… et en ajoutant même une strate d’administration.
S’agissant des recettes, le rendement de nos impôts décroche par rapport à la croissance du PIB. Mais, surtout, le rendement des impôts dévisse au regard de la forte hausse du taux de prélèvements obligatoires. Vous aviez voté dans la loi de finances initiale 30 milliards d’impôts supplémentaires. Il manque 11 milliards d’euros pour régler les comptes de l’année 2013. Comment l’expliquer ? M. Cazeneuve a rétorqué que cela était dû à des raisons conjoncturelles. Personnellement, j’en doute. Je pense plutôt que c'est le comportement du contribuable qui a changé. C'est bien une réalité malgré toutes vos dénégations officielles : trop d’impôt tue l’impôt, comme le démontre la courbe de Laffer. Nous en avons une démonstration aujourd’hui : 3, 8 milliards d’euros d’impôt sur les sociétés, 5, 6 milliards d’euros de TVA et 3, 1 milliards d’euros d’impôt sur le revenu manquent à l’appel.
Vous avez dit hier, monsieur le ministre, que la Commission européenne vous avait donné un blanc-seing et qu’elle vous avait adressé des encouragements. Elle a tout de même précisé : « Compte tenu des risques qui pèsent sur les prévisions d’amélioration du solde structurel en 2013 et 2014 et de l’écart important attendu par rapport à l’objectif de 2015, la France devrait exécuter rigoureusement le budget 2014 et prendre un ensemble significatif de mesures pour 2015, en plus de celles déjà prévues, afin de parvenir aux améliorations du solde structurel recommandées par la Commission. En outre, toutes les recettes imprévues devraient être affectées à la réduction du déficit. » Ce n’est pas le cas ! Elle ajoute : « Enfin, les autorités sont invitées à accélérer la mise en œuvre de la recommandation budgétaire émise dans le contexte du semestre européen. »
S’agissant des dépenses pour 2013, nous passons de 375, 9 milliards d’euros à 378, 3 milliards d’euros, soit une augmentation de 2, 4 milliards d’euros. Quand on regarde les dépenses publiques de l’État, des collectivités territoriales et de la sécurité sociale, la loi de programmation prévoyait 56, 3 % de dépenses publiques consolidées pour 2013 ; le programme de stabilité estimait ce taux à 56, 9 % ; nous atteignons finalement 57, 1 % en exécution ! Il y a donc un dérapage de 0, 8 %, soit 16 milliards d’euros.
Pour ce qui concerne les rentrées d’impôts, rapprochez-vous, monsieur le ministre, des trésoreries et des mairies ! Elles vous conteront les histoires de ces milliers de Français qui ne peuvent pas faire face aux nombreuses augmentations d’impôts, de l’explosion du nombre de demandes de recours gracieux ou d’échelonnement de paiement.
Vous avez fait jusqu’à ce jour le choix d’une politique à rebours des stratégies d’allégement des impôts poursuivies dans les autres pays de l’Union européenne. On se rend compte que les pays qui nous prennent aujourd'hui des parts de marché sont ceux qui ont fait des efforts, comme l’Espagne.
Face à la colère des Français, M. Ayrault a réagi dans l’émotionnel – sans même vous prévenir, paraît-il ! – en proposant de remettre à plat la fiscalité de notre pays, espérant ainsi calmer une opinion de plus en plus rétive. Cela ne rassure pas nos compatriotes, bien au contraire ! Toutes les classes sociales seront ciblées, elles le savent parfaitement, et leur pouvoir d’achat risque d’être touché une fois de plus. Mais vous continuez bien sûr à évoquer, avec des trémolos, l’exigence de justice.
Ce collectif budgétaire qui aurait pu avoir un rôle de catalyseur de la croissance et de la compétitivité est en fait une loi un peu fourre-tout, sans fil conducteur.
Le fléchage de l’épargne vers l’investissement en actions des PME et des entreprises de taille intermédiaire, les ETI, est une mesure intéressante. Mais avec vous, il faut toujours rester vigilant, car, au final, ce dispositif ne servira pas qu’à financer les PME. S’y ajouteront le logement social et l’économie sociale et solidaire. Pourquoi pas, mais dans quelle proportion ? Tout le monde pensait que les PME devaient être l’objectif prioritaire pour cette épargne fléchée ; votre décision ne nous paraît donc pas suffisamment réfléchie.
Selon le baromètre publié mardi par Euler Hermes, numéro 1 de l’assurance-crédit en France, une entreprise sur cinq envisage une augmentation de ses investissements en 2014. La situation est encore plus tendue pour les entreprises de taille intermédiaire, pour lesquelles le rapport est de une sur six. Selon cet organisme, « cette prudence extrême sur les investissements semble être le chaînon manquant d’une vraie reprise en France en 2014 ». Il ajoute : « Leur niveau de marge n’a jamais été aussi faible depuis vingt-cinq ans. »
Vous évoquez, monsieur le ministre, la simplification. Mais s’agissant de l’amortissement fiscal de cinq ans des investissements réalisés dans les PME innovantes, pourquoi les soumettre à une obligation de « labellisation » par la Banque publique d’investissement ? En réalité, vous ajoutez de la complexité. La BPI est-elle vraiment capable de distinguer les PME innovantes et performantes ?
De même, quelle est la cohérence quand vous dites vouloir encourager l’apprentissage et atteindre les 500 000 apprentis et que, parallèlement, vous supprimez l’indemnité compensatoire de formation pour les entreprises de plus de dix salariés et divisez de moitié celle qui sera accordée aux petites entreprises ?
Ce ne sont pas les contrats d’avenir qui permettront à nos jeunes d’acquérir des compétences et un diplôme.
Monsieur le ministre, vous êtes désormais largement coresponsable du désastre économique dans lequel nous nous trouvons. Notre croissance pour 2014 demeure en réalité imprévisible. Elle sera au minimum de 0, 9 % contre 1, 4 % en Europe. L’Allemagne, avec un taux de chômage de 5, 2 %, fait deux fois mieux que nous. Où en sont concrètement les projets de réindustrialisation ? Qu’est devenu le projet stratégique présenté par M. Gallois il y a pratiquement un an ?
La reprise de la dette de l’EPFR, l’établissement public de financement et de restructuration du Crédit lyonnais, par l’État pour un montant de 4, 48 milliards d’euros remboursable le 31 décembre 2014 relève de l’ingénierie financière. Il restait deux emprunts et il n’y a plus d’actifs. Vous transformez ainsi une opération budgétaire en une opération de trésorerie.
Ce projet de loi de finances rectificative comporte une bonne mesure : l’incitation à réorienter les contrats d’assurance vers l’économie réelle. Néanmoins, vous n’avez pu vous empêcher d’y introduire quelques taxes et prélèvements et d’ajouter de la complexité.
Au final, ce texte ne fera qu’aggraver la dette de l’État, faute de réformes structurelles courageuses attendues par vos prêteurs et par les Français. §