Intervention de Philippe Dallier

Réunion du 13 décembre 2013 à 10h00
Loi de finances rectificative pour 2013 — Article 7 ter nouveau

Photo de Philippe DallierPhilippe Dallier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 7 porte réforme du régime de l’assurance vie en vue d’une meilleure contribution au financement de l’économie. Nous l’avons dit lors de la discussion générale et ce matin, nous sommes assez favorables à ce principe. Pour autant, l’une des caractéristiques de cet article 7 ter est sa concision, qui n’a d’égale que son injustice fiscale et son incongruité juridique.

En effet, il vise à incorporer dans l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune la créance que le souscripteur détient sur l’assureur au titre de contrats ne comportant pas de possibilité de rachat durant une période contractuellement fixée. Or, fondamentalement, qu’est-ce qu’une assurance vie ?

Dans la majorité des cas, c’est une assurance qui combine une assurance en cas de vie et une assurance en cas de décès : l’assureur s’engage, en échange d’une prime unique ou de primes échelonnées, à payer une certaine somme, soit à l’assuré lui-même, s’il est vivant, soit à ses ayants droit, s’il est décédé. Il ne s’agit donc pas d’une assurance mixte, mais d’une assurance alternative – et non cumulative – qui combine deux risques contradictoires dont un seul se produira : le décès ou la survie. Si l’assureur paie à l’échéance le capital convenu au tiers bénéficiaire, il s’agira d’une opération de prévoyance. Dans le cas contraire, celui dans lequel l’assureur paie au souscripteur, il s’agira d’une opération d’épargne. Juridiquement, et contrairement aux contrats de capitalisation, l’opération est dotée d’une condition qui est, par définition, aléatoire.

Donc, avant la réalisation de la condition, il n’existe qu’un droit en germe qui n’a pas encore, si vous me permettez l’expression, « choisi son camp ». Comment, dès lors, taxer le souscripteur alors qu’il n’est pas propriétaire de la créance ? Il l’est d’autant moins qu’il s’agit de contrats qui n’offrent pas la possibilité de rachat, celui-ci étant normalement le moyen pour le souscripteur, avec l’aval du bénéficiaire, de faire échoir, avant la réalisation de la condition, tout ou partie de la créance – et donc, de la faire basculer du côté de l’épargne.

Par cet article, vous taxez quelqu’un sur une somme qui ne lui appartient pas encore, et qui ne lui appartiendra peut-être jamais !

Voilà pourquoi le Conseil constitutionnel n’acceptera probablement pas la prise en compte de revenus dont le contribuable n’est pas propriétaire ; ce serait en contradiction directe avec l’exigence de prise en compte des facultés contributives des redevables.

Nous voterons donc contre cet article.

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