être évoqué est celui du renforcement des outils de financement de l’économie à travers, notamment, la création d’un nouveau support en matière d’assurance vie qui fait suite à celle du plan d’épargne en actions pour les PME. D’autres dispositions sont prévues, comme l’amortissement des investissements des entreprises dans les PME innovantes. Vous en avez parlé, monsieur le ministre, et j’estime qu’il s’agit d’une excellente mesure. Il est essentiel de permettre à ces PME de se développer, car elles sont la clef de notre capacité à conserver et attirer des talents et participent à renforcer notre potentiel de croissance.

Enfin, j’évoquerai le lancement de l’expérimentation de la révision des valeurs locatives des locaux à usage d’habitation, qui est un élément essentiel de la réforme fiscale locale.

J’avais soutenu le gouvernement précédent lorsqu’il avait engagé une expérimentation en vue de réviser les valeurs locatives des locaux professionnels, généralisée sur l’initiative du Sénat l’année dernière.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le gouvernement actuel consolide et étend cette démarche, en reprenant dans le collectif la proposition de loi que j’ai déposée au Sénat le mois dernier.

Cette révision est une exigence de justice fiscale. En effet, il est aberrant que l’année de construction d’un logement constitue le principal déterminant de sa valeur locative. Ainsi, on peut voir dans un même quartier, pour une surface identique, des contribuables voisins amenés à acquitter des montants d’impôts locaux très différents qui ne correspondent en rien ni à l’état de leur logement, ni à leur loyer éventuel.

Cette révision des bases entrera en vigueur au plus tôt en 2018, après une phase d’expérimentation qui nous permettra de mesurer les transferts de charges entre les contribuables ainsi que de simuler ses effets sur les dispositifs de péréquation. Nous pourrons donc définir ses modalités de mise en œuvre à partir de l’analyse des données recueillies.

Il s’agit d’un travail très important dont l’aboutissement exigera de l’énergie, de la pédagogie et du courage. Je veux souligner à cet égard, monsieur le ministre, la mobilisation et l’engagement des équipes du ministère de l’économie et des finances au service de cette vaste ambition.

À ceux qui, s’inspirant de Goethe, préfèrent commettre une injustice que de tolérer un désordre

MM. Richard Yung et Yvon Collin apprécient.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

… je veux dire qu’en effet cette réforme ne s’opérera pas sans transferts de charges, précisément parce qu’elle recherche une plus grande justice.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

En outre, l’ampleur des travaux préparatoires permettra d’éviter toute improvisation sur un sujet aussi complexe et sensible.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le projet de loi de finances rectificative pour 2013 montre la détermination très ferme du Gouvernement à tenir les dépenses, tout en mettant en œuvre les priorités en faveur de l’emploi, de la jeunesse et de nos concitoyens les plus fragiles.

La stratégie du Gouvernement, qui vise à assurer le retour à l’équilibre structurel de nos comptes publics tout en encourageant la croissance, doit être consolidée. La croissance revient, mais nous sommes encore loin de l’objectif que nous nous sommes fixé. Il s’agit désormais de s’assurer de la montée en puissance de l’ensemble des outils que nous avons mis en place pour favoriser la compétitivité de nos entreprises et le financement de l’économie, et de définir les réformes structurelles qui nous permettront d’affermir notre trajectoire de redressement, sans rien remettre en cause de nos priorités et de notre engagement en faveur de la justice sociale.

La commission des finances a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter ce projet de loi de finances rectificative. À titre personnel, je vous invite au contraire à l’adopter. §

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le collectif budgétaire, c’est deux choses : l’ajustement des comptes en fin d’année, qui conduit à se retourner sur un exercice presque terminé, et diverses mesures législatives et fiscales pour l’avenir. Je bornerai l’essentiel de mes commentaires au premier aspect.

Que retiendra-t-on, monsieur le ministre, de l’exercice 2013 ?

À mon avis, on en retiendra d’abord que l’objectif de retour du ratio de déficit par rapport au PIB sous le seuil de 3 % a été repoussé de deux ans, avec la bienveillance, il faut le dire, de l’Union européenne. De plus, l’objectif de retour à l’équilibre des comptes publics en 2017, engagement de celui qui allait devenir Président de la République et qui avait été réaffirmé après son élection, a également été abandonné puisque l’objectif de solde effectif est désormais, pour 2017, un déficit de 1, 2 % du PIB.

On retiendra aussi que le ratio de dette par rapport au PIB s’établit à présent à 93, 4 % du PIB et qu’il devrait encore augmenter en 2014, alors qu’il y a un an on prévoyait qu’il culminerait en 2013 à 91, 3 %.

On se souviendra sans doute, par ailleurs, que 2013 devait être l’année au cours de laquelle les règles budgétaires allaient enfin devenir plus intelligentes, en donnant un poids plus grand à la notion de solde structurel.

La trajectoire de solde structurel n’a pas non plus été respectée en 2013 et le déficit structurel s’établira, à la fin de 2013, à 2, 6 % du PIB, au lieu de 1, 6 % prévu.

L’instance, que vous avez citée, qui a été créée, à juste titre, pour surveiller attentivement, parmi d’autres choses, le respect de cette trajectoire, le Haut Conseil des finances publiques, vient de confirmer qu’elle sera amenée à constater en 2014 un « écart important » par rapport à la trajectoire et qu’il faudra donc enclencher en 2014 le mécanisme de correction automatique prévu par les accords européens, comme par la législation française.

On ne sait toujours pas, cependant, comment cette correction interviendra. Je présume que cela se fera, sans trop de surprise, par une modification des chiffres de la programmation pluriannuelle des finances publiques, ce qui annulera visuellement l’écart, mais non pas le dérapage des comptes dans leur réalité. À la vérité, ce sera tellement plus simple que de faire des efforts supplémentaires !

En tout état de cause, monsieur le ministre, on peut déjà se demander si la réévaluation du PIB potentiel, notion clef de la nouvelle gouvernance budgétaire, qui devrait intervenir dans la nouvelle loi de programmation des finances publiques, ne conduira pas à constater que la route est encore longue avant de parvenir à l’équilibre structurel et que de nouveaux efforts, plus importants que ceux prévus, seront indispensables !

L’année 2013 a cependant été marquée par un élément positif : l’absence de polémique sur les prévisions de croissance, qui, me semble-t-il, doit être largement portée au crédit du Haut Conseil des finances publiques, cette instance d’expertise à laquelle on ne peut mentir sur de tels sujets.

Il faut aussi se souvenir, mes chers collègues, qu’en 2013 le taux d’évolution en volume des dépenses publiques, variable essentielle pour construire une programmation, aura connu – je pèse mes mots – un spectaculaire dérapage.

Je m’y arrête, car l’évolution des dépenses publiques est le sujet essentiel pour les années à venir, tout le monde l’admet. Au demeurant, lorsque j’ai été reçu, avec d’autres présidents de commission, par le Premier ministre pour l’exercice de « remise à plat », celui-ci a consacré une bonne partie de son propos liminaire à nous dire que c’est sans doute plus sur la fiscalité que sur la dépense publique qu’il faudrait agir.

En 2013, on attendait une progression en volume des dépenses publiques de 0, 9 %. Dans la réalité, – soyez-y attentifs, mes chers collègues ! – nous aurons une progression de près du double, soit 1, 7 %. Malgré ce dérapage, le Gouvernement construit ses prévisions pour 2014 en considérant que le rythme de progression des dépenses publiques sera divisé par quatre, c’est-à-dire n’atteindrait plus en volume que 0, 4 %.

Comment y parviendrez-vous, monsieur le ministre ? Comme un tel ralentissement de la dynamique de la dépense publique s’opérera-t-il ?

On nous dit que les dépenses de l’État, qui ont été réduites de 0, 3 % en volume en 2013, baisseraient de 1, 7 % en 2014.

On nous dit aussi que les dépenses des administrations de sécurité sociale verraient leur rythme de progression divisé par près de trois pour passer de 2, 3 % en volume en 2013 à 0, 8 % en 2014.

On nous dit, enfin, que les dépenses des collectivités locales cesseraient de progresser en 2014, après avoir augmenté de 2 % en volume en 2013.

Sur le fondement de quelles hypothèses peut bien reposer – pardonnez-moi l’expression – ce wishful thinking spectaculaire ? Quels phénomènes défavorables en 2013 ne se reproduiraient pas en 2014 ? Cela mériterait, pour avoir un bon débat, monsieur le ministre, d’être explicité de manière beaucoup plus précise que ce qui figure dans le rapport économique, social et financier pour 2014.

Lorsque l’on s’intéresse aux dépenses de l’État, au sens strict, que voit-on ?

On voit d’abord que les dépenses du budget général seront un peu supérieures en 2013 à leur niveau de 2012, soit 287, 2 milliards d’euros contre quelque 286 milliards d’euros l’année précédente. Ce ne sont plus là des chiffres conceptuels ou structurels, mais des chiffres nominaux en euros sonnants et trébuchants !

On voit aussi que le montant du prélèvement européen dérape de 1, 6 milliard d’euros. Alors que de plus en plus d’États de l’Union européenne obtiennent des rabais sur leurs contributions nettes au budget européen, la France demeure un bon élève et paie sans contrepartie.

On voit, enfin, que des crédits sont ouverts en collectif, dans le cadre de l’exercice de collecte qu’évoquait le rapporteur général, en complément de ceux qui ont été autorisés par le récent décret d’avance, essentiellement pour financer des dépenses de guichet : aides personnalisées au logement, aide médicale d’État destinée aux étrangers en situation irrégulière, par exemple. En face, des crédits sont annulés. Quels postes fournissent les gages ? L’équipement des forces armées et les infrastructures de transport.

Ce constat pourrait me conduire – mais je n’y insisterai pas – à mettre en doute l’exercice de réforme ou de restructuration des services publics qu’est censé représenter la nouvelle, et parée de toutes les vertus, « modernisation de l’action publique ». Ce que je vois surtout, c’est que l’on rabote, à juste titre d’ailleurs, les trésoreries disponibles, bonne vieille méthode budgétaire que je ne rejette pas, tant s’en faut, mais qui n’est pas véritablement porteuse de réforme. Je vois aussi que l’on sacrifie les crédits d’intervention et d’investissement, et que l’on annonce toujours de nouvelles économies, non documentées ou si peu, pour demain ou après-demain.

Que remarque-t-on encore en examinant ce collectif de la fin de l’année 2013 ?

Les recettes rentrent moins bien que prévu. Je ne reviens pas sur les chiffres, que vous connaissez ; le rapporteur général les a donnés.

Je m’inquiète en particulier pour l’avenir de la TVA, qui est notre premier impôt en termes de rendement fiscal. Ce gouvernement, comme le précédent, – mais de façon moins directe et, à mon sens, moins efficace – a constaté qu’il était plutôt positif d’effectuer des transferts de l’impôt de production vers l’impôt de consommation. Cela se traduit par les augmentations de taux de TVA qui figurent dans la loi de finances pour 2014.

Monsieur le ministre, si l’on est de moins en moins en mesure de prévoir le rendement de la TVA et si les évolutions de l’économie – je pense en particulier au développement de l’économie numérique – fragilisent son rendement, il sera vraiment très difficile d’imaginer, « remise à plat » ou non, une véritable stratégie fiscale.

