Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’AP-HP, instituée par la loi du 10 janvier 1849, est une entité bien particulière, riche de plus d’un siècle et demi d’existence. Elle se singularise tout d’abord par son étendue : 37 hôpitaux, 720 services, près de 23 000 lits. Elle n’embrasse pas toute l’Île-de-France, puisqu’elle regroupe, certes, 80 % des établissements parisiens, mais seulement 50 % des établissements de la région. Pour ne prendre qu’un exemple, l’Institut Gustave-Roussy de Villejuif, qui est très connu, ne fait pas partie de l’AP-HP.
Certains de ces établissements sont même situés dans d’autres régions, y compris dans le sud de la France, à Hyères et à Hendaye, ou, dans le Nord, à Berck-sur-mer.
L’AP-HP emploie près de 20 000 médecins et étudiants en médecine et plus de 70 000 autres agents, infirmiers, aides-soignants, administratifs. Pour autant, le personnel administratif ne représente que 10 % de la totalité des effectifs et l’administration centrale à peine plus de 1 %, puisque le siège de l’AP-HP compte actuellement 1 000 agents environ. Ce siège fait actuellement l’objet, sous l’impulsion du directeur général, qui vient de Lyon, d’ailleurs, d’un plan prioritaire de modernisation qui tend à réduire le nombre d’agents dans le cadre d’un recentrage de l’activité sur la stratégie de l’établissement et les fonctions d’expertise.
Le budget annuel de l’AP-HP avoisine les 6, 5 milliards d’euros. Les comptes présentent un léger déficit annuel, de l’ordre de 95 millions d’euros pour 2009 – je sais que ce chiffre fait débat –, mais ils devraient revenir à l’équilibre à l’horizon de 2012, ce dont il faut se féliciter.
Lorsque je siégeais encore au conseil d’administration, j’avais d’ailleurs trouvé excessive une augmentation du coût des pharmacies des hôpitaux de 25 % et je m’étais rendu compte que ces hôpitaux n’étaient même pas informatisés. Depuis, la situation a évolué et, en dehors de ces problèmes de gestion, tout le monde s’accorde à dire que la stratégie de la direction de l’AP-HP est satisfaisante dans ce domaine.
L’AP-HP prend surtout une part déterminante dans la recherche médicale française : elle accueille 112 unités de l’INSERM ainsi que 30 unités de recherche du CNRS et elle est le premier centre d’essais cliniques de France. Liée à sept facultés de médecine, représentant 40 % des CHU français et 50 % de leurs publications, elle ne compte que pour 10 % de l’offre de soins publics dans notre pays. Elle a 68 centres labellisés « maladies rares » sur les 132 centres labellisés au niveau national.
Formant chaque année de 700 à 800 professeurs étrangers, elle est le fer de lance de la médecine française à l’étranger. Elle mérite bien son titre de « plus grand centre hospitalier universitaire d’Europe », et peut-être du monde, madame la ministre !
J’ajoute que l’AP-HP occupe la place de premier promoteur institutionnel français en assurant la promotion de plus de 100 nouvelles recherches biomédicales par an.
Le poids de l’AP-HP dans la recherche médicale française a été souligné dans le rapport sur les CHU que vient de remettre Jacques Marescaux au Président de la République. L’AP-HP développe en effet beaucoup de projets innovants, tels que le cyclotron de l’hôpital Saint-Louis ou la fondation « Imagine » au sein de l’hôpital Necker-Enfants malades, qui est la référence mondiale en ce domaine.
Madame la ministre, au cours du débat de la semaine dernière, vous avez fait une remarque qui a occupé mon week-end ! Vous avez en effet déclaré que l’on ne savait pas si l’AP-HP se montrait performante grâce à ses structures ou malgré elles. C’est donc à une interrogation légitime sur les grandes structures que vous nous conduisez. Je vais essayer de vous répondre en prenant des exemples.
Si l’AP-HP était considérée dans son ensemble, on n’aurait pas à constater qu’aucune faculté de médecine parisienne ne figure dans les soixante-quinze premières places du classement de Shanghai des universités enseignant cette discipline. Lorsque ce classement est paru, les services de Gilles de Robien, à l’époque ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, en étaient arrivés à la conclusion que, en reprenant les critères utilisés par l’université de Shanghai, les universités parisiennes, si certaines d’entre elles étaient regroupées, se situeraient dans les cinq premières de ce classement !
En créant, en 2003, quatre groupements hospitaliers universitaires et en regroupant les CHU de façon géographique, l’AP-HP a démontré qu’elle avait déjà intégré cette nouvelle logique.
Je prendrai un autre exemple illustrant la nécessité de créer de grandes structures, qui ne concerne pas la recherche médicale.
Savez-vous, madame la ministre, mes chers collègues, que le plateau de Saclay est d’un poids scientifique comparable à celui de la Silicon Valley, et peut-être même plus important ? Si une structure commune pouvait tout regrouper, quelle force cela représenterait ! Mais qui le sait ? Qui ressent le besoin de créer ces grandes structures, comme l’AP-HP, à la taille du monde moderne ? Eh bien, c’est le Président de la République, Nicolas Sarkozy, qui a compris cette nécessité. Il vous a d’ailleurs répondu indirectement, madame la ministre, dans son discours fondateur du 29 avril sur le projet du Grand Paris.
Pour aborder la compétition mondiale, nous ne pouvons plus être dans un débat sur le rééquilibrage entre Paris et le « désert français ». Nous ne sommes plus dans un lissage napoléonien de toutes les régions françaises.
Il ne faut pas aborder la question avec une logique de sous-préfet en n’y voyant qu’un enjeu régional pour l’Île-de-France. Ce qui est en jeu, c’est le rayonnement mondial de la France dans le domaine médical et la sphère scientifique. Le maintien du statut dérogatoire de l’AP-HP s’inscrit dans cette logique du Grand Paris.
En tant que membre du conseil d’administration de l’AP-HP, j’ai souvent assisté à des réunions avec le personnel, les CME, les administratifs, sous l’autorité d’ailleurs de M. Alain Lhostis, adjoint au maire communiste de la ville de Paris. Qu’est-il ressorti de ces réunions ?
Nous n’en avons pas tellement parlé dans ce débat, mais nous le savons tous : les stratégies médicales futures seront de moins en moins génériques et de plus en plus personnalisées, j’allais dire presque individuelles. Cela signifie un accroissement des coûts. C’est la raison pour laquelle je soutiens la réforme que vous proposez visant à contrôler les dépenses, madame la ministre. Néanmoins, rien n’empêche d’inscrire cette réforme dans une réflexion plus large, notamment en prenant en compte l’intérêt d’une recherche de plus en plus compétitive nécessitant des structures idoines, comme cet énorme porte-avions de la recherche médicale qu’est l’AP-HP.