En tout cas, cela revient, au détour d’un amendement intervenu fort à propos – quelles qu’aient été les conditions dans lesquelles il a été adopté –, à organiser la « casse » du statut de l’AP-HP, sans aucune discussion préalable avec les partenaires sociaux.
Madame la ministre, cet article prévoit de supprimer ce qui restait du statut particulier de l’AP-HP, c’est-à-dire d’en finir avec l’autonomie de décision concernant l’état prévisionnel des recettes et des dépenses, dans le seul but de placer chacun de ses établissements dans un rapport de soumission aux agences régionales de santé.
Il faut dire que le régime actuel, qui prévoit que le budget de l’AP-HP est le fruit d’une négociation menée au sein du conseil de tutelle, réunissant votre ministère, celui de la sécurité sociale, celui du budget et le directeur de l’ARH, est clairement incompatible avec votre projet de soumission des besoins de soins à l’offre de soins.
Il est en effet impossible de maintenir un système qui fait que le budget des hôpitaux de Paris est négocié, alors que, dans le même temps, vous imposez partout en France une organisation dans laquelle les établissements publics de santé verraient leurs budgets décidés par le directeur général de l’ARS, dans le seul but – par ailleurs revendiqué – de diminuer les dépenses hospitalières et de résorber mécaniquement les déficits.
L’organisation actuelle des hôpitaux de Paris est incompatible avec votre logique de marchandisation de l’offre de soins. Elle repose sur un principe contraire à votre projet de loi : la solidarité des établissements entre eux, c’est-à-dire des territoires entre eux, ou, pour être plus claire encore, la recherche d’une organisation régionale de l’offre en santé hospitalière qui prenne pleinement acte des disparités dans les villes et des réalités sociales. Avec ce système, nous sommes naturellement loin de la logique libérale.
Madame la ministre, vous avez cru bon de dire que la gauche était opposée au statut particulier de l’AP-HP, alors que la droite y était favorable. Le groupe CRC-SPG n’a, pour sa part, jamais été favorable au nivellement par le bas auquel nous assistons, dû à votre volonté de supprimer tous les aspects positifs du statut particulier de l’AP-HP.
Depuis 1849, l’AP-HP soigne chaque année des millions de malades dans toute l’Île-de-France, à tel point que l’offre publique représente dans cette région plus de 50 % de l’offre de soins, quand elle n’est pas, dans certains départements spécifiquement marqués par une population à très bas revenus, la seule structure de soins qui à la fois soit pluridisciplinaire et offre un hébergement.
Chacun s’accorde à dire qu’il y a pléthore de médecins à Paris. C’est ignorer qu’il y a malheureusement deux populations dans la capitale. Or deux tiers des spécialistes et la moitié des généralistes exercent en secteur 2. Si, pour certains, la médecine libérale est adaptée, pour d’autres, les plus démunis, ceux qui ne peuvent se payer cette offre de soins, qui est fort chère, la seule solution reste l’hôpital.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que, à Paris, la consultation d’un spécialiste coûte rarement moins de 60 euros, et souvent autour de 80 euros.
L’offre de soins pour les plus démunis n’est donc pas satisfaisante ; c’est dire l’importance de l’AP-HP pour les Franciliens, mais aussi pour l’ensemble des malades de notre pays, puisque 10 % des personnes soignées au sein de l’AP-HP ne sont pas issues de la région parisienne. Elles viennent parfois de très loin pour bénéficier des compétences particulières acquises au fil des années par certains établissements, notamment pour ce qui est des maladies rares ou des pathologies les plus lourdes.
Tout le monde le sait, personne ne peut aujourd’hui affirmer le contraire, les hôpitaux de Paris contribuent, de par leurs savoirs spécifiques et la qualité des équipes qui les composent, à tirer toute la médecine française vers le haut. Je ne prendrai qu’un exemple : 50 % des publications scientifiques et médicales publiques proviennent de praticiens ou d’une collaboration avec des praticiens exerçant dans l’un des 38 établissements publics de la région parisienne.
Nous ne pouvons pas accepter un nivellement par le bas de tous les hôpitaux. Essayons au moins de sauvegarder ce que nous avons de plus prestigieux, c'est-à-dire des hôpitaux qui assurent non seulement les soins et la recherche, mais aussi l’accueil des plus démunis. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 8 bis.