Les récents travaux de la commission des finances, au-delà des différences respectives d’opinions de ses membres, constituent à cet égard une mise en garde contre les risques d’érosion de l’assiette de la TVA, compte tenu de divers phénomènes que nous ne maîtrisons pas.

On remarque aussi dans ce collectif que le déficit de l’État passerait de 87, 2 milliards d’euros en 2012 à 71, 9 milliards en 2013, mais que cette réduction de 15 milliards d’euros est sans incidence, ou presque, sur le besoin de financement de l’État, lequel est quasiment stable : il passerait de 187 milliards d'euros à quelque 186 milliards d'euros. Cela s’explique par des amortissements plus importants que prévu de titres de la dette antérieure, ainsi que par la reprise de la dette de 4, 5 milliards d’euros résultant des déboires de l’ancien Crédit lyonnais. On peut soutenir que, sur la dette, selon le calcul maastrichtien, c’est sans incidence, il n’en reste pas moins que, sur le besoin de financement de l’État et, donc, sur le recours au marché, l’incidence est réelle.

Mes chers collègues, en comparant l’exécution à la prévision en loi de finances initiale, j’observe les bienfaits d’une gestion active de la dette ; il faut en rendre hommage à l’Agence France Trésor. En 2013, il a fallu financer un déficit supérieur d’environ 10 milliards d’euros aux prévisions ainsi que la reprise de la dette de l’Établissement public de financement et de restructuration, l’EPFR, soit une quinzaine de milliards d’euros, et tout cela a été réalisé sans que le montant des émissions à moyen et long termes soit modifié, puisqu’il demeure à 169 milliards d’euros.

Cependant, la magie financière n’agit pas toujours et la conjoncture des taux d’intérêt, dont nous bénéficions et c’est heureux, ne sera probablement pas éternelle. Le Gouvernement le pense, monsieur le ministre, puisque, dans certains documents, c’est l’argument avancé pour justifier la reprise des 4, 5 milliards d’euros de dettes de l’EPFR : raisonnablement, au regard des différents facteurs qui existent dans le monde, il faut s’attendre à une tension sur les taux d’intérêt.

Mes chers collègues, je terminerai sur les dispositions législatives et me concentrerai sur la réforme de l’assurance vie.

Après de nombreux rapports, dont ceux qui ont déjà été cités, les mesures proposées en faveur du contrat dit « euro-croissance », lequel vise à orienter l’épargne vers des placements en actions tout en offrant aux souscripteurs une garantie à terme, sont utiles. C’est un point positif. Pourquoi faut-il alors que, dans le même temps, apparaissent une taxe sur les contrats transformés et une modification du mode d’assujettissement aux prélèvements sociaux particulièrement défavorable aux épargnants que l’on veut inciter à souscrire ces nouveaux produits ? Cette façon de procéder, un coup dans un sens puis un coup dans l’autre, obérera en grande partie l’efficacité du dispositif et engendrera peu de bénéfices pour l’économie.

Quant au contrat « vie-génération », il aurait dû permettre de transmettre son patrimoine dans de meilleures conditions. Or, dans le même temps, la taxation en cas de décès est alourdie, de manière à neutraliser l’avantage fiscal que procure ce contrat. Alors à quoi bon ? En outre, ce produit est soumis à de très rigides contraintes d’investissement. Cela nous rappelle les anciens contrats DSK et NSK. Il est frappant de constater que le présent projet de loi de finances rectificative supprime les contrats NSK, dont la diffusion était restée confidentielle car ils étaient beaucoup trop compliqués. Il faudrait tout de même tirer les leçons des échecs du passé !

Enfin, monsieur le ministre, je relève quelques dispositions d’inspiration bureaucratique pour faire bonne mesure. Je pense à la création d’un fichier central des assurances vie qui, chaque année, recenserait dans le détail les contrats de millions de Français.

On aboutit ainsi à un empilement de mesures contradictoires, qui sont à mon sens mal maîtrisées et se révéleront malheureusement peu efficaces, alors que nous sommes tous en accord pour rechercher des mesures à la hauteur des enjeux liés au financement de l’économie.

Peut-être faut-il attendre la remise à plat de la fiscalité. Peut-être est-ce l’horizon auquel vous allez nous confier. Vous comprendrez toutefois, monsieur le ministre, que le scepticisme ait été de mise au sein de la commission des finances. C’est pourquoi celle-ci préconise le rejet du texte. §

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, cela fait des mois que les parlementaires attendent ce collectif budgétaire pour mesurer la réalité des comptes publics et les contrôler.

M. le ministre chargé du budget considère à raison que la seule réalité qui vaille est celle des chiffres. Il semble cependant que nous ne constations pas la même réalité. La dépense publique brute passe de 395, 5 milliards d'euros en 2013 à 407, 4 milliards d'euros en 2014. Elle n’est donc pas stabilisée, contrairement à ses affirmations. Sa proposition d’établir des instruments à l’aune desquels il pourrait mesurer et comparer les trajectoires des finances publiques des vingt dernières années éclairera-t-elle le présent et préparera-t-elle l’avenir ? N’est-elle pas uniquement accessoire ?

Après dix-huit mois de pouvoir, est-il possible de cesser enfin les querelles stériles sur l’héritage ? Ce qui est sûr, c’est que vous êtes responsables du présent. Je rappelle que la dette s’est accrue de 194, 9 milliards d'euros depuis mai 2012 passant de 1 717, 3 milliards d'euros à 1 912, 2 milliards d'euros au 30 juin dernier, selon l’INSEE. Alors avançons ensemble dans l’intérêt du pays en nous affranchissant d’affirmations partisanes et, surtout, vaines.

Monsieur le ministre, j’ai deux suggestions à vous faire, qui, malheureusement, eurent peu de succès sous le précédent quinquennat.

D’une part, il faudrait opter pour une présentation des dépenses du même montant d’une année sur l’autre en euros courants. Cela engendrerait spontanément une baisse des dépenses du montant de l’inflation. D’autre part, nous pourrions baser nos prévisions budgétaires sur une croissance nulle, ce qui serait pragmatique et réaliste, car les prévisionnistes et les gouvernements se trompent le plus souvent. Les éventuels résultats budgétaires excédentaires seraient à verser au bénéfice de nos comptes publics.

Tous les Français s’interrogent : à quoi sert une charge fiscale d’une intensité inégalée pesant sur les contribuables depuis 2012 si le déficit continue d’augmenter inexorablement ? En valeur absolue, nous sommes passés de 71, 9 milliards d’euros en loi de finances initiale à près de 82 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2014, si l’on y intègre les investissements d’avenir. C’est 30 milliards d'euros de plus que le déficit prévu par la loi de programmation votée l’année dernière.

Les recettes espérées sont inférieures de 11 milliards d'euros à ce que vous aviez anticipé et annoncé.

Vous avez surestimé les recettes de l’impôt sur les sociétés. Vous attendiez 53, 5 milliards d'euros, vous avez collecté 49, 7 milliards d’euros, soit une perte de 3, 8 milliards d'euros. La pression fiscale sur les entreprises est si forte et stérilisante que c’était prévisible.

Les baisses de recettes de TVA, de droits de mutation à titre onéreux ou DMTO et de cotisations sociales sont bien évidemment imputables à une baisse de la croissance, due en partie à la pression fiscale ainsi qu’au travail au noir qui en est la conséquence. Vous estimez que la disparition de près de 1 milliard d’euros de recettes de TVA serait imputable à de nouvelles techniques de fraude à la TVA. Cela me semble une raison annexe.

Vous ne pouvez, d’une part, avancer que l’effritement de la dynamique des recettes fiscales est lié à des facteurs conjoncturels et, d’autre part, affirmer que la situation structurelle s’améliore, les chiffres démontrant l’inverse. Notre solde structurel est déficitaire, il passe de 2 % dans la loi de programmation à 2, 6 %. Le solde conjoncturel est resté presque stable, il n’est passé que de 1, 2 % dans la loi de programmation à 1, 4 %. Comment ce 0, 2 point de variation suffirait-il à expliquer 1, 1 point de PIB de déficit public imprévu ?

Face à la même crise, nos partenaires européens ont accompli un effort colossal pour redresser leur solde structurel, voire pour le rendre excédentaire. Nous sommes dans la démarche inverse et, en conséquence, nous voilà guettés par le mécanisme de correction, comme vient de le rappeler le président de la commission des finances. Baissez vite les dépenses, monsieur le ministre, ou vous serez obligé d’augmenter les impôts avec un résultat contraire à celui qui est escompté ! Mais tout cela, vous le savez.

Vous avez méconnu la difficulté de la collecte de l’impôt, car vous n’avez pas anticipé le désarroi fiscal des Français, qui considèrent que trop c’est trop.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

La réalité est cruelle : nous assistons consternés à la démonstration de la réalité visionnaire et de la justesse de la courbe de Laffer. Tout le monde l’a rappelé, mais je ne résiste pas au plaisir de le faire à mon tour : « Trop d’impôt tue l’impôt ». Même le Président Mitterrand, qui était pragmatique et qui n’était pas un économiste, l’affirmait.

Monsieur le ministre, redonnez aux Français l’envie d’investir, l’envie d’entreprendre, l’envie de travailler. Pour cela, ils doivent être convaincus que l’impôt n’est pas confiscatoire. À l’échelon politique, encouragez la coopération entre parlementaires de toutes sensibilités. Œuvrez pour retrouver l’esprit consensuel qui a présidé à la création de la LOLF, la loi organique relative aux lois de finances, et même à la discussion de la loi sur la régulation bancaire, afin de construire une véritable réforme fiscale qui aura l’assentiment des Français. Vous aurez alors pour cela l’approbation des sénateurs du groupe UDI-UC.

Je me dois de reconnaître que certaines dispositions du PLFR sont enfin incitatives : la création de deux nouveaux produits d’assurance vie qui visent à améliorer le financement des entreprises, un dispositif stimulant le capital-investissement pour les entreprises à l’article 8, les mesures en faveur de l’exportation à l’article 32 et diverses mesures sectorielles comme celle qui concerne la filière bois. Cela est positif, mais n’est pas à la hauteur des attentes des Français, qui veulent de l’État un effort équivalent à celui que vous exigez d’eux par l’impôt. Rien de majeur n’est mis en place en ce sens, car vous vous entêtez dans votre idée fausse que la baisse des dépenses est plus récessive que la hausse des impôts.

C’est pourquoi le groupe UDI-UC ne peut voter en faveur de ce texte.

Monsieur le ministre, la CDU et le SPD en Allemagne viennent de parvenir à un projet d’union nationale dans l’intérêt du pays. Dans un état d’esprit louable, le Premier ministre consulte tous les partis pour préparer une réforme fiscale. Il a pris l’excellente initiative de confier à MM. Malvy et Lambert, deux anciens ministres du budget aux philosophies politiques différentes, une mission pour réduire la dépense publique. Étendez aux groupes politiques cette action en faveur d’une convergence et nous pourrons nous retrouver et nous rapprocher. §

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi tous les articles de ce projet de loi de finances rectificative pour 2013, il peut paraître difficile de rendre saillant tel ou tel point, tant, avant la « remise à plat » de notre fiscalité, nous assistons à celle des modalités de recouvrement de l’impôt et à la mise en discussion de quelques dispositions purement techniques.

Selon nous, le premier débat réside dans la réalité de la très faible croissance économique – un dixième de point –, puisque c’est l’hypothèse finalement retenue pour la conception et la réalisation de ce texte.

Cette faible croissance économique trouve une traduction dans la vie quotidienne de nos concitoyens. Elle se manifeste par la poursuite de l’augmentation du nombre des personnes privées d’emploi, lequel s'élève aujourd’hui, toutes catégories confondues, à plus de 5, 8 millions.

Elle trouve aussi son expression dans le mouvement de faillite des entreprises, des faillites qui sont autant de drames pour les entrepreneurs qui mettent la clef sous la porte que pour les salariés de ces entreprises.

Le nombre de défaillances d’entreprises s'élevait en effet à 46 903 entre janvier et septembre, soit un rythme annuel supérieur à 62 000, alors qu’il était de 61 189 pour l’année 2012, et de 59 521 pour l’année 2011.

Bien entendu, compte tenu de la forme même de notre tissu économique, largement composé de très petites entreprises ne comptant parfois aucun salarié, ces défaillances ne se traduisent pas chaque fois par un plan social.

Néanmoins, cette tendance justifie tout de même quelques inquiétudes sur l’avenir.

Songez qu’en 2008 le nombre de défaillances s'établissait à 55 423, contre 63 454 en 2009, le record de ces dernières années ! Ces chiffres montrent, s'il en était besoin, que nous ne sommes pas vraiment sortis de la crise économique – les 5, 8 millions de chômeurs sont de toute manière là pour nous le rappeler.

Certains imputeront bien sûr ce piètre résultat au passif du gouvernement actuel, aux impôts trop lourds, au « ras-le- bol » fiscal. Qu’ils ne comptent cependant pas sur nous pour chanter cette rengaine trop facile, car nous sommes nombreux au sein du groupe CRC à estimer que la fiscalité n’explique pas tout.

Bien évidemment, la hausse des tarifs du gaz, de l’électricité, des transports publics – la hausse de la TVA sera répercutée intégralement en 2014 –, les effets du gel du barème de l’impôt sur le revenu, la « mécanique » de hausse de la fiscalité locale qui en découle, tout cela pèse sur la consommation populaire, sur la situation des ménages.

Mais pas plus que le quasi-gel du SMIC ni que la modération salariale encouragée au plus haut niveau ; pas plus également que la mise en cause des prestations sociales, dont on sent confusément qu’elles seront la cible principale des prétendues « économies » que le Gouvernement entend réaliser ces prochaines années pour parvenir à l’équilibre budgétaire.

La précarisation du fonctionnement des hôpitaux, à travers un objectif national des dépenses d’assurance maladie, ou ONDAM, sans cesse plus contraint, la mise en cause du caractère universel des allocations familiales, maquillée derrière la « justice » et la « priorité » affichée en direction des plus démunis, l’objectif de réduction des pensions et retraites par désindexation, le report de la revalorisation, l'adoption éventuelle du système des comptes notionnels, voilà quels peuvent être les outils conçus pour réaliser de telles économies.

Toutefois, la vérité commande de dire que c’est aussi dans l’insuffisante mobilisation des capacités de production et, notoirement, dans celle du crédit bancaire que nous trouvons les motifs principaux de cette croissance atone.

Qu’on y songe : selon la Banque de France, la moitié des crédits disponibles pour les activités manufacturières et industrielles n’est pas mobilisée. Autant les plus grands groupes semblent avoir renoncé à investir en France ou privilégient ce qu’on appelle le shadow banking, c’est-à-dire le prêt avec intérêt à l’intérieur du groupe, autant nos PME et TPE sont confrontées à des difficultés nouvelles pour solliciter l’appui des banques.

Tout porte à croire, d’ailleurs, que ni la création de la Banque publique d’investissement, ni la séparation des activités des établissements de crédit n’ont eu la moindre efficacité concrète sur la situation de distribution du crédit aux entreprises, …

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

… et que les choses, qui n’étaient déjà pas simples avant 2012, se sont encore dégradées.

Serait-ce cette situation qui est à l'origine de la principale mesure contenue dans ce collectif, à savoir la mise en place d’une réforme de l’assurance vie, l’un des principaux placements financiers des Français ?

Enfin, des Français... Il en est de l’assurance vie comme d’autres produits d’épargne : elle épouse étroitement les contours abrupts des inégalités sociales.

C’est que l’encours important de l’assurance vie – plus ou moins 1 450 milliards d’euros aujourd’hui – est très inégalement réparti.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Pour 90 % des 17 millions de souscripteurs, le montant épargné cumulé est inférieur à 50 000 euros, tandis que les 10 % restants rassemblent rien de moins que 64, 8 % de l’encours, soit une somme de plus de 880 milliards d’euros et une moyenne légèrement inférieure à 530 000 euros.

Au demeurant, le centile d’épargnants disposant des plus gros contrats se situe aux alentours de deux millions d’euros. Une somme qui, rappelons-le, si elle était soumise à l’impôt de solidarité sur la fortune, serait susceptible, monsieur le ministre, de produire plus de 1 milliard d’euros de recettes nouvelles.

Nous nous sommes d'ailleurs livrés à une petite estimation. Si les 170 000 ménages disposant des contrats d’assurance vie les plus richement pourvus étaient soumis à l’imposition sur les grandes fortunes, le budget de l’État s’en trouverait bonifié d’une recette fiscale comprise entre 1, 2 milliard et 5, 1 milliards d’euros.

L’article 7 du projet de loi est, selon nous, un article d’opportunité. Nous sommes convaincus que les ménages salariés dont l’assurance vie capitalisée est comprise entre 0 et 50 000 euros ne se sentiront guère concernés par les modifications proposées à cet article.

Seulement voilà, nous sommes dans une période de taux directeurs faibles et les titres de court terme comme de moyen et long termes du Trésor public portent eux aussi un rendement de plus en plus faible.

L’Agence France Trésor propose aujourd’hui des OAT, des obligations assimilables du Trésor, à 0, 25 % – certes indexées sur l’inflation – ainsi que des bons du Trésor à 0, 45 %. Vous conviendrez qu’il n’y a pas là de quoi assurer vraiment le rendement d’un contrat d’assurance vie.

En revanche, les plus importants détenteurs de contrats, que la Cour des comptes a pu estimer à quelque 1 700 000 ménages, pourraient être intéressés par les mesures prévues à l’article 7. La valeur de leurs contrats s'élève en moyenne à au moins 530 000 euros et le centile le plus riche, nous l’avons dit, dispose de contrats d’une valeur moyenne de deux millions d'euros qui sont directement concernés par le changement de support.

L’affaire pourrait s’avérer attractive, parce que, par principe, le rendement des actions est supérieur à celui des obligations, même si elle doit être quelque peu « bordée ».

Premièrement, son régime fiscal ne sera pas aussi directement favorable que celui de l’assurance vie ordinaire et l’encours des nouveaux contrats pourra être ajouté à l’évaluation du patrimoine imposable au titre de l’ISF. Deuxièmement, cependant, notons que, tout au long de son développement, le contrat dégagera des dividendes et donc des crédits d’impôt successifs. Troisièmement, l’essentiel sera préservé, puisque l’apport de fonds propres ne changera rien à la gestion des entreprises concernées, car il y a fort à parier que ce seront les compagnies d’assurance, et non les souscripteurs, qui seront éventuellement représentées dans les organes dirigeants des entreprises.

On peut toutefois se demander, mes chers collègues, ce qui pousse ainsi un gouvernement de cette sensibilité politique à proposer une mesure dont la pertinence n’est évidemment avérée que pour un nombre assez restreint de personnes. Qui plus est, les niches fiscales qui découlent de l’article 7 n’entretiennent qu’un rapport lointain avec le principe de l'égalité de traitement devant l’impôt !

De notre point de vue, il y a deux manières plus vertueuses pour une entreprise de renforcer ses fonds propres.

La première, c’est de réinvestir la plus grande partie de ses résultats en vue d’autofinancer son développement, autant que faire se peut, avec le produit de son activité. La seconde, c’est d’obtenir des établissements de crédit des conditions plus favorables de financement pour que le recours au crédit bancaire ne soit plus un boulet.

Monsieur le ministre de l'économie et des finances, nous pensons même que deux mesures pourraient être envisagées en ce sens : d’une part, renforcer l’affectation de l’encours de l’épargne défiscalisée – livret A, livret de développement durable – vers le développement économique et, d’autre part, chercher à transformer une partie de la dépense fiscale destinée aux entreprises en charges de bonification de prêts bancaires.

Nous sommes convaincus que l’effet de levier et l’efficacité de l’allocation de l’argent public s’en trouveraient renforcés.

Pour le reste, que contient ce collectif ? Nombre de mesures de caractère technique sans grands enjeux, qui tendent notamment à favoriser le développement d’une administration électronique dont on pressent qu’elle souffrira très vite de deux travers : engendrer des suppressions de postes budgétaires au sein de l’administration fiscale et ne pas résoudre tout à fait, loin de là, le problème récurrent du bien-fondé de l’impôt, de sa justice et de son efficacité sociale et économique.

Par ailleurs, le projet de loi comporte également une validation de la gestion quotidienne des affaires de l’État par les services de Bercy, et notamment l’annulation de plus de 3, 2 milliards d’euros de crédits inscrits, à l’origine, au sein de quatre-vingt-trois programmes budgétaires.

Même si les dépenses d’équipement militaire se trouvent frappées d’une réduction causée par le coût des opérations extérieures, ce sont aussi des crédits civils qui sont amputés à cette fin.

Et les 3, 2 milliards d’euros annulés sont à rapprocher des sommes votées par le Parlement lors de la loi de finances initiale. Nous avions voté 299, 32 milliards d’euros de crédits – 290, 7 milliards d’euros en 2012 –, ce qui signifie que près de 40 % des ouvertures nouvelles de crédits votées par le Parlement ont été purement et simplement supprimées. Et si l’on retire du volume des dépenses publiques les crédits de personnel, le compte des pensions et le service de la dette, le montant des annulations est encore plus net.

Un tel mépris pour les votes de la représentation nationale ne peut être accepté. Ce n’est pas ce type de procédure d’exécution budgétaire qui nous permettra de modifier dans un sens positif notre position sur le projet de loi de finances 2013 ainsi révisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pendant une décennie notre pays s’est accommodé d’un déficit croissant de ses finances publiques. Depuis que la crise s’est installée en 2008, l’équation budgétaire est devenue encore plus difficile à résoudre. Les recettes de l’État ont été affectées par la récession, tandis que les dépenses ont continué inexorablement d’augmenter. Pour de nombreux Français, cet effet de ciseaux s’est traduit, monsieur le ministre, par une pression fiscale qui a nourri l’actualité du mois de novembre.

J’entends bien nos collègues de l’opposition qui commentaient encore récemment les rassemblements de « bonnet rouges » et l’expression des différents groupes de « volatiles » se sentant – à tort ou à raison – « plumés » : selon eux, tout ce désordre serait la conséquence de la politique fiscale du Gouvernement menée depuis dix-huit mois.

En réalité, que constatons-nous ? Il aura fallu seulement deux exercices budgétaires pour amorcer une trajectoire vertueuse et responsable, et ce dans un contexte économique délicat pour l’ensemble de la zone euro en particulier. Je rappellerai, sans insister trop longtemps sur le reproche éculé de l’héritage, que l’ancien gouvernement a exécuté pas moins de cinq budgets dont on a bien mesuré les dégâts, puisque nous en avons tiré les conséquences durant l’été 2012. Le déficit public avait atteint 5, 3 % du PIB en 2011. M. le président Marini souscrit à cette analyse.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Non, non, je n’opine pas ! Il y a des explications à tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

M. le ministre a rappelé les chiffres qui confirment une évolution heureusement plus favorable aujourd’hui : le déficit a été ramené à 4, 1 % en 2013. Le déficit structurel est également en voie d’amélioration : il est passé de 5, 1 % du PIB en 2011 à 2, 6 % en 2013 et devrait s'établir à 1, 7 % l’année prochaine. C’est un indice supplémentaire du sérieux budgétaire qui caractérise l’action du Gouvernement depuis son arrivée au pouvoir, et les radicaux de gauche s’en félicitent.

Nous pouvons donc aborder le projet de loi de finances rectificative pour 2013 dans un esprit serein, même s'il est vrai que les prévisions du solde public en 2013 ont été révisées pour tenir compte du moindre rendement des recettes, en particulier de la taxe sur la valeur ajoutée, de l’impôt sur les sociétés, des cotisations sociales et des droits de mutation à titre onéreux. §

Comme vous le savez, mes chers collègues, si le solde du budget de l’État s’améliore de plus de 15 milliards d’euros par rapport à 2012 – je le répète, c’est une excellente nouvelle –, il subit néanmoins une dégradation de 10, 4 milliards d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale pour 2013.

Vous avez donc dû trancher, monsieur le ministre – c’est souvent le rôle des ministres ! –, et ainsi procéder à des ouvertures et des annulations de crédits.

Le dérapage des dépenses sociales, qui est une constante, conduit à abonder plusieurs missions. À cet égard, il me paraît souhaitable d’arrêter la sous-budgétisation de mesures dont on sait, de surcroît en période de crise, qu’elles sont toujours dynamiques, hélas !

Deux ministères ont été fortement mis à contribution : le ministère de l’écologie et le ministère de la défense. Pour le premier, je laisserai à mes collègues du groupe écologiste, plus qualifiés que moi sur ce sujet, …

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

… le soin de commenter les annulations nettes de 577 millions d’euros.

S’agissant du second, je soulignerai juste que l’adoption, avant-hier, de la loi de programmation militaire oblige à une certaine rigueur si l’on veut préserver le modèle capacitaire de l’armée française. Or le report de charges de 3, 6 milliards d’euros suscite des inquiétudes. Nous savons, mes chers collègues, que plusieurs actions du budget de la défense contribuent au soutien de l’industrie. Je souhaite le rappeler au moment où EADS envisage des suppressions d’emplois au sein de sa division défense et spatiale.

J’en viens ainsi au second volet du projet de loi de finances rectificative, qui consiste à améliorer le financement de l’économie.

En effet, au-delà des mesures d’ajustement budgétaire, vous avez, monsieur le ministre, introduit différents dispositifs pour lesquels vous pouvez compter sur notre soutien.

Je pense notamment aux deux nouveaux produits d’assurance vie qui devraient drainer utilement l’épargne vers des secteurs au fort potentiel de croissance.

La fusion de la taxe d’apprentissage et de la contribution au développement de l’apprentissage est un bon début, mais, selon moi, seulement un début du très attendu chantier de la réforme de l’apprentissage. Je me réjouis de l’affectation de 55 % des ressources de cette taxe fusionnée aux régions

M. Philippe Dallier s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

En ce qui concerne les collectivités locales, je remercie M. le rapporteur général François Marc, qui a proposé un excellent amendement à l’article 22 pour revenir sur la perte de recettes automatique des communes de plus de 2 000 habitants qui ne perçoivent pas la taxe communale sur la consommation finale d’électricité.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Enfin, ce projet de loi n’oublie pas de renforcer l’équité fiscale, un principe auquel les radicaux sont attachés. Dans cet esprit, l’aménagement de l’exit tax est une nécessité pour ne pas soustraire à l’impôt les plus-values latentes des contribuables transférant leur domicile fiscal hors de France, l’assiette de la taxe ayant été progressivement « mitée ». Je partage votre souci, monsieur le ministre, d’éliminer les effets d’aubaine, qui profitent le plus souvent aux plus aisés.

D’une façon plus générale, j’imagine d’ores et déjà que ce souci de justice sera au cœur de la grande réforme fiscale annoncée. Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2014, les radicaux de gauche ont fait des propositions sur ce point depuis longtemps. Le Premier ministre a déclaré samedi dernier qu’il faudrait deux quinquennats pour mener à terme cette réforme. Si l’embellie économique qui se profile se confirme, il serait souhaitable d’aller plus vite. Il y a urgence, me semble-t-il, pour ne pas décourager les forces vives de notre pays.

En attendant ce fameux grand soir fiscal, mes chers collègues, la majorité du groupe RDSE approuvera le projet de loi de finances rectificative pour 2013, qui permettra la clôture d’un budget relativement maîtrisé.

Applaudissements sur les travées du RDSE . – M. le rapporteur général de la commission des finances et M. Richard Yung applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d’en venir au fond du texte qui nous réunit ce soir, permettez-moi un commentaire sur la manière dont s’organisent les travaux de notre assemblée en matière budgétaire.

Contrairement à une tendance qui s’était amplifiée notablement ces dernières années, on ne peut pas dire qu’en 2013 le Gouvernement aura abusé de sa prérogative de déposer des lois de finances rectificatives, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

… puisque ce PLFR sera, de toute évidence, le seul de l’année.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Pour autant, il aura sacrifié à la pratique consistant à amender massivement son propre texte, en l’occurrence à l’Assemblée nationale : ce ne sont pas moins de soixante-dix amendements que le Gouvernement y a déposés et qui ont ainsi presque triplé le nombre d’articles de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Le travail d’analyse à fournir et le calendrier d’examen sont donc tels que notre rapporteur général François Marc, que je salue, n’a pas été en mesure – et c’est bien normal quand il s’agit d’ausculter un tel œdème législatif ! – de publier son rapport plus de vingt-quatre heures avant le début de l’examen du texte.

À cela s’ajoute le fait que les quelque deux cents amendements qui seront examinés demain n’ont été achevés de diffuser qu’au cours de cet après-midi. Chacun conviendra qu’il s’agit là de conditions peu propices à un travail sérieux...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Lors du rejet de la première partie du projet de loi de finances, le président Jean-Pierre Bel avait indiqué avoir pris l’initiative d’une réflexion, visant à réviser les conditions d’examen des lois de finances, dans le but de permettre la tenue d’un débat budgétaire complet au sein de notre chambre haute, quelles que soient les majorités qui s’en dégagent.

Je me permettrai de suggérer, monsieur le président, que nous ajoutions au champ de cette réflexion judicieuse le problème posé par des calendriers d’examen tellement serrés qu’ils en rendent parfois le travail parlementaire, disons-le, factice.

Après ces prolégomènes, qui me paraissaient importants, compte tenu de l’importance que nous attachons toutes et tous ici à la qualité des travaux du Sénat, permettez-moi d’en venir au contenu de ce texte. Venant en fin d’année, cette loi rectificative nous conduit à dresser un premier bilan, en attendant la loi de règlement, de l’impact des mesures que nous avions prises lors du PLF pour 2013.

Sans vouloir m’adonner à l’exercice un peu narcissique de l’autocitation, je ne peux m’empêcher de rappeler aujourd’hui, monsieur le ministre, que je m’étais alors évertué à plaider que cette voie de la rigueur budgétaire, dans laquelle vous avez engagé la France, est sans issue, fût-elle camouflée par les atours sémantiques du « sérieux ».

Vous aurez compris qu’il ne s’agit pas simplement là de mon intuition personnelle. De nombreux économistes, qui se définissent parfois comme « atterrés », défendent depuis longtemps cette thèse. La nouveauté, c’est que les laudateurs du libéralisme s’y convertissent eux-mêmes progressivement, face à l’évidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

En octobre 2012, c’était le chef économiste du Fonds monétaire international, institution peu réputée pour son iconoclasme, qui publiait une étude retentissante, reconnaissant que les multiplicateurs budgétaires étaient jusqu’alors considérablement sous-évalués.

En d’autres termes, cela signifie que les politiques d’austérité engendrent une telle contraction de l’activité que le manque à gagner fiscal qui en découle vient neutraliser l’effort réalisé : le déficit ne se résorbe pas tandis que l’économie, elle, s’effondre. La Grèce, dont la situation sociale et politique est alarmante, constitue le terrible laboratoire de ce dogme mortifère.

Plus récemment, après le FMI, c’est la Commission européenne, autre thuriféraire institutionnel de l’austérité, qui vient de reconnaître l’impasse de cette politique par la voix de son modélisateur en chef. Dans une étude publiée en octobre dernier, il y chiffre l’impact récessif des politiques d’austérité.

Pour la France, ce sont ainsi 4, 8 % de croissance cumulés entre 2011 et 2013, soit 1, 6 % par an, qui ont été perdus. Pour la Grèce, sur la même période, ce sont plus de 8 % qui ont été perdus. Quant à la courbe du chômage, objet bien légitime de toutes les attentions, elle serait d’après cette même étude de trois points inférieure à ce qu’elle est aujourd’hui si la France n’avait pas adopté une politique budgétaire aussi restrictive.

Jusqu’à maintenant, monsieur le ministre, nous étions cantonnés au débat de principes, qui a commencé avec la discussion relative à la ratification du traité européen. Aujourd’hui, nous pouvons enfin, avec ce texte, débattre des résultats concrets du premier projet de loi de finances porté par le gouvernement que vous représentez.

Ces résultats sont malheureusement conformes à ce que nous redoutions : l’austérité de votre budget a induit un manque à gagner fiscal considérable, qui s’élève en l’occurrence à 11, 2 milliards d’euros. La TVA, l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu ne vous ont pas offert les rendements optimistes que vous en escomptiez. Le déficit public, que vous estimiez à 3 % voilà un an, à 3, 7 % il y a six mois, est désormais ajusté à 4, 1 % sans qu’aucun impondérable extérieur ne vienne le justifier. §

Il serait donc vraiment temps, monsieur le ministre, qu’intervienne le changement de cap attendu à la fois par une part importante de votre majorité et tout simplement par les Français. §Je félicite Vincent Delahaye de soutenir la politique économique, budgétaire et fiscale du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

C’est son droit, bien évidemment !

Pour autant, et même si nous déplorons que ce soit une fois de plus l’écologie qui soit la grande perdante au petit jeu des annulations des crédits de fin d’année, ce n’est pas tant cette loi rectificative qui incarne la politique budgétaire du Gouvernement que le projet de loi de finances lui-même. Ce débat, qui a conduit le groupe écologiste à s’abstenir, nous l’avons donc eu voilà quelques jours.

Traditionnellement, au-delà des ajustements de crédits, le PLFR de fin d’année comporte un long train de mesures fiscales de toutes natures. Et cette mouture ne fait pas exception. Si nous avions eu l’année dernière la mauvaise surprise d’y trouver, introduit par amendement, ce qui allait devenir la surprenante colonne vertébrale des arbitrages budgétaires à venir – je parle, vous l’aurez compris, du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, sur les inconvénients duquel je ne vais pas revenir –, il se trouve que, cette année, – vous n’imaginez pas, monsieur le ministre, le plaisir que j’éprouve à vous l’annoncer – les écologistes sont plutôt satisfaits des mesures que vous nous proposez ! C’est dire si, avec la réforme fiscale qui s’annonce, nous sommes optimistes pour l’année prochaine !

À l’opposé du caractère indifférencié de l’aide aux entreprises que constitue le CICE, les mesures de réorientation de l’épargne que vous nous proposez ici sont ciblées. Certes, nous aurions préféré des critères encore plus précis, qui nous auraient permis de donner un signal fort à toutes les activités parties prenantes de la transition écologique de l’économie et pourvoyeuses d’emplois non délocalisables. Mais orienter l’effort de financement vers les PME et ETI innovantes constitue déjà une mesure positive à l’égard du tissu industriel intermédiaire, trop peu développé en France quand il joue un rôle moteur dans l’économie allemande.

De même, nous sommes très sensibles à la création du statut d’amorçage qui élargit l’avantage fiscal applicable aux sociétés coopératives et participatives, les SCOP, dans le but de favoriser la reprise des entreprises par leurs salariés. Nous avons également noté le soutien apporté à la filière bois, atteinte par la hausse de la TVA, ainsi qu’à la presse. La réforme de la taxe d’apprentissage, en s’engageant dans le sens d’une plus grande régionalisation, fait écho à une préoccupation ancienne des écologistes. Enfin, l’aménagement de la taxe de sortie, l’exit tax, renforce à juste titre la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale.

Dans ce concert de louanges, vous ne m’en voudrez pas, monsieur le ministre, de pointer malgré tout quelques petits différends. Il ne vous surprendra pas que les écologistes ne sont pas favorables à ce que nous mobilisions dès à présent des sommes considérables pour enfouir sous terre des monceaux de déchets nucléaires, alors même que nous sommes dans l’attente d’une loi de transition énergétique, qui pourrait nous apporter des orientations susceptibles de rendre ce projet d’enfouissement inadapté à l’avenir que l’on entend donner à notre filière nucléaire.

De même, vous comprendrez que, dans le contexte actuel, nous déplorions de devoir aujourd’hui rembourser plus de 600 millions d’euros de frais financiers à EDF, simplement parce que les gouvernements successifs n’assument que rarement de faire payer l’énergie à son juste prix – nous en avons eu un nouvel exemple avec le gel du prix des carburants. C’est pourtant la condition sine qua non de la transition énergétique, ce qui n’empêche évidemment pas, par ailleurs, d’apporter des aides spécifiques aux secteurs en difficulté ou déjà en mutation, ainsi qu’aux ménages les moins aisés, qui sont les premières victimes de cette crise écologique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Alors, au total ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Pour me résumer et conclure, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, cher Philippe Marini, les écologistes continuent d’exprimer leur inquiétude quant à la politique de rigueur que vous menez, et dont on commence à constater concrètement l’impact néfaste.

Pour autant, ce n’est pas vraiment là le sujet de ce texte qui, au-delà de quelques divergences anciennes et identifiées, comporte une série de mesures qui nous semblent infléchir profitablement notre droit fiscal. En conséquence, tout en fondant beaucoup d’espoirs sur la concertation à venir autour de la réforme fiscale qui a été annoncée par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault, le groupe écologiste votera en faveur de ce projet de loi de finances rectificative.

M. le rapporteur général de la commission des finances et M. Richard Yung applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative est le seul et unique collectif budgétaire que le Gouvernement aura présenté en 2013.

En rupture avec les pratiques des gouvernements précédents, il nous permet de mettre un terme aux débats et polémiques orchestrés par l’opposition, qui n’a cessé de réclamer, depuis le printemps, le vote d’une loi de finances rectificative.

Preuve est faite aujourd’hui, mes chers collègues, qu’un tel vote ne s’imposait pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Et le vote de quatorze lois de finances rectificatives sous le précédent quinquennat n’a pas démontré que la multiplication des collectifs budgétaires était garante d’une saine gestion des finances publiques.

En effet, si l’on réclame un collectif budgétaire en cours d’année, au nom de la transparence et de la vérité sur le budget de l’État et la trajectoire des comptes publics, peut-être suffit-il, avec un minimum d’honnêteté, de constater que cette exigence de transparence et de vérité a été tellement présente tout au long de cet exercice budgétaire qu’il n’a été nullement besoin de recourir à des lois de finances rectificatives. Cela a été le cas en avril, avec le programme de stabilité budgétaire, en juin, avec le débat d’orientation des finances publiques, et en septembre, avec le projet de loi de finances pour 2014, surveillé par le Haut Conseil des finances publiques, puis, plus récemment, par la Commission européenne !

Ce projet de loi de finances rectificative est remarquable, de par sa cohérence, et de par sa fidélité à la priorité du Gouvernement, à savoir le financement de l’économie, au travers de mesures concrètes et ciblées : la réforme de l’assurance vie pour mieux orienter ce produit d’épargne longue, l’amortissement exceptionnel des investissements dans les PME innovantes pour que celles-ci puissent mieux se développer, l’encouragement à la reprise d’entreprises par les salariés, notamment en créant des SCOP, le soutien des entreprises à l’exportation afin de mieux les armer pour affronter la compétition internationale, le soutien à certains secteurs économiques, comme la construction navale et la filière bois.

J’ajoute, sans entrer dans les détails, que les mesures de simplification de nombreuses règles administratives et fiscales devraient ne pas peser pour peu dans l’allégement de l’environnement des entreprises.

Donc, ce projet de loi de finances rectificative va dans le bon sens. Tournant le dos à la période précédente, faite du creusement du déficit public, du creusement du déficit de la balance commerciale, et du gonflement de 600 milliards d’euros de la dette publique, il soutient les entreprises afin de créer de la croissance, des richesses, et par conséquent de l’emploi.

Le respect de la trajectoire de redressement des finances publiques exprimée dans ce collectif budgétaire traduit bien cette orientation gouvernementale. La priorité du budget 2013 a porté principalement sur la baisse du déficit public : celle-ci a été effective. Dire le contraire est faux !

La dynamique de réduction des déficits a été maintenue : le solde des administrations publiques sera de 4, 1 % du PIB. C’est plus que prévu initialement, mais c’est nettement moins qu’en 2012, où le déficit public atteignait 4, 9 % du PIB, et encore moins qu’en 2011, où le déficit était de 5, 3 %. Si l’on regarde les trois dernières années, on voit que le Gouvernement est sur le bon chemin.

Les objectifs poursuivis confirment par ailleurs le strict respect des engagements de la France en matière de dépenses budgétaires, gage du redressement des finances publiques dans la durée.

En effet, la dépense publique est maîtrisée, et sera inférieure de 3 milliards d’euros à l’autorisation de la loi de finances initiale : il n’y a donc pas de dérapage des dépenses publiques.

L’exécution du budget 2013 respecte les normes d’évolution « zéro volume » et « zéro valeur ». Et si, hors dépenses exceptionnelles, il y a eu progression des dépenses de l’État, celle-ci a été trois fois moindre que le niveau qu’elle a atteint, en moyenne annuelle, de 2007 à 2011 ! Et pourquoi cette progression ? Parce qu’il aurait été inopportun, et même contre-productif, alors même que la conjoncture était déprimée, de pallier de moindres recettes – par rapport à la prévision – par une diminution brutale des dépenses de l’État. Cela aurait eu un effet récessif, et aurait entravé le retour à la croissance.

Les engagements en matière de dépenses publiques se sont traduits par des ajustements de crédits, traditionnels en fin d’année, qui ont permis le strict respect de l’autorisation de dépense donnée par le Parlement en début d’année. Mais un tel résultat n’a été permis que grâce à une gestion budgétaire extrêmement rigoureuse : dès le mois de janvier, le Gouvernement avait augmenté la réserve de précaution de 2 milliards d’euros, cette réserve étant restée gelée tout au long de l’année, pour faire face aux imprévus inévitables en cours de gestion.

Et c’est ce sérieux qui a permis aux ouvertures de crédits inscrits dans le collectif de témoigner de l’action de l’État en faveur de l’emploi, et des dispositifs de solidarité. Les crédits concernant les politiques de l’emploi, l’hébergement d’urgence, les aides personnalisées au logement, l’aide médicale d’État et l’allocation adulte handicapé, s’ils témoignent, malheureusement, des difficultés sociales de nos concitoyens, témoignent, dans le même temps, de l’engagement de l’État en leur faveur. En France, l’hôpital public accueille tous les malades, sans distinction de leur histoire, de leurs papiers ou de leur provenance. Nous devons en être collectivement fiers §et nous rappeler – je le dis pour ceux qui dénoncent la dérive des crédits de l’aide médicale d’État – que plus on attend pour se faire soigner, plus cela coûte cher à l’hôpital public et donc à la collectivité.

Les recettes fiscales sont en progression de plus de 7 % par rapport à 2012, même si elles ont été inférieures à la prévision initiale, pour des raisons principalement conjoncturelles. Il n’y a donc pas d’effondrement des recettes !

Le déficit public se réduit de 15 milliards d’euros, soit 0, 7 point de PIB, du fait d’un effort structurel historique de 1, 7 point de PIB, et malgré une croissance inférieure aux prévisions. Il n’y a donc pas de dégradation du déficit de l’État !

Quant à la dette, le fardeau du gouvernement que nous soutenons, qui a explosé de plus de 900 milliards d’euros en dix ans, force est de constater qu’un an après les choses vont mieux, et que le déficit, s’il n’est pas encore conforme aux critères de Maastricht, est maîtrisé, et a diminué de 15 milliards d’euros grâce à l’action du Président de la République et de son gouvernement !

Mes chers collègues, il est impératif que l’économie française continue de se redresser, comme elle le fait depuis un an et demi, sous la conduite d’un gouvernement qui ne ménage pas ses efforts. La remise à plat de la fiscalité, impulsée par le Premier ministre, devrait pouvoir y contribuer, si cet exercice aboutit à un système fiscal plus simple, plus lisible, plus stable et plus juste.

Toutefois, chers collègues de la majorité, ayons de la mémoire, et soyons fiers d’une chose. Rappelons-nous que nous avons engagé la réforme fiscale dont nous parlons dès la première loi de finances rectificative pour 2012, et ensuite, dans la loi de finances pour 2013. N’oublions pas que, depuis l’entrée en fonction du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, ce n’est pas moins de quatorze dispositions fiscales – je dis bien : quatorze ! – qui ont été adoptées par le Parlement, visant à aligner la fiscalité du capital sur celle du travail – ce n’est pas rien ! –, à ajuster la fiscalité du patrimoine, comme celle des entreprises, à accroître la progressivité de l’impôt sur le revenu, à lutter contre la fraude fiscale, et j’en passe...

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Non, je dis que tout s’arrange, mon cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Rappelons que c’est la commission des finances du Sénat qui a obtenu que le Conseil des prélèvements obligatoires puisse l’éclairer sur l’éventuelle évolution de l’impôt sur le revenu et de la CSG. Nous n’avons donc pas à rougir, contrairement à ce que disent certains à certaines campagnes, d’avoir fait porter l’effort de redressement financier de notre pays en premier lieu sur ceux qui pouvaient le supporter le plus !

Pour toutes ces raisons, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c’est avec détermination et fierté que le groupe socialiste votera en faveur de ce projet de loi de finances rectificative. §

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce collectif de fin d’année est pour nous l’occasion, avant même la loi de règlement, de dresser un premier bilan d’une année budgétaire tumultueuse pour le Gouvernement et durement ressentie par nos concitoyens.

Premier cycle budgétaire complet pour votre majorité, ce rendez-vous nous permet donc de comparer vos résultats, tels qu’ils apparaissent aujourd’hui, à vos prévisions, inscrites dans la loi de finances initiale adoptée à l’automne 2012.

Texte budgétaire après texte budgétaire, monsieur le ministre, vous avez fondé tout votre argumentaire sur la vérité des chiffres. Les chiffres, tous les chiffres, rien que les chiffres, tel est votre credo, assorti, bien souvent d’une comparaison au vitriol avec la période précédente. Eh bien, nous voilà au premier rendez-vous significatif. Nous allons voir quels sont vos résultats.

Et que dire d’autres des chiffres que vous nous présentez, si ce n’est qu’ils sont assez loin, bien trop loin de la prévision, et donc, en tant que tels, qu’ils ne sont pas bons.

Oh ! nous savons bien, les uns et les autres, que la prévision budgétaire est un art difficile, particulièrement en période de crise, en dépenses comme en recettes. Il est difficile de soutenir le contraire. Voilà pourquoi la prudence devrait être le fil conducteur de tout ministre.

Mais à l’été 2012, en préparant le projet de loi de finances pour 2013, vous étiez encore tout à l’euphorie de votre victoire électorale dont chacun se souvient des principaux slogans : la crise, c’est Nicolas Sarkozy, la compétitivité de nos entreprises est à peine un sujet, quant au déficit public, pour le réduire, il suffirait de faire payer les riches. Tel était le triptyque qui, on doit le reconnaître, a fonctionné puisqu’une majorité de Français y a cru.

Le budget 2013 a donc été construit sur ce malentendu avec les Français mais aussi, et c’est bien plus grave, sur une erreur d’analyse de la gravité et des causes de la crise que nous traversons. Non, monsieur le rapporteur général, ce que nous vivons là, ce n’est pas la traduction de la théorie économique des cycles courts que vous avez évoquée en commission des finances, c’est une crise bien plus profonde pour notre économie et la croissance ne reviendra pas toute seule, après une période de pessimisme des investisseurs qui devrait leur passer.

Le Président de la République aura mis six mois avant de reconnaître publiquement, à la télévision, qu’il avait sous-estimé la gravité de la crise. C’était début 2013, mais c’était trop tard, le budget était déjà voté et vous n’avez pas voulu de collectif budgétaire jusqu’à celui-ci.

La prévision de croissance avait donc été fixée à 0, 8 %, ce qui s’est très vite révélé absolument illusoire. Sur la base de cette prévision, vous avez augmenté, sans commune mesure, les impôts et les taxes de toutes natures, en déduisant presque mathématiquement les recettes attendues. On croyait même, à tort manifestement, que vous étiez allé au bout de votre imagination puisque Jérôme Cahuzac déclarait doctement, en janvier 2013 : « La réforme fiscale est faite ».

Les Français pouvaient donc légitimement penser que toutes les injustices avaient été réparées, qu’en 2013 les riches allaient enfin payer pour combler le déficit, que la machine économique, grâce au CICE, allait se remettre en marche, que la croissance reviendrait et que le chômage baisserait.

Chacun ici connaît la suite de l’histoire et peut constater aujourd’hui combien la réalité est différente. Non, la légère croissance espérée – 0, 8 %, ce n’était tout de même pas beaucoup ! – n’est pas au rendez-vous, les rentrées fiscales non plus, le chômage a continué de progresser et les Français ont découvert stupéfaits qu’ils devaient tous être riches puisque tous, ou presque, ont vu leurs impôts augmenter et globalement leur pouvoir d’achat baisser.

Onze milliards d’euros de recettes en moins, par rapport à la prévision, voilà bien le premier chiffre à retenir alors que ce n’est pas celui sur lequel l’attention semble se focaliser le plus. Il est d’ailleurs assez paradoxal qu’en matière d’exécution budgétaire on parle toujours beaucoup de la maîtrise des dépenses, ce qui est très utile, et peu, et moins souvent, de la baisse des recettes ou de la rentrée des recettes, comme si, à partir du moment où les taux des impôts et des taxes étaient votés, le produit attendu était quasiment certain.

Ce collectif budgétaire nous démontre qu’il n’en est rien et c’est bien là que le bât blesse particulièrement cette année.

Alors pourquoi sommes-nous dans cette situation ? Eh bien, je crois qu’on peut le résumer en deux phrases, quitte à être taxé de populiste, mais puisqu’on nous a appris que François Mitterrand disait la même chose… Après tout, monsieur le rapporteur général, oui : « Trop d’impôts tue l’impôt », et « Trop d’impôts étouffe la croissance ».

Pouviez-vous faire autrement ? Bien sûr, mais vous ne l’avez pas voulu. À peine arrivés aux affaires, vous avez supprimé la TVA anti-délocalisation qui aurait eu des effets immédiats pour nos entreprises, dès l’automne 2012, pour la remplacer par le CICE qui aura eu peu d’effets en 2013 et dont le coût est d’ailleurs reporté, par un tour de passe-passe budgétaire, sur l’année 2014 et les années ultérieures. Et finalement vous aurez augmenté la TVA, ce que vous nous reprochiez. On aurait envie de vous dire : « Tout cela pour ça ».

Vous auriez également pu utiliser, de manière plus importante, le levier de la baisse des dépenses. Certes, j’en conviens, c’est difficile et ce n’est pas sans risque. Mais vous nous dites que vous le ferez en 2014 de façon très importante et que vous réitérerez, en allant plus loin, en 2015 et en 2016.

Or, là aussi, vous étiez pris au piège de vos promesses électorales. La RGPP était coupable de tous les maux, alors vive la MAP, la modernisation en douceur de l’action publique, qui d’ailleurs ne contente même pas les responsables du fameux think tank Terra Nova qui viennent d’en dire tout le mal qu’ils en pensent. Alors à quoi bon, monsieur le ministre ? Et puis, à chaque nouvelle contestation, et cela finit par ne pas être neutre budgétairement, le Gouvernement lâche quelques centaines de millions d’euros.

Effort insuffisant sur les dépenses, pression fiscale trop importante, tout cela a bien évidemment pesé sur notre économie et sur les résultats de cet exercice 2013, tels qu’ils se dessinent.

Certes, et c’est tant mieux, le déficit diminue par rapport à l’année dernière, mais on a envie de vous dire « heureusement », monsieur le ministre, au regard de l’augmentation de la pression fiscale ! C’est une bien maigre consolation, qui ne nous permettra pas de tenir les engagements de la France ; le Haut Conseil des finances publiques en tirera d'ailleurs les conséquences.

Pourtant, vous n’hésitez pas à parler de « bons résultats » s'agissant du déficit 2013. Permettez-moi de vous dire que nous ne partageons pas ce point de vue. La loi de finances initiale estimait le déficit à 61, 5 milliards d'euros ; il s’élèvera en fait à 71, 9 milliards d'euros. Cet écart correspond peu ou prou aux 11 milliards d'euros de recettes fiscales en moins, puisque les dépenses sont tenues grâce à la très utile réserve de précaution et aux annulations de crédits, qui ne sont pas toutes sans conséquence ni toutes vertueuses ; j’y reviendrai.

Au total, si l’on prend en compte les rentrées de recettes sociales, qui devraient être en retrait de 7, 9 milliards d'euros, et si l’on y ajoute 1, 9 milliard d'euros de recettes en moins pour les collectivités territoriales, plus de 20 milliards d’euros ne seront pas rentrés cette année. C’est bien le chiffre que notre collègue député Gilles Carrez avait avancé avant l’été. Que n’aviez-vous dit alors ! Malheureusement, nous constatons aujourd'hui qu’il avait raison.

Ce manque de recettes fiscales s’explique bien sûr par une croissance atone, que vous n’avez pas su soutenir. Estimée de manière très volontariste à 0, 8 % en loi de finances initiale, elle atteindra péniblement 0, 1 % ou 0, 2 %, alors que certains de nos partenaires européens feront mieux. Comment s’en étonner et, surtout, comment ne pas y voir, en grande partie, l’un des effets récessifs du matraquage fiscal auquel vous avez soumis les entreprises et les particuliers ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Vous avez choisi de taxer plus, mais la base fiscale se dérobe. L’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu mais aussi la TVA rentrent bien moins que prévu. Nos entreprises, dont le taux de marge est déjà l’un des plus faibles d’Europe, continuent à perdre des parts de marchés, et les Français consomment moins car, pour beaucoup d’entre eux, ils gagnent moins et sont plus taxés ; voilà la dure réalité de cette fin 2013, celle que traduisent les chiffres de ce collectif budgétaire.

Alors, bien sûr, pour relativiser ce constat, vous nous ramenez sans cesse au passé : cinq ans, voire dix ans en arrière. Eh bien, justement, revenons-y. En 2002 – j’aime à le rappeler –, après cinq années de gouvernement Jospin, le déficit budgétaire était de 49, 3 milliards d'euros ; sur sa lancée, il est monté à 56 milliards d'euros en 2003 ; nous l’avons ramené à 34, 7 milliards d'euros en 2007, juste avant la crise. Est-ce de cela que nous devrions nous excuser, monsieur le ministre ? Nous avons réduit le déficit que nous avions trouvé en 2002.

La crise est venue. En 2009, le déficit a plongé à 138 milliards d'euros, sous l’effet d’une chute spectaculaire et inédite de 35 milliards d'euros des recettes de l’État, mais aussi du plan de sauvetage des banques et du plan de relance, que, à l’époque, vous ne trouviez pas assez généreux. Fallait-il le faire ou non ? Auriez-vous fait mieux ? En 2011, le déficit était ramené à 90, 7 milliards d'euros ; en 2012, année partagée, il s’établissait à 87, 2 milliards d'euros. Voilà les chiffres !

Pour ce qui est de la pression fiscale, oui, nous l’avons d’abord diminuée en 2007, avec la fameuse loi TEPA ; vous nous l’avez suffisamment reproché. Cependant, nous l’avons augmentée à partir de 2009, en raison de la crise. Au total, entre 2007 et 2012, la pression fiscale a progressé de 1, 1 point de PIB. Pour votre part, vous l’aurez augmentée de 1, 5 point en seulement dix-huit mois. Et, bien sûr, tout cela se cumule.

Les chiffres sont là : les prélèvements obligatoires représentaient 43, 4 % du PIB en 2007 et 44, 5 % en 2012. Avec ce collectif budgétaire, ils atteindront 46 % du PIB.

Au demeurant, je crois que les Français se moquent de cette bataille de chiffres présentés par les uns et par les autres sous l’angle le plus avantageux. Pour eux, l’année 2013 est l’année de la révolte fiscale, qui flirte dangereusement avec une révolte sociale.

En un an, vous aurez réussi l’incroyable exploit de fédérer contre vous presque toutes les forces vives du pays, qui se sont donné des surnoms évocateurs pour exprimer leur malaise : les « pigeons » pour les patrons de start up, les « poussins » pour les auto-entrepreneurs, les « moutons » pour les travailleurs indépendants, les « tondus » pour les très petites entreprises, les TPE, et les petites et moyennes entreprises, les PME, les « sacrifiés » pour les commerçants et artisans, les « asphyxiés » pour les professions libérales, les « bonnets rouges » pour les Bretons et transporteurs routiers, et enfin les « bonnets orange » pour les exploitants de centres équestres.

En somme, il n’est pas une seule catégorie – ou presque – d’entrepreneurs, c'est-à-dire de créateurs de richesses, qui ne soit saisie par le ras-le-bol fiscal. Au mois de septembre, vous aviez d'ailleurs semblé dénoncer vous-même ce ras-le-bol, monsieur le ministre, ce qui ne vous empêche pas de nous reprocher maintenant de le pointer du doigt à notre tour.

À l’évidence, le Président de la République a au moins tenu une de ses promesses : « Moi, Président de la République, je ne diviserai pas les Français ». Force est de constater qu’il les a rassemblés, mais plutôt contre lui ! Certains sondages estiment que le taux de mécontents atteint 85 %. C’est un record.

Vous avez d'ailleurs battu d’autres records en 2013 : record de la part des dépenses publiques dans le PIB, avec 57, 1 % ; record du taux de prélèvements obligatoires, avec 46, 3 % du PIB au printemps dernier ; record historique du taux d’endettement, que nous partageons avec vous ; record du taux de chômage depuis 1997, avec 10, 5 %. Voilà la dure réalité des chiffres. C'est pourquoi, en vous écoutant, monsieur le ministre, je me suis parfois demandé si nous vivions dans le même pays. Vous nous avez beaucoup parlé de l’avenir – il est vrai que c’est aussi votre rôle –, sans vous attarder sur l’année 2013, mais les chiffres sont là, et les Français ont du mal à les accepter.

Nos concitoyens constatent amèrement, jusqu’au sein même de votre majorité parlementaire, que les promesses de François Hollande se sont envolées comme les feuilles à l’automne. C’est notamment le cas de la promesse d’inverser la courbe du chômage avant la fin de l’année, qui ne sera pas tenue, ou alors à grand renfort de cosmétiques.

Certes, au mois d’octobre, le nombre de chômeurs de catégorie A a baissé de 0, 6 %. Cette évolution serait positive si elle n’occultait une augmentation de 55 900 personnes du nombre de chômeurs pour l’ensemble des catégories A, B, C, D et E. Sur les douze derniers mois, le chômage de longue durée a explosé de 17, 6 % et le chômage des plus de cinquante ans a augmenté de 11, 4 % pour les catégories A, B et C, ce qui suffit à démontrer que le dispositif des contrats de génération ne fonctionne pas.

Les prévisions de l’UNEDIC pour 2014 sont alarmantes : il devrait y avoir 75 600 nouveaux inscrits à Pôle Emploi en catégorie A. Non, la baisse du nombre de chômeurs de catégorie A en octobre dernier n’est pas le signe d’une reprise économique qui se ferait sentir. Elle est essentiellement due à un recours massif aux emplois aidés – près de 600 000 en 2013 –, qui sont des emplois précaires pour leurs bénéficiaires et coûteux pour les finances de l’État. Ce sont ces contrats aidés qui expliquent la baisse du chômage des jeunes, dont on peut certes se réjouir, mais qui n’est pas portée par la croissance, alors que c’est ce qu’il nous faudrait.

Pour en revenir aux dispositions de ce projet de loi de finances rectificative, nous avons l’honnêteté de reconnaître qu’elles ne sont pas toutes négatives. Le texte contient de bonnes mesures, comme les contrats euro-croissance d’assurance vie ou les mesures de simplification qui soutiendront nos entreprises exportatrices. Cependant, le texte contient aussi des mesures que nous ne pouvons accepter.

Nous sommes notamment fermement opposés à la réaffectation d’au moins 55 % de la taxe d’apprentissage aux conseils régionaux ; sans doute est-ce un hasard, mais, à l’exception du conseil régional d’Alsace, ils sont tous dirigés par vos amis politiques… Cette réaffectation se fera au détriment de la liberté d’affectation de la taxe d’apprentissage par les entreprises…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

… et du financement des établissements consulaires de formation. À cause de cette mesure, 10 000 apprentis formés par les chambres de commerce et d’industrie, les CCI, pourraient être sacrifiés, et 10 % des classes des écoles des CCI et des centres de formation d’apprentis, des CFA, pourraient être fermées. Pourtant, le système de formation consulaire est une véritable assurance contre le chômage des jeunes. Les résultats que ces établissements affichent le démontrent : des effectifs en hausse, une reconnaissance internationale et, surtout, un taux d’insertion professionnelle de 90 % dans les six mois suivant la sortie des études.

Par ailleurs, nous ne pouvons que souligner et déplorer certaines ouvertures et annulations de crédits qui correspondent soit à des sous-estimations manifestes de crédits, soit au besoin de financement de décisions que vous avez prises. Dans la première catégorie figurent notamment les crédits supplémentaires destinés aux aides personnelles au logement. Vous me direz que ce n’est pas une nouveauté, puisque c’est la même chose tous les ans ; les chiffres inscrits dans le projet de loi de finances pour 2014 me donnent d'ailleurs à penser que nous y reviendrons à la fin de l’année prochaine. Les crédits destinés à l’hébergement d’urgence sont eux aussi manifestement sous-évalués ; ils devront donc être complétés au dernier moment.

Dans la seconde catégorie, il vous a fallu financer les emplois aidés, la hausse de la masse salariale des fonctionnaires et l’aide médicale d’État, l’AME, qui dérape dangereusement. Le projet de loi de finances rectificative prévoit 600 millions d’euros pour les opérations extérieures, les OPEX, 400 millions d’euros pour la masse salariale de l’État, 230 millions d'euros pour la politique de l’emploi, 100 millions d'euros pour l’hébergement d’urgence, 265 millions d'euros pour les aides au logement et 156 millions d'euros pour l’AME.

Pour trouver les sommes correspondantes, ce sont des budgets pourtant essentiels qui sont mis à contribution, avec notamment 650 millions d’euros d’annulations de crédits pour la défense, ce qui est un vrai paradoxe au moment où l’armée est très sollicitée, 440 millions d'euros pour l’écologie et 278 millions d'euros pour l’enseignement supérieur. Est-ce ainsi que nous préparerons mieux l’avenir ? Nous pouvons en douter.

Voilà, mes chers collègues, les points que je souhaitais soulever lors de cette discussion générale. Vous comprendrez que le groupe UMP ne puisse que voter contre ce projet de loi de finances rectificative pour 2013.

M. le président de la commission des finances applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce moment du débat et à cette heure avancée, beaucoup de choses ont déjà été dites ; je crains donc de ne pouvoir éviter les redites, et je vous prie de m’en excuser par avance.

En préparant mon intervention de ce soir, j’ai relu mon intervention de l’an dernier sur le projet de loi de finances pour 2013. À l’époque, j’avais dit que votre excès d’optimisme en matière de croissance et de recettes frisait l’insincérité, monsieur le ministre. De fait, nous sommes aujourd'hui assez loin du chiffre de 0, 8 % de croissance que vous aviez annoncé. J’avais dit qu’il me semblait préférable de prendre le consensus des économistes, à savoir 0, 5 %, et de lui ôter 0, 5 % par mesure de précaution ; on arrivait ainsi à 0 %. Notre croissance s’établissant finalement à 0, 1 %, ma prévision était plutôt bonne.

Je m’étais également demandé comment on pouvait voter un budget qui surévaluait autant les recettes. Je m’étais interrogé – personne ne m’avait répondu – sur leur croissance spontanée de 3 %. À l’époque, j’évaluais la surévaluation à 8 milliards d'euros. Je me trompais, puisque les recettes étaient en réalité surévaluées de 11 milliards d'euros. Je m’étonne que, malgré la qualité des fonctionnaires de Bercy, nous n’arrivions pas à obtenir d’explications plus précises. Ce chiffre de 11 milliards d'euros représente une baisse de 4 % à 7 % des recettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

J’espère que nous aurons de bonnes surprises dans les quinze prochains jours ; on ne sait jamais…

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Nous devrions avoir des explications plus précises sur cette baisse de 4 % à 7 %. On connaît la formule « Trop d’impôt tue l’impôt », qui a été très souvent employée. La baisse des recettes est-elle également imputable au développement de l’économie numérique, qui échappe à l’impôt ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Avons-nous assisté à un essor de l’économie parallèle, du travail au noir ? Je n’en sais rien, mais il faudrait se pencher un peu plus sérieusement sur la question, afin d’éviter les mauvaises surprises à l’avenir.

À cause de l’optimisme excessif des prévisions, le déficit dérape de 10 milliards d'euros, pour s’établir à plus de 70 milliards d'euros. Tout compris, il se situe même autour de 100 milliards d'euros, monsieur le ministre. Comme l’a si bien souligné M. le président de la commission, notre besoin de financement ne se réduit pas : il atteint cette année 186 milliards d'euros, contre 187 milliards d'euros en 2011. Nous continuons donc à faire appel aux marchés dans des proportions importantes.

Afin d’obtenir que la Commission européenne vous accorde deux ans de plus pour ramener le déficit sous la barre des 3 %, vous lui avez transmis un document intitulé « Une situation en voie d’amélioration ». Je suis désolé, mais je ne vois pas cette amélioration : je ne la voyais pas à l’époque et, malheureusement, je ne la vois toujours pas aujourd'hui. Notre dette continue à grossir de manière très importante ; le rythme est aussi soutenu depuis mai 2012 qu’auparavant. Vous dénonciez l’endettement sous la majorité précédente, mais il ne ralentit pas depuis que vous êtes aux responsabilités. Au contraire, il continue à augmenter : il frisera bientôt les 2 000 milliards d'euros.

Tout cela est assez inquiétant. Or nous ne percevons aucun effort en matière de réduction des dépenses : vous penserez peut-être que c’est une idée fixe de ma part, mais il me semble que nous sommes nombreux à avoir ce genre de préoccupation.

Je ne suis pas le seul à ne rien voir venir. Le club de réflexion Terra Nova, proche de la gauche, a été cité tout à l’heure. Dans un récent rapport, ce club insiste pour que le Gouvernement prenne des mesures énergiques et rapides en matière de modernisation de l’action publique.

On peut en effet avoir l’impression que la MAP, comme l’indique ce rapport, est en fait « une liste à la Prévert de “mesurettes” ou de mesures gadgets ». Ce rapport précise que seuls les ministères de second plan sont visés, qu’aucune réforme d’ampleur n’a véritablement été entreprise en matière de modernisation de l’action publique, alors que le cœur du système est en cause et qu’il faut s’y attaquer en priorité. Nous sommes donc dans l’attente, monsieur le ministre, de mesures fortes en matière de réduction de la dépense publique : c’est dans cette direction qu’il faut avancer.

Si nous examinons de près ce projet de loi de finances rectificative pour 2013, nous y trouvons malheureusement quelque chose que j’avais déjà remarqué dans le collectif budgétaire de l’année dernière, à savoir des cadeaux de Noël. Certes, nous approchons des fêtes de fin d’année, mais il me semble que la famille et les amis sont souvent trop gâtés dans cette période et vous ne faites pas défaut à cette règle.

L’an dernier, l’État avait racheté à la ville de Paris un terrain inconstructible pour vingt-cinq millions d’euros – je m’étais déjà étonné. Cette année, c’est en faveur de L’Humanité qu’un geste est fait, alors que les aides à la presse sont déjà très importantes. L’État abandonne une créance de quatre millions d’euros sur ce journal : c’est l’objet du dernier article de ce projet de loi de finances rectificative.

Mais ce texte recèle de beaucoup plus gros cadeaux. On ne cesse de dire aux Français que les déficits sont importants, que l’État n’a plus d’argent – ce qui est vrai, car il est en faillite ! Or, d’un seul coup, on a pu trouver deux milliards d’euros en faveur de la Bretagne et trois milliards d’euros pour Marseille. On se demande d’où vient tout cet argent. En effet, ces cinq milliards d’euros ne figurent pas dans ce projet de loi de finances rectificative pour 2013. Je ne les ai pas vus non plus dans le projet de loi de finances pour 2014. Pourra-t-on nous expliquer, à un moment donné – j’aimerais bien que vous nous le disiez, monsieur le ministre – où figurent les cinq milliards d’euros que l’on a pu trouver opportunément, en quelques jours, pour nourrir la Bretagne et Marseille. Je ne sais pas si les autres régions vont se réveiller, mais je pense qu’elles y trouveraient un intérêt. L’État parvient à distribuer très rapidement de l’argent qu’il n’a pas : c’est assez surprenant !

Pour conclure, monsieur le ministre, vous avez utilisé une formule qui vous a assez bien réussi sur le plan médiatique, en disant qu’« il ne faut pas ajouter la rigueur à l’austérité ». Pour ma part, je dois avouer que je ne la comprends pas : j’ai interrogé un nombre non négligeable de personnes dans la rue au sujet de cette formule : personne n’est capable de m’expliquer ce qu’elle veut dire. Les Français ne comprennent déjà pas très bien ce que signifient ces deux mots séparément, personne ne risque de comprendre le mariage des deux !

Pour ma part, comme je l’ai toujours dit, je ne vois pas comment on ne peut pas être rigoureux lorsqu’il s’agit de gérer de l’argent public : la rigueur est la première des qualités nécessaires à une bonne gestion de l’argent public. Ce qui me fait peur aujourd’hui, c’est que je ne perçois pas cette rigueur, je ne vois pas d’assainissement des finances publiques.

Nous faisons face à un ras-le-bol fiscal, que vous avez dénoncé vous-même, monsieur le ministre. On a demandé beaucoup d’efforts aux Français et, aujourd’hui, personne n’est capable de leur dire que la situation est assainie. À mes yeux, la condition d’une reprise durable de l’économie française est bien l’assainissement de nos finances publiques. C’est seulement une fois cet assainissement réalisé que nous pourrons repartir à nouveau sur un sentier de croissance durable. Voilà le changement que j’appelle de mes vœux et j’espère que nous en prendrons le chemin, mais, pour l’instant, je ne vois pas ce chemin.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UDI-UC ne votera pas ce projet de loi de finances rectificative.

Applaudissements au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que nous discutons un projet de loi de finances rectificative. Or j’ai entendu de longues discussions, de longs exposés, sur la loi de finances pour 2014. Certes, il s’agit d’un sujet important, mais il me semble que ce n’est pas celui qui est inscrit à l’ordre du jour de ce soir.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

À cela s’ajoute un paradoxe : le Gouvernement est critiqué pour n’avoir déposé qu’une seule loi de finances rectificative. Que n’aurions-nous pas entendu s’il en avait présenté deux, trois, voire quatre ? On lui aurait reproché, au vu de ces révisions permanentes, de ne pas être capable d’établir une prévision budgétaire convenable. Le fait de n’avoir déposé qu’un seul projet de loi de finances rectificative montre plutôt, à mon sens, le sérieux du travail réalisé par le Gouvernement et le sérieux des conditions d’exécution du budget de l’État.

En ce qui concerne l’exécution du projet de loi de finances pour 2013, je vous rappelle – les chiffres ont été donnés, je ne vais pas tous les reprendre – que la Commission européenne, qui surveille tous ces indicateurs, a jugé que la France avait pris « les mesures nécessaires pour corriger son déficit en 2013-2014 » et qu’« elle fondait son analyse sur des déficits structurels qui prennent en compte les effets de la conjoncture, contrairement aux déficits affichés dits nominaux ». Je pense donc que cette déclaration montre que le chemin de notre effort structurel est le bon. Nous avons réduit le déficit de 15 milliards d’euros, voilà qui est bien !

J’aborde maintenant la question de la reprise de la dette de l’ancien Crédit lyonnais. J’y vois, à titre personnel, une mesure de gestion de bon père de famille, monsieur le président de la commission des finances. Je comprends que les taux d’intérêt sont particulièrement bas aujourd’hui et que nous en profitons. C’est une bonne chose pour la France, mais il est peu probable que les taux se maintiennent à ce niveau dans les années à venir. Cette dynamique est déjà visible, notamment, aux États-Unis. Il est donc assez logique d’anticiper cette montée des taux et de prendre par conséquent les mesures qui s’imposent.

L’opposition pose beaucoup de questions et elle est dans son rôle. Permettez-moi cependant, mes chers collègues, de vous rappeler ce que disait le poète René Char : « aucun oiseau ne chante dans un buisson de questions ».

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous sentons bien la présence d’éléments de reprise économique. Celle-ci se fait jour aux États-Unis et dans d’autres régions du monde, mais la croissance reste tout de même atone, relativement faible, en Europe. Nous sommes tous conscients de cette réalité. La Commission européenne a elle-même reconnu qu’elle avait imposé à un certain nombre de pays – vous en connaissez la liste – des politiques qui ont ajouté, pour répondre à M. Delahaye, l’austérité à la rigueur, dans des proportions excessives.

Ces politiques, du fait de la baisse de la dépense publique, aboutissent à une baisse de la consommation des ménages. On a réalisé l’ajustement par le chômage, par l’accroissement du taux de pauvreté et le pouvoir d’achat relatif a baissé, il faut le dire ! En France, la consommation des ménages a baissé de 1 % entre les mois d’octobre 2012 et d’octobre 2013. C’est beaucoup ! Ce n’est pas comme cela que l’on soutiendra la croissance !

Notre politique est en adéquation avec la situation, mais nous sommes sur un chemin étroit, proche de la déflation propre à la « décennie perdue » japonaise – vous connaissez cette déflation : depuis douze ans, les Japonais connaissent une croissance nulle, leur endettement ne se réduit pas et le nombre de créations d’emplois est faible, tandis que le chômage s’accroît. Je pense que nous devons faire très attention à ne pas vivre un scénario de ce type.

Permettez-moi de vous donner un exemple pour illustrer mon propos : la politique que l’Allemagne envisage de suivre. La partie économique de l’accord de coalition, signé il y a à peu près quinze jours, comprend plusieurs mesures importantes de soutien à la croissance économique. Trente milliards d’euros d’investissement publics sont prévus, ce n’est pas rien ! Comme tout le monde l’a souligné, un salaire minimal national, qui se substituerait à des minimas régionaux, doit être créé. Enfin, le droit de départ à la retraite serait établi à soixante-trois ans, pour quarante-cinq ans de cotisation : j’entends d’ici les cris !

J’ajoute que l’Allemagne pratique également, d’une manière assez discrète, une hausse de son impôt sur le revenu : elle promeut la progressivité de l’impôt dans une situation marquée actuellement par une inflation qui n’est pas très forte, mais qui est tout de même significative. Cette hausse, certes discrète, va abonder le budget de l’État allemand d’un surplus de dix-huit milliards d’euros. Comme vous pouvez le constater, les Allemands ont compris comment il fallait faire fonctionner le système et nous devrions nous inspirer de ce modèle.

Je salue l’engagement pris par le Gouvernement en faveur du financement de l’économie réelle. Beaucoup de choses ont déjà été faites : le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, la création de la BPI, la loi de séparation des activités bancaires, la création du PEA-PME. Enfin, tout le monde a approuvé, même si c’est parfois du bout des lèvres, la réforme de l’assurance-vie qui vient compléter cet arsenal : 1 500 milliards d’euros, près des trois quarts de notre produit intérieur brut, sont placés dans divers produits d’assurance-vie. Cette épargne n’est pas orientée comme elle le devrait, c’est-à-dire vers le financement des entreprises et, en particulier, des PME.

Or, comme vous le savez, nous nous trouvons dans une situation dans laquelle l’amélioration des fonds propres des banques les conduit à prêter moins et les entreprises doivent se tourner davantage vers le marché financier. Je pense qu’il s’agit là d’une réponse adaptée, qui permettra de redynamiser en même temps le secteur du capital-risque et du capital-investissement qui dispose déjà d’un florilège de solutions – trop nombreuses à mon goût –, avec les FCPR, les FPCI, les FPCPI, les FIP… : on n’y comprend plus grand-chose. Je souhaite bon courage aux animateurs des sociétés de capital-risque !

Je souhaiterais évoquer enfin la situation de notre commerce extérieur. Le déficit commercial a été réduit d’un milliard d’euros entre septembre et octobre 2013. En octobre 2011, le solde cumulé sur douze mois s’élevait à 73, 6 milliards d’euros ; en octobre 2012, il avait baissé à 67, 5 milliards d’euros ; en octobre 2013, il atteint 60 milliards d’euros. L’amélioration du solde est donc de treize milliards d’euros en deux ans. Même si l’exercice est difficile, il semble bien qu’il se déroule dans la bonne direction. Les deux mesures qui sont proposées dans ce projet de loi de finances rectificative, à savoir l’amélioration de l’assurance-crédit pour les exportations de court terme et le soutien du refinancement des crédits à l’exportation par la COFACE, vont dans ce sens.

Vous comprendrez donc que, pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera en faveur du présent projet de loi de finances rectificative.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 13 décembre 2013, à neuf heures trente, à quatorze heures trente, le soir et, éventuellement, la nuit :

Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2013 (215, 2013-2014) ;

Rapport de M. François Marc, fait au nom de la commission des finances (217, tomes I et II, 2013-2014).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le jeudi 12 décembre 2013, à zéro heure quarante-cinq